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Entretiens

  JadeWeb chroniques #11
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LES ENTRETIENS
. Clinic .

. Piano magic .

. Bip-Hop .
. Arbouse Rec .

MEMENTO MELODIES

À LA LOUPE
Le label Z & Zoé

LA DEMOTHEQUE #1

CHRONIQUES #10
CAVIL . CAMPING CAR . POST OFFICE . DAVID WHITAKER . INFORMATION . DELAY MAKES ME NERVOUS . V/a LEAF . SOGAR . KAT ONOMA . CADIER / BURGER . MY LITTLE CHEAP DICTAPHONE . COLLECTION OF COLONIES OF BEES . SPECTRE FEATURING . SENSATIONAL . FENNESZ/MAIN . TARTWATER . NICOLAI DUNGER . ALEXEI BORISOV . BUSY SIGNAL . UN CADDIE RENVERSE DANS L'HERBE . IDAHO . MS JOHN SODA . OLIVIER QUEYSANNE . GOR . BJÖKENHEIM / HAKER FLATEN / NILSSEN-LOVE . PAUSE CAFE . MUS . FLEUR . FORMANEX . THE PHENOMONOLOGICAL BOYS . GHISLAIN POIRIER . MORGAN CANEY & KAMAL JOORY . DENZEL & HUHN . V/a PARTICULAR SYSTEM . RONNIE SUNDIN . ACTIVE SUSPENSION VS CLAPPING MUSIC . OLIVIER LAMM . THILGES 3 . ZOHREH . TUE-LOUP . HLM . FAUST . BUNGALOW . DICTAPHONE . COLLIN OLAN . 17 HIPPIES . NOONDAY UNDERGROUND . DENSE . VISION SHRINE . DAVID DESIGN . PURE . KUBIK . ACETATE ZERO . MASON JENNINGS . DIAGONALE STABLE . ANTIFROST . CORDELL KLIER . MINAMO / JÔRG-MARIA ZEGER/I-SOUND + D. RAFFEL . MIMETIC MUTE . PHILIP SCHEFFNER . TRAVAUX PUBLICS . MONTAG . T. RAUSCHMIERE . COLLEN . GUITAR . END . BATTERY OPERATED . IDENTIFICATION . ALAIN BASHUNG et CHLOE MONS . BREMSSTRAHLUNG RECORDINGS . DAYGAL . MICHEL & MICHEL . LA GOUTTE . RJD2 . TUJIKO NORIKO . SUPERSOFT [14-18] / ANDY’S CAR CRASH . GEOGRAPHIC . El-P . 22 PISTERPIRKKO . MLADA FRONTA . NO REWIND V/a . MILEVA . TRIBECA . DING DAWN . SCORN . THE WALKMEN . YUNX

 

DORA DOROVITCH Various Artists
(Dora Dorovitch/ Discograph) [site]

Dans un monde où concurrence et rivalité sont devenues si naturelles qu’elles apparaissent comme lois logiques arbitrant les rapports humains, maintenir la culture en marge d’un esprit de marché, c’est croire encore à la possibilité d’une entente humaine sur d’autres bases que l’intérêt et la rentabilité.
Si intérêt il y a dans ce projet de label, il réside davantage dans l’exploitation des systèmes musicaux, émancipés des diktats du marché musical, libérant la pensée libre et l’expression vagabonde.
Dora Dorovitch est à l’image de l’expression [implorée] de l’icône [surannée] qui orne ses pochettes : une jeune femme, le regard lavé, naviguant entre détermination et invocation.
Cette compilation est un acte de foi délibéré, une ode à la liberté d’expression et au non-cloisonnement plus qu’une présentation sommaire et intéressée des artistes.
Avant toute chose, ce qui frappe, c’est le gommage patent des frontières entre les genres électroniques et amplifiés. L’axe créatif balance toujours entre ces deux sphères sans jamais ouvertement en préférer une.
D’où un jeu entre équilibre et rupture, entre esprit de conquête et retraite, les collaborations et projets multipliant les échanges transversaux. Il faut chercher l’explication dans le passif des musiciens.

Issue des poussières de structures (présentes ou passées) post-rock, noise et noisy (Moan, Purr, Experience, Diabologum), l’approche permet d’apprécier le caractère de chacun, Novö, nocturne et névralgique, dans un travail de textures et d’ambiances splendides, Panta Will sombre, entêtant, urbain qui, si sur le papier est un télescopage d’Expérience et Bosco, se révèle à l’écoute comme un Bosco des premiers travaux sous l’œil averti de Spooky et du collectif des Beat junkies !! excellent.

