Si vous interrogez les milieux (indépendants) internationaux des musiques électroniques sur le " rayonnement " des structures françaises, vous ne tarderez pas à voir émerger dans les noms cités, outre les incontournables Dat Politics et leur sémillant label Skipp, une structure originale, basée à Marseille du nom de Bip-hop.
En l’espace de deux révolutions solaires, Philippe Petit, boss et petite main du label, aura érigé ce dernier à l’avant-garde internationale des labels électroniques.
Avec toute l’humanité, l’intégrité et l’organisation qui le caractérisent, il aura su mailler un réseau de relations denses aux quatre points cardinaux du globe, traquant les approches les plus extrêmes et singulières de ses contemporains.

 

BIP-HOP generation

Pas moins de quatorze albums (dont cinq compilations) ont déjà envahi nos platines, stigmatisant la vitalité d’une scène électronique dans ses filiations expérimentales, minimalistes, conceptuelles et/ou improvisées. Des artistes aussi variés que Atau Tanaka, D’Iberville, Marumari, Goem, Arovane, Pimmon, Cray, Twine, Mira Calix, Warmdesk, etc. ont déjà contribué à l’identité du label. L’heure pour nous de faire un état des lieux de parcours en compagnie du boss, Philippe Petit.

Jadeweb : La motivation profonde du label semble être de stigmatiser la création internationale en matière de musique électronique (à filiation expérimentale, voire minimaliste). On semble déceler derrière ces belles intentions un constat général de repli des structures françaises sur elles-mêmes ? Est-ce le cas ?
Philippe Petit : Bip-Hop se veut être un label apatride, international. C’est une structure organisant des soirées/concerts, un webzine, une émission radio et un label qui s'attache à diffuser la musique électronica contemporaine aventureuse et créative, les aventures sonores non-conventionnelles… Voilà pour les belles intentions, qui sont des faits qui prouvent que Bip-Hop est loin de se replier sur elle-même.
Quant aux autres structures françaises, il semble que beaucoup axent leur efforts sur l’hexagone, solution de facilité géographique, mais il en existe qui s’exportent et voient plus loin que le bout de leur pays…

Penses-tu pour ta part avoir contribué à l’échange mutuel entre artistes et publics de pays différents ?
J’en suis persuadé, ne serait-ce qu’au travers de la série Bip-Hop Generation qui regroupe des metteurs en sons d’horizons variés et vise à documenter la scène électronica internationale.
Dès que je le peux je tente de m’opposer au caractère parfois trop autiste des musiques électroniques, de favoriser les collaborations comme sur les disques de Bovine Life : Chris Dooks collaborant avec Janek Schaefer, Third Eye Foundation, Kohn, Alku et une dizaine d’autres.
Spaceheads et Max Eastley joignant leur talent le temps d’un album, et quelques concerts évènements improvisés.
Tennis, qui est le résultat de la rencontre de Benge et Si-cut.db.
Angel qui marque l’association de Ilpo Vaisanen avec Schneider TM.
Ou encore la série Reciprocess qui documente le processus de réciprocité en faisant collaborer deux musiciens.

Que penses-tu de l’émergence lente de petites structures françaises combinant sensiblement les mêmes attentes que les tiennes telles que Minimalist, Musik experience ?
Je ne connais pas Musik Experience. J’aime et soutiens Minima ~List et les ai d’ailleurs aidés à presser leur premier disque.
Je respecte ce que font des structures comme Burö, Active Suspension, Octopus, Arbouse, Adénoide, 0101/Ici d’Ailleurs, Feardrop… Beaucoup de gens font de la musique donc il est clair que la France est un territoire actif, créatif. Certains s’entraident, beaucoup se connaissent et s’apprécient, comme partout.

La scène musicale à laquelle Bip-hop adhère est pour le moins tentaculaire, se ramifiant sans cesse, en évolution constante. Malgré tout, elle reste confinée à des cercles d’adeptes et d’initiés. Selon toi, est-elle en expansion ? Comment peut-on démarquer un label -ici le tien- au sein d’une telle multitude ?
Tout d’abord en privilégiant la qualité musicale, et artistique de chacun des disques. Les C.D. doivent être bons et beaux afin que l’auditeur ne soit pas lésé. Malheureusement cela ne suffit pas, il est vital d’avoir de bons contacts, de bons relais de distribution ou de promotion qui feront circuler l’info. Sans cela tu peux sortir le meilleur disque au monde, si tu es le seul à le savoir il restera dans ta cave.

