Jadeweb
: De quelle nécessité est né Arbouse recordings ?
Est-ce que tes objectifs de départ rejoignent tes attentes
actuelles ?
Cyril Caucat : On ne peut pas parler véritablement de
nécessité pour la création d'Arbouse recordings,
mais plutôt d'une continuité logique à un investissement
dans la musique commencé avec le fanzine @game il
y a quelques années ; et même un mail-order intitulé
It's groove il y a encore plus longtemps. Il s'agit plus
pour moi d'un aboutissement. Bon, je t'avoue que cela faisait un
moment que ça me trottait, j'en rêvais. Et puis voilà,
j'imaginais ça plus difficile... Aujourd'hui les moyens -comme
Internet- permettent de mettre sur pied des projets, sans devoir
remuer ciel et terre. L'édition phonographique s'est considérablement
démocratisée, les prix ont baissé -même
si ça reste cher à mon sens. Pour ce qui est de la
tournure que prend le label, je ne m'étais fait aucune illusion
et je n'avais jamais tiré de plans sur la comète.
Je n'ai jamais rien calculé et Arbouse recordings s'est développé
à son rythme, sans objectif. J'ai fonctionné au gré
des rencontres, des opportunités et des envies. J'espère
que ça va continuer ainsi. Je n'ai aucun objectif, si ce
n'est sortir ce qui me plait... C'est une affaire un peu égocentrique,
mais quelque fois ça fait du bien... Et je me rends compte
que ça ne plait pas uniquement qu'à moi... Donc pas
d'attentes, pas d'objectifs, si ce n'est être "éclectique
et en dehors des sentiers battus".
La
première compilation du label, Bucolique, aborde le
thème de la nature. C’est une entrée assez étrange,
surtout pour des artistes qui manient l'électronique et les
nappes synthétiques. Comment a-t-elle été
perçue par les artistes associés au projet ?
Mon idée est partie d'une réflexion simple. La
musique m'évoque souvent des images, des scènes, des
ambiances. Elle me fait voyager et me suggère régulièrement
un contexte, un cadre ou une impression, à la manière
d'un bouquin. De par mon histoire et ma culture, je suis plutôt
quelqu'un qui se sent proche de l'univers sauvage et naturel que
des mondes urbains... L'idée m'est venue "naturellement"
de réunir et faire travailler plusieurs artistes ou groupes,
d'horizons divers sur le thème de la nature. L'électronique
ne me semblait pas incompatible avec cette thématique, là
aussi c'était une histoire de suggestion, d'impression...
Dans l'ensemble, j'ai reçu un plébiscite de la part
des artistes que j'ai contactés. Tant et si bien qu'un deuxième
volume verra le jour et un troisième, toujours sur cette
thématique... L'idée de travailler, qu'il y ait un
fil conducteur au projet, et que celui-ci donne toutefois une entière
liberté à la création, les a enthousiasmés...
Rares sont ceux qui ont décliné mon offre, et cela
s'est fait malgré leur planning souvent très chargé...
C'est te dire que l'idée les séduisait...
Quelles
sont tes priorités au sein du label ? Le choix des artistes,
le suivi dans la distribution, le prolongement médiatique ?
Il n'y a pas vraiment de priorités... Tout se fait à
pas de velours, tranquillement et de façon coordonnée.
Je ne suis pas obnubilé par le développement de mon
label, et chaque chose en son temps comme dit l'autre... Le choix
des artistes bien sûr, qui se fait au hasard de rencontres,
la distribution qui est un élément primordial et ô
combien délicat et enfin le prolongement médiatique,
qui n'est pas ma partie "de plaisir"... Je distingue peut être
le choix des artistes du reste. Ils sont représentatifs du
label, ça passe souvent par une amitié, et ils construisent
le label avec moi. Ils sont donc étroitement associés.
Néanmoins ce sont trois étapes bien distinctes, et
chez moi les délais entre elles sont très longs...
Sauf pour les deux dernières où peut être les
choses s'accélèrent. Enfin façon de parler,
Arbouse recordings est un petit label qui fait avec ses moyens...
Quel serait selon toi le fil d'Ariane reliant
chacun des artistes du label ? Comment définirais-tu
leurs productions et leurs approches, notamment en ce qui concerne
les jeunes talents (Alc Levora, Eglantine, Sink, etc.) ? Leurs
travaux, quoiqu'électroniques dépassent le cadre strict
du genre ?
Je ne veux surtout pas qu'Arbouse recordings soit considéré
comme un label de musique électronique. Je prône l'éclectisme
haut et fort, et je crois que ce serait faux d'affirmer le contraire.
Bucolique Vol.1 est justement la compilation qui traduit
peut être le mieux ce sentiment... À partir de là,
c'est vrai que les travaux des artistes propres au label (Sink,
Elc Levora, Eglantine, Hopen, Arco...), même s'ils sont tournés
prioritairement vers l'électronique, présentent tout
de même des relents et des réminiscences diverses...
