SOMMAIRE

ENTRETIENS


A LA LOUPE
Le label SOFTL
Le label V/VM
Le label Z & Zoé

Chroniques de Julien Jaffré [ Contact ]

Ce mois ci
CHRONIQUES #15
BATHYSCAPHE . TRAVAUX-PUBLICS . SPEKTRUM . LUNT . BAKA ! . V/a MUSIK EXPERIENCE . LANGUAGE COMPUTER . AGF . Tô . TRICATEL . MEN’S BEST FRIEND . MAX HAIVEN/JON VAUGHN . V/a List . RYOICHI KUROKAWA . SKETCHES OF PAIN . MINOTAURE SCHOCK . Z_E_L_L_E . V/a Rural Psychogeography . MARGO . FORMA. 2.03 . FAUST Vs DALEK . MANITOBA . COURTIS / MARHAUG . LUCKY R’ . EXPLOSIONS IN THE SKY . REMARC . JOSH RITTER . GROWING . CHRISTIAN RENOU/ANEMONE TUBE . BREEZY TEMPLE . GUINEA PIG . V/A Kraakgeluiden doc1 1999-2003 . DIRGE . ATONE . HARPAGES . DEPTH AFFECT . REBECCA . JONO EL GRANDE . SKYPHONE . PUYO PUYO . MEAT BEAT MANIFESTO . WESCHEL GARLAND AND WORLD STANDARD . BRAILLE . HAMLET . O.Lamm & Sutekh . V/A HAUNTED WEATHER . MITCHELL AKIYAMA . ALEX GARRACOTCHE & STEPHAN KRIEGER . FUNKSTORUNG . HELIOGABALE . THE SIDE OF JORDAN . FROM:/TO:  . RAUD & HOLLAND . EXCAVATION SONORE . HYPO . THE LOOP ORCHESTRA . CLOUDHEAD . PAULO RAPOSO & MARS BEHRENS . V/A Nothing but a Funk Thang . Jorg PIRINGER . KID SPATULA . AIRPORT CITY EXPRESS . EPSYLUN ZYGMA CLUB . SUGAR PLUM FAIRY . Jean Luc Guionnet & Eric La Casa . CM VON HAUSSWOLFF . JOHN BUTCHER . YEYE . Pierre BONDU . MINIMALISTIC SWEDEN . BABY FORD . DJ DAMAGE . FLUNK . ALCAHA SOUNDSYSTEM . DAY &TAXI . PHI LIFE CYPHER . NHX . 90 DAY MEN . Fort Laudendale . Le POP 2 . PERLON . TBA . TANDY . WHOPPER . Villalobos . LUNGFISH . TWERK . MICHAEL YONKERS BAND . Andrew Thomas . SERGEJ MOHNTAU . The Limps Twins . ABSiNTHE (PROVISOIRE) . Gustavo Lamas . SETH P BRUNDEL . The Sound Of Warhammer . BEXAR BEXAR . Active Suspension at Vooruit, GENT . PLANETALDOL . FEIST . THE SHINS . Arman MELIES . GREENBANK . ROSIE THOMAS . V/A STEREO DELUXE . JASCH . KAMIDO . ARMAND-FLORIAND DIDIER . TANTE HORTENSE . METAMATICS . HELLFIRE . Laurent PLESSIET . ISO 68 . BMB Con . CARLO FASHION . JAS


CHRONIQUES #14
EXTENSIONS . LEFT / MIDDLE / RIGHT . BERNARD FLEISCHMANN . CHARALAMBIDES . KAFFE  MATTEWS . TRIOSK MEETS JAN JELINEK . NAO TOKUI . FANTOMAS . DEAN ROBERTS . CINELUX . FUTURE PILOT AKA . KAT COSM . OLAF HUND & HIS ORCHESTRE TOUT JUSTE . FORMANEX/AMM . PLURAMON . V/A LOST IN TRANSLATION . KID 606 . THOMAS MERY . PAUL WIRKUS . POLMO POLPO . NITRADA . MELODIUM . DUDLEY . BIAS . HANS JOAQUIM  IRMLER . ENCRE . KHANATE . ADVENTURE TIMES . V/a CIRQUE . PIANO MAGIC . THE HIGH LLAMAS . THE BOOKS . REFREE . XANOPTICON . GRIDLOCK . WILLIAM ELLIOT WHITEMORE DIM MAK . PARADISE ISLAND . DANCE DISASTER MOOVEMENT . EKKEHARD EHLERS / JOSEPH SUCHY / FRANZ  HAUTZINGER . OKKERVIL RIVER . ANTIFROST . THE PAPER CHASES . THE SILVER mt ZION MEMORIAL ORCHESTRA & TRA-LA-LA BAND WITH CHOIR . RED SNAPPER . AUTODIGEST . SUMUGAN SIVANESAW / DURAN VAZQUEZ .LEE VAN DOWSKI .WE GOT MONKEYS . RAINIER LERICOLAIS . GRASSKIRT . ANABEL’S POPPY DAYS . FABRIQUE DE COULEURS . METAXU . XIU XIU . NOVEL 23 . ERIK FRIEDLANDER . DICKY BIRD . SANTA CRUZ . PW LONG . DO MAKE SAY THINK . CHICA & THE FOLDER 42 . CLEAR HORIZON . TELEFON TEL AVIV . Ms JOHN SODA . Phrênésie #2 . EINOMA . BRUNO DESCOUT . J XAVERRE

 

chroniques 2003
chroniques 2002
chroniques 2001

LA DEMOTHEQUE #1
LA DEMOTHEQUE #2

 
CHRONIQUES #15

> BATHYSCAPHE -11034m (Monopsone/Chronowax)

À ceux chez qui la mémoire ne faillit pas encore, il est intéressant de noter la marge de progression phénoménale qui sépare ce  -11034m de son pourtant excellent prédécesseur road movie sorti en catimini sur le label lyonnais Lykill records.
Les premiers déplacements d’air musicaux laissent entrevoir l’éveil à l’humanité et à l’énergie, là où road movie était tellement plus narcoleptique et intériorisé (isolationniste ?), -11034m (référence au point le plus profond du globe, la fosse des Mariannes semble-t’il.) est beaucoup plus coloré et expressif. Un vertigo aquatique et ellipsoïdal qui tire sa force de cette répétition cyclique et instrumentale enivrante jusqu’à la lie.
Des compositions qui soupèsent le poids de l’air au détour de lancinantes énumérations d’accord de piano, d’arpèges de guitares (home sleep diagnostic), de circonvolutions de batterie et qui en retour le chargent d’humeur et d’agressivité tempérée.
La tempérance est assurée par les sonorités paysagères de samples et de boucles, de crachotements non inventoriés, presque organiques (shutter release) qui donnent une dimension humaine, le poids des fêlures et des blessures humaines, en quelques sortes.
Une musique posée et contemplative où l’énergie est maintenue sous pression par on ne sait quelle alchimie… Un disque vraiment splendide, qui évoque sans honte de grands noms de la musique… je pense au GENF sur DSA et ses mélodies entêtantes, mais aussi au premier SALARYMAN (l’omniprésence de la batterie) et surtout, comment ne pas les nommer au détour des atmosphères riches et aux climats entravés de détails merveilleux… de BASTARD. Détails heureux qui n’enlèvent pourtant rien à la sobriété et à la maturité de ce splendide album. Impossible de passer à côté ! www.monopsone.com

