Jade :
Pouvez-vous définir les Requins Marteaux ?
Marc Pichelin : (Rires) Ouais, on
peut. On peut essayer. Pour moi cest un collectif dauteurs
de bandes dessinées. Dans le sens ou on est plus attaché
à travailler ensemble, à réunir des gens pour travailler,
que davoir un projet de structure éditoriale ou je ne sais
quoi. Cest des gens qui se retrouvent. Cest à structure
variable, en fait, cest pas défini de savoir qui y est, qui
y est pas, cest des gens qui viennent pour travailler sans faire
forcément partie des Requins Marteaux. Et après, en fonction
des gens des projets sont mis en place. Ça peut être des
projets de livre, donc dédition, des projets de journal,
de création dexpo, création dun festival de
bande dessinée, on a mis en place quelques projets pédagogiques
quelquefois. Donc si tu veux, on na pas de ligne en soi, ni graphique,
ni narrative, ni commerciale, on a juste la nécessité de
mettre en place un outil de production qui est les Requins Marteaux. Cest
un outil qui nous permet de travailler, davoir un compte en banque,
un atelier, un festival. On met en place des petites choses comme ça,
qui permettent à chacun davoir des possibilités de
travail. Un mec arrive, il dit : voilà, jaimerai faire
un comics, on regarde ce quil fait, on travaille ensemble et puis
si on arrive à tirer 5000 balles, on le fait et puis voilà.
Quels étaient les buts que vous vous étiez
fixés quand vous avez commencé ?
M.P. : Faire
de la bande dessinée. On navait pas plus de but que ça.
A un moment donné on a eu envie de faire des livres. On venait
du Fanzine, en fait. On avait fait du fanzine pendant quelques années
et puis bon, comme toute expérience de fanzine, ça sest
arrêté au bout de deux ans. On a cherché ce quon
avait envie de faire les uns et les autres, les projets ont un peu avortés
et jour on a eu loccasion de monter les Requins Marteaux avec dautres
personnes, qui faisaient de lexpression vivante, de la danse, des
choses comme ça, nous on faisait de la bd et ils nous ont appelés
à ce titre là. On a commencé à faire des petits
livres avec Guillaume et petit à petit on a publié de la
bande dessinée et dautres gens, comme Pierre, sont venus
nous rejoindre. On ne sest pas dit : tiens, on va monter un
label indépendant de bande dessinée et puis on va faire
ça comme bande dessinée, etc, etc. Ça sest
fait comme ça, sans préméditation, on navait
pas de but à priori.
Ce nest pas un hasard non plus si vous vous êtes mis à
avoir une activité éditoriale.
M.P. : Ben non, parce
que, traditionnellement, quand tu fais de la bande dessinée, tu
fais du livre. Donc on avait envie de faire ça, en plus on avait
fait beaucoup de fanzines, tout ça. A un moment donné chacun
avait des projets individuels, on navait plus envie de faire de
projets collectifs, dans une revue. Chacun avait envie de poser un petit
truc qui lui appartienne. Donc on a fait des petits bouquins. Oui, on
avait envie de faire des livres. Et après on a eu de nouveau envie
de faire une revue. Et puis de faire des expos. Quand on fait des expos,
pour nous cest aussi un acte de création, cest pas
faire des expos pour montrer juste notre uvre qui a été
publié, ce qui nous intéresse cest de mettre en place
des nouveaux moyens de faire de la bande dessinée. Donc le livre
fait partie de ces moyens là, mais il nest pas exclusif.
Cest pour ça quen soi on ne se définit pas comme
un éditeur. On est éditeur de fait, à partir du moment
où on fait des livres. Le livre est un moyen de faire de la bande
dessinée.
Comment sest passée la confrontation au monde de lédition ?
M.P. : Il ny en
a pas eu.
Au sens large : limprimerie, la distribution, la rencontre
avec dautres éditeurs sur les salons
M.P. : Ce qui est passionnant, ce
qui nous a tout de suite vraiment motivés, cest quon
était parti prenant sur tout. Cest à dire que tout
nous appartenait. A partir du moment où on imagine faire une bd
jusquau moment où elle va arriver chez le lecteur, chez quelquun
qui va lacheter, on maîtrise tous les processus. Au début
on a imprimé nous même des livres et donc ça cest
formidable, tu vois, de te dire on imagine le livre, de faire le scénario,
de dessiner, etc, imaginer le format, le papier, se confronter à
un imprimeur, à un diffuseur aussi à un moment donné,
pour nous cétait vachement intéressant de le faire.
Dêtre responsables de tout, de ne pas laisser à un
moment donné de gens décider à notre place de ce
quon devait faire. Alors on a beaucoup souffert, parce quon
a fait des choses très "amateur ", sans que les trucs (vérifier)
soit bien finis.
Vous naviez aucune connaissance en ce qui concerne la fabrication
dun livre.
M.P. : Non, on a tout fait au fur et à mesure. Donc
on a fait des grosses conneries, ya des trucs sur lesquels on sen
est bien sorti. Comme on navait pas de projet éditorial,
tout ce quon faisait, ça continue en partie aujourdhui,
ce sont des trucs quon fait parce quon a envie de le faire,
donc cest invendable. Ne serait ce que par rapport à des
problèmes de fabrication, des problèmes de format, à
un moment donné tu as envie de faire du comics et puis tous les
libraires nous disent le comics ça ne nous intéresse pas.