Les théories de Deleuze sur le développement en rhizomes, très actives dans les marges indépendantes, sont-elles toujours d’actualité ? Dans les faits, cela fonctionne-t-il ?
Voilà une question qui pourra provoquer de multiples réponses et réflexions selon comment on l’aborde. Philosophiquement, ce qui m’attire dans la pensée et le mode d’action rhizomique tel que l’ont défini Guattari et Deleuze dans Mille Plateaux est le rejet des ordres de pensée établis qui gèrent la vie et la philosophie classique. L’idée d’une pensée anarchique, sans frontière, nomade ou hétérogène. Opposée à la pensée figée par des règles, la pensée rhizomique se renouvelle sans cesse puisqu’elle fonctionne en réseau allant d’un individu à un autre et tirant les leçons de multiples expériences. Cela me paraît être une bonne façon d’aborder la vie, et la création.
Dans les faits, Internet permet le dialogue rapide et efficace entre personnes de pays ou de cultures très éloignés, l’échange de données et de connaissances, ce qui pourrait donc être un outil d’opposition au capitalisme. Un facteur d’évolution culturelle s’il est utilisé à bon escient, de façon intelligente, ce qui est loin de toujours être le cas. Proche de nous, le milieu musical indépendant peut exister et faire circuler ses messages plus facilement. Cela me permet de faire avancer BiP_Hop très rapidement, de garder le contact avec distributeurs, magazines, radios, activistes, metteurs en sons, ou amateurs de musique du monde entier d’un simple clic… Le rhizome pris en tant que réseau fonctionne si l’on sait l’utiliser.

Ce qui étonne d’emblée au sein de tes compilations, c’est le caractère mondialisé de la création électronique. Des continents aussi variés que l’Océanie, l’Europe, l’Amérique du nord ou l’Asie sont fréquemment représentés.
Oui, la série est un document de la musique électronica contemporaine et internationale. Chaque volume rassemble six compositeurs de pays différents. À l'inverse des habituelles compilations, je demande à chaque "metteur en son" de créer une ou plusieurs pièces spéciales. Comparée dans la presse anglaise et U.S. aux mythiques compilations Artificial Intelligence (Warp) ou Click & Cuts (Mille Plateaux) la "Bip-Hop Generation" entend faire le même travail d’archivage tout en ne se limitant pas à un seul genre d’électronica. Le but est de créer un guide qui permettra aux amateurs de musiques hors-normes, parallèles de se frayer un chemin parmi les nombreux disques qui sortent chaque mois.

Les continents Africain et Asiatique semblent pourtant les grands absents de cette scène ? Que doit-on y voir ? Absence de moyens, manque de cohésion ? En ce sens, la musique électronique est-elle l’affaire de quelques privilégiés ?
Cela est lié aux différences culturelles. Ces pays produisent plus naturellement d’autres styles musicaux.

Dans le même ordre d’idée, as-tu remarqué des approches particulières, singulières à chaque continent, pays selon la provenance des artistes ?
Oui on peut parler d’un son allemand, techno minimal issu de Berlin, par exemple.
Les Mexicains ont aussi leur particularité : Nortec, el Santo…

Bien que flirtant avec les musiques électroniques, on ne peut pourtant pas assimiler le label Bip-hop à ses homologues français, tout au plus peut-on le rapprocher de structures européennes telles que Staalplaat au Pays Bas, Fallt en Irlande, Diskono ou Touch en Angleterre, Mego en Autriche.
Cette inclinaison pour la musique expérimentale est-elle le fait de ton passif d’activiste nourri à la cold-wave, aux musiques industrielles et autre variations noise ?
Mais aussi au punk rock, garage music, rock, hardcore, jazz, improv., psychédélia et autres déviances sonores… Depuis les années 70 j’ai écouté énormément de musique et j’essaie de garder mes oreilles ouvertes sans me soucier des chapelles. Les labels que tu cites me plaisent et il semble en effet que nous ayons en commun de sortir des disques de musiciens internationaux, actifs et importants.
J’essaie d’être attentif à ce qui se passe tout autour du monde, il existe des "metteurs en sons" talentueux partout et je tente de donner la possibilité de s’exprimer à ceux que j’aime le plus, et avec lesquels j’ai des affinités humaines. Leur nationalité m’importe peu, je ne souhaite pas que Bip-Hop soit affilié à un pays en particulier, je suis un citoyen du monde et le label est international. Nous sommes distribués dans une vingtaine de pays. L’Internet facilite les communications et j’ai beaucoup de contacts dont la provenance géographique importe peu, parfois je ne sais pas du tout à quoi ressemble le cadre dans lequel ils habitent, leur ville, voire même eux physiquement. Pour moi ils "vivent dans mon ordinateur".

