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JadeWeb
chroniques #10
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CAVIL
Laughing in the morning (Acétone/ Pop Lane)
Rendue
obsolète par une décennie de travail de bureau, la main
de Cavil revient à la vie dès lors qu’elle se trouve
à portée d’une guitare. Ami et confident de Gnac et Quigley
(The Mongolfier brothers), il a su faire son deuil de sa timidité
et sortir de l’ombre, enfin s’exposer au monde. C’est une fois encore
Acétone, label au nez fin dans le domaine des perles pop qui lui
offre l’occasion de dévoiler les plus confinés sentiments
qui l’habitent, les parts de mystère sur lesquels il lève
le voile.
On
est touché par sa poésie, son humanité, sa sensibilité
à faire des bribes du quotidien de belles et subtiles litanies.
La patine du temps dissimule à la longue les bas-reliefs de nos
désirs, de nos peurs. Cavil oxyde ce dépôt, fait sauter
cette couche.
C’est
dans la sobriété la plus nue, la plus désintéressée
que cet album a été enfanté. Cavil porte chaque parole,
chaque note, chaque mot comme si sa voix pouvait s’éteindre subitement.
Le
dénuement des textes, leur charge émotive, l’aspect vulnérable
des compositions, les vertus mélodiques de l’ensemble confèrent
à cet album une place privilégiée, exclusive, aux
côtés de Dominique A et Bill Pritchard, frères de
sons de Cavil, quitte à délaisser un temps les incontournables
de sa discothèque, quitte aussi à voir sa sensibilité
défaillir. Neuf oraisons funèbres d’une grande beauté.
JJ.
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CAMPING
CAR s/t
(Travaux
Publics)
C’est
armé d’une lotion solaire indice 42, d’une bonne paire d’espadrilles
bleu délavé ; propice à la déambulation
dans le village de tentes et d’un corollaire de détails touchants :
des poils pelviens du voisin sur la savonnette commune jusqu’aux rations
de frites tièdes au self du camping, que doit s’appréhender
ce premier jet créatif de Camping Car, duo dévoué
au farniente estival et à l’inaction résolue.
Six
titres comme autant de cartes postales sonores de ce à quoi devraient
ressembler toutes bonnes vacances qui se respectent : de la baise
au fond de la caravane à l’absorption irraisonnée de Ricard
par 40° Celsius et le soleil au zénith.
Et
de nous rappeler que le concept du camping car se résume
à cette articulation simple mais ô combien réfléchie :
avoir partout avec soi sa maison / se sentir chez soi partout.
Chemin
faisant, Camping Car devient à son corps défendant l’ambassadeur
de charme d’une culture de masse ou l’on n’omettra pas de mentionner l’éventail
des accessoires qui accompagne ce disque : Parasol, tongs tricolores,
Ricard, pliant, RTL, pétanque, grosses têtes, bronzage camionneur,
tour de France, bière chaude et gros beaufs. À cet inventaire
pictural à la Prévert se soustrait un inventaire plus intime,
évocation jouissive et dansante des congés, à cheval
entre les productions de Console, la hargne communicative de Peaches voire
Cheeks on speed, de spoken words à la Sophie Calle, d’easy-listening
nostalgique, d’une voix grave à la Jeanne Moreau, d’électro
cheap et engageante, de bossa nova languissante, sans oublier les solos
de synthé pourraves, Blondie, Portishead, Jackie Quartz, Lali Puna…
le tout sur fond de duos à la Élie et Jacno.
Fraîcheur,
provocation et diabète… Sea, sex and sun…
Six
morceaux pour six tubes, soit le sans faute absolu du petit label qui
monte, qui monte, le bien nommé Travaux Publics.
JJ.
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POST
OFFICE Telegraph (Logistic records/La Baleine)
Même
si Post-office se révèle une compilation intéressante
à bien des égards on est face à un manque total de
lisibilité de la thématique, qui perturbe, puis finit par
déstabiliser. Chacun des intervenants s'embrigade dans un dédale
de détails, de faux-fuyants qui laissent un peu perplexe.