> TRAVAUX-PUBLICS Chantier N°5 Hip-Hop acoustique 
(Travaux-publics/www.travaux-publics.org)

S’il y a bien une chapelle musicale qui mérite l’attention du SAMU, de la Croix rouge, du FMI et par extension du comité du bon goût de Travaux publics réunis, c’est bien le hip-hop.
Certes, on voit poindre ici et là, depuis quelque temps des labels frondeurs tels qu’Anticon, Mush,Def Jux, Lex voire Big Dada qui ont à cœur de dépoussiérer les étagères et les écueils du genre et qui d’une manière originale, tendent à reverdir les trottoirs asphaltés du hip-hop… Pourtant, dans son étendue majorité, la production reste passablement ancrée dans des clichés tenaces (Phallocentrisme / Complainte excessive / pose et attitude outrancière).
Participant et se nourrissant du courant novateur sus-cité, les B-boys et autres Mc du posse TP ont pour leur part galvanisé leurs compositions à grand coup de mélopées rock, d’inspirations électroniques et du souffle créateur de l’acoustique (comme convenu par le dogme).
On sent d’ailleurs une certaine filiation dans leur approche, quelque part dans une diagonale tendue entre Afrika Bambaataa / TTC / Beasties Boys; une mixture transversale et polymorphe qui déjoue à chaque inclinaison vocale, tournant rythmique, notre attention.

Il y a aussi cette fausse nonchalance ostensible mêlée à des traits d’esprit drôles et cons qui piquent notre concentration, qu’il s’agisse de Mélange Maître Michel (Mix master mike !)  ou des Président Chirac qui se tapent une bonne crise de rire sur les faits divers de NTM ; Tout devient sujet à discussion et prétexte à texte.
De l’humour, donc, souvent exsangue du genre et qui libère un peu les thèmes maintes fois rabattus du hip-hop sans pour autant voir abandonner le gros son rond et émoussé qui caractérise le genre.
On traverse ainsi des climats bariolés de toute la torpeur urbaine qui dans un ordre chronologique nous font rencontrer Everybody Can et ses aires de bandonéon, avatar d’Astor Piazolla et de Chili Gonzales (instrumental et excellent) ; Hip Hop momo et sa basse satanique soulignée d’un speech digne de Jurassic 5 ; Ounch Ping bap ! et sa structure très Amon Tobienne ; Gou dt’ière et son hip-hop asthmatique en droite lignée de TTC, Paris sous les tropiks et son flow lent et pondéral comme l’atmosphère de la capitale ; Hip-hop corne, sorte de The Avalanches gavé de groove ; [mo] et son funk rock à la sauce France Culture,  Put Your Horn in your ass and pull off….et son splendide groove des profondeurs surteintées d’un flow digne du meilleur de Blackalicious ;  Hi-pop, j’irai cracher dans vos soupes  titre le plus percutant, sans doute car drôle et léger, cynique et énergique, quelque part entre Lionel D et NTM, mais aussi Slip ! oh my slip (croisement de Herbie Hancock et de Chagrin d’Amour) les textes démentiels de Trop perçus, sans oublier  le drolatique et fabuleux titre de Boogers, mélange maître Michel !… qui nous rappelle que même des structures comme Travaux Publics doivent justifier des 7% COTOREP.. Indescriptible !
Sans oublier Cadi Gavé qui élargit la gamme des narcoleptiques officiels du courant Hip-hop grâce à l’absorption intensive d’Hélium ! (Ces 2 là sont fous !), Démajusculé (old hiphop façon Grandmaster flash), Fiebre et ses incantations révolutionnaires et ibériques et le rap d’un ogre ventripotent sur les marches de la maison fürthenerhfgurt.
Et l’on me permettra de souffler la formule de conclusion à Bruno Peinado (plasticien-graphiste) relevé sur un tag : « Hip Hope ».
Grâce à la Travaux Publics team, le hip-hop peut assurément garder espoir.
Avec Boogers, Chlorine free, Croque Love, de la rue, Electroménager & subversive boys, Jean Lemou & Charlie O, K.baboon & Charli circus, Komori, Léonard de léonard feat Komorizer, maximum rectum, Mute feat cya & tof, Olaf Hund, Pouic Pouic, Rimaki feat Braxel, Robert le magnifique, rubin Steiner et swinging Skeletor.

> SPEKTRUM enter the… spektrum (Playhouse/La Baleine)

Avant toute chose, évacuer les malentendus et distinguer ce projet d’avec celui de Sonic Boom, soit SPECTRUM, ancien membre influent de Spacemen 3. Ce Spektrum est en fait un trio composé de Lola Olafisoye, d’Isaac Tucker et de Gabriel Olegavich. 3 étoiles échappées de la constellation Playhouse.
Pour autant, même si la comparaison avec Spectrum est fortuite, ce Spektrum la ne manque pas de ressources et invente un vocabulaire ludique et dansant autour de sa composition.
Un agglomérat d’électro-synthétique early 80’, de vocodeur et de chant façon Tom-tom club, de synthétiseurs fleurant bon le Herbie Hancock, de basse funky aux contours émoussés, de rock pugnace modelé par le Tigre et de gimmick house terriblement efficace !!!
Rien de nouveau sous le soleil me direz vous... Et pourtant de Spektrum se dégage une fraîcheur absolument délicieuse, quelque chose comme un dimanche ensoleillé avec une odeur de café et de croissant en arrière-plan. 14 titres qui démontrent que malgré les matraquages de revival du genre et la multiplication des projets similaires, on peut encore produire une musique plaisante et aérée… Vive Spektrum !