Ils viennent tous d'un monde musical autre qu'électronique,
ils sont tous passés par des étapes pop, rock, punk
ou new wave... Cela se voit, s'entend... Mais jusque là rien
d'original. Non, je ne sais pas ce qui pourrait les réunir
dans leur démarche... Il n'y a pas de fils d'Ariane qui les
relie tous. J'ai écouté leur musique un jour et j'ai
flashé... Ils sont tous assez différents les uns des
autres, ont leur personnalité musicale bien marquée.
Ce qui les rapproche peut être, serait tout simplement la
même volonté et la même envie de participer au
développement du label... On débute ensemble...
Dans ce sens, penses-tu qu’un brassage des
genres musicaux soit l'avenir de la musique électronique ?
Zend Avesta parlait dans une interview donnée à Planet
of sound d'une diffusion totale de celle-ci dans les autres
genres jusqu’à dissolution absolue ? Ton avis ?
Sous peine de me répéter, comme je le disais tout
à l'heure, j'ai tout misé sur l'éclectisme
et sur l'ouverture musicale. Je ne pouvais pas faire autrement.
Je suis comme ça. Je suis avant tout un auditeur qui ne veut
pas se cantonner à un style, et surtout pas électronique...
C'est restrictif, sectaire, et contraire à l'image que j'ai
de l'enrichissement culturel... Arbouse recordings est né
de cette position... Je crois bien sûr au mélange des
genres, à leurs croisements... Je n'ai jamais aimé
les chapelles, et je ne sais pas si elles existent véritablement...
Les musiques se sont toujours enrichies les unes des autres, la
musique électronique n'est pas un genre en soi... Elle ne
se dissoudra dans rien, elle est déjà dissoute dans
des tas de trucs, et ça a commencé il y a déjà
un moment... On reparle de pop dans l'électronique ou de
new wave. On remixe Barber ou Satie, on balance des rythmes hip
hop ou salsa, la dissolution, elle, est permanente. Bien sûr
ça occasionne une production de merdes considérable,
puisque nous sommes rentrés en plus dans une ère de
consommation et de recyclage... Le brassage, quel qu'il soit est
l'avenir... C'est l'avenir de l'homme (c'est aujourd'hui l'avènement
de la psycho interculturelle), de l'art, de la création...
Alors pour les musiques électroniques, le brassage est en
route depuis longtemps, bien avant que Zend Avesta sorte des disques...
Penses-tu qu'il y ait un phénomène
de mode autour du genre électronica/atmosphérique ?
Quelle place y jouent les médias ?
Pour sûr... Si c'est pas branchouille de dire que l'on
écoute de l'électro... Surtout à Paris... En
province encore, on s'en fout... Les médias ne jouent aucun
rôle... Je parle des médias qui ont pignon sur rue.
Ils ne font aucun travail de défrichage, et leur seule raison
d'exister c'est de vendre du papier... Quand tu sais que la presse
française est gérée par deux groupes de presse,
à moi la peur. Ils ne s'intéressent à un label
que quand il commence à vendre des disques (normal puisque
il fera automatiquement vendre du papier)... La presse, elle ne
risque pas de t'aider (c'est comme les banques, ça ne prend
pas de risque)... Quand j'ai dit ça, j'ai presque tout dit...
La presse indépendante est désormais pratiquement
inexistante, les émissions radio qui jouent un rôle
pédagogique et de "découvreurs" se comptent sur les
doigts de la main, la télé est inaccessible. Sauf
pour Virgin, Warner et Universal, bien sûr... C'est bien connu,
aujourd'hui si tu veux un papier dans un canard, il faut que tu
achètes un espace publicitaire... Alors la mode des musiques
électroniques n'est qu'un leurre. Une couv avec les Chemical
brothers, un spot publicitaire avec Revolution du mec d'ici d'ailleurs
ou un sujet sur Notwist à Trax sur Arte et voilà,
la musique électronique est le dernier phénomène
culturel... C'est du vent... Il n'y a aucun travail de fond, et
pourtant on pourrait en faire des trucs... Et le pire c'est qu'il
faut faire avec ça pour ta promo, t'as pas le choix.
Quels sont selon toi les artistes majeurs
du moment ? Les labels à surveiller ?
Alors là, c'est difficile de répondre... J'aime
des musiciens, de là à dire qu'ils sont majeurs, ça
se juge sur le temps peut être... Peut être Fennesz
est majeur, Hood dans un autre genre...
Sinon j'aime bien Electric birds, Sybarite, Explosions in the sky,
KC accidental, Designer, Tortoise...
Pour les labels : Deluxe, Temporary residence, Noise factory,
Schematic, Tomlab, Orgasm...
On
a du mal à augurer de l’impact du CdR sur les petites structures ?