On
passe ainsi d’un morceau house à un élan de pure électronique,
d’une vague techno de Détroit, on retombe sur un morceau lounge.
Etc. Une auberge espagnole de style qui gagnerait un peu à être
ordonnée. Mention spéciale à Ark et aux vieux DJ’s.
Avec
Ark, Akufen, Ben Nevile, cabane Daniel Bell, Ricardo Vilalobos, Robert
Hood.
JJ.
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DAVID
WHITAKER The David Whitaker songbook (Tricatel/ Wagram)
Les
historiens incarnent la mémoire trop courte des hommes. C’est sans
doute la réflexion qu’a dû formuler Bertrand Burgalat en
allumant son poste radio un matin d’été 94, en découvrant
les arrangements de David Whitaker pour le Rolling Stone song’s book,
spoliés par les gringalets de The Verve à l’occasion de
leur tube. Quelques procès et années plus tard, les animosités
semblent s’être assagies et les choses rentrées dans l’ordre,
si ce n’est, si ce n’est que David Whitaker n’a jamais fait l’objet d’un
hommage à la hauteur de son talent.
Le
compositeur évoluant toujours dans l’ombre, confortable réconfort
pour un homme qui nous avait tant habitué à la discrétion.
Chef
d’orchestre et arrangeur, l’orientation professionnelle, passionnelle
de Whitaker a semble-t-il trouvé deux orientations au cours de
son existence : un axe symphonique, majeur, atemporel, bâti
autour d’orchestrations luxuriantes de films à la manière
de John Barry / Maurice Jarre / Ennio Morricone où les sections
à cordes viennent tirailler les sections à vents.
À
bien y réfléchir, jamais auteur n’aura su lier avec une
telle cohésion intensité visuelle et tension auditive, la
composition devenant le temps d’une séquence l’écho de l’image,
son reflet fidèle.
Un
autre axe, plus en osmose avec son époque, marqué par les
harmonies de son temps, lui aura offert la promiscuité de grand
noms de la musique. De Nico à Lee Hazelwood, de France Gall aux
Stones, en passant par Air et Long Cris, tous auront trouvé dans
ce compositeur un serviteur révérencieux de leur talent,
un gardien de l’identité de leurs morceaux.
Deux
facettes complémentaires d’un talent hors normes. MAGNIFIQUE.
JJ.
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INFORMATION
Biomekano
(Rune Grammophon/ECM)
Ash
int avait déjà affranchi Disinformation, c’est à
présent au tour de Rune Grammophon de dévoiler Information.
Biomekano
est l’aboutissement technique, intellectuel, auditif d’un travail entamé
sur Artifacts et successor, projet exaltant oscillant entre
musique et hasard, paru sur l’intègre label Tromso beat Service,
du nom de la ville qui les a vus grandir.
Pour
communiquer, il suffit d’être deux ; de ce constat enfantin,
ils ont construit une vaste imagerie complexe, bâtie de manière
exclusive autour de l’électronique. Plus appropriée que
le terme galvaudé d’ambient-arctique, leur musique, d’expression
atmosphérique rappelle de façon plus claire l’aurore boréale,
scène isolée de chaleur et de beauté abstraite au
centre d’une aridité froide.
Les
deux compositeurs ont sans doute dû tracer une diagonale et partager
ainsi une culture en mouvement, technologique, qui trouve une épaisseur,
une profondeur de circonstance dans l’approche environnementale de leurs
sons, échos lointains des régions où ils vivent.
Auparavant, la culture se transmettait par le biais de contes, historiettes,
racontars, le chant est à présent instrumental.
Information
compose une pièce riche de détails, subtilement isolationniste
à mi-chemin entre les trames sonores de Phonophani et la tension
de Biosphère. Paradoxe, c’est dans la rétention des données
que les compositions étirées acquièrent le plus splendide
des mutismes, un autisme spectral.
Rune
grammophon, dernier conteur électronique ?