Donc on sest confronté à tout ça, on a appris
des choses, on a mis un peu deau dans notre vin parce que maintenant
on sest mis à faire des livres album Bd , alors quau
début cest vraiment quelque chose qui ne nous intéressait
pas du tout. Ça évolue, à partir du moment où
on na pas de but précis de ce quon doit faire, on se
laisse plein de possibilités et même plein de possibilités
derreurs, quoi, on apprend beaucoup de choses au fur et à
mesure.
Vous sortez combien de titres en moyenne, par an ?
M.P. : Cest très aléatoire. Ça dépend
de largent quon a, des projets. On ne peut pas faire des livres
si quelquun na pas de livre. Pendant un an on na pas
fait grand chose parce que ni gros projet, ni argent. Sur 7 ans dactivité
éditoriale on a publié une trentaine de livres. Mais tu
vois, là on commence à se dire quon fait des livres
pour les vendre, un petit peu, pour essayer de rentrer en librairie. Mais
cest vrai quon commence juste, depuis quon a signé
un contrat avec Vertige Graphic, on se dit que vraiment on est
Pierre Druilhe :
Cest déjà notre troisième diffuseur.
M.P. : Cest
quand même notre troisième diffuseur. Avant on avait une
diffusion autonome .
P.Dr. :
Cest vrai quon saperçoit que ça ne va
pas non plus tout seul. Les mecs, soit ils ne bossent pas, soit ils sen
foutent, quand on te prend 30 %, tu commence à
M.P.
: Donc avec
Vertige on essaye dêtre un peu plus professionnels par rapport
à ça. Si on travaille avec un diffuseur il faut aussi accepter
quil ne puisse pas vendre tout et nimporte quoi. A un moment
donné on essaie de lui proposer des objets quil va pouvoir
vendre.
P.Dr. :
Cest pareil pour Ferraille, si on va faire une nouvelle formule,
cest parce quil faut recentrer les choses et essayer, mine
de rien, de vendre un peu plus. Ce nest pas simplement commercial,
cest une question de survie.
M.P :
Et en même temps on se laisse la liberté de faire des comics,
quon tire à 500 exemplaires, qui sont pensés invendables.
Mais cest important de les faire aussi, ce nest pas grave.
Mais quand on fait un album qui coûte 30 ou 40 000 balles, il faut
quon lécoule, sinon on se casse la gueule. Et Ferraille
cest pareil, si on ne trouve pas un moyen que ça se rentabilise
un minimum, ça va sarrêter. Donc il faut voir comment
entre ce que lon a envie de faire et comment le marché le
marché entre guillemets parce quon ne sait pas trop ce que
ça veut dire- comment on peut équilibrer ça. A côté
de ça on a des projets qui sont complètement à perte
et puis cest tant mieux.
Doù viennent les auteurs que vous publiez ?
M.P. : Géographiquement ?
Ils viennent de partout. Il ny a pas de règles, mais en général
cest des gens qui viennent du fanzine. Et puis, étant un
collectif, lessentiel cest de pouvoir faire ce quon
a envie de faire, de faire notre boulot, on nest pas éditeur,
dans le sens où il ny a aucun de nous qui est responsable
de lédition. On est tous en train de faire des livres, il
ny a pas un éditeur qui dit : il faut plutôt faire
ça, ça et ça. On discute de ce quon a envie
de faire et de ce quon peut faire. Après les gens qui sintéressent
à Ferraille, parce que cest notre principal moyen
davoir des contacts avec des auteurs et du lectorat, ce sont des
gens qui viennent de la culture underground, des gens qui lisent des fanzines,
qui en font, plus que le public de la bande dessinée, qui à
priori ne sintéresse pas à ça.
Nestce pas un statut complexe, dêtre à
la fois auteur et éditeur ?
M.P. : Cest être responsable. Cest un point
de vue de personne, dengagement, militant, on pourrait dire. Pour
nous un auteur nest pas uniquement quelquun qui reçoit
un coup de fil dun éditeur, qui signe un contrat, qui envoie
ses planches et qui touche ses droits dauteur un an après.
On na jamais fait la démarche daller essayer de publier
quoi que ce soit je ne sais pas ou. Pour nous cest quelque chose
de naturel. Et je crois que ça lest de plus en plus. Nous,
quand on a commencé à faire ça il y a une dizaine
dannées, cétait un peu "marginal ", des
structures comme lAssociation se montaient et disaient "nous on
ne va pas voir les éditeurs, on décide de faire notre truc. "
Aujourdhui, on rencontre de plus en plus de jeunes auteurs, qui
ont 22-23 ans, qui pensent comme ça. Cest à dire qui
ne pense pas de suite : je vais aller appeler Fluide Glacial
ou Dargaud pour publier mon bouquin, ils sen foutent. Dans leur
logique il y a une culture qui fait que pour eux la Bande dessinée
cest ça. On monte un fanzine, on contacte les labels indépendants,
on leur demande comment ça fonctionne, on sait quon nest
pas forcément payé, que ça demande de travailler
dêtre dans ce mouvement là et davoir une liberté
de création. Je ne pense pas que ce soit plus complexe ou plus
ambigu de fonctionner comme on fonctionne parce quà un moment
donné cest notre fonctionnement. On na pas le fonctionnement
dauteurs qui se disent : bon, on va publier un bouquin chez
Dargaud ou chez Casterman. Cest une question qui ne se pose pas.