Telefax, nostalgique et Chet Bakerien, qui signe avec son our talk, la plus splendide suite qu’aurait pu espérer Bastard et Au large de la Sicile dans un exercice insaisissable ancré dans une atmosphère cinématographique.

Honey Barbara, atemporel et cold wavien, extrême-oriental ; Micka.a et ses oiseaux (hommage à Messiaen ?!?), pastoral et naïf ; Rio Totto, émanation des cendres de Moan avec l’esprit d’Hélium, de L’Altra et de Diabologum en surplomb ; Loisirs tranche la plénitude avec un morceau emprunt de l’esprit de Fugazi, et des Portobello Bones avec un titre sublimé de lignes mélodiques. La scène basque est également à l’honneur avec Izaera et Lisabö (plus ambiant) évoluant dans la même veine artistique que Loisirs. Thomas Meri et son approche folk-expérimentale droit sortie des labos de Tom Steinle (Tomlab).

Enfin Kapla (jazz métissé d’abstraction lignée Red Snapper-Red) et Ananda T (croisement étrange de musique greco-italienne (hélénico-ibérique ?) et de soundscapes urbains) clôt la multiplicité d’abords de cette compilation dont le seul lien majeur semble être le talent irradiant qui la gouverne.
JJ.

 
 
 
 

MASSIMO Hello dirty (Mego/Chronowax/Metamkine)
Massimo
a trouvé dans la musique, en plus d’un cheval de bataille, un exutoire à son trop plein de sexualité et de violence associées.
Son précédent opus (Hey, babe, let me see your USB…) établissait déjà les préceptes, les arguments charnels de cette quête dans une association implicite entre modernité (l’informatique, le graphisme) et l’instinct primaire de survie (sexe désinhibé et agressivité contrôlée). Ce Hello Dirty vient infirmer
avec encore plus de fougue ses positions et se pare pour l’occasion d’une savante mise en scène via le détournement de l’icône planétaire Hello Kitty (on distingue en insert une boite d’acide à l’effigie de cette dernière…).
Massimo révolté, Massimo éclairé, l’Italien nous met à sa façon en garde contre l’insidieuse douceurositéculturelle (le monde gentiment con de kitty) et musicale (les mélodies anesthésiées que nous assènent radio et télé) et qui disons-le
, si ce n’est gangrène, du moins assiège et endort notre sens critique. Cette " pensée light " vole en éclat à coup de coups de poing visuels cyniques et d’assauts digitaux brouillés dans nos estomacs fragilisés. L’esprit de Coste sur les brouillard digitaux de Bruce Gilbert et Masami Akita.
JJ.

 
 
 
 

FLIM Helio (Tomlab/chronowax)
Après l’essai de synthèse un peu foutraque de The Phenomenological boys, Tomlab, label allemand de Cologne, réinvestit le giron de ses premières amours et de ses plus vibrants émois, la folk song lo-fi sombre et névralgique teintée d’électronique.
Flim est un artiste unique et génial. Il arpente les coteaux émoussés de la musique pop avec une gravité peu commune. La finesse de ses mélodies évoque les nervures d’une feuille dans la lumière, à la fois ossature rigide et membrane fine et translucide.
De sa folk song contemplative, de ses gymnopédies, il aura su garder le meilleur et le dépasser. Ce qui est le plus évocateur, c’est l’ouverture et l’intégration de courants et de colorations ethniques, traditionnelles, du séquençage de cornemuse aux touches diffuses de jazz ou d’électronique.
Le rythme se libère, aidé en cela d’inflexions discrètes de tempo analogique. La coloration aux teintes pastels de sa musique enfantine gagne en grain et en texture. Les champs du post-rock, du jazz ne sont jamais loin et évoquent par instants fugaces Pierre Bastien ou Takagi Masakatsu.
L’intelligence pure qui s’en dégage classe définitivement Enrico Wuttke parmi les brillants compositeurs de son époque.

JJ.