L’électronica apparaît davantage comme le repère d’artistes et d’un public aux références pop, folk voire noisy ?
Il est délicat de répondre à une question comme celle-ci sans tomber dans la généralisation, nous avons tous nos influences qui vont du rock à la techno, du hip-hop aux conditions météorologiques. Se lever chaque matin et ouvrir tes volets sur un ciel bleu ou gris ne provoquera pas les mêmes émotions, les mêmes réactions quant aux envies des gens.
J’espère être différent avoir ma personnalité, mon identité. Je suis un marginal dans le sens où j’ai choisi de ne pas m’intégrer totalement à la société qui m’entoure, de tenter de créer un univers où je me sens bien.

Selon toi, quel profil a l’auditeur lambda de Bip-hop ? Par ailleurs la frange des musiques défendues par Bip-hop (expérimentale, minimaliste, répétitive) semble moins sujette aux tergiversations des modes et des humeurs de journalistes ? Doit-on y voir plus de maturité ?
Il est évident qu’il s’agit d’une musique réfléchie qui s’adresse plus à l’esprit qu’aux pieds. Cette musique s’écoute plutôt qu’elle ne se danse.
Elle n’est pas forcément absconse ou repoussante, je tente avec Bip-Hop de maintenir un côté mélodique, agréable pour la plupart des sorties. De ce fait nous subissons moins les caprices liés à la mode, puisque nous évoluons en marge de celle-ci. Les journalistes ignorent ou aiment, et je présume que c’est un peu la même chose pour le public. Je dirais que l’auditeur Bip-Hop doit avoir l’esprit ouvert et ne pas s’attendre à ce que tous les disques soient les mêmes, là n’est pas mon but. J’espère surprendre, éviter la routine d’un label prévisible enfermé dans un "son" typique, prévisible et qui donne à l’auditeur ce qu’il attend.

La profusion et la rapidité des sorties du label Bip-hop tiennent-elles à ta connaissance antérieure des rouages administratifs, barrières techniques, structures de diffusion et autres particularismes artistiques que tu as su développer au sein de Pandemonium ?
On peut tout à fait dire ça. Lorsque j’ai décidé de démarrer le label je savais exactement dans quelle direction je voulais aller, comment y aller. Pour l’instant la rapidité de l’évolution me satisfait, parfois je pense même aller trop vite et j’imagine bien que les auditeurs potentiels ne pourront pas suivre financièrement. Je le regrette mais en ce qui me concerne j’ai besoin d’aller de l’avant, de vivre intensément, de toujours avoir de nouveaux projets excitants à préparer. Sans cela je n’aurai plus qu’à m’allonger et me laisser mourir.

La scène noise semble éteinte. Le fait que ton investissement se soit porté sur une structure de musique électronique est-il un indice illustrant l’extinction du genre ?
Je ne pense pas que le genre soit éteint, disons qu’il est totalement occulté par les distributeurs français et donc il est devenu difficile de se tenir informé. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a plus de bons disques noisy. Je viens d’en écouter un excellent sur le consistant label Amanita : Dogon.
Avant Bip-Hop, j’avais déjà sorti des musiques flirtant avec l’électronique sur Pandemonium, des groupes utilisant les machines comme Hint, Andy’s Car Crash, Spaceheads, Bästard, Alboth !, Guapo…
Lorsque j’ai décidé de démarrer Bip-Hop, j’avais envie de démarrer un nouveau projet, tout reprendre à zéro, renouer de nouveaux réseaux, me remettre en question, bref sortir de la routine d’un label qui fonctionne et me repositionner dans un cadre musical qui m’excitait.