JJ.
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DELAY
MAKES ME NERVOUS
V/a (Karaté-Joe/
Metamkine)
Tout
d’abord, ne pas se fier à l’effet d’annonce du titre, faussement
trompeur quant à la musique dispensée au sein du disque…
point de delay à foison sur cette compilation. Pour tout avouer,
c’est davantage un autel à la musique électronique et/ou
expérimentale qui est ici mis en avant, fomenté par divers
artistes, en résidence à Vienne, siège social du
jeune label Autrichien Karaté-Joe.
La
question électroacoustique est à la source des onze interrogations
présentées ici par des artistes tels que Olivier Grim, Thermodynamic
Superstar & his gardeners, Gilbert Handler, Jakob Polacsek, F Bogner,
etc. Les modes de création évoquent, selon la sensibilité
et le tempérament de chacun des participants un détail du
large spectre de la musique électronique, qu’il prenne la forme
de programmation environnementale, d’espace syncrétique, de soundfield
brumeux ou de steppes ambiants. La sincérité est l’acte
de foi de l’ensemble des projets accueillis, où circulent vitalité
et authenticité comme autant de spores disséminés
par le vents.
Une
compilation foisonnante d’idées, qui porte un regard inédit
sur cette frange de musiciens et compose une entrée en matière
privilégiée pour le label. Pour les amateurs de Tourette
rec ou scd, voire Trente Oiseaux.
JJ.
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V/a
LEAF Lost for words (Leaf/Chronowax)
Cette
audition surprise permet rétrospectivement de saisir les évolutions
majeures du label et de faire, avouons-le à peu de frais, son tri
préliminaire au milieu de cette foisonnante poignée d’artistes.
Faisant
suite au Osmosis, sorti à l’été 99, Leaf
met les bouchées doubles pour convaincre si c’était encore
nécessaire, de la prolixité de ses poulains. Les compositions
font la chasse à la mélodie, mettent en branle cette partie
du cerveau, l’hypophyse, où se jouent les rêves, actionnent
les interfaces nerveuses commandant nos jambes.
L’analyse
révèle deux grandes approches dans la démarche du
label agissant chacune sur l’autre, en interaction continuelle et avec
une réciprocité maladive.
Approche
mélodique tout d’abord résumée dans le parfait morceau
Hana de Asa-Chang & Junray, lente digression de violon et de
voix synthétique, puis chez Murcof (électronique spectrale
wong-karwaienne) Susumo Yokota (atmosphères traditionnels), Gorodisch
ou A small Good thing.
Libération
rythmique pour Boom bip & doseone (lignée blackalicious-Latyrx),
Manitoba, The sons of silence et son morceau de grind hip-hop fantomatique,
Eardrum (percussions obsédantes remixé pour l’occasion par
les Sofa Surfers) et 310.
Une
compilation exemplaire, à l’image de ce label éclectique
et intelligent. 20/20.
JJ.
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SOGAR
Stengel (List /limonade/metamkine/amanita)
List
continue d’édifier méticuleusement une cathédrale
sonore cristalline, dont les harmonies transparentes singent le silence,
tronquent les distances et ricochent sur les parois en échos sans
fin.
Sogar,
présent sur la compilation introductive du label ne relâche
pas son addiction pour les résonances analogiques, prolongeant
sa recherche sur les signaux et les interférences plus en amont.
Allemand
de son état, Jürgen Heckel a déjà dessiné
l’épure d’un album sur 12K (label de Taylor Deupree). Cet album
vient confirmer tout le bien qu’on pensait de lui.
Les
constructions fragiles suggèrent tout juste un détail, à
la manière du Mort aux vaches de TV Pow (Staalplaat), par
infiltrations fugaces, touches fugitives, oscillations vertigineuses.
Ses travaux, très évanescents, éphémères,
caressent les mêmes rêves de translucidité que Richard
Chartier (en plus symphonique) ou Pimmon (en plus mélodique). Très
beau.
JJ.