 
 
 
 

SUBURBIA We are Suburbia
(Kwaidan 09/Universal)

Suburbia
recèle bien davantage d’attraits qu’il n’y paraît à la première écoute.
Les réseaux souterrains de ses compositions, les fondations enfouies de ses influences, infiltrent chaque pore des soubassements de nos cultures modernes.
On se trouve pris dans un flot de mélodies familières, parfois référencées quelque part entre
Schmoof, une chimère de Playgroup qui aurait rentré ses griffes, des sons eighties et bossa dans le vent et des ambiances chères à Luke Vibert, New Order, Ginger Ale, voire The Cardigans. De l’électro pop bien sentie sustentée par une voix féminine limpide et des textes qui oscillent entre gravité seconde et légèreté, permettant au final de dénicher quelques hymnes (Unsatisfaction, Lovers in wonders, Disaffected, Nightfall).
Duo Français composé de Marc Collin & Alex, cet album est une jolie réussite, joyeuse et impertinente : dans l’air du temps…

JJ.

 
 
 
 

DAKOTA SUITE This river only brings poison
(Talitres/Poplane)

Lorsqu’il est question de Dakota Suite, l’évocation du temps n’est jamais loin, ou plus exactement
l’idée de sa fuite et de sa maîtrise.
Le rythme pesé de leur musique suit le mouvement lent du fleuve et des berges qui ornent leur pochette, lente évocation du vieillissement, de l’incertitude et de la nostalgie.
On quitte ici le domaine de la modernité, le règne du superflu et de l’instantané, pour se laisser guider par le tandem Buxton-Hooson dans un univers de dénuements raffinés, où les textes évoquent encore des histoires, où les mélodies, lamentations empreintes de contemplation drainent leur flots de mélancolie, de légendes oubliées et de mythes ; un peu à l’image de Verdriet où l’imprécation du piano et de l’harmonium évoque les bandonéons de fêtes foraines (ou l’intro du Anchor’s song de Björk). L’esprit de l’album évoquant tour à tour Migala, Nicolai Dunger et d’autres encore. Le fleuve charrie l’avenir alors que le vent balaye le passé.
Une légère odeur de nature, d’humus, de bois humides et de lichens affleure à la surface de cette rivière qui n’apporte que du poison.
Moins orné de pièces exclusivement instrumentales que Navigators yard, plus ancré dans un song writing attachant, ce nouveau chapitre de Dakota Suite, enregistré entre Leeds, Nashville et San Francisco, extrait avec une beauté sans mesure la monotonie, la tristesse et l’amertume de leur quotidien, la faisant nôtre l’espace d’un instant. L’ivresse des espaces vierges et sauvages… Le chant pour celui qui désire vivre.
JJ.

 
 
 
 

QUINTET AVANT Floppy nails (Mego/chronowax)
On savait la filiation Mego/Metamkine/Noetinger/Marchetti/Pita tissée de liens ténus, notamment par le biais du collectif évolutif Mimeo. La concrétisation de ses structures et artistes respectifs prend à nouveau forme par le biais de ce Quintet Avant, trait d’union entre la France et l’Autriche.
Constitué pour partie de membres de la cellule Metamkine et de membre actif de Ouie-dire production, on a vu les différents intervenants de Quintet Avant traîner du côté de Metamkine (cinéma pour l’oreille) Alga Marghen, Staalplaat et Ouie-dire, entre autres. Ils livrent ici avec Floppy Nails un live réunissant Lionel Marchetti, Jérôme Noetinger, Jean Pallandre, Marc Pichelin et Laurent Sassi, ces trois derniers passés maîtres dans l’art de la phonographie (réécouter la série Coliphonie de Ouie-dire.
Cette prise directe est intéressante puisqu’elle donne une idée du dynamisme électroacoustique et de la réutilisation de sources concrètes retravaillées par bandes interposées. Les différentes phases de ce disque mettent en avant, dans un tissage distordu d’événements de voix, de flux analogiques, de scissures, de filtrages cinématiques, d’effet de revox, d’interceptions radiophoniques (ces voix d’opéra perdues dans l’espace) des matériaux en mutation ; un équilibre instable gouverne ce maxi angoissant.
L’articulation aléatoire des sources, leur discontinuité auditive dans l’espace et le temps exalte ce sentiment d’impromptu, de surprise et finit par gouverner l’ensemble de cette œuvre.

JJ.

