Jadeweb
: L’électronica semble sujette à une certaine mode.
De nombreux groupes orientent leur compositions vers ce style. Penses-tu
que ce genre trouvera suffisamment de souffle pour se pérenniser
?
Jean-Charles Baroche : Plus qu’une mode, je pense que c’est le
reflet de l’évolution des techniques de création et
d’enregistrement, et aussi l’accessibilité de ces moyens qui
caractérisent l’évolution de la création musicale
et plus particulièrement du développement de l’électronica.
On peut dorénavant pour 10 000 F avoir à la fois un
sampler, un séquenceur, une bonne carte son, des centaines
d’effets et logiciels divers -ça vaut ce que ça vaut
mais-…Il est évident que cela favorise la création de
musiques électroniques. Après, il en existe des tas
-de musiques électros-, on peut tout simplement reproduire
des modèles, des sons pré-existants ou aller plus loin
en créant des patchs, ou des logiciels persos qui génèrent
des sons particuliers…
Je pense que pour éviter certains écueils, il est effectivement
du devoir des labels de tempérer et d’extraire l’essentiel
de cette production, sinon, on risque d’ici peu de crouler sous une
surproduction électronique… C’est déjà un peu
le cas ! Pour ma part, je ne prétends pas être un label
électronique, les productions seront je pense très variées
à l’avenir, elles le sont déjà d’ailleurs. Je
m’en tiens beaucoup à l’émotion que suscitent des musiques
et non pas seulement à la technologie.
Le
label est en passe de s’installer comme une référence
du genre. L’idée de départ était-elle de faire
écho à d’autres éminents labels européens
comme Earworm, Warp, Morr, etc. et de combler un retard français
?
Merci. Plutôt que de m’attacher à des modèles,
je préfère tenter de créer quelque chose de nouveau.
Il y a évidemment beaucoup de labels que j’affectionne et respecte,
et c’est aussi en partie la raison pour laquelle je ne me permettrais
pas de les cloner. Je pense que la nébuleuse actuelle permet
au contraire de s’appuyer sur de nouveaux styles en misant sur la
nouveauté et la créativité… Que ce soit au niveau
de la création (nouveaux moyens, tout du moins plus accessibles
qu’auparavant)… De l’image en général (nouvelles matières/
nouveaux supports…)… On n’est plus non plus obligé d’aller
en studio faire des masterings à 20 000 F…
Pour ce qui est du retard français, il n’est pas près
d’être comblé si les magasins et autres intervenants
maintiennent leurs marges de folie et si surtout les médias
dits spécialisés -presse comme radios- continuent de
cautionner l’achat de couv’ ou autres pratiques douteuses consistant
à l’achat de rédactionnel… Et oui, ça existe…
Heureusement ce n’est pas le cas de tous.
Active
Suspension se fait l’écho des attentes mélodiques du
public pop et de l’exigence rythmique des fratries électroniques.
Est-ce le reflet de tes goûts musicaux. D’autres formes musicales
y ont-elles leur place ? Quelles sont tes prétentions et critères
quant au choix des artistes ?
C’est exactement ce à quoi je prétends. J’écoute
personnellement des choses très variées. Mon idéal
de production est le minimalisme et l’esthétique musicale,
cela me permet de sortir naturellement et sans conflit d’idées
des musiques pop -disons mélodiques-, ou des musiques électroniques
plutôt décalées, ou bien même les deux à
la fois… Je dirais que les projets mêlant les deux sont ceux
que je préfère. O.Lamm et Shinsei sont très représentatifs
de cet état d’esprit. Domotic quant à lui utilise la
technologie à 200%, si finement qu’on pourrait même s’imaginer
que sa musique est simplement pop et sans intérêt… En
tous cas, c’est très riche et surtout sincère…
Pour ce qui est du développement artistique du label et comme
je le disais auparavant, je ne me reconnais pas dans un label électronique.
J’aimerais même pouvoir sortir des albums complètement
acoustiques, c’est juste qu’en ce moment c’est vrai que je reçois
beaucoup d’électro… Le futur nous guidera…
À
ton avis les artistes présent sur Active Suspension -et par
extension les auditeurs- sont-ils les transfuges déçus
d’une pop anémique incapable de se renouveler ou les exclus
du milieu électronique, fatigués des assauts binaires
et des répétitions primitives ?
Je pense que les deux peuvent s’y retrouver, et c’est en partie
dans ce sens que j’œuvre. Je considère qu’on peut difficilement
se contenter de beats, de pop pure, de hip-hop ou d’électronica.
J’ai l’impression que la tendance, autant du point de vue de la création
que du point de vue des attentes du public, est à l’élargissement…
Un type comme Delarosa l’a bien compris, il fait du post rock (savath
& savalah), de la fine électronica (Delarosa & Asora)
et même du hip-hop novateur (prefuse 73)… Je pense que ces trois
projets pourraient sortir sur un même label, sans qu’il y ait
confusion… Je ne crois pas aux labels à image forte, tout du
moins aujourd’hui et dans la pop ou l’électro, et surtout en
hip-hop…
Une
des caractéristiques fortes du label, tant dans la graphisme
que sur l’approche mélodique est l’idée d’accident (calculé),
de dérapage (contrôlé) sonore ou visuel, toujours
dans une optique esthétique ou mélodique. Est-ce là
une manière détournée d’ouvrir le label à
l’improvisation ?