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KAT
ONOMA Live à la chapelle (dernière bande (unltd)/Wagram)
CADIOT/BURGER
Hotel Robinson (dernière bande/Wagram)
Je
n’ai jamais été conquis par les charmes de Kat Onoma,
même si les projets attenants de Rudolph Burger me caressaient fréquemment
l’oreille.
On
retrouve dans ce live une bonne part de ce qui enivre les amateurs du
groupe : voix profonde et posée, musique lancinante, mélodie
triste et éplorée ; Kat Onoma aime la nature simple
des choses, leur humanité ; un festival discret, quelques
vallons fleuris, des rencontres, du partage, la nature comme amphithéâtre
et un village des Cévennes. Sincérité, simplicité
et profondeur, voici la démarche artistique de ce groupe.
Enregistré
à la chapelle de Saint-Pierre sur L’Hâte (Sainte Marie aux
mines), ville natale de Rodolph Burger et de Pascal Benoit.
Burger
trouve ici tout les stigmates du prêcheur, la stature imposante
de l’homme d’expérience.
L’ambiance
est feutrée, la musique laisse deviner la chaleur des bougies et
les yeux émerveillés du public composé pour sa majorité
de gens du village, d’anciens et de descendants d’ouvriers. Lou Reed,
fait même un bref passage dans la chapelle, son Over You
emplissant chaque abside, chaque contrefort de l’édifice religieux.
Les
plus patients pourront entendre une reprise free rock spatiale désincarnée
de Radio Activity en fin de plage 10.
Beaucoup
moins liturgique, l’hôtel Robinson du duo Burger & Cadiot
mélange les arrangements "rock" consacrés de Kat Onoma à
des intermèdes dignes de Dominique Petitgand. Bâti sur le
même principe que son prédécesseur, L’île de
Batz sert de théâtre à la composition, les habitants
devenant acteurs au sein des mélodies. On retrouve toujours l’attachement
des deux auteurs à l’écriture et aux écrivains, notamment
Gilles Deleuze et Henry Miller. Un peu d’électronique (Cheval-mouvement),
des textes personnels et la voix de Burger … Un peu lourd à digérer
à mon goût.
JJ.
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MY
LITTLE CHEAP DICTAPHONE Music drama
(Soundstation/ Discograph)
On
serait en droit de deviner dans ce projet toutes les promesses d’une pop
low-fi ficelée anarchiquement à la simple évocation
du nom.
Affecté,
on l’est certainement, par la surprise de découvrir une musique
travaillée, amplifiée, belle, étrange, arrangée,
instrumentée, pleine de références historiques et
de clins d’œil.
Ça
commence comme un générique d’Ed Wood ou des frères
Barron ; puis on découvre la voix enfumée de Redboy
et les lignes de guitare assassine du projet.
Une
ambiance obscure et sépia, où flottent du Theremin et des
voix ukrainiennes, les Flaming Lips et Black Heart Processions, Sparklehorse
et Pram, de l’électronique post-nucléaire et des mélodies
folks ultra sensitives (So sorry today).
La
complexité des approches, la diversité des angles d’attaque
dans la composition créent une multitude d’images et de sensations
dont le fil d’Ariane reste le traitement du son irréprochable de
Mike Mogis, musicien à part entière du projet. Un projet,
dont l’approche artistique, le visuel évoquent un grand écart
entre Baxendale et Krafwerk. Quatorze titres qui trouvent un subtil baisser
de rideau en la présence de ce Silencio fantomatique.
Si
la musique est un drame, My little Cheap Dictaphone s’offre l’une
des très belles tragédies de cette fin d’année.
JJ.
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COLLECTION
OF COLONIES OF BEES Face a (Crouton/
Metamkine)
Collection
of colonies of bees n’emprunte pas autant au monde apicole que le laisserait
penser la désignation succincte du collectif. Certes ce Face
a nous plonge par touches et nuances dans un monde où les bourdonnements
et les vibrations ont la part belle. Cependant, il exprime également
la quiétude et l’apaisement des immenses lanscapes et des larges
espaces pastoraux.