 
 
 
 

THE MAJESTICONS Beauty Party (Big dada/PIAS)
La guerre des gangs, via une lutte fratricide de joutes verbales, de Slam session, oppose les Infesticons (robot Gansta envahissant New-York) aux Majesticons ; gangs qui s’affrontent dans l’esprit de Mike Ladd depuis quelques années déjà… Ils disséminent leur haine par albums interposés, livrant par bribe un peu de l’histoire de cette trilogie à laquelle viendra s’adjoindre les Trusticons dans le prochain épisode.
Mélange un peu branlant et putassier de genre, R’n B, rap, hip-hop -drum’n bass, écho de jazz et filament de néo-soul. On est rapidement collé au mur par l’envolée rythmique et lyrique de l’Intro Party ainsi que Prom Night Party, puis l’altitude acquise par ce démarrage s’essouffle, perd de son entrain.
Si la frontière linguistique nous empêche d’apprécier dans le meilleur contexte cette quête urbaine, on est amplement rassasié par l’imagination débordante de Mike Ladd.
Vast Aire, Murs (living legends), LIFE long, El-p ou Omega Moon participent ici à l’aventure. Ce deuxième volet, plus hédoniste et léger que son prédécesseur Gun Hill Road (avec Anti-pop Consortium, Company Flow, Saul Williams, Army of Thousand) développe plus librement sur le timbre de voix féminines (Cheeta Chinchilla, Kim Shimmer, Ivy League, etc.), parfois aux limites du R’n B et des travaux de Ashley Slater… moins d’unité, plus de candeur… un album un tantinet décevant malgré de bons passages, qui gagnera sans doute à s’insérer au sein de ses confrères, une fois la trilogie achevée.

JJ.

 
 
 
 

TROUBLEMAKERS Stereopicture (MK2/MK2 music)
Dans la hiérarchie des sens, l’emprise de l’image, du visuel prend définitivement le pas sur l’auditif, l’olfactif et le toucher. Pourtant, le son, dans sa forme cinématique bouleverse l’équilibre établi, brouille la bonne marche de la nature, et ce par la puissance des images qu’il est à même de susciter, de véhiculer à l’esprit.
Si les bandes originales, pour les moins pertinentes du genre ne font qu’accompagner et souligner de manière simpliste l’orientation d’un film, le travail inverse demande quant à lui, une rigueur plus grande, l’esprit et l’imaginaire étant plus réticents à composer des visions eidétiques précises, abouties.
MK2 en association avec Jean-yves Leloup a ébauché cette collection, en laissant une liberté d’agir
total à leur protagoniste. Les Troublemakers, deuxièmes intervenants de la série, esquissent ici un paysage changeant d’ambiance dominé par la prégnance du polar noir américain des seventies. Depuis Braxton à la Blaxploitation en passant par Harmless, Impulse ou Soul Jazz, c’est sans doute au cinéma de Tavernier, de Truffaut ou de Eastwood qu’ils font un clin d’œil. Le jazz comme fil conducteur, avec en position dominante Yuseef Lateef et Pharoah Sanders (qu’on retrouve notamment sur la musique de film Les frères sœurs réalisé par Eric Errera), de Miles Davis à Charlie Parker. Autant de musiciens qui ont fait de leur vie des films et des mythes.
Avec intelligence les fauteurs de trouble réorientent à l’occasion leur selected works vers des espaces plus modernes, plus contemporains (les sons spectraux de Taillefer droit sortis de l’IRCAM, The Isolationist)… En attendant le cinematic Orchestra… Hautement conseillé.

JJ.

 
 
 
 

DORINE_MURAILLE Mani (Fat Cat/ PIAS)
Le parcours de Julien Loquet " Gel : " est une exemple à suivre. C’est parmi les premiers à avoir su s’extraire du carcan hexagonal étriqué et se faire valoir à l’échelle internationale.
Ses différents projets et actes témoignent pour lui : Gel : est son succès d’estime au Japon (7000 copies écoulées tout de même), ses collaborations croisées avec Tujiko Noriko, Prefuse 73 (un remixe de Scott Herren à venir), ainsi que des albums, maxis sur Active Suspension, Goom, Intercontinental et à présent Fat Cat.
Dorine-muraille est une des facettes du caractère de Gel : sa plus débridée, pourrait-on dire. Utilisant les techniques de superposition, de décalage et d’inversions brevetées par Oval, les sinusoïdes mélancoliques de Snd, la sensation granuleuse
d’un Pimmon et les voix empruntées d’un Scanner (période Mort aux vaches).
On traverse ainsi le paysage et le discours d’un mec bourré qui éveille en nous la fibre voyeuriste, auditeur malgré nous de ses conversations (monologues ?) ; curiosité accrue par l’intégration de nappes folks électroniques vaporeuses qui troublent notre perception, laissent notre cerveau dériver vers un rêve éveillé.
Un prolongement idéal aux premiers travaux de Scanner et aux ambiances de Dominique Petitgand. Chloé Delaume vient surimposer sa voie aux mécaniques frêles de D_M laissant un temps ses mains jalouser sa voix.
Le graffiti en couverture de pochette résume à lui seul l’asthénie culturelle de nos sociétés contemporaines. Triste période, un peu moins amère en compagnie de Dorinne_muraille.