> LUNT broken words and lost answers
> BAKA ! Ephémère 
(hitomi recordings/ Chronowax)

On pourrait discourir de longues heures sur la ligne esthétique / beauté graphique admirable des pochettes du label, paysages au format oblong gansés d’un canson ébène, si l’on ne resservait pas les plus fines de ses éloges à l’analyse musicale de ses productions.
Hitomi est la membrane expérimentale, l’épiderme sensible d’Unique records, plus généralement portées sur les sphères Post-rock. Une scission qui se sera faite naturellement, étayée sans doute par une saine curiosité et le désir de faire émerger de nouvelles approches dans l’expérimentation acoustique.
De ce lent travail de production de l’imaginaire, la petite structure aux embruns asiatiques aura permis la mise au monde de 2 productions à ce jour.
Lunt qui inaugure l’existence du label est une belle preuve d’intelligence et de tempérance. Des pièces qui consacrent les détails du quotidien comme nouveau champ d’action à la création atmosphérique.
Composé autour de la matière vivante de bourdonnements de guitare, on dérive lentement sur des passages opacifiés et troubles, nous donnant l’impression de suivre du regard une ligne d’horizon toujours plus lointaine. Des évocations de lieux, de places, d’endroits, dont nous ne connaissions pas l’existence mais, qui, par l’habile croisement de l’écoute et de l’imagination, nous paraissent alors familiers, proches.
Le principe de ses constructions tient moins d’un entrelacs d’arpèges de guitares étirés et superposés que d’un jeu de silences et de phases où la pesanteur et l’air jouent un rôle prépondérant.  Les amateurs du label Dexter’s cigar (david Grubbs) apprécieront.

BAKA ! pour sa part, duo déjà évoqué dans ces pages, composé pour moitié de Jean Louis Prades (Imagho/ Sketches of Pain) et de Franck Lafay  offre à l’oreille le meilleur  de leur exploration musicale, de leur migration intérieure. Un florilège de sessions enregistrées live, agencées et mises en lumière au détour de cet Ephémère de près de 40 minutes. Des climats atmosphériques aux contours nocturnes où viennent s’insérer de très beaux instants de musique environnementale. Des vapeurs, qui mêlées aux odeurs prégnantes d’huiles et de cambouis donnent à ce voyage en train un caractère initiatique. Très bon.
www.hitomirecordings.com

> V/a MUSIK EXPERIENCE V/a Seriously underground shit found in the trunk of a mini parked underneath the eiffel tower
(ME / La Baleine)

Les concepts un peu abscons de Deleuze autour des Rhizomes auront au moins, à défaut d’être lus, permis d’insuffler de manière indirecte à une pléthore de petites structures l’envie et le désir de convertir en pratique la théorie. Une ramification qui prend la forme d’une collaboration amicale, d’une entraide fraternelle à même de produire émulations salutaires et projets communs et ce, en évitant autant que faire ce peu, antagonisme et conflits.
Ce nouvel appel à projet de l’excellent label Musik Experience en est un probant exemple. Deuxième compilation à ce jour du label, la structure parisienne étend ici son réseau, son maillage, s’offrant à cette occasion les services d’artistes itinérants tels que Dorinne_Muraille, King Q4, entre autres, derrière lesquels, on lit en filigrane la présence de labels amis : Clapping, Active Suspension, Effervescence, etc.
La communion d’esprit tient surtout à la philosophie similaire qui anime les intervenants. Les approches sont variées quant à la forme ; depuis les anguleuses spirales rythmiques d’Ezdac aux alcôves fumeuses de Infant, Spasm; les déchets numériques chers à Deathsitcom le hip-hop désaxé et urbain de The Killaz ou Kowatabo, les climats confinés de Stuntman 5, Jimmi T, tous participent de l’effort de guerre et apportent une fois encore de belles considérations de leur talent. Essentiel et précieux parce que rare. info@musikexperience.com

> LANGUAGE COMPUTER  Musik Back Riding
(Quatermass/ Tripsichord)

Il y a quelque chose d’étrange dans ce pseudonyme de "language computer", alors même que le hip-hop, est sans doute le mode d’expression musical le plus en phase avec l’expression humaine, depuis le corps jusqu’à la bouche.
Affilié à la scène Abstract hip-hop au même titre que Hi Tekk, l’armée des 12, TTC, Ddamage voire Abstract Keal Agram ou Robert le Magnifique, Language Computer, composé de John Bloug et Detect n’a rien à envier à ces jeunes et illustres références. À défaut d’un langage analogique en provenance d’un vocodeur, c’est bien davantage à une confrontation virulente que nous convie le duo, une confrontation où les scratches, noyés d’électroniques et de samples, viennent se frotter à la chaleur immanente du timbre rêche, et des phonèmes enfumés des artistes invités (Buck 65, s’il vous plaît, mais également, Hi Tekk (La Caution) et James Delleck) ou Reiko Underwater ; Hi Tekk, déjà aperçu à de maintes reprises du côté d’Active Suspension et Clapping Music voire avec James Delleck sur Cluster Ville  D’AKA en 2002.
Pourtant, l’écoute de ce disque exalte bien l’aspérité humaine et les fêlures sociales. Une musique qu’on pourrait décrire comme sombre et liturgique. Le travail du duo essentiellement instrumental est rehaussé à échéances régulières par les invectives des jeunes Mc qui déclament en français. Les phases instrumentales assurant de sublimes intermèdes aux atmosphères à la fois surannées et anticipatrices. De petites comptines urbaines, ciselées de micro mélodies de l’enfance et de scratch acides.
Un album subtil, tout en retenue et en nuances signé chez Quatermass, références d’éclectismes s’il en est.
Excessivement agréable.