Cest comme ça et cest passionnant de faire ça.
Cest aussi passionnant décrire un livre que de trouver
comment on va le fabriquer.
P.Dr. :
Lénergie quon met dans le boulot, on ne la met pas
dans comment vendre et puis comment mieux vendre, mettre en place des
stratégies
Est-ce quon peut faire un bouquin juste pour se faire plaisir ?
P.Dr. : On commence
effectivement à se poser ce problème là. Cest
à dire : comment on va pouvoir continuer à survivre
.
M.P.
: On essaye
den être conscient. Si on propose à un auteur, un mec
de 20 ans qui a fait quelques planches dans des fanzines et qui est prêt
à faire un petit truc, on ne va pas lui proposer de faire un bouquin
qui coûte 30 000 balles, quil va falloir vendre à 2000
exemplaires. On lui dit : tiens, fais-nous une planche dans Ferraille,
essaie de voir, avance un peu. De publier dans un fanzine qui tire à
200 exemplaires en photocopie, puis dêtre dans Ferraille,
bon il a fait un pas, il sest adapté, il a avancé
un petit peu. Plus tard on lui dira : tiens, toi, tu dois peut-être
pouvoir commencer à faire un comics. Ce qui est intéressant
avec les labels indépendants, cest quon peut vraiment
sadapter à ce que sont les projets. Un éditeur, sil
ne vend pas au moins 3 ou 4000, pour lui ce nest même pas
pensable de le faire. Ils ne savent pas quoi en faire. Alors que nous,
les structures indépendantes, on sait comment faire un bouquin
qui va se vendre peut-être quà 300 ou 400 ex et qui
peut exister à 400 ex. Cest vachement important davoir
cette souplesse là aujourdhui.
Cela induit une précarité ?
M.P. : Non, au contraire.
P.Dr. :
Ben, si, du fait que lannée dernière on na pas
sorti de bouquins parce quon navait pas de pognon.
M.P. : Mais
je ne pense pas quon soit plus précaire que Dargaud, cest
une autre échelle. Etre souples, pour nous cest moins précaire,
parce que si on essayait de mettre en place des projets dits commerciaux,
qui doivent se vendre, là on serait dans une précarité
énorme. Il faudrait arriver à gérer des trucs qui
nous dépassent complètement. En fonctionnant comme ça
on se préserve.
P.Dr. :
On continue à avancer, peut-être pas rapidement, mais on
continue à produire.
M.P. : Ce
qui nous importe, cest de faire de la bande dessinée et de
trouver des supports pour montrer ce travail là en avançant
tranquillement.
P.Dr. :
Puis continuer à réfléchir sur le médium.
M.P. : Quand
on regarde le projet Ferraille, avec les faiblesses et les difficultés
quil a, je trouve que cest moins précaire quune
revue comme Bo Doï, qui a besoin de vendre du papier. On en
vend peut-être que 2000 exemplaires, mais en le faisant tous les
trois mois, tranquillement, trois ans après il est toujours là.
On nest pas en train de se dire tous les mois il faut boucler, il
faut trouver un auteur qui va vendre, une couverture qui va se vendre,
ça je trouve que cest une précarité énorme.
Comment voyez-vous le travail des gros éditeurs ?
M.P. : Comme des gens qui vendent
du papier. Cest un autre métier, je crois. Nous, on ne fait
pas ce métier là, dans le sens ou on na pas de projets
commerciaux. Je crois que ce qui différencie aujourdhui ce
quon appelle un " gros " éditeur un éditeur,
tout simplement- des structures comme nous, cest que les éditeurs
sont des professionnels de lédition, alors que nous on nest
pas des professionnels de lédition, on est des gens qui ont
envie de faire des livres à un moment donné, qui essayons
de nous adapter à ce quon appelle le marché et puis
si ça marche pas, cest pas grave, on ne risque pas très
gros. On nessaie pas dêtre dans toutes les Fnacs. On
nessaie pas de gagner de largent avec ça. On nest
pas commerçant.
Vous considérez plus comme des artisans ?
M.P. : Comme des artistes.
Tu sais, à un moment donné un peintre il est dans son atelier,
il fait une peinture et il ne se pose pas la question du marché
ni de quoi que ce soit. Il fait une peinture. Après sil veut
effectivement le montrer, soit il va voir des galeries, soit il organise
sont expo et puis voilà. Je crois quon est comme ça.
P.Dr. :
On évolue aussi.
Artisan dans le sens où on fait des objets pour quils circulent
M.P. : Non, mais cest
pas péjoratif artisan, mais artisan cest quand même
quelquun qui est dans un métier, qui est de fabriquer des
choses et de les vendre. Pour nous
Mais en même temps cest
ce qui a fait chier jusquà maintenant. On ne sest pas
du tout préoccupé du problème commercial.
P.Dr. :
Et là on commence à se les poser. Mais on trouvera des solutions.