JJ.

 
 
 
 

SCHMOOF Bedroom disco
(Angelika Köhlermann/import)

On savait les conversations féminines portées à l’avant-garde des enjeux cruciaux de ce siècle : régime amaigrissant, produit végétarien, pelling, shopping, addiction au chocolat, etc. Schmoof communie sans honte sur ces thèmes avec la ferveur de pèlerins musulmans en approche de la Mecque.
Ça chante à gorge déployée, ça éructe, ça sautille et ça virevolte, ça hurle aussi ; ça fait fonctionner les maxillaires et les muscles du visage (bon pour la peau) sur fond d’artillerie analogico-synthétique cheap pop trashy façon Robots in Disguise, Miss Kitting ou camping Car. Frais et entraînant.

JJ.

 
 
 
 

Fabrice EGLIN/Benjamin RENARD S/t ([vert pituite] la belle)
La musique improvisée a cela d’incroyablement puissant qu’elle semble totalement se dissocier des querelles de chapelles, des modes et des courants (en fantasmant un peu). En cela, chaque intervention, événement, création musicale semble enrichir l’édifice, confortant les bases de la tour de Babel du questionnement acoustique.
Fabrice Eglin et Benjamin Renard ont pris le parti de saper leurs connaissances, leurs références passées, privilégiant, autant que faire se peut une approche instinctive, libérée de toute pré-conception paralysante. La constitution de sons pensés comme des phrases n’occulte en aucun cas la réflexion globale du projet, parfaitement cohérente quant à elle.
Pas de plan établi, pas d’intrigues cousues de fil blanc, le champ de la musique administré par deux duettistes
s’établit dans une géographie où l’horizon impose sa stature, où la vie s’esquisse sous le permafrost et où le scintillement de la glace est déjà une promesse de mouvement et de vie (Witches part 1/part 2). La nature reprenant parfois vigoureusement ses droits (24 Août faux départ, Vapeurs).
Les compères oscillent entre ces deux visions d’apparences discordantes du son (le silence et le bruit) sans jamais réellement choisir, ni l’une, ni l’autre.
Une musique douce et ténue, calme et lancinante, violente et urbaine qui s’impose une certaine proximité avec d’autres formations de chez Pricilia ou Shambala.

JJ.

 
 
 
 

TONNE Sound toy V1 2X 12 [Audio/ Software]
V/a (Hakan Libdo, Scanner, Si-cut-Db, Tonne)

(Bip-hop/La Baleine)

Paul Farrington est à l’honneur puisque sort simultanément un split album en compagnie de son camarade Scanner ainsi qu’un Bip-hop génération 6 où il distille les spiritueux visuels (il est le consignataire du Sound toys) et sonores les plus évanescents de sa collection.
Cet album est constitué d’un exercice de remixes laissé aux mains des quatre tortionnaires de talent que sont Scanner, Hakan Libdo, Si-Cut-Db et lui-même.
Le système hybride mêlant sons et images a été proposé à chacun des artistes comme une figure imposée : sélectionner 12 samples de leurs propres factures, et utiliser le logiciel comme porte d’entrée à l’exploration musicale, diversifier leur méthode d’approche dans une relation ludique et visuelle avec la machine. L’interactivité, la simplicité d’utilisation, la convivialité et l’originalité d’approche du software font de cet album (le premier de la série ) un événement en soi.
Un album où s’épanouit une vision apaisée de l’espace, musique atmosphérique où s’ébattent quelques repères, bornes de surface glitchs impassibles, phénomènes de réverbérations acoustiques, voix désincarnées… Le procédé est usité de longue date mais l’approche ici faite contient une part de fraîcheur intacte et dissimule encore son lot d’étonnements. L’approche se veut tantôt instinctive, tantôt réfléchie et calculée mais donne à entendre un album d’électro-sinuosité atmosphérique de toute beauté. Entre les recherches d’esthétisme d’un Alva Noto+ opiate sur Raster Noton et la fragilité d’un Hazard.
Essentiel !!!!!!
JJ.