Le type de musique que tu défends s’adresse, dans une large mesure à un public initié et "aventureux" (inconscient ?). La musique expérimentale est-elle à même de convertir à terme une plus large audience ?
Certaines musiques sont plus accessibles, en fait le terme expérimental variera d’un auditeur à un autre, ce que des gens rompu à cet exercice qualifieront de moins recherché pourra sembler vraiment étrange, expérimental à des oreilles peu faites au style.
Beaucoup de gens sont intéressés par les musiques électro en général. Par exemple, électronica est un terme mystérieux, qui attire ou révolte. Lorsque nous faisons des soirées "Géneration Bip-Hop ", je veux éviter l’habituelle formule "métro/concerts/dodo", je passe des disques qui me plaisent entre chaque live afin de donner aux spectateurs le temps de se poser, découvrir la musique, se rencontrer, apprécier l’atmosphère du lieu et de la soirée. Par exemple après plus de vingt soirées à Marseille des gens viennent me parler et me disent qu’ils aiment les disques que je passe entre les live, et sont contents de découvrir la richesse de ces musiques. Mais il est évident que je soigne les transitions et fais au mieux pour ne pas prendre le public à rebrousse-poil. Je n’ai aucune envie de faire des soirées branchées uniquement pour connaisseurs donc je ne vais pas me contenter de passer des travaux autistes, super expérimentaux, ou de la noise de but en blanc.
Je fais des disques, anime une émission radio, organise des soirées concerts pour partager ma passion, élargir le cercle. Je crois que ces musiques sont tout de même accessibles, le problème est que la plupart des gens sont peu informés, elles sont difficiles à trouver, ou rejetées dans la catégorie art post-moderne et autres étiquettes intellos ou snobs qui peuvent refroidir. Électronica est un terme fourre-tout et de ce fait le public peut avoir du mal à s’y retrouver, à faire un tri et j’espère pouvoir aider des gens à y voir plus clair, à découvrir que derrière des termes, concepts, et autres barrières se trouvent également des musiques qui mettent de bonne humeur, contribuent à développer de bonnes ambiances.

Dans ce sens, des structures telles que Domizil, Staalplaat, ne sortent qu’en nombre limité leur albums (tirage à 500, 700 exemplaires) n’y a t’il pas un risque d’usure et d’érosion de la motivation à moyen terme ?
Ce qui est dommage c’est qu’ils fassent tellement peu de promo autour de leurs disques. Il est certain que ces deux structures défendent des musiques plus difficiles d’accès que BiP_Hop. Cinq cents à sept cents copies est le nombre de disques que j’envoie en promo à la presse autour du monde, parfois je vends moins de copies que ce que j’en donne mais le moins que je puisse faire lorsqu’un musicien me confie sa musique est de faire en sorte qu’elle soit correctement promotionée, qu’on en parle. À la longue cela fait toute la différence. Tout dépend des motivations mais aussi des moyens que l’on veut se donner.

Une frange pas négligeable de labels (Microwave, etc.) privilégie le support Cd-r comme mode exclusif d’expression et de diffusion ? Est-ce un bonne chose selon toi que ces formes d’autodidactisme se répandent où cela nuit-il à la cohérence (cohésion ?) globale de cette scène ?
Il me semble bien que les idées positives circulent, il en va de même pour la musique. Ce qui pose problème est que souvent les Cd-r sont vendus au même prix que les Cd professionnels, que mes disques emballés en Digipack… Cela me paraît abuser de son public.
Il y a des années fleurissaient les labels de K7 qui avaient leur utilité et favorisaient vraiment l’éclosion de musiques nouvelles. De nos jours il est facile de poster des titres au format mp3 sur un ou plusieurs sites, donc le support Cd-r revendu me semble être la plupart du temps une arnaque, une excuse, alibi pour des personnes frileuses qui veulent pouvoir prétendre à faire un label sans trop se mouiller.
Ce n’était pas le cas de Microwave qui était un très bon label -malheureusement il faut en parler au passé- qui sortait des Cd-r tout en tentant de préserver une unité artistique dans sa présentation.