M.P.
: Petit
à petit. Cest vrai que ces questions, heureusement quon
ne se les ai pas posées plus tôt parce quon naurait
jamais fait ça.
P.Dr. :
Quand on a lancé Ferraille, ce nétait pas dans
lidée, tiens, tu vois, on va se faire des couilles en or.
Cétait simplement : on va faire un truc, bon, on va
forcément arriver à trouver à rentabiliser le truc.
On sest aperçu que le kiosque est vraiment un endroit particulier.
Est quon est à notre place là bas, on ne sait pas.
Mais en tout cas, cest vraiment en dessous de ce quon espérait.
Mais si on avait calculé toutes ces choses là avant de démarrer
Le mec aux MNPP nous disaient : mais arrêtez, vous êtes
fous, cest même pas la peine de lancer le truc, parce que
lui il connaît vraiment tous les problèmes. Bon, ça
ne nous a pas empêché de faire Ferraille et puis de
travailler sur la Bd.
Parmi les éditeurs indépendants, vous êtes
les rares qui vous êtes lancé dans laventure de publier
une revue en kiosque. Pourquoi ?
M.P. : Ce nétait pas une volonté dêtre
en kiosque, on avait un projet qui avait sa place en kiosque, tout simplement.
Je pense quune revue comme Lapin, tel que cest fait,
cest une revue, alors que nous on était plutôt den
lidée du journal magazine. Lapin a vraiment sa place
dans les libraires. Ferraille cest invendable en librairie.
Nous on travaillait plutôt sur cet univers de Monsieur Pabo, genre
le Journal de Mickey, cétait inspiré des hebdos BD
"populaires " des années 50-60. On avait envie de travailler
sur cette culture là, de la détourner, et que ça
se diffuse vraiment. Et puis un moment donné, nous on était
un petit réseau de 500 ou 1000 bouquins, on avait envie dun
projet collectif qui nous rassemble et qui se diffuse un peu mieux. On
sest dit on va faire Ferraille et on pense que cest
en kiosque quil faut le mettre. Cest tout. En plus quand on
a lancé le truc, Jade en même temps se disait :
nous on pense que Jade ça pourrait aussi être en kiosque.
Et après il y a eu les gens dOrganic qui ont dit : nous
on pense quaussi. Et puis il y a eu Ogoun. Cest un
moment où des gens ont lancé des projets, intéressants
ou pas intéressants on nen sait rien. Je pense que ça
dépend réellement de ce que sont les projets. On a absolument
pas réfléchit est ce quil faut que ce soit en kiosque.
Et comme Lapin na pas réfléchi est ce quil
faut que ce soit en kiosque ou pas. Cest clair que cette revue là
ne devait pas aller en kiosque. Cest encore une fois la chance qui
fait les bonnes occasions. Parce que si on sétait dit il
faut quon face une revue en kiosque on aurait fait Fluide Glacial
bis, ou je ne sais pas quoi, mais on naurait pas fait Ferraille.
Vos références à la Bd populaire sont très
marquées. Vous avez une approche nostalgique ?
M.P. : Non, ça fait partie
dune culture proche.P.Dr. :
Cest notre univers en fait. Quand tu demande à chacun ce
quil a lu je sais que Marc et Guillaume lisaient plutôt
Spirou, moi je lisais plutôt des conneries comme Pif Gadget
et les pockets Arédit, des copains me passaient des trucs, ça
me faisait triper à fond. Zembla, des conneries comme ça,
mais cest vrai quon a tous ce fond commun, qui ressort de
cette façon. Parce que pour nous, lidée cétait
de faire un truc marrant avec notre culture.M.P.
: Cest
juste une façon de ne pas nier non plus des choses qui nous ont
marquées.
P.Dr. :
Quand tu regarde Ferraille, est ce que pour toi tu nas pas
limpression que cest parodique ? Comment tu ressens Ferraille
au niveau de lunivers, des dédales intérieurs, même
sil y a toujours des références.
On y sent plus une ligne éditoriale marquée que dans vos
bouquins, qui marchent plus par coup de cur.
M.P. : Ferraille, on a mis
trois ans à monter le projet. Cest un truc qui a été
très long, parce quon navait pas envie de faire un
magazine de bande dessinée. Cest vrai que quand on se retrouvait
pour parler de Bd, lautre il arrive avec ses 3 Stranges, tiens et
machin il a fait ceci, il se souvient de Pif, Cétait
ça qui nous réunissait. Bernard Katou développait
des trucs genre série américaine des années50-60.
Chaque fois on a trouvé notre place par rapport à ça.
Donc on a dit : le projet, on va prendre Monsieur Pabo , comment
on peut se foutre ensemble sur ces personnages là et se les approprier,
se les échanger. Cest ça qui nous a en fait réunis
dans le journal. On navait pas envie de faire un journal où
chacun arrive avec ses planches et puis on met tout ça dans un
journal, on appelle ça je ne sais comment et puis on essaie de
le vendre. Maintenant, après trois ans dexistence du journal,
on a envie de louvrir. On a tellement travaillé sur ça
quun moment donné on a limpression que ça peut
tourner en rond. On sest beaucoup amusé au début à
le faire, maintenant il faut quon fasse rentrer plus de nouvelles
personnes, des graphismes complètement différents, des histoires
qui racontent autre chose, des essais narratifs autres et quon le
brasse plus. On est trop dans lunivers Monsieur Pabo et au
retour ça peut devenir vachement schizophrénique :
nous même sur notre univers et des gens qui ne sont pas forcément
dans cet univers là pourraient y rentrer mais on ne leur donne
pas forcément la porte dentrée
P.Dr.