Je ne pense pas que cette approche, dont j’aime les qualificatifs,
soit un prétexte à quoi que ce soit. En revanche, c’est
délibéré et je pense que l’artwork comme l’artistique
doivent en tous points s’accorder, et au passage si possible appuyer
l’esthétique minimaliste du label… En cela Yohann, graphiste
maison, également musicien sous le nom de Shinsei a tout compris.
Pour ce qui est de l’improvisation, cela fait quelques années
que je baigne dedans, j’ai créé avec Yannick d’Osaka
et Christophe, de Tank, Color Und Climax il y a 4/5 ans, on s’en donnait
à cœur joie. Ceci dit je laisse les expérimentations
aux labels subventionnés et autres organismes du type IRMA…
Enfin, je vais travailler de façon plus étroite avec
Damien de My Jazzy Child, il entretient cette approche improvisée,
mais son orientation est plus à la composition.
La
compilation qui vient de paraître est-elle le constat des années
de travail écoulées ou un éclairage sur les nouvelles
orientations ?
Elle se voulait un constat seulement, elle est au final à
la fois un constat et un éclairage. Plus clairement, on y retrouve
les artistes ayant collaboré au développement du label,
pour qui j’ai sorti des Ep dans le passé… Mais elle est aussi
un prétexte pour introduire les nouvelles sorties du label
: Hypo, Aerosol, My Jazzy Child…
Les
signatures du label, au départ exclusivement françaises
évoluent petit à petit vers l’international.
Les frontières n’ont jamais été une contrainte
ou une limite à la production. Magnétophone, Avrocar,
Tin Foil Star… sont étrangers et leurs disques sont sortis
il y a deux ans. La tendance aujourd’hui aurait plutôt tendance
à s’inverser. Étant donné que les ambitions du
label s’affinent clairement, et que l’orientation est au développement
d’artistes, c’est beaucoup plus simple d’avoir affaire à des
artistes environnants, ça simplifie beaucoup de choses… Et
puis, j’aime bien l’idée de créer un label dans lequel
tous les artistes sont intimes… Active suspension n’est pas un label…
C’est une communauté !
Le
passage du format vinyle au format C.D. a-t-il pour but de sortir
le label du cercle d’initiés et d’ouvrir les productions à
un champ plus large d’auditeurs ? Quels sont les projets à
long terme ?
On se donne simplement le moyen de nos ambitions. Il est clair
qu’aujourd’hui un label non subventionné ne peut prétendre
vivre de sa production vinylique et qui plus est de singles seulement.
Cela n’empêche toutefois pas de continuer à sortir des
singles 7’’ et des maxis vinyls… Ce n’est pas sous prétexte
qu’un C.D. album coûte environ deux fois moins cher qu’un maxi
vinyl ou une fois et demi moins cher qu’un 45t. et qu’il rapporte
environ 5 à 10 fois plus qu’on ne va faire que… On a certes
des besoins financiers… Mais c’est loin d’être nos seuls besoins
!
Quelles
sont les réalités au quotidien d’une petite structure
?
Administratif, compta, artistique (relations artistes et artworks),
commercial, distribution, promotion, événementiel… Gérer
tout seul, c’est très physique… Heureusement, je suis assez
bien entouré…
À
quelles envies et motivations répond la série de remixes
? Est-ce un exercice souhaité par les artistes ?
Je considère que la production et le remix sont deux approches
complètement différentes. Je ne conçois pas pouvoir
appeler un album de 8 titres un album si 4 de ses titres sont des
remixes. Là je considère que c‘est une compilation !
Cela ne m’empêche pas d’apprécier ces deux exercices,
la meilleure façon selon moi de le prouver, c’est de rendre
hommage à ces travaux à travers une série. D’ailleurs
cette série est la seule dont les pochettes sont figées…
Bien que je ne conçoive pas d’imposer une image à un
groupe, je considère qu’en se prêtant au jeu du remix,
ils prêtent leur image, alors le choix d’un visuel environnemental
se veut également délibérément impersonnel…
En
amoureux inconditionnel de la musique, pourquoi ne pas avoir sauté
le pas et composé un morceau, un album ?
J’ai eu un nombre incroyable de groupes punk rock dans mon adolescence…
Cela a évolué vers des productions plutôt ambiant
et improvisées au sein de Color Und Climax lorsque j’habitais
à Brest… Depuis, je me suis forgé une idée de
ce que je voulais faire, j’ai bien étudié mes logiciels,
me suis acheté une bonne carte son, mais je manque cruellement
de temps ou d’énergie… ça reviendra… je me suis essayé
à l’exercice du remix, mais ça n’a pas été
concluant !
Fraichement
sorti
ASS03
AEROSOL s/t 12’’
ASS04
HYPO Jingles & Singles 12"
En
cours
ACD01
V.A. Variable access compilation CD (03/12/01)
AS13
MY JAZZY CHILD Loops, Strings & bells 7" (17/12/01)
ACD02
DOMOTIC bye bye album (jan.02)
ASR03
SHINSEI Variable EP / Remixes vol.1 (fev.02)
feat. remixes by : Aerosol, Encre, My jazzy child, I s a n, O.Lamm,
Ultra milkmaids...
ACD04
O.LAMM Snow party album (fev.mars 02)
ASR04
O.LAMM Slow (...) some remix 12" (avril 02)
feat. remixes
of Sturninn 7" + Matière à micrométrie
12" by Erich Zahn, Gordz, Ovil Bianca, Discom, Alejandra and Aeron
, Hypo, Shinsei...
ACD03 SHINSEI Le cœur de celui
qui marche sur l’arc-en-ciel album (avril 02)
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