Bip-hop le site
http://www.bip-hop.com

DISCOGRAPHIE

Bip-Hop Generation v.1 [bleep 01]
MARUMARI (usa) / SCHNEIDER TM (de) / PHONEM (uk) / GOEM (nl) / ULTRA MILKMAIDS (fr) / MASSIMO (it)

Bip-Hop Generation v. 2 [bleep 02]
AROVANE (de) / BERNARD FLEISCHMANN (at) / WARMDESK (usa) / KÖHN (be) / WANG INC. (it) / LAURENT PERNICE (fr)

TENNIS : Europe on horseback [bleep 03]

SPACEHEADS & MAX EASTLEY the time of the ancient astronaut [bleep 04]

Bip-Hop Generation v. 3 [bleep 05]
NEOTROPIC (uk) / BOVINE LIFE (uk) / PIMMON (au) / ZONK'T (fr) / ATAU TANAKA (jp) / NOVEL 23 (ru)

BOVINE LIFE social electrics [bleep 06]

SI-(CUT).DB enthusiast [bleep 07]

Bip-Hop Generation v. 4 [bleep 08]
MIRA CALIX (uk) / SI-(CUT).DB (uk) / DATACH'I (usa) / Vs_PRICE (fr) / CRAY (au) / TWINE (usa)

CRAY undo [bleep 09]

[reciprocess : +/vs.] vol. 1
Bovine Life and/or/vs. Komet (Frank Bretschneider) [bleep 10]

Twine :Recorder: [bleep 11]

Andrew Duke Sprung [bleep 12]

Bip-Hop Generation [v.5] [bleep 13]
ACCELERA DECK (usa) / ANDREW DUKE (ca) / MIKAEL STAVOSTRAND (se) / TONNE (uk) / RECHENZENTRUM (de) / D'IBERVILLE (fr)

SPACEHEADS Low pressure [bleep 14]

WANG INC. Risotto in 4/4 [bleep 15]

ANGEL (Ilpo Vaisanen + Schneider TM) : s/t [bleep 16] > Octobre

TONNE Soundtoys (2 x 12 [v.1] [bleep 17] > Octobre

Musique par Scanner, Hakan Lidbo, Si-cut.db, Tonne + parties interactives/logiciel.

SCANNER + TONNE Sound polaroids [bleep 18] > Octobre

Bip-Hop Generation [v.6] [bleep 19] > Novembre
SCANNER (uk) / ILPO VAISANEN (Fi) / ANGEL (De/Fi) / BATTERY OPERATED (Ca) / ALEJANDRA & AERON (US/Es) / BITTONIC (De)

TENNIS Fur lines (includes a free Cd of remixes) [bleep 20/21] > Decembre

Nouvel album + second Cd avec remixes par Komet, Scanner, Taylor Deupree, Oren Ambarchi, Electronicat, Pimmon, Jetone et d'autres…