: Je suis
daccord, le point de départ cétait ça,
on apporte un univers que chacun peut interpréter si tu lui file
un personnage, je trouve que cétait relativement intéressant.
M.P.
: Cétait
intéressant et il faut le continuer. Ça a bien évolué.
Mais je sens la nécessité de faire un peu dautres
trucs.
Est-ce que publier aujourdhui un journal avec des feuilletons à
suivre ce nest pas une utopie ?
M.P. : Je pense que cest
même un peu stupide de faire ça. Mais en même temps
on parle encore une fois de culture populaire, de cette basse culture.
Quand on a construit Ferraille, il y avait vraiment des choses
qui étaient en récit court, Monsieur Pabo personnage
central et il y avait vraiment des choses comme le travail de G. Marty,
plutôt roman photo, Katou, qui étaient des projets à
suivre. Et en même temps on a essayé de voir comment ça
pouvait être à suivre et ne pas lêtre. Comment
on faisait du faux truc à suivre. Il faut raconter quelque chose
en 2 pages. Il y a des choses qui se sont passées avant et qui
vont se passer après mais en deux pages il faut que quelque chose
soit raconté. Et je pense quil y a des choses quon
peut lire sans connaître les épisodes précédents.
Mais il y a des choses sur lesquelles on sest fait un peu piéger
ou plaisir, plutôt. Là cest vraiment des choses à
suivre. Carite par exemple, lui il en avait vraiment envie, il navait
jamais fait ça.
P.Dr. :
Parce que ce fond commun, même si on ne comprenait pas trop quand
on était enfants comment ça fonctionnait, quand tu le fais,
tu te rends compte que cétait du à des contraintes
commerciales, parce que cétait hebdomadaire et ce donnait
une forme qui était des trucs à suivre. Quand tu te confronte
à ça tu le comprends, alors queffectivement on aurait
pu prendre des cours à la Fac, " comment il fait la Bd ",
on aurait expliqué tout ça.
M.P.
: Léconomie
de la Bande dessinée dans les années 40. ( rires)
P.Dr. :
Pourquoi on faisait ça, pourquoi ça prenait telle forme,
quand tu le fais, tu comprends.
Votre identité est fortement liée à Ferraille.
M.P. : Ceci dit, cest
pas nos références principales. A côté on fait
dautres choses. Ce sont des références quon
a et on a décidé de travailler là dessus à
un moment donné. Et après on peut faire dautres livres,
dautres choses. Chez dautres éditeurs ou dautres
labels et puis voilà. Mais bon, on trouvait intéressante
et fort davoir une ligne éditoriale, nous qui nen avons
jamais eu. On sest dit : si on fait une revue, cest vraiment
pour avoir une ligne éditoriale. Pas pour faire un fanzine amélioré
ou chacun fait un peu ce quil veut. Ferraille cest
un projet sur lequel on sest vraiment trituré la tête
en se demandant comment on fait un journal. Et ça on y tient. Je
crois que si aujourdhui il ny a plus de Bande dessinée
en kiosque cest parce quil ny a pas de projets éditoriaux.
Le seul quil y ait aujourdhui et qui fonctionne, cest
Fluide Glacial. Gotlib a eu une idée dans sa vie, il a fait
ce journal au bon moment.
P.Dr. :
Et ce quil y a de dramatique, cest quun journal comme
ça nait pas les couilles, de sortir à côté
deux à trois autres revues qui puisse expérimenter des choses.
M.P. : Que
Fluide Glacial existe, cest bien. Mais cest dommage quil
ny ait pas des gens qui osent dautres choses, parce que je
pense quen 1999 il y a dautres projets éditoriaux qui
peuvent naître. Des gens comme Lassociation, qui ont plus
des références littéraires et je pense que cest
possible quil y ait une revue qui sorte en kiosque qui travaille
là dessus, par exemple. Il suffit davoir un projet éditorial
pour être présent en kiosque. Nous on se bat un petit peu
là dessus, notamment avec le CNL qui nous dit Ferraille,
ça na rien à faire en kiosque. Si ça a quelque
chose à faire en kiosque, lennui cest quon est
un peu tout seuls. Sil y avait dautres initiatives comme ça,
les gens reprendraient lhabitude de venir en kiosque. Pourquoi les
gens ne vont plus lire de la Bd de kiosque ? Parce quil ny
a plus rien de vraiment intéressant. Ce que tu voyais en kiosque
cétait des choses que tu pouvais acheter dans les librairies.
A un moment donné, ça ne sert à rien. Tu vas en kiosque
parce que tu peux trouver quelque chose que tu ne trouves pas ailleurs.
Un moment donné il y avait des éditions A Suivre, cétait
des bouquins découpés dans une revue. Ça, en soit,
ça na aucun intérêt. Une revue comme Lapin
cest intéressant parce que cest une revue qui est un
projet autre que les livres quils font. Tu as 150 pages de Bande
dessinée dans cette revue, et pas ailleurs. Cest un projet
éditorial.