> AGF Language is the most 
(Quecksilber/La Baleine)

Faisant suite à la charge émotive provoquée par son album sorti sur Orthlong Musik (westernization completed), précédent album acclamé par les initiés et la critique indé, AGF, soit Antye Greie, prolonge notre émoi au détour de ce live, commandité par Klangpark et édité sur Quecksilber. Un enregistrement vivant, enregistré à l’occasion des Ars Electronica de Berlin.
Remarqué dans un passé récent sur Kitty-Yo ou Mille plateaux, aux côtés de Vladislas Delay ou Laub, Antye Greie a patiemment acclimaté l’oreille des ses auditeurs à ses contrés extrêmes : la lecture de lignes de codes qu’elle déconstruit, rompt, réassemble en une musicalité étrange sur-impreniée d’effets, de sonorités sibyllines et de beat subsonique pondéré.
Le langage reste la forme intelligible de l’existence, de l’intelligence, de l’expression des idées… un assemblage abstrait de codes, de sons, de phonèmes qui compose une mélodie.
Le point de vue Zbigniew Karkowski est que la musique apparaît lorsque les mots ne peuvent plus rien exprimer. À ce postulat, Antye Greie substitue une analyse distincte où sa musique devient le point de départ d’un nouveau langage. Un point de liaison entre Scanner, Filament et Thomas Koner. De la poésie pure à fleur de peau.
www.quecksilber-music.com

> Tô  memory of (f)  (Fissür/fissur@caramail.com)

L’évocation du souvenir, de la mémoire intrinsèque des lieux et des objets est un sujet récurrent, une étude sensible qui précède souvent la réflexion.
Tö, jeune poitevin, déjà auteur de 2 courts albums à son compte stimule ici son approche/aiguille sa démarche/éperonne notre curiosité en prenant à témoin 2 lieux qui lui sont familiers : le grenier de la maison familiale et la forêt mitoyenne. 2 lieux fortement chargés émotivement, relatifs à son enfance qui ont également la particularité d’être chargés symboliquement, puisqu’ils correspondent à un lieu vide (fermé) et plein (ouvert), un peu à la façon d’Antifrost et son Void/ Full.
Thomas (Tô) s’exerce à retracer au travers de ses prises de sons environnementales et de manipulations concrètes d’objets prélevés sur place (écorces, branches, eau), la mémoire perdue des lieux, des gens et des vies qui ont traversé ces espaces. Une forme d’ethnographie des sites.
La mise en parallèle de ces lieux fermés et ouverts évoque par résonance d’autres problématiques en marge des champs musicaux, qu’il soit question de territorialité, de réflexion sur l’isolement, la nature, la solitude.
Un album autoproduit d’une belle intensité, proche des réflexions d’Eric La Casa sur ce thème, des productions Ouie Dire, voire d’une approche quelquefois similaire à Hazard (Wind, Wood, North, notamment) sur Touch.

> TRICATEL  l’Age d’Or de Tricatel
(Tricatel/ Wagram)

L’auberge espagnole TRICATEL achève sa révolution momentanée comme elle l’avait débuté, par une compilation. Au détour de cette compilation, on redécouvre le charme suranné, la légèreté (et le sérieux, aussi) de ce qui fonde la philosophie du label, à savoir l’imprécation inextricable d’univers pop, bossa nova, d’easy listening, de sound orchestral, de chanson à texte en français, de poprock et d’exotica traçant une ligne depuis Esquivel à Ray Baretto , de Les Baxter à la case Michel Legrand en passant par Andre Popp, Michel Magne et la Pop 60’ de Lee Hazlewood.
Un dogme musical qui n’en est pas un, sans amarres ni frontière et qui distillent depuis plusieurs années la topographie moelleuse et non contondante de la géographie intime des goûts et attentes du cartographe Burgalat. Un chef d’orchestre, qui dans cet exercice de style a réellement su fédérer des caractères et des personnalités en apparence opposées, les coiffant de sa bannière easy listening . De ces camaïeux d’existence, il aura fait une sorte de bonheur. Un petit Mémento Mori à l’égard de ceux (en reste-t-il encore) qui douteraient de la qualité musicale et du bien fondé de cette entreprise.Avec AS DRAGON, David Whitaker, Ladytron, Count Indigo, Etienne Charry, April March, Symphony, Michel Houellebecq, Ingrid Caven, Bertrand Burgalat, Helena, Alain Chamfort, Jonathan Coe, Eggstone, Depeche Mode ( !!) Valérie Lemercier, etc…
Lorsque légèreté et rigueur s’accordent sur fond de coloris pastel ou acidulé.

> MEN’S BEST FRIE ND  the new human is illegal
(Morr/La Baleine)

Fils de l’éclectisme et de la culture de masse, Thomas Morr ne pouvait pas rester insensible aux perturbations heureuses, aux manipulations en profondeur du Docteur Franken Sole.
Issu de la culture de rue américaine, classé parmi cette kyrielle de compositeurs/ingénieurs du son en provenance de label de Hip-hop mutant (Lex-Anticon-Mush, Def Jux entre autres), Sole assume 10 années de hip-hop, et un nombre certain d’albums sous son propre nom ou sous son pseudonyme Men’s best Friend (Bottles of Humans/ Selling live Water).
La venue de Men’s best friend sur le label teuton invite à une relecture amusée du catalogue de Morr, ou seules quelque percées down tempo avaient jusqu’alors vu le jour. Jamais celui-ci n’avait laissé divaguer (avec bonheur) sa production sur les terrains vagues du hip-hop, préférant les confinements feutrés des squares pop et autres passages électronica.
Le caractère impulsif, profondément rythmique et textuel de sa musique ne s’est pas pervertie pour autant. Un beat spartiate, une ligne mélodique anémiée soutenue par des paroles virulentes et politiquement engagées, inspirés de rêves et de réflexions sur la mondialisation, la paupérisation, les guerres, le capitalisme et autres grands mouvements de fond. Une vision assez sombre de la nature humaine qui dépeint sur ses compositions et tranche avec les habituelles références . Sans être son meilleur album, the new human is illegal reste un Pamphlet emporté à l’encontre de l’impérialisme.  Dense et sans concession.

> MAX HAIVEN / JON VAUGHN Front
(No type/ Metamkine)

Ce jeune duo, cette naissante collaboration trouve comme point de concordance le territoire de Saskatoon, lieu isolé de la province du Saskatchewan, îlot d’humanité perdue au milieu d’un océan de prairie, d’une mer de steppe à l’ouest de Montréal, géo-référencé au centre du Canada.
De ce « handicap » géographique, les 2 protagonistes en auront tiré une force et une philosophie qui alimentent l’ensemble de leur œuvre. L’activisme forcené de ces musiciens, leur constance à construire et créer, malgré les problèmes d’éloignements semblent un effort pour abolir les distances et l’isolement.
En un sens, ils nous rappellent qu’il n’y a plus d’ailleurs, ni de nulle part, que la géographie, l’éloignement ne sont plus des couperets sociaux, mais qu’il existe, dans des coins reculés des centres d’actions multiples, de productions culturelles, sorte de TAZ à la sauce Achim Bay.
Dans le cas présent, 2 électro-acousticiens, qui n’ont pas pris le parti unique d’une musique ambiante, à l’esthétique isolationniste mais d’un agrégat, malstrom de fébriles triturations urbaines, de plages acoustiques, de musiques savantes, d’ambiant introspective pour la majorité façon Kranky voire d’un morceau énergique et dansant façon Donna Summer sur l’intro. Un no man’s land musical où les vibrations ont des échos sonores de terres dénudées de leur enfance. Une symbiose avec leur environnement direct, qui paradoxalement, a énormément à dire et donne envie de partager en leur compagnie leur appétit d’isolement et de solitude, de vie, aussi.
Une démarche qui invoque la communication, le contact et l’échange. Un désir de combler l’espace par une pleine activité humaine… l’équilibre.
www.notype.com