 
   
 
   

HOMELIFE Flying Wonders (Ninja tunes/Pias)
Le microcosme expérimental qui sévit sur cet album, les variations et ratures électroniques, les détournements et malversations mélodiques sont le fait d’un seul homme, qui a su faire partager
sa passion à son entourage d’amis… Paddy Steer, maître de cérémonie, Tony Burnside et Simon King en apôtres fidèles auront su prêcher auprès de musiciens exemplaires (Lowdell, semay Wu, Seaming To, James Ford, JasonSelf, etc.) et les convertir à leur foi.
Des musiques cubano-latines aux légèretés d’après-guerre américaine, d’une folk désaccordée à du trip-hop bancal gonflé au Theremin… Homelife libère toute son énergie créatrice dans un grand élan rédempteur… Parmi les déjà nombreuses références dont on les affuble sans vraiment pouvoir les cerner, on peut ajouter Noonday underground, les Beach Boys en virée avec Tipsy, à Busy Signals, The books l’orchestre impérial de Pékin, Flanger ou DJ Shadow, pour donner une idée des imbrications de la formule Homelife. Bricolage, imagination et trouvailles ! Un patchwork subtil.

JJ.

 
   
 
   

LAUDANUM System/on (Monopsome/Chronowax)
Mathieu Malon aura su dépouiller sa culture musicale des écueils violents, des poncifs éventés et des courants d’opinion et de mode qui ont régulièrement cours dans l’agora des musiques actuelles. La pureté et l’absolue nécessité de chacun des titres de System
qu’on mettait déjà en relief, à l’époque de sa sortie, dans un parallèle morne, la triste vacuité, la pauvreté évidente des productions musicales d’alors (exception faite de quelques défricheurs).
C’est encore le cas aujourd’hui.
Cette mise à nu des morceaux par un collège d’artistes et d’amis, triés sur le volet du talent est pour le label et son auteur une manière de faire un dernier tour d’arène, prolonger autant qu’il est possible le plaisir jouissif de son audition et dans le cas présent de sa réinterprétation.
C’est surtout la possibilité de remettre en perspective l’impact de cette création sur une scène aussi variée qu’internationale.
Tâche ô combien difficile mais réussie pour les neuf artistes méritants qui ont dû prendre acte des propositions parfaites qui leur étaient livrées… Pêle-mêle : Saloon, Objectile, elt.rmx, Tracy flick, Margo, fc*k, Jerome Minière, Wash’O matic all stars.
L’objectif central semblant être de puiser dans l’identité du morceau, pour en révéler les lignes saillantes, les points d’accroche à un développement possible. L’ambiance générale de l’album perd de son sens, et c’est normal, mais on a un plaisir pas volé à écouter la pertinence des approches, leur variété aussi… Mention spéciale à Fc*k (qui a su faire acte de curiosité créative sans trahir l’intégrité du morceau), Teamforest, Wash’O matic all stars et les autres pour l’emprise qu’ils ont su donner à leur vision personnelle.
[Remixes dispo via le site du label]

JJ.

 
   
 
   

PULP FUSION The harder they comes
(Harmless/La Baleine)
Si le port du pantalon à patte d’éph est foncièrement déconseillé dans la pratique courante du cyclotourisme, il n’est en revanche pas interdit de le revêtir à l’occasion de sessions musicales Harmlessiennes.
Aux côtés de RCA Victor, de Soul Jazz, des disque Superclasses ou de People, Harmless poursuit son exhumation exhaustive du panorama musical funky, s’imposant comme un interlocuteur privilégié dans la compréhension de cette période et de ce genre. Pulp Fusion 6e ou 7e volume à ce jour se positionne davantage sur le champ des musiques hybrides, articulé entre expérimentations rock, soul, néo-jazz et nu-funk, et ce à la différence des autres séries thématiques du label (I’m a good Women pour les chants féminins, mellow mellow ou Gimme shelter pour les approches plus suaves etc.).
Pour cette nouvelle distribution, les
vacations en terre funk sont toujours aussi racées, excitantes et l’on a plaisir à retrouver quelques habitués des lieux, de George Benson à Funkadelic en passant par Salinas, Harlem underground Band, Gordon Staples ou le Johnny Otis Show ou les Kool & the gang et leur période roots prodigieuse. À savourer en relisant la trilogie lumineuse d’Iceberg Slim.
JJ.