On pourrait penser quun projet éditorial comme Ferrailles
trouve assez facilement son public en kiosque. Quest ce quil
en est ?
M.P. : Il en est que ça ne marche pas du tout. Et pour
plusieurs raisons. Encore une fois, nous on a travaillé sur cette
culture de la bande dessinée de gare mais on a travaillé
sur le fond et sur la forme. Et apparemment, ni lun ni lautre,
aujourdhui nintéressent les gens. Déjà
sur le fond, le public Bd ne sintéresse pas beaucoup à
ça. Et sur la forme, en kiosque, les gens ont lhabitude dacheter
des revues bien faites, plutôt de luxe. Arriver avec du papier journal,
un format un peu plus petit que les standards, avec de la Bd en couverture,
on a tout faux, sur la forme. Cétait peut-être super
bien il y a 30 ou 40 ans mais aujourdhui ça ne correspond
plus à rien, donc on na absolument pas trouvé le public
de Ferraille. On en vend en moyenne entre 2 et 3000 exemplaires
par trimestre, ce qui est vraiment très peu. En tout cas qui ne
suffit pas à ce que la revue existe vraiment, au moins quelle
se rentabilise. Donc il faut quon continue à travailler.
Cest pour ça quon va lancer une nouvelle formule. Quon
continue à réfléchir là dessus. Pour avoir
ce même esprit, de changer un petit peu la forme et le fond, dessayer
davancer, avoir des choses différentes, des choses beaucoup
plus surprenantes, que les numéros se renouvellent plus souvent,
et puis sur le type de papier, sur les couvertures, avancer là
dessus.
P.Dr.
: Le kiosque
cest vraiment un lieu particulier, qui a ses règles et puis
qui fonctionne comme ça, on ne peut pas aller contre, de toute
façon. On saperçoit que tu as beau proposer nimporte
quoi, si tu ne rentre pas dans le truc, ça ne marche pas, de toute
façon. Après, pourquoi, cest plutôt de la sociologie
A côté de Ferraille, vous avez une politique de collection
qui est assez déconcertante
(Rires) Les collections se multiplient
très vites, elles se remplacent, elles disparaissent. Vous avez
autant de collections que lAssociation, par exemple.
M.P. : Ouais, lAssociation ils ont la nécessité
de faire des livres importants, qui vont rester dans lhistoire de
la bande dessinée (rires) nous on sen fout. Un livre cest
là, cest nul, cest raté. Ce qui est important
cest quà un moment on a besoin de le faire.
P.Dr. : Il
faut le sortir et on pense déjà au prochain.
M.P. : Nous
on ne fait pas des collections pour faire des collections. A un moment
donné, un mec arrive avec un projet, on va se dire ouais, cest
super ton projet, on va faire une collection de Bd. Et puis il y a des
collections qui sont intéressantes, qui motivent dautres
personnes. Par exemple la collection Carrément, la première
collection quon a faite, ça aurait pu sarrêter
au bout de 2 titres, mais il se trouve que cest une collection quon
a faite à peu près bien et ça a motivé des
auteurs, donc on a continué. Mais nous comme on na pas de
projets éditoriaux en tant quéditeurs, sil ny
a pas de projets dans une collection on ne va pas la continuer. On sen
fout. Et un jour Katou a eu envie de faire du comix, Moulinex aussi, Pierre
avait des trucs aussi, voilà.
Le prix de vos ouvrages est modique. Vous êtes les moins chers chez
les indépendants. Cest un choix ?
M.P. : Ouais. Encore une fois on na
pas la volonté de faire des livres qui vont rester dans les bibliothèques
pendant des siècles, donc on sest dit : moins cest
cher, plus ça peut tourner vite, les gens se débarrassent
des livres ou les font circuler. Il y a aussi le fait quon na
jamais travaillé vraiment avec des auteurs à part aujourdhui
sur le livre de Willem. Tous les gens avec qui on a travaillé sont
complètement inconnus, cest difficile de vendre cher un livre
de quelquun qui est peu connu. Et on sest dit : plus
on fait des livres qui ne sont pas chers, plus ils sont accessibles et
plus les gens peuvent prendre le risque de découvrir des auteurs.
P.Dr. : Ouais,
mais on saperçoit aussi de la limite du truc, cest
que les gens qui sintéressent à la Bd dépensent
quand même de largent, si ça leur plaît. Jai
même entendu des gens qui me disaient, alors quon était
à 14,50F. : "cest trop cher ". Je préfère
quils me disent : ça ne mintéresse pas.
M.P.
: Mais cest
vrai quon sest trompé aussi par rapport à ça.
Je pense queffectivement, les gens qui sintéressent
à ça, quils mettent 30 balles ou 14 dans Ferraille,
pour eux ça ne change pas grand chose, ça les intéresse
de toute façon. On aurait pu faire les livres plus cher.
P.Dr. :
Parce que de toute façon on nest plus dans la culture du
kiosque, de la Bd bon marché.
Est-ce que cette démarche est-elle viable ?