> V/a List Instruments
(List/Amanita/Metamkine)

Ce qui fonde l’intérêt de label tel que List tient autant de la sincérité avec laquelle ils valorisent et défendent leurs artistes hexagonaux que de cette détermination à s’inscrire dans un cadre international, brouillant toujours plus les notions de territorialité et de frontières.
Hervé Boghossian, récemment salué pour son album RVB continue d’inviter l’international des musiques nouvelles à sa table.Ici, c’est une réflexion ténue sur les rapports entretenus entre acoustique et numérique qui guide les compositions.
Une succession d’artistes qui se présente comme une série d’événements sonores, de processus en courts. Chaque intervention procure ses lots d’attentions ou de surprises, qu’il soit question de monsieur For 4 Ears (Günter Müller) ou de Monsieur Intr_Version (Mitchel Akiyama) . Les artistes affiliés au label ne déméritent pas non plus (Sébastien Roux, Mou, Lips, Hervé Boghossian) et semblent toujours approfondir plus leur thème de prédilection.
Retraçant leurs performances passées ou actuelles, cette excellente compilation dresse un constat varié et riche de l’approche instrumentale.
Avec Werner Dafedecker/ Martin Siewert, Janek Shaefer, Steinbrüchel, Mou, Lips, Sébastien Roux, Günter Müller, Hervé Boghossian, Mitchell Akiyama, Julien Tardieu/ cylens,  Colleen, Mathieu Saladin/ Ivan Solano
.

> RYOICHI KUROKAWA Copynature
(Progressive Form/Moshi Moshi)

Le goût piquant du sel sur la langue, la douce rotondité des galets sur la plage, la lumière intense qui aveugle, autant de descriptions imagées susceptibles de faire entendre à un sourd la musique du Kurokowa.
Le crachin cristallin de micro-glitchs, la douce pluie de nano-effets apaisent l’esprit autant qu’ils rafraîchissent le corps. Pénétrant la mousse, derme rocheux entre tous, c’est alors la terre qui s’éveille et qui rythme par des échos sourds et pondéreux la ligne fluide de la mélodie appelant à quelques résonances avec Freeform, entre autres…
Si la musique de Ryoichi Kurokawa, jeune homme de 25 ans est si riche d’images, si pleine d’effets eidétiques, cela ne relève que du seul fait qu’avant d’être compositeur électronique, c’est un artiste visuel, vidéaste et promoteur d’installations renommées à travers l’Europe (Hollande, Angleterre, Suisse, France).
Sans être un traité d’environnementaliste ce double jeu où les sonorités factices de la musique électronique semblent vouloir se soustraire à la réalité des sons « naturels » reste troublant. Un travail subtil et enrichissant intellectuellement qui se double d’un format DVD, où sont mises en images ses constructions. Très beau.
Libre à vous alors d’agencer images et sons en différé, d’en faire un nouveau traité de bave et d’éternité s’il en est...
http://homepage.mac.com/p_form

> SKETCHES OF PAIN Necro 
(Versus records/versus.asso@wanadoo.fr)

L’adroit clin d’œil à Miles DAVIS n’est pas fortuit ; il semble simplement vouloir transcrire la volonté d’un groupe à œuvrer pour le genre noise, comme le génie Davis le fit pour le jazz en son temps.
Cette nouvelle production met en exergue l’existence du label Versus, dirigé par Jean Louis Prades, notamment tiers pensant de Sketches of Pain (Valérie Rossignol/ seb Carayon). Un 3 titres intense, qui a souhaité se délester des boîtes à rythmes et sampleurs, pour gagner en spontanéité et légèreté. Un vain mot si l’on considère, la densité des morceaux, fardeau heureux pour qui sait en apprécier la subtilité, jamais trop éloignée de John Boy –Distorted Pony (en plus calme) et de leurs circonvolutions rythmiques pondérales. Dense, et obscur comme l’ébène, précieux, également.

> MINOTAURE SCHOCK  rinse
(Melodic/ La Baleine)

Le projet Bristolien emmené par David Edwards en 2001 avait su tirer parti de cette complémentarité étroite entre électronique et atmosphères pop funambules et nocturnes ; un étrange objet, acclamé par la critique, beau et sensible, et dont l’assemblage semblait alors aussi inadéquat et incohérent qu’un homme orné d’une tête de Taureau…
Une belle aventure, en somme à laquelle il manquait pourtant un chapitre, un préambule, une genèse. Un cadrage historique nécessaire, dont Mélodic se fait le relais, au détour de sa vingt et unième sortie et ce, sur le fil tendu de 11 compositions ; nous proposant une excursion autant qu’une relecture du patrimoine premier de ce groupe.
Onze intitulés dont on retrouve la trace sur deux des premiers maxis du label Melodic ; Références 2 et 4, réunissant déjà, à l’état de nævus, la douce saveur sucré-amer de leurs ballades folk ill-hop teintée d’électronica.
Des climats aux consonances et aux détails d’architectures qui suggèrent les volutes de Warp, (Boards of Canada/ Plaid, Plone), la belle pesanteur de labels tels que CCO ou Karaoké Kalk ou l’inventivité de croisement d’un Fourtet.
Des belles énergies contenues, une exquise appétence d’harmonies aiguisées proches d’Opiate et une sale énergie urbaine tirée d’un vieil hip-hop instrumental old school.
Minotaure Shock cultive avec un talent sans mesure ce relâchement magnifique dans la gravité. De sublimes moments légers et graves, soyeux et texturés. Excellent !!