Extraits
de travaux antérieurs, cette œuvre délicate agence ses frontières
autour de la recherche et de l’improvisation nourrie de folk. Elle effleure
nos souvenirs, éveille les réminiscences d’albums passés,
de Tagu Sigumoto en solo ou O’Rourke sur Domino : segments de batterie,
exhalaisons d’arpèges, zones acoustiques ouateuses, chants discrets
d’oiseaux, passages improvisés.
Les
harmonies sont disséminées avec la plus grande parcimonie
et une juste aménité brosse l’oreille de l’auditeur dans
le sens du duvet.
Des
mille copies tirées, chacune a reçu le privilège
d’une photo unique, faisant de ces mille albums des présents rares
et précieux.
JJ.
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SPECTRE
FEATURING SENSATIONAL Part Unknown (Quatermass/Tripsichord)
Le
revenant le plus talentueux de la scène new-yorkaise est de retour.
Après
sa trilogie obscure, construite autour de la peur, de l’inhibition et
de la souffrance, soit The illness, The second coming & The end
(Wordsound rec), considérée à bien des égards
comme des chefs d’œuvre d’érudition musicale, Skiz Fernando, autrement
connu sous le nom de Roots Control et Slotek, tête pensante du label
Wordsound revient hanter nos platines de sa fantomatique présence
et de ses beats pesants et minimalistes.
Ses
apparitions rares s’articulent autour d’une mise en œuvre simple où
des rythmes ultra pondéreux et des basses sataniques viennent en
soutien de vocaux lents et gutturaux.
Dark
Vador testant son flow sur les Subsonic bass de Bill Laswell…
L’emploi
de mélodies madrigal, de samples de films surannés, d’effets
désuets et bancals (That’s what we call illness) assiège
notre conscience et insuffle une ambiance soufreuse et chargée
de particules, un climat asthmatique. Ce Part unknown reflète
ici la collaboration croisée avec un élément clé
de la scène hip-hop new-yorkaise en la présence de Subliminal,
qui au travers de textes provocateurs, injecte une modernité proche
et urbaine à cet album d’outre-tombe. Son interprétation
rappelle par moment Tricky, on pense aussi à Badawi, à The
Hashishen sur Sub Rosa, etc. Souhaitons que la mort soit aussi douce.
JJ.
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FENNESZ/MAIN
Split 12 fat cat series (Fat Cat/pias)
À
l’occasion de cette nouvelle parution Fat Cat réunit un duo prestigieux,
composé du talentueux guitariste et laptopien autrichien Chritian
Fennesz (qui n’a pas encore écouté le splendide Endless
Summer ?!), également membre de Orchestre 33 1/3 ou encore
MIMEO au côté de Noetinger, Keffe Matthews, Markus Schlinker,
Rafael Toral ou Phil Durant.
Robert
Hampson, quant à lui, n’a plus rien à prouver ici bas ;
artiste culte de la scène indépendante, tant au sein du
mythique Loop (quelque part entre Spacemen 3 et du My bloody valentine
sous prozac) qu’avec son projet Main.
Son
actualité n’est pas moins riche, avec des projets en compagnie
de Janek Shaeffer (album sur Rhiz) sous le nom Comae ; ainsi qu’un
album pour Kid 606 (Tigerbeat rec) et un autre pour le label belge Kraak
3. Le personnage paraît insatiable d’expériences et de rencontres,
son travail et sa vision n’ayant de cesse de se développer au creux
des limbes de la musique atmosphérique et ambiant, voir le turntable
et le bruit blanc.
Cette
rencontre est porteuse d’espérance puisqu’elle développe
un trait de caractère indépendant des travaux (habituels)
susnommés des deux protagonistes. Cette réunion invente
une troisième voie, distincte qui s’apparente volontiers à
de l’électro-acoustique domestiquée, rappelant les climats
environnementalistes de Francisco Lopez sur La Selva, voire Thomas
Köner, quand la température des samples diminue. Un travail
ciselé et admirable.