Cela favorise-t-il la création et l’expansion -toute proportion
gardée- des petits labels ou au contraire le dessert-il ?
Les deux à la fois... Ça démocratise la
production discographique et ça favorise le développement
culturel. Mais ça bloque pour la distribution et la médiatisation
du disque...
Le CdR, c'est à la fois pratique parce que c'est facile à
concevoir et à reproduire, mais je le vois surtout comme
un positionnement presque politique dans la chaîne de l'industrie
du disque. C'est un gros bras d'honneur à tout ce système.
Même si on essaye de l'étouffer. Par contre là
où le système te rattrape, c'est pour distribuer tes
disques, là c'est pour ta pomme. Rares sont les distributeurs,
là aussi courageux -c'est comme la presse, il faut que ça
vende- qui s'engageront à distribuer du CdR, et pour avoir
une chronique, il faut que tu attendes longtemps pour avoir trois
lignes et encore au fin fond d'une rubrique, genre "démos
ou découverte"...
D'un autre côté, si c'est un positionnement et un choix
artistique de faire du CdR, on peut se passer de ces étapes,
et on porte le truc tout seul... En bref, quand on fait du CdR,
il ne faut compter que sur soi. Sauf quand on s'appelle Tigerbeat6
ou Staalplaat et que faire du CdR, ça ne pose aucun problème.
On retombe sur nos pieds. Bien sûr il y a la réputation
du label ; mais il y a aussi un phénomène de
mode, non ? Alors je ne sais pas si toute proportion gardée,
si ça favorise la création de label... De toute manière,
il faut qu'il y ait des types qui achètent les disques d'un
label pour que celui-ci fonctionne (point de vue, en tout cas du
distributeur ou des médias), et là aussi les types
sont rares pour acheter du CdR, "ça fait pas vrai"... C'est
en tout cas ce qu'on m'a dit un jour...
Penses-tu les auditeurs plus exigeants qu'auparavant ?
Ne sont-il pas noyés dans l’abondance ?
Voilà une question qui me préoccupe... Quand je
réalise des interviews pour mon fanzine, elle revient souvent.
Comment arriver à sortir du lot, de cette masse de productions
discographiques. Ça parait a priori difficile. Il faut arriver
je crois à se trouver une identité. Ça passe
par la musique que tu défends, les artistes du label bien
sûr mais pas uniquement. Ton discours aussi, tes visuels...
Ça n'est pas simple, mais c'est ce qui est passionnant. Arriver
à ne pas ressembler à tout le reste... Les auditeurs,
de toute manière ne sont pas si nombreux -un mec me disait
qu'on sortait des disques pour une poignée de gens et je
crois que c'est vrai...-. C'est vrai qu'ils sont sollicités,
et très certainement noyés. Je ne les pense pas plus
exigeants qu'autrefois, bien au contraire. Ils font des choix qui
ne leur sont pas forcément propres (effet de mode...?), ça
parait vraiment difficile aujourd'hui d'avoir suffisamment de recul,
pour se dire que tel ou tel disque fait la différence. Les
auditeurs aujourd'hui sont surtout des consommateurs de sons à
la manière des chroniqueurs, voraces de disques... On tourne
vite la page... On ne prend plus le temps, d'aller plus loin, d'en
savoir plus . Mais ça va de pair avec ta question sur la
médiatisation... On creuse rien, on consomme seulement.
Discographie
ALC
LEVORA / SCHNEIDER TM Normes et déviances 1
1er volet de la Collection "Normes et Déviances"
Cette collection se présente dans un format court
(4 titres). Elle réunira deux artistes ou groupes, où
chacun conçoit un morceau et remixe celui de l'autre. L'originalité
de cette collection réside surtout dans les collaborations
(un artiste méconnu avec un autre qui l'est beaucoup moins...)
arboufirststep001 HOPEN Nailing
shadows (10 tracks)
Cette série ne sortira qu'en CDR et permettra à de
jeunes musiciens de se faire (re)connaître, tout en bénéficiant
de l'image d'un label, par ailleurs éditeur de support plus
traditionnel…
V/A BUCOLIQUE VOL.1 with Twisted Science, Sink, Chessie,
Electric Birds, Rothko, Hood…
ACETATE ZERO Pieces in trouble + remixs (Rothko, Köhn,
Robert Lippok…)
EGLANTINE Musique rouge
A venir
arbou004
Nouvel album d'ACETATE ZERO
arbou005 Ep de SINK
arbou006 : Ep de ARCO
arbou007 : Compilation
BUCOLIQUE Vol.2 Designer / Marumari / Gel : / KCaccidental
/
Pimmon / Velma / Calla / Un Automne à Lob-Nor / Amp /
Phosphene / Ma cherie for painting / Astrid / Ddamage / Yellow6
/ Lena…
arbouse recordings | Le Bourg - 12630 Montrozier | France
mèl | site
|