> Z_E_L_L_E  rjctd :: nw   (Cubicfabric/Chronowax)

Assumant la paternité d’un précédent album paru sur Line (nth), division concrète du minimaliste et laptopien label 12K (Taylor Deupree), ce duo italien, composé de Maurizio Martusciello et Nicola Catalano, a su tirer les leçons des paires de la musique concrète, Schaeffer en tête de proue.
Bardes d’une idéologie proto moderniste, composée d’électronica, de champs magnétiques digitaux, de micro-évenements (Glitch, click’n cuts, microsound), les 2 compères ont su rendre palpables des déclivités et autres micro reliefs seulement lisibles jusqu’alors en filigranes, par touches fugitives, périssables. Quelque chose comme du Seurat à l’air digital.
Poussant plus en avant leur recherche, et forts de leurs apports annexes (tels que des travaux autour de la batterie sur Metamkine) ils reviennent avec cet album spectral, fruit d’une vision naturée de leur imaginaire, qui à la façon d’un corps céleste lumineux, ne se laisse jamais regarder de face, mais nécessite une observation périphérique pour en desceller les caractéristiques et la beauté formelle. Un monde de vibrations, de grésillements, de disparitions et d’évanescence, de chaleur et de basse température, d’isolement et de fourmillements véritables.

> V/a Rural Psychogeography  (Nex Sound/ak@nexsound.org)

Le label Nexsound est une structure ukrainienne qui affiche un certain attachement aux courants de pensées philosophiques contemporains comme base de sa création artistique, à l’instar de Sub Rosa, pour n’en citer qu’un.
La psychogéographie rurale est un thème développé par le situationniste Guy Debord dans le courant des années 50 ayant pour analyse le rapport intime et psychologique qui se crée entre un individu et l’espace, le lieu qu’il fréquente ou traverse. Une expertise qui dresse ensuite un état des lieux des affects et de la géographie intime de chaque individu.
Chaque auditeur peut alors par un jeu d’énigmes se laisser porter par les expérimentations sonores de chaque intervenant, et en déduire les expériences sensorielles, visualiser les lieux qui les ont suscités. Sur un pur plan musical, ce travail étreint les sphères des musiques ambiantes, atmosphériques, environnementales mais aussi quelques interventions à base de micro- événements (Glitch, clik n’cut) libérant de ce fait une certaine poésie de l’ère (aire) digitale.
Comptant une frange large de l’international des musiques indépendantes, on retrouve ici.
Francisco Lopez, Korber/ Müller, Jason Kahn, Courtis, Lunt, Martin tétreault, Radian, Steinbrüchel, Kim Cascone, entre autres.
A noter que le label ukrainien met à dispositions un site de téléchargement de productions au format MP3 d’artistes du cru. Une réflexion sensible sur l’espace et la territorialité simplement passionnante.

> MARGO the Catnap remixed  (Peter I’m Flying/Chronowax)

Il fallait une bonne dose d’isolement et une curiosité en berne pour passer à côté de MARGO en 2002.  La simple beauté des compositions adossées à la prestance de leur performance scénique provoquait en chaque auditeur l’étrange ferveur, le sentiment de douce adoration qu’on peut ressentir au passage d’une belle inconnue.
Un sentiment amoureux qui s’est assagi, estompé, domestiqué et transformé, le temps aidant, en une intime relation de confiance et de loyauté… cette certitude qu’on a de ne jamais être trompé à l’écoute d’un de leurs morceaux.
En prévision de la sortie imminente d’un nouvel opus, Margo en accord avec Peter I’m Flying, pour se délester d’un surcroît de stress avant la rentrée, ont confié  à un collectif d’amis le soin de revisiter selon l’expression consacrée leurs travaux.
Ainsi, ces 12 remixes nous donnent l’occasion de souligner le caractère profondément international de ce groupe, qu’il soit question ici de Schneider Tm, Tomas Jirku, Iso 68, Styrofoam, Teamforest et Wasteland pour les plus connus et le caractère amical qui les lie à cette diagonale heureuse de l’hexagone depuis Laudanum (Mathieu Malon, qui n’a de cesse de remixer son semblable, pour notre plus grand Bonheur), Mils et Monogram voire Margo (qui approfondit ici un de ses morceaux). Sans hiérarchie ni logique particulière, on traverse les ambiances hétéroclites de l’électro clash eigthies à l’électronica, de l’abstraction sonore au post-rock aérien en passant par la minimale techno.
Un tirage limité à 500 exemplaires qu’il serait dommage de passer sous silence.

> Various Artists  FORMA. 2.03 '> (CD album/PFCD08)

PROGRESSIVE FORM offre à la lecture des ondes une seconde compilation ; opportunité pour nous d’assiéger l’univers du label japonais et au retardataire de la dernière heure t’anticiper sur le chemin déjà parcouru autant que sur les perspectives à venir.
Un traité sonore qui postule d’emblée sur les sensibilités privilégiées du label, à savoir le Mid-tempo comme pulsation cardiaque et la fluidité électronique comme flux sanguin. Difficile de qualifier d’un adjectif le caractère général des morceaux… la plupart des artistes discerneraient sans nul doute des aspects communs de leurs travaux avec les projets les plus sensibles de Planet Mu (Lexaunculpt, par ex.) ou Warp,  les réceptivités les plus électroniques de Morr-CCO (on retrouve Static, d’ailleurs) autant qu’une certaine idée de la House….Quelques éléments s’écartant un peu du schéma ; Dublee et son abstract hip-hop Herrenien ou des visées plus environnementales ou ambiantes (Yam). L’ensemble compose néanmoins un tout unitaire et au demeurant indépendant ; formes organiques aquatiques proches de l’anémone de mer, à la base commune et aux mille bras affranchis. Apaisant et lumineux.
Avec katsutoshi yoshihara,  static, dublee, nq, process,  yam,  30506  et Ametsub.

> FAUST Vs DALEK derbe respect, alder 
(Staubgold/Klangbad/La Baleine )

Si la confrontation des sphères KrautRock / Post industrielle et des mouvances Hip-hop semble neuve et marginale sur  papier ou tout du moins événementiel quand il s’agit du groupe mythique FAUST (Hans Joachim Hirmler et son label Klangbag, de fait), elle reste cependant usuelle à l’écoute, du moins au premier abord.
Ainsi, bien que ce rapprochement n’a à ma connaissance pas encore eu lieu (CAN/ SAGE FRANCIS ; NEU !/ PUBLIC ENEMY ? ) on aperçoit dans un premier temps un certain nombre d’analogies avec le courant Illbient popularisé par DJ SPOOKY. Par pans, on retrouve les univers tourmentés, cataleptiques et salement urbains (néo-industriels ?) rencontrés sur Necropolis (Paul D Miller sur Asphodel) ou Songs of a Dead City du même Spooky.
Puis, chemin faisant, les constructions s’étirent, s’épaississent, obliquent ;  le flow de Dalek (Will Brooks) perd peu à peu la mesure des choses et se laisse submerger par les Champs sonores saturés de plomb et de particules en suspension de FAUST, mêlés aux strates de samples et de scratches de Hsi-Chang Linaka (tiers de Dalek), toujours plus oppressants et présents à mesure que s’efface le chant.
Une prestation si dense, si sonore, si pondérable qu’elle mériterait à elle seule un avenant à la table des matières à la colonne des solides. Consistant et beau