JJ.
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TARTWATER
Dweller on the treshold (Kitty-yo/ Tripsichord)
Tarwater,
qu’on aurait pu croire un peu flétris d’avoir tant offert à
la musique, prouvent avec un talent réaffirmé et beaucoup
d’élégance qu’ils peuvent réinventer sans complexe
un univers des mélodies indispensables à qui sait les recevoir.
Dwellers
on the Threshold égraine
chaque composition comme la note évidente d’une symphonie majeure.
Animals suns & atoms entrevoyait certains morceaux comme des transitions,
des amuse-bouches, des préparatifs alors que ce nouvel opus assume
chaque élément, chaque son et chaque arrangement comme ci
celui ci était unique.
Cet
album porte le sceau de l’ouverture, à bien des degrés.
Sans y voir d’ironie, on observe des facettes nouvelles au duo, notamment
sur Be late qui aurait tout aussi bien pu inspirer le producteur des Destiny’s
child ou de Brandy & Monica (!). Cette anecdote close, se dessinent
derrière cet album une effervescence et une spontanéité
qu’on croyait voir s’émousser. Le champ d’investigation et de recherche
des deux Allemands converge toujours vers maintes sphères musicales,
qui de la folk au blues, de l’électronique passée au post
rock, de l’easy listening tiki à la musique classique, réitère
sans jamais ressasser la plus belle page de l’histoire de ces musiques.
Écouter Now, 70 rupies to paradise Road, Be late, Tesl a (qu’on
croirait sorti des Two Lone Swordmen) c’est s’enivrer de bien trop de
bonheur à la fois. Le mérite t’on seulement, tout ce bonheur ?
JJ.
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NICOLAI
DUNGER Tranquil
isolation (Dolores rec/Labels)
Avec
un physique de jeune dilettante plus prompt à en découdre
avec un canapé et des draps qu’avec un studio d’enregistrement
et des rasoirs, Nicolaï Dunger, suédois jusqu’au bout
de ses blonds cheveux, revient après deux années d’absence.
Le néophyte aurait bien du mal à croire que ce jeune homme
a déjà à son passif une longue liste de disques,
productions diverses étoffée sur presque six ans de carrière
(This cloud is learning et Soul rush sur Dolores rec., etc.) dont le dernier
Something in the way fut remarqué en son temps par Jonathan Donahue
et Wild Oldham.
La
charge héroïque du blues champêtre qu’il nous livre
sur Tranquil isolation est l’écho le plus pur et le plus proche,
prolongement absolu et exigeant de l’œuvre immense de Will Oldham. C’est
en fait lui, plus désœuvré et barbu qu’à l’habitude,
qui a convié Nicolai à Louisville, Kentucky pour cette session
extraordinaire où le Suédois a su se départir de
toute instrumentation superflue.
Adjoindre
à cela la présence de son frère et de quelques collaborateurs
antédiluviens que le temps associe à cette fratrie (Jessica
Billay, Peter Townsend), et vous aurez l’ossature humaine de cet album.
Le dernier des intervenants, sans doute le plus essentiel est la maison,
déchargée de tout stigmate de modernité, confinée
dans l’isolement et le recul au monde le plus total. Situé au confins
du Middle-West, ce studio improvisé a su catalyser la captation
de l’amertume la plus épurée et de doux tremblements de
l’âme. Cette réclusion solitaire est la parfaite image de
cet album, pétrie d’isolation, de folk sombre et emphatique, blues
pastoral " cajin " des profondeurs. Nicolai Dunger dessine un
univers à la mesure de l’homme, de son spleen, un univers où
l’on souhaiterait résolument vivre, libéré de toute
attache. Une sinécure pour l’homme moderne en quête de repères.
JJ.