Par exemple votre collection Carrément, 100 pages avec dos carré
à 25 F, est ce que ce nest pas suicidaire ? A lépoque
cétait amorti par des gros tirages.
M.P. : Dans notre fonctionnement,
on a des livres qui en librairie et dautres qui ne le sont pas réellement.
Il y a des gens qui nous achètent des bouquins par correspondance,
en les commandant à partir de Ferraille. Les gens qui achètent
par correspondance, ils achètent les petits livres, les comics.
Les livres quon cible plutôt librairie, la collection Ferraille,
le Willem, ce sont des livres qui ne vont pas se vendre par correspondance.
En librairie il y a la marge diffuseur, forcément ce sont des livres
plus chers, qui ont une économie plus lourde.
P.Dr. :
Mais cest vrai que le problème est aussi là :
tu fais des livres pas cher, en petit tirage en plus, le libraire, quelle
va être sa marge sur un truc à 25 balles. Le diffuseur te
prend 60 %, il garde un truc pour lui, il reverse 30 % au libraire, 30
% sur 25 balles, le mec
M.P. : Il
y a des livres qui rentrent dans une économie de la librairie classique
et puis dautres non, qui sont plus pour la V.P.C. Tu vois pour nous
de vendre un livre 40 balles en librairie ça revient au même
que de vendre un livre 25 balles directement. Cest un peu comme
ça quon voit le truc. De toute façon ces livres là,
les Carrés, les comics ne trouvent pas leur public en librairie.
Simplement les gens qui sintéressent à la Bd nachètent
pas ça.
Le problème qui se pose cest comment
toucher un public populaire ? Cest la même difficulté
qua eu Pouy avec Le Poulpe, il na pas réussi
à toucher les banlieues
P.Dr. : Quest
ce quils font dans les banlieues ? Les mecs ils sont leur Playstation,
ils regardent des vidéos, ils regardent la télé.
Ils sen foutent de lire de la Bd
M.P. : Je
crois quaujourdhui la culture populaire ne passe plus par
le papier. Dans notre démarche on na pas la volonté
dêtre populaire dans le sens que tout le monde nous lise.
Quand on fait un livre à 1000 exemplaires on sait bien que ça
ne va pas toucher 60 millions de personnes, mais cest vrai quon
avait envie, que le public qui lit des Bd, je ne sais pas qui cest,
mais les gens qui sintéresseraient déjà à
la Bande dessinée, sintéresserait à des choses
curieuses, dont le graphisme leur paraît un peu plus difficile,
dont ils ne connaissent pas les auteurs. Donc, on sest dit :
moins cest cher et plus ils peuvent prendre le risque dacheter
un bouquin. Par exemple, tu découvre Vanoli ou Bouzard ou Druihle
et tu te dis : bon, je peux bien mettre 20 balles là dedans,
mais peut être que je ne vais pas mettre 80 francs. Cétait
cette idée là. Mais, bon, ça ne marche pas non plus
de toute façon. Mais on aime bien cette idée. Pour nous
un comics, cest bon marché. Je trouve bien que ce soit à
24 francs.
Economiquement, comment fonctionnez-vous ?
M.P. : Tout ce qui est de lactivité
éditoriale est à perte. On na jamais gagné
dargent sur les livres ni sur Ferraille. On na même
jamais réussi à équilibrer le tirage, on na
jamais pu payer les imprimeurs avec les ventes. Bon, ce quon fait
cest quon développe des choses à côté
qui ramènent de largent et qui permettent de payer les tirages.
On fait beaucoup de travaux de publicité, de graphisme, des affiches
pour des centres culturels, des choses comme ça. Et puis on a développé
un travail sur les expos de bande dessinée. Là on a réussi
à faire des créations dexpos qui ont rapporté
un peu dargent, on essaye de demander quelques subventions. Cest
difficile et plus aléatoire, mais il y a des choses qui comment
à fonctionner, notamment en ce qui concerne lancrage local
quon peut avoir sur Albi et sur le département du Tarn. On
a mené des actions de programmation dauteurs, il y a le travail
sur le festival, où on a pu avoir largent pour fonctionner.
En tout cas ça ne nous coûte pas dargent, ça
paye le local, les frais de téléphone et tout ça.
On arrive à payer ça avec les subventions. Sinon, tous les
livres sont déficitaires, tous les gens ne sont pas payés.
Pour Ferraille tous les trois mois il faut quon trouve au
minimum 15000 F. de déficit de notre poche. Voilà.
Comment avez-vous vécu le refus de la commission paritaire pour
Ferraille ?
M.P. : On la vécu
mal, tout dabord. Ce qui est difficile, cest que pour nous,
cest très abstrait ça cette histoire de commission
paritaire.
P.DR. : On
sest surtout aperçu que cest une histoire de corporation
de journalistes qui bloque tout.
M.P. : On
na pas pu se battre contre quelque chose ou quelquun. Quand
on a eu ce problème là, on a essayé davertir
la presse. Tout le monde sen foutait royalement. On sest retrouvé
tout seuls.
P.Dr. : Le
truc drôle, un mec nous a dit ça : lui, il était
journaliste, il nous a dit : "bon, jexplique comment ça
se passe, mais je ne peux rien faire parce que si je fais un article,
je me fous contre la profession. " Donc effectivement, tu as deux
ou trois trucs qui sont passés, mais le problème de fond
de la commission paritaire, cest
M.P. : Se
battre contre rien, cest vachement difficile.