> MANITOBA up in Flames (Leaf/ PIAS)

Dan Snaith avait fait trembler les colonnes des pourtant blasés journaux spécialisés il y a de cela 2 ans à la faveur d’un album concis et intrigant construit sur la promiscuité d’une électronica savante, d’une Pop délétère et datée façon Noonday Underground /Paul Weller et les cendres d’une noisy fumante. Réactualisant les atmosphères sépiasés de My Bloody Valentine et celle plus présente encore de Primal Scream, période Screamadelica, ce qui convenons le, est loin d’être une insulte…
Ce qui le différencie sans doute de ses illustres prédécesseurs, c’est cette légèreté pop qui s’immisce dans chacune des interstices de la mélodie comme en est le témoin ce Crayon délicat et primesautier (cosigné avec Koushik Ghosh). On reste également sans voix devant la montée tourbillonnante de « every time she turns round it’s her birthday », la légèreté hédoniste et champêtre de Skunks.
Les ambriglio d’arpèges n’arrivent pas à salir, ni à étourdir le cœur généreux de ces compositions qui percent les âmes comme le soleil transperce les nuages. Un album court, bien trop court qui laisse des aspérités colorées dans les oreilles.

> COURTIS/MARHAUG North and South Neutrino
(Antifrost/Metamkine)

L’ombre de Lasse MARHAUG à l’instar de DeathProd sature de sa présence une large frange des productions internationales contemporaines. Quelques galons au-dessus de l’asphalte, ces travaux, qu’on peut considérer comme expérimentaux ont trouvé un voisinage d’âme, une promiscuité d’écoute auprès d’un nombre impressionnant d’artistes.. TV Pow, Maja SK Ratkje, Tore H Boe, Merzbow, Otomo Yoshihide, Kim Cascone, Matt Davis, Taku Sigomoto, Reynols, Matt Gustafsson, Francisco Lopez, Aube, Ronnie Suddin Spunk, etc.…En un mot résumé, un succédané de l’international des musiques bruitistes, minimalistes, transfigurées et improvisées.
Membre éminent de JazzKarmmer, élément actif du collectif norvégien à géométrie variable Origami Republica, Lasse Marhaug a récemment sorti une épreuve 3pouces sur le label Dokedeker.
Anla Courtis est pour sa part, plus connu comme membre (guitariste) et compositeur principal du groupe argentin Reynols.
Les 2 hommes fondent ici un compromis musical autour d’une étude sur les hautes fréquences et les grésillements, aspérités rythmiques. Une longue et unique plage qui a sillonné les ondes hertziennes depuis plus de 5 années, préalablement enregistré entre Oslo, Steigen et Buenos Aires et qui se charge au fur et à mesure de sa marche d’une tension sourde, d’un grondement lointain des machines quasi organiques.
Où l’idée qu’on se ferait d’un orage au milieu du désert avec une radio orpheline de fréquence. A rapprocher de Alan Lamb et de ses études sur les lignes à hautes tensions.
L’image figée et apaisée de cet homme en couverture, pourtant en proie à des congestions ou à une activité gastrique conséquente, droit sorti de l’esthétisme violent d’Egon Schiele (dessiné par Leif Elggren, artiste suédois) résume à elle seule toute l’intensité de cet album, toutes ses contradictions intestines.

> LUCKY R  S/t (Ronda/ www.ronda-label.com)

Les frères Reverter ont cette fois-ci scindé leur talent (MELMAC) laissant à Luc l’occasion de nous offrir une petite leçon d’ambient Ill-hop dub dépressif.
Même si Lucky R a subi involontairement ou non les prédications de l’abstract Hip-hop, c’est bien davantage du côté de l’Illbient New-Yorkaise que semble s’aventurer cet album.
Est développé ici un hip-hop mélancolique et bâtard, qui empreinte autant à l’esprit d’anticipation créatrice d’un SPECTRE (Skizz Fernando, boss de Wordsound.) De part cette recherche névralgique de filets de mélodies maladives et surannées (Exppe) le caractère moyenâgeux en moins, mais aussi DJ Wally et DJ Spooky pour ce tissage d’atmosphères cosmopolites et terrifiantes d’urbanité dans le même temps.  Ne reste alors plus qu’à nous replonger dans Teledubgnosis, Laswell ou les Crooklyn Dub Consortium quand se font entendre les premiers rythmes Dub.Des compositions qui pour autant, gardent une étonnante cohérence et une singularité bien réelle (même si on entrevoit des sons très marqués Cypress Hill sur la plage 4, notamment). D’ailleurs, si l’on extirpe la ganse urbaine de ces titres, on découvre un riche attrait pour la chose mélodique autant qu’un amour éhonté pour la forme et les imbrications Post-Rock et expérimentales (par petites doses).
Un presque sans faute pour ce jeune projet qui ont l’espère va prendre encore davantage d’envergure avec le temps.

> EXPLOSIONS IN THE SKY  the earth is not a cold dead place (Bella Union/ Chronowax)

L’approche dépouillée de ce Guitare Band d’Austin, Texas, prédicateur d’un folk voilé et pastorale est unique, consubstantiel.
Chaque nouvel album d’Explosions in the Sky soulève nécessairement son lot de superlatifs.
The earth is not a dead cold placeest une tempête sèche, un mirage au milieu du désert, un signe céleste, le châtiment onctueux qu’on ne se lasse de s’administrer.
Michael James, Munaf rayani, Christopher Hrasky et Mark T Smith signent avec The earth is not a cold dead place une figure de style évidente par sa beauté et la simplicité de ses traits. Pas de révolution ; simplement l’association harmonieuse de lignes cristallines de guitares, adoucies par la pondération de rythmiques lointaines, avalant l’espace d’un galop de cheval sur  the only moment we were alone, effaçant sa trace sur le divin six days at the bottom of the ocean (la même intensité des premiers GSYBE) . Très proche de Constellation sous certains aspects (l’appétence désertique) tout en magnifiant l’intimité.
Explosions in the sky prolonge nos rêves de grandeurs..