 
   
 
   

ELEKTRONIK V/a (Ultra violet) [mèl]
Les crochets d’exclusion du k d’électroni[k] ne sont pas suffisant pour mettre entre
parenthèses le projet du mini-festival même. Cette compilation, balayage transversal de quatre jours d’activisme de ce " off " des Transmusicales prolonge avec une belle sagacité les émanations sonores des lives, ondes vibratoires & radiophoniques des sessions.
Un assortiment forcément non-exhaustif de la création électronique à la française, à la fois exigeante, instinctive et abordable, qui coiffe la majeure partie des sphères du genre : des espaces d’improvisations (My jazzy child, Archipel, sublime) ou brouillards compacts de guitares (Shinsei), des épures d’électroniques fragiles (Sogar, davide Balula) à la machine de guerre rythmique (Sink), en passant par les Scratchs abstraits (Tpre) chacun pouvant y trouver son compte. Sans conteste, une des meilleures collections de portraits et un état de lieux éclairé de la sphère électronique actuelle.

JJ.

 
   
 
   

APRIL MARCH Trigger (Tricatel/Wagram)
La logique interne de Tricatel est une géométrie complexe, une structure alambiquée qui fait appel à l’humanité et à la simplicité de ses dirigeants pour en comprendre la petite mécanique. D’un hymne furieux pour fans japonais, à la mise en musique d’hommages "décalés" (Popp, Whitaker) au passage à l’acte d’actrice (Lemercier), chacune des sorties du label est une aventure existentielle et drôle.
April March permet au label de faire un retour aux sources (le groupe avait offert une des premières signatures du label). Évoquant le passage de l’automne à l’hiver, cette période unique où la forêt devient odeur et couleur, la musique d’April March ne parvient jamais à conserver un point d’équilibre fixe, changeant constamment de couleurs, passant du rouge-rock au jaune-pop seventies à l’orange-easy listening-lounge (la touche de Burgalat, est… hum, perceptible !). La seule chose qui nous étonne encore étant que cette palette chromatique se tienne, et d’une bien belle manière en plus et illumine nos espérances, diluant nos soucis dans ce malstrom vivifiant. Quelque part entre la voix lactée, Vladimir Cosma et les systèmes planétaires Pizzicato Five/Divine Comedy.

JJ.

 
   
 
   

KOMET Vs BOVINE LIFE Reciprocess + / Vs 01 (Bip-Hop/La baleine)
La série était annoncée depuis plusieurs mois qu’on trépignait déjà devant le concept : mutualiser l’extrême savoir-faire de deux activistes à la faveur d’une thématique centrale : l’idée de réciprocité. Par réciprocité, le label entend établir un flux tendu d’interactions sonores où l’artiste A expose une composition revisitée par l’artiste B, qui à son tour subit la modification du premier jusqu’à épuisement de l’espace du disque. Ce système d’imbrication en " table gigogne ", par strates successives porte ses espoirs; l’osmose entre Komet (Frank Bretschneider) et Chris Dooks (Bovine Life) est prégnante dés le second assaut. L’attraction conjointe est également celle des deux labels Bip-hop et Fällt qui sortent simultanément le disque.
L’Allemand apporte en défectuosité rythmique ce que l’autre retranche en texture mélodique. Komet tisse ici un croisement d’événements interstitiels où fleurissent des extensions de glitchs, des crachotements sourds, des fractures.
De la communion d’esprit, on transite vers une extrême dualité avec des conflagrations sonores brutes et dansantes comme sur FB re-constructs BV.
Une collaboration accomplie qui ne laisse aucune place au hasard : travail, exigence et exploration concertée des sons.
JJ.

 
   
 
   