distribué en France par La-Baleine

Peut-tu nous présenter quelques unes des figures du label, notamment des personnages comme Chris Dooks ? Comment as-tu été amené à le contacter ?
Chris Dooks
vit en Écosse, et c’est Kohn qui nous a présentés. J’ai tout de suite aimé sa démarche d’échange de fichiers son, et de collaboration avec d’autres musiciens. Sur ce point nous avions une vision commune. En plus ses court-métrages, ou son documentaire sur Scanner m’ont vraiment intéressé… Et surtout la musique qu’il me proposait était excellente.
Je connais Spaceheads depuis des années, et ils étaient déjà sur Pandemonium. Ce sont des gens d’une rare générosité, qui ont su rester simples et abordables alors qu’ils tournent à longueur d’année autour du monde, ont une grande expérience de la vie et beaucoup de charisme-talent. Richard a joué avec Nico du Velvet Underground. Andy était dans Pale Fountains au début des années 80, puis dans James… Beaucoup de gens qui ne font pas même le tiers de ce qu’eux font se la jouent et se croient supérieurs…
Douglas Benford anime le label Sprawl Imprint depuis pas mal d’années, je passais ses disques à la radio, nous communiquions fréquemment. Un jour il m’a proposé une démo de Europe on horseback de Tennis, j’ai pensé que ce serait un très bon premier album pour le label. Les disques de son comparse, Benge, chez Sub Rosa étaient bons eux aussi donc il n’y avait aucun obstacle à une entente. Depuis nous avons joué ensemble souvent et sommes amis.
Un peu la même chose avec Andrew Duke qui anime son label et émission radio depuis une bonne dizaine d’années. Nous étions en contact, il appréciait mes disques et donc a proposé de faire un album pour moi.
Tonne est Paul Farrington qui vit à Londres, collabore avec Scanner, a longtemps fait les pochettes des disques Sulphur. Il m’a envoyé une démo qui était très prometteuse, pas encore assez bien pour être éditée dans son intégralité mais suffisante pour que je lui propose de rester en contact et faire évoluer ses projets. De fil en aiguille il contribue au design du label, m’a fait des flyers et pubs dans des magazines. Son projet de série Soundtoy a été réalisé afin de permettre aux musiciens d'enrichir leur méthode de travail en utilisant le logiciel Soundtoy tout en leur offrant la possibilité de créer un nouvel espace sonore. Chaque artiste a composé des pièces musicales réalisées grâce au logiciel. Donc cette notion de collaboration et d’échange qui m’est chère… Que l’on retrouve également sur l’autre disque que l’on fait ensemble et qui documente la collaboration entre Scanner + Tonne. Pour Sound Polaroids les deux ont composé la musique à partir de sons et images des villes qu’ils traversaient.
Angel est la rencontre improvisée de Ilpo (Pan Sonic) avec Schneider TM. Je connais les deux de longue date et étais content de les voir jouer ensemble.
Bartolomeo Sailer est Wang Inc. Que j’ai fait jouer plusieurs fois dans des soirées Generation Bip-Hop, il était sur la seconde compilation de la série et j’ai donc vu sa musique évoluer jusqu’à un point où j’aimais tellement que je ne pouvais plus refuser ses propositions.
Twine est là encore une collaboration entre deux musiciens. Greg Malcom et Chad Mossholder jouent beaucoup aux États-Unis et font pas mal parler d’eux. Nous étions en contact, je suis allé les voir jouer à Chicago en mai 2001 et c’était vraiment magique, ils créent un univers qui leur est propre, un monde à eux duquel on ne veut plus sortir. Leur vidéaste, Ric Hudgins, m’a fait passer plusieurs vidéos pour projeter pendant les soirées Bip-Hop.
Cray est Ross Healy, il m’a été recommandé par son compatriote australien, Pimmon. Pour moi une référence et j’ai donc attentivement écouté la démo qu’il m’a envoyée. Sa musique me l’a bien rendu, tout à fait le genre de musique qui ne saute pas aux oreilles, qui demande à être apprivoisée, entre un peu plus en toi à chaque écoute, te donnera quelque chose si tu lui accordes l’attention méritée.

Tu es un grand auditeur ? Qu’écoutes-tu ces temps-ci ? Quels sont les artistes qui selon toi ont le plus marqué ces dernières années (par leur approche, leur technique, leur son) de quelle manière la musique électronique risque-t-elle d’évoluer ?
Je pense que l’évolution se fait au travers de collaborations et d’échanges entre les acteurs de nos milieux, entre la mixité d’instruments traditionnels, acoustiques et la technologie de la machine.
Je ne sais vraiment pas par où commencer pour répondre exhaustivement sur le sujet des artistes qui ont marqué ces dernières années, vraiment trop vaste. Quant à moi mes envies musicales varient selon mes humeurs au réveil et continuent de changer tout au long de la journée. J’écoute en effet beaucoup de disques, plus ou moins 10/12 heures par jour. Énormément les Bip-Hop bien entendu, en ce moment beaucoup de techno minimale ou sortant des normes car je prépare des sets DJs dansants et très rythmés. Voilà pour mon plaisir, mais aussi pour le " boulot " je reçois en gros cinq disques par jour donc il me faudrait au moins quatre oreilles et 48 heures pour pouvoir tout écouter correctement. C’est vraiment difficile et d’autant plus astreignant lorsque tu souhaites répondre aux personnes qui ont pris la peine de te soumettre leur musique. Trop de labels ne répondent pas et je trouve cela détestable, cela me prend du temps, mais j’estime que c’est un devoir de le faire.

Entretien © jadeweb, Julien Jaffré 2002