> REMARC unreleased Dubs 94-96  (Planet Mu/La Baleine)

On connaissait l’attachement de Mike Paradinas aux fondements de la musique électronique et par échos aux pairs qui ont contribué à en développer les bases. REMARC a œuvré, dans sa mesure a dynamiser le genre Jungle en y injectant des éléments hétéroclites et primesautiers issus du dub notamment.
On se croit revenu une décennie en arrière, (ce qui est le cas, d’ailleurs), auditeur à l’écoute d’un genre à jamais disparu.
Ce qui surprend évidemment à la première écoute, c’est le caractère daté des sonorités, leurs enchaînements qui, pour énergiques et instables, qu’ils soient semble cousus de fils blancs.
Le genre Jungle, passé à la moulinette des années et des courants toujours plus récents, toujours plus rapides et rythmés, aura subi le lent travail du temps sur sa texture et sa personnalité. Pourtant, on prend un réel plaisir à redécouvrir les boucles névrotiques mêlées aux flow  cut-upisés qui ont fait en d’autres temps la gloire de Metalheadz, Shy FX, Photek, Omni Trio ou encore LTJ Bukem.
Ce travail de mémoire, orchestré par Planet Mu, n’en demeure pas moins un témoignage étonnant et touchant des premiers assauts du genre et des mutations sans fin de la chose électronique.

> JOSH RITTER  Hello Starling  (Setanta/ PIAS)
Josh Ritter a l’assurance et le panache de la jeunesse, pourtant, on décèle dans son allure quelques chose de plus profond, de plus mature qui tranche immanquablement avec le visage angélique qu’il arbore.
Un jeune homme qui a pris fait et cause pour la chose pop, matinée de Folk voire de légers relents country ;  Des constructions simples, fragiles, cristallines bâties autour d’une ligne de guitare, d’un touché léger de batterie, presque Jazzy  où s’encastrent à l’occasion Orgue Hammond, Mandolin, Wurlitzer et/ou un nuage d’instruments à cordes.
La voix de Ritter est attachante et chaude, discrète à l’oreille aussi ; portée par l’air chaud de son souffle, elle ondule jusqu’à nos oreilles, caressent nos pensées les plus personnelles, diffuse sa fragilité dans nos artères. Les morceaux les plus virulents pouvant rappeler Belle & Sebastien, par certains aspects. Et une production Setanta, une.
> GROWING the sky’s into the sea
(Kranky/Southern/Chronowax)

Le brouillard a une âme et du caractère, je l’ai entendu !!
Growing, trio d’Olympia, Etat de Washington, patrie de K records est une réminiscence heureuse du contact d’un substrat sec avec une masse nuageuse humide.
Une beauté synonyme de sérénité, construite à partir de trois fois rien, d’une cymbale qui enfle l’air de sa présence, d’une vibration lointaine, d’une sirène de bateau égarée ; Growing, à la faveur de cet album établit une nouvelle hiérarchie dans la classification des éléments, affectée quelque part entre gaz et liquide, dans la position figée d’un état de sublimation… ni tout à fait gaz, ni tout à fait Liquide. Cette étrange beauté dissolue se retrouve sur la pochette, synonyme d’une limpidité absolue dont la beauté vient fondre la mer et diluer le ciel, tout en conservant cette unité de vue, cette cohésion dans les nuances de gris-bleu.
Le caractère vaporeux de l’approche, les vibrations continues et la densité absolue des déclinaisons mélodiques, leur fusion quasi surnaturelle imprime une insidieuse cadence dronienne tout en donnant un caractère religieux et pénétrant à l’ensemble.
Grandir, voilà un album qui exprime de la manière la plus explicite qui soit le sentiment profond qui nous assaille à l’écoute de ce disque : l’élévation. 

> CHRISTIAN RENOU/ANEMONE TUBE Transference 
(Auf Abwegen/Import)

Du néologisme du titre découle beaucoup de suggestions et d’idées. L’association de 2 termes, transparence et transfert, émanation directe du vocabulaire de l’image et du son suggère ici les apports visuels et musicaux des 2 protagonistes, respectivement Stefan Hanser et Christian Renou. Une collaboration qui prend en fait les traits d’une relecture d’un travail passé, prétexte à la sortie du brouillard de Christian Renou, artiste français caché durant de longues années sur le pseudonyme Brume.
Un travail qui, ça ne surprendra personne (du moins pour les amateurs du français) gravite et s’imprègne d’une densité sonore noire et palpable, matière évoluant et lancinante de couches dark atmosphériques, d’éléments néo industriels, et de strates droniennes et opaques. Une sorte d’esthétique de l’austérité et de l’obscurité qui prend à l’occasion des couleurs « liturgiques et ambiantes » comme sur ce second et troisième morceau d’une belle intensité.
Stefan Hanser, en sus d’être musicien au sein d’Anémone Tube, a par la voie de la plastique et du design, développé une pensée conceptuelle autour de ses travaux qui se reflète  dans la fluctuation de lignes fines et « parallèles » qui ornent ce Transference. Les amateurs d’Alan Lamb, de Comae ou des climats de chez Ant-zen seront comblés.
www.aufabwegen.com

> BREEZY TEMPLE cattleya songs
>
GUINEA PIG bientôt votre mariage
(Partycul System/Chronowax)

Le label continue au détour de ses signatures, sur un mode qui n’est plus tout à fait mineur, à forer et excaver les minéraux et pierres précieuses qui sertissent l’âme humaine.
Une exploration véritable, sensible qui demande un étayage précautionneux à qui veut en saisir toute la sensibilité.
Breezy Temple (le temple venteux) est une émanation de Miss Moon et de Sharl Hot Ganache, auquel on peut adjoindre Raavy Lennon ( !!?) à la guitare / post-production. Un monologue à trois donc, où il est question de folk ténébreuse, de poésie début de siècle, de préférence Anglo saxonne  (Poe, Wilde, Bates, Spencer), de lo-fi amplifié, de mélodies crève-cœur, de blues poussiéreux des plaines. Déjà repéré sur la précédente compilation du label, BREEZY TEMPLE souffle l’amertume et le fiel comme peu savent le faire…
Âmes endolories, s’abstenir. Très bon.

Thomas Fernier (Guinea Pig) établit une relation étroite avec les sons, épidermique.
L’amour qu’il porte aux sons, la réflexion poétique avec laquelle il entoure chacun de ses gestes musicaux, son penchant pour l’expérimentation d’harmonie et de disharmonies nouvelles, la curiosité qui l’anime participent de l’engouement qu’on prend à découvrir cet album. Un schéma d’album bâti autour d’un échange constant entre structure rock et foyer d’expérimentation. Une confrontation qui déchire le rideau de la composition normée, livrant par lambeaux bribes de sensations diffuses, fractions de rythmes et éléments disparates de compositions.

Suite > page 2 > page 3