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ALEXEI
BORISOV
Before the evroemont (N&B research digest/Metamkine)
Si
l’on se doit d’admettre que des artistes tels que Fizzarum, Ae ou encore
Alexei Shulgin (386 DMX) ont éveillé l’attention de nos
oreilles à la scène culturelle russe, on ne peut non plus
oublier que le territoire de feu l’URSS a été un terreau
sur lequel auront su s’épanouir les plus fines fleurs des arts
et des lettres. La connaissance aiguë de cette culture passée,
mêlée à un sentiment de fierté (souvent accompagné
d’humilité) contribue encore à ce jour à fertiliser
les jeunes générations de musiciens actuels.
Alexei
Borisov, membre
actif du collectif FRUITS, cultive pour sa part l’héritage soviétique,
quelque part entre Djertov et Maïakovski, coincé entre un
réalisme cru et épique et un surréalisme visionnaire.
Le
dessein de l’album est l’évocation de l’architecture unique de
Moscou, parfait outil de propagande urbaine du soviet autant que chaos
de styles divergents et de superpositions…
Ainsi,
jamais une ville n’aura autant stigmatisé les influences idéologiques
qui ont traversé son histoire récente. Dés lors,
on comprend infiniment mieux les sources, références, visuels
employés par Borisov (les travaux photos sont signés Anne
Hämäläinen) pour signifier cette atmosphère :
bruits de fenêtres, radio filtrée via une pièce d’appartement,
bruits coutumiers de la ville, chants russes désincarnés,
grésillements de compteur Geiger.
La
dernière de ces modifications est The Evroremont, terme désignant
l’européanisation du paysage et des intérieurs urbains moscovites
(et par extension des mentalités). Un genre d’european way of life
en quelque sorte.
Ces
sources " concrètes " du quotidien sont appuyées
ici d’éléments électroniques audacieux qui mettent
en scène de façon poétique l’urbanité de la
capitale. Une manière peu onéreuse et intelligente de voyager.
Pour auditeur averti.
JJ.
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BUSY
SIGNAL
Busy beats (Cherry red/ Poplane)
La
pertinence du métissage musical, du croisement permanent de sources
ne s’analyse pas, elle impose sa tenue au monde, des pieds jusqu’à
nos oreilles. Le faible nombre d’élus à cette loterie (parmi
lesquels Beck, The Avalanches, Primal Scream) répond à une
infinité de projets décevants, moribonds, voire risibles
(la liste est trop exhaustive).
Howard
W. Hamilton III ne le sait que trop bien, c’est pourquoi il a concrétisé
au sein de Busy Signal une alchimie surprenante, qui si elle laisse
deviner un goût éhonté pour la pop, offre aussi un
regard curieux sur d’autres genres bien intégrés. Citons
celles qui ont le privilège d’être flagrantes de Cornershop
à Beck, de New Order à De LA Soul. L’évolution de
la musique est un métissage constant qui nécessite expérimentation
et humilité dans un rapport de force fragile. Pour le coup Headphone
world (très Wurlitzer jukebox), The freeway, All the young designers
ou Long Funnel font figure d’hymnes splendides avec leur mélodie
douce sur fond de beat rond et chaud et d’ambiance rock sixteen.
La
seule motivation qui aiguille et oriente l’inclinaison des compositions
de Hamilton III est le souhait de sortir les gens de leur torpeur, de
les tirer de leur morosité et de leur claustration.
Un
assemblage extravagant et génial de tubes taillés à
la mesure de nos attentes.
Définitivement
entêtant et absolument conseillé.
JJ.
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UN
CADDIE RENVERSE DANS L'HERBE
Some nenu songs (ooze bap/mange disque)
À
l’ère du règne total (hégémonique ?)
de la langue anglo-saxonne, notre cher français trouve dans la
bouche d’artistes étrangers des consonances exotiques.
Le
parler gaulois est donc devenu cette langue pittoresque, qui permet des
assemblages de mots aussi extravagants que surréalistes et mystérieux…
Un caddie renversé dans l’herbe au même titre
que Pierre Boulez mange des slips en salade.