P.DR.
: Cest
une loi qui est passé après guerre pour empêcher des
dérives néo nazies, et en fin de compte ça abouti
à une corporation qui est là et qui oblige un journal de
Bd à avoir
M.P.
: Il ne
faut pas dire néonazi ? Cest pour la liberté
de la presse, à la fin de la guerre, quils ont mis en place
le truc, pour quil y ait des tarifs postaux, une T.V.A. moins chère.
P.Dr. :
Oui, mais tu avais aussi un cabinet de censure.
M.P. : Ah,
non, la commission paritaire cest pas du tout une commission de
censure, cest justement un comité qui a été
mis en place pour que les journaux aient moins de frais postaux. Mais
ils ont mis une commission en place pour décider de qui était
un journal et qui nétait pas un journal. Pour que justement,
les gratuits, ou les journaux qui nétaient pas des projets
dexpression ne rentrent pas là dedans. Il y a eu des problèmes
de censure mais pas avec la commission paritaire, avec dautres organismes.
La commission paritaire cest juste pour définir quest
ce qui est un journal, quest ce qui ne lest pas. Pour savoir
si justement tu peux bénéficier du régime spécifique
lié aux périodiques. Bon, certainement aujourdhui
cest devenu une forme de censure, soft, mais cest parce que
cest une censure économique en fait. Dire Lapin cest
pas une revue, ça paraît tellement stupide, justement, cest
archaïque aujourdhui ce système là, la définition
de ce qui est une revue et de ce qui ne lest pas.
P.Dr.
: Je veux
dire quaprès la guerre, tous les journaux qui sont tombés
parce quils avaient collaborés, il a fallu quils changent
de noms.
M.P. : Oui,
mais ce nest pas la commission paritaire qui a défini ça.
P.DR. : Je
sais que La dépêche du midi est un des rares en Midi Pyrénées
à pouvoir garder son nom, parce quils navaient pas
collaborés.
M.P. : Bien
sûr quelle a collaborée, la Dépêche.
Ils ont été empêchés après la guerre.
Le problème qui sest passé avec la diffusion pendant
la guerre cest que cétait Hachette qui contrôlait
la diffusion, qui avait collaboré. Donc après la guerre
ils ont dit : on t retire la distribution à Hachette, on crée
les MNPP , mais sauf que cest eux qui avaient le réseau,
donc cest Hachette qui sétait remis à contrôler
les MNPP parce que cest eux qui avaient le réseau, ils étaient
incapables de faire de la diffusion . Mais bon, la commission paritaire,
nous, le souci quon a avec ça, cest quon ne sait
pas ce que cest réellement. On reçoit des courriers
administratifs, on ne peut pas dire on va devant la commission défendre
le projet, leur expliquer ce que cest. Et le fait que les médias
ne nous aient pas du tout défendus, cétait bien :
"ah, le truc dAlbi, le journal qui se vend à 3000 exemplaires... "
De notre côté ; on continue à essayer dobtenir
cette commission tant bien que mal, parce que ça nous aiderait.
Est-ce que ce problème nest pas
général aujourdhui ? Dans le sens où,
quant on essaie de monter un projet personnel, qui doit circuler, on ne
sait pas comment se confronter ou comment ladapter au monde environnant.
M.P. : Je crois que les
forces de censure aujourdhui sont indirectes. Cest à
dire quil ny a plus une commission il y en a encore-
qui déciderait de ce qui est publiable et de ce qui ne lest
pas. On peut publier, nous on na jamais eu des problèmes
de censure ou dinterdiction, tu vois, mais par contre on a des difficultés
à exister. Le fonctionnement des MNPP est déjà une
censure économique, tu vois. Cest clair que si tu narrives
pas avec quelques millions de francs pour défendre ton projet,
tu es écrasé. Lhistoire de la commission paritaire,
cest pareil. Ça ne nous interdit pas dexister de ne
pas avoir la commission paritaire, mais ça amène des difficultés
économiques tellement importantes que du coup tu es asphyxié.
P.Dr. : Ensuite
parfois tu apprends que ce serait peut-être la Poste qui ferait
pression pour quil y ait de moins en moins de titres qui soient
à ce régime là, pour faire des économies.
On ne le sait même pas si on gêne. On est tellement quantité
négligeable
M.P. : Par
exemple on a fait les démarches aux MNPP pour savoir si on pouvait
être diffusé en Belgique, en Suisse, au Canada. Ils ont montré
le titre mais apparemment ils nont pas de diffuseurs qui veulent
diffuser ça.
P.Dr. : Alors
on ne sait pas. Il y a qui vont nous dire que cest du au contenu
parce que cest pas correct, après il y en a dautres
qui vont de dire que cest peut-être lié au fait que
tu ne tire pas assez, le mec est pas sûr de pouvoir le vendre, donc
il ne prend pas de risques.
M.P.
: On ne
sait pas comment bosser on demande : quest ce qui vous faudrait,
quels tirages seraient adaptés ? Bon, on ne sait pas mais
ce nest pas la peine, cest pas intéressant.
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