MAJA RATKJE Voice (Rune Grammophon/ECM)
Les âmes égarées et mélomanes du label Rune Gramophon connaissent Maja RatKje sans le savoir. Elle officie, tapie dans l’ombre au sein du collectif Spunk depuis quelques années, groupe déjà tributaire de deux albums pour le compte du présent label norvégien.
Son curriculum vitae n’est pas l’exact reflet de sa jeunesse, puisqu’il se compose d’une interminable liste de performances, de directions de projets et de collaborations : des forces armées norvégiennes à Fe-mail, un side band en passant par l’avant-garde norvégienne ou Jazzkammeur (John Hegre et Lasse Marhaug) ici producteurs de l’album.
Pour ce qui est de Voice, l’identité profonde qui s’en détache évoque les recoins obscurs de nos esprits, ses entrelacs ; quelque chose comme une hypothétique Métropolis cérébrale et sonore, mais également, dans le traitement des sources les éructations verbales de Jaap Blonk, poète sonore hollandais et l’ambiance angoissée des albums de Braaxtaal.
Ce que fait Blonk avec sa voix, Maja l’exécute à l’aide de séquençage, de jeux de boucles et de superpositions, via un matériel sommaire (quelques samplers, un disque dur, un dictaphone et un enregistreur de cassettes). Le concerto de Voix se développe sur près de onze titres sous toutes les formes connues (inversion, hurlements, chant liturgique, chuchotements, complaintes, vocalises). On pense aussi à certains albums de Ground Zero, à Catherine Jauniaux et Ikue Mori ou Junko sans ses Dust Breeders.
Cette pièce sonore, est une lutte avec soi même, tant elle épuise psychiquement l’auditeur la voyant par instant passer du bruit blanc à la beauté d’une voix à capela, puis au silence. Ultime et sans concession !!!!!!

JJ.

 
   
 
   

GISCARD LE SURVIVANT J’irai dîner un jour chez un pompier français [mèl]
À l’heure où l’ancien président redéfinit les frontières historiques de l’Europe à sa guise, la jeunesse retrouvera via cette démo un peu de l’ambiance de sa période de présidence dont les titres multiplient les clins d’œil (l’équipe de France à Buenos Aire, Allez Sochaux, Cogné sur Bourguiba)…
Même si l’œuvre du temps nous a fait omettre certains détails de cette période, la musique qui s’y attache ici ,en l’occurrence ne livre ni accordéon, ni samples de bourrée auvergnate.
Une click-électro dégingandée, avec un fond de Ill-bient façon Wordsound et de strates d’ambiant tubarde et sombre (lignée Alice in Wonder), quelques samples bien sentis de Chirac (alors premier ministre) ou de tubes estampillés Khaled et vous aurez une idée du folklore interne de ce jeune musicien, dont les talents de composition se révèlent doucement à chaque écoute.
JJ.

 
   
 
   

NAD SPIRO Nad Spiro’s Fightclubbing (Geometrik/Mess/age)
Ça pourrait ressembler à une déclaration de guerre mais ça n’en est pas une, c’est simplement l’envie d’une artiste d’en découdre avec la texture sonore mondiale, ce malstrom titanesque.
Rosa Aruti a trouvé dans la présence de Francisco Lopez (musicien et ici boss du label Geometrik) un appui éclairé à ses attentes et aux fruits de ses divagations électroacoustiques.
Si le label s’est déjà fait remarquer dans un appui sans faille à la diffusion des musiques minimales, électroacoustiques, cinétiques, environnementalistes, Nad Spiro ne l’a pas attendu pour se faire un nom parmi d’autres athlètes de la discipline, depuis Vitor Sol à Kim Cascone en passant par Brian Lavelle.
La personnalité profonde de sa musique s’exprime à la faveur d’une superposition de fibres vocales délétères, de climats environnementaux post-urbanistiques, de filtrages analogiques proches de Dorinne_Muraille, d’électro minimale souterraine. Pris dans cette enclave sonore, elle réussit à comprimer les différents courants qui l’animent pour créer une pièce cohérente de près d’une heure d’atmosphères lucides, glaciales, entêtantes, déshumanisées et paradoxalement profondément humaines. De la musique post-électronique qui se consume…
JJ.

 
   
 
   

POPULOUS Quipo (Morr/La Baleine)
L’attention que l’on porte à présent à Morr, c’est à peu de chose près l’affection qu’un vieil amant administre à sa maîtresse, où la passion, ce feu sacré musical, cette sexualité auditive, s’est transformée en quelque chose
au-delà de l’amour ardent. Il livre ici un album excitant et convaincant sans être conquérant, lumineux sans être éblouissant : une électronica cotonneuse, enrichie à l’hélium, aux hip-hop vaporeux (façon Delarosa & Asora) et aux arpèges brumeux.
Populous présente ici un Quipo soumis à la pesanteur, qui opère des mouvements de compositions lents et ondulants… Le calme saupoudré d’une luxuriante batterie de granulosités, d’anfractuosités agréables, pourrait-on dire. Quelques chose comme la fine pellicule de neige qui recouvre l’asphalte à peine gelé. Populous cultive les mêmes accointances qu’un Scott Herren discret, un Phonem totalement introverti ou un Si-cut db épris de pop !
Un très bon moment, à la réflexion !
JJ.

 
   
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