Par
chance, le sous-titre éclaire un peu mieux l’auditeur sur les choix
musicaux de l’artiste "panafrobrazilian rhizhomes meet robotica under
a nex slikworm orchestrated band". Voici ainsi résumée
la pertinente vision de l’auteur sur son œuvre.
Enregistré
entre Sao Paulo et Barcelone, Didac P. Logarriga alias UCRDH a composé
cet univers complexe de musiques assemblées et d’images volatiles,
fruit d’une imagination débridées. Au delà des mots,
Some nenu songs transporte notre imagination de l’Asie à
l’Amérique du sud, au gré des sons qui s’incorporent, s’édulcorent,
se rétractent et se téléescopent. Si filiation il
y a, c’est bien celle de Harry Partch, Pierre Bastien Ocora (l’aspect
traditionnel) voire Burnt Friedman et ses péripéties électro-exotiques
qui doivent être mis en avant.
Laissez
votre (bonne) humeur suivre la ligne courbe de cette musique étrange
et spectrale.
JJ.
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IDAHO We
were young and needeed the money (Idahomusic/Poplane)
Idaho
est une promesse d’évasion, de contrées lointaines, un parcours
désœuvré aux confins de la conscience américaine,
une quête de la beauté, à mi chemin entre l’apprentissage
et l’expérience, entre l’acquis et l’inné. Deux facettes
ambivalentes qui gouvernent leur création et sans doute encore
davantage cet album.
Comme
pour nous rappeler à leur talent, ils nous livrent We were young
and needeed the money, trait musical qui prend son envol en 1992 pour
s’achever dix ans et sept albums plus tard en ce début de siècle
nouveau. Une occasion rare de se réapproprier leur discographie
par le chemin de traverses des raretés, versions écartées,
lives échevelés et de cette voix céleste… un itinéraire
qui traverse avec une cohérence et une pertinence étonnante
dix années de création mélodique, faite d’assauts
slo-core Ridien (Social studies, Teeth Mark’s), de
flânerie mélancolique (Signs of life, Stax dogs)
et de bijoux mélodiques et cérébraux (Spiral,
Nothing wrong).
Jeff
Martin et John Berry, noyau dur du groupe, s’ils ne cherchent plus ni
l’argent, ni la reconnaissance nous invitent avec une grande humilité
et un peu de nostalgie à cette postface splendide et ample de leurs
pérégrinations musicales.
Un
magnifique réflexe de survie.
JJ.
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MS
JOHN SODA No p or d (Morr music/ La baleine)
Lorsqu’une
ligne droite pure, Stéfanie Böhm, devient sécante à
un cercle parfait, Micha Acher, la géométrie cède
alors le pas au champs des sciences inexactes des sensations.
Ms
John Soda reflète bien la réunion de ces deux personnalités,
avec tout ce que cela implique d’incidences heureuses. Stefanie Böhm
est la claviériste de Couch (Kitty Yo) projet rond et chaleureux
de Munich. Micha Acher, quant à lui, a transigé avec bon
nombre d’expérimentateurs, dont certains ont déjà
percé la lumière, que ce soit dans une variante Pop (The
notwist), sous une forme Jazzy (Tied & Tickled Trio) ou dans une approche
atmosphérique (Village of Savoonga). Le dénominateur commun
de ces projets restant la qualité exemplaire, sous la houlette
du label Hausmusik.
Ms
John Soda emprunte certainement plus à l’univers de The Notwist,
du fait de la direction très mélodique donnée aux
morceaux. L’accroche des morceaux a une connotation profondément
rock. L’électronique n’est ici qu’un détail de forme, un
ornement symbolique, le réel propos de leur musique reste l’émotion,
charpente mélodique envisagée sous les traits fins d’une
ligne claire de guitare, d’un souffle de batterie, d’un grésillement
de sampleur, d’un tintement de cymbales et la voix affectée de
Stéphanie comme écrin. Ce projet abhorre la simplicité
et immisce le beau là où on ne l’attend pas, là où
on ne l’attendait plus. Absolument nécessaire.
JJ.
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