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Jade : Pouvez-vous définir les éditions Fréon ?
- Thierry
Van Hasselt :
Lidée, je pense, cest de défendre une bande dessinée
assez difficile. Une bande dessinée dauteurs, qui réfléchit
sur ses spécificités à chaque niveau de construction, que ce soit
le dessin, lécriture, la structure du récit, jusquà
la conception du livre, ça peut même aller jusquau moyen de
diffusion du livre. Notre idée cest de prendre en charge vraiment
tous les paramètres du livre et du récit et de travailler là dessus
de la façon la plus libre et la plus approfondie possible. On ne
peut pas séparer ça du fond. On essaye de raconter des choses qui
soient entières, fortes, questionnantes. Notre démarche elle nest
pas uniquement formelle. On ne veut travailler quavec des
gens qui ont des choses fortes à raconter et qui réfléchissent,
qui ont une manière de les raconter qui est puissante. La façon
de raconter, cest la première chose qui fera que ce sera fort,
je pense. Cest un peu lidée de Céline par rapport au
style. Il ny a pas de différence entre le style et ce qui
est raconté. Pour nous la Bande dessinée cest quelque chose
de très large, on est plus intéressé par lidée dimage
narrative. Ce quon ne peut pas enlever, cest la narration,
mais ça peut aller jusquà des choses qui soient plus illustratives.
Par exemple le livre dAlex Barbier, « De la chose », cest
aussi presque de la narration, parce que la succession de ces images,
le texte qui est mis, il ny a pas de narration dans chaque
image mais lobjet en lui-même ça devient quelque chose de
narratif. Cest un peu ça lidée. Puis, cest avant
tout un espace de liberté pour les auteurs. Au départ on la
créé pour nous cet espace de liberté, pour nous quatre et puis les
gens qui tournaient autour de nous et puis on a eu envie de lélargir
et puis on a invité plein de gens, qui au départ aussi, comme Alex
Barbier, cest des gens qui nous ont donné envie de faire ce
type de bande dessinée là.
- A
la base, vous vous sentiez plus auteurs quéditeurs ?
- T
: La
première expo quon a fait cétait des portfolios en gravure
et là cest vraiment bien symptomatique de notre travail, cest
à dire quon a tout fait nous même, on a gravé les plaques
et puis on les a imprimés, puis on a fait lobjet, la reliure
et on a été vendre les livres et je pense que pour nous cest
vraiment un tout. Ça nous excite autant de travailler sur un livre,
de se dire quel papier on va prendre pour que ce soit convenable.
Dans les livres quon fait, par exemple, nous on refuse vraiment
lidée dune maquette pour la maison dédition ou
pour les collections, que visuellement tu dis « hum, ça cest
un bouquin de Fréon, cest la collection Amphigouri », tu le
vois directement parce que cest très typé. Nous lidée
cest que chaque bouquin doit avoir sa maquette propre et une
autonomie totale. Tout est étudié pour le livre en lui même et pas
pour son appartenance à une collection, à une maison dédition.
Ça je crois que cest vraiment important. Et le Frigo box il
change tout le temps, on n'arrive pas à avoir une stabilité non
plus par rapport à ça. Le Frigo box on fera peut-être trois numéros
avec une maquette puis on en a marre, on veut changer. On serait
incapable de commencer une revue et de lui donner une maquette définitive
et de sy astreindre ne fusse que deux-trois ans. Je pense
quon a besoin toujours de bouger. Et cest en ce sens
là que pour nous lédition, cest comme être auteur parce
quon est toujours excité par des papiers, par des types de
reliures, ça fait partie vraiment du travail artistique.
- Cest
quelque chose dassez nouveau et dassez global, en tout
cas dautres créateurs cherchent à se réapproprier la fabrication
de leurs ouvrages. En même temps cela rejoint ce qui se faisait
avant, lorsque les auteurs allaient faire composer leur livres ou
quil faisait exécuter leurs gravures, ce qui na plus
été le cas pendant une période où les éditeurs ont été les seuls
à prendre en charge ce travail.
- T
: Dans
la bande dessinée cest quand même du standard. Nous on ne
se définit pas par rapport à ça. Cest notre plaisir, on nenvisagerait
pas de faire autrement. Et dailleurs quand on doit entrer
dans des projets comme ça et quil y a des choses qui viennent
avec des contraintes, quand on nous dit «on va faire un livre comme
ça avec des trucs à vous », on ne peut pas nous enlever le fait
de choisir nous même les papiers, même la maquette, la couverture,
tout.
- Vincent
Fortemps : Sinon on
est un peu agressé.
- T
: Notre
travail déditeur il est là aussi, on aime aussi faire cette
réflexion pour dautres, ou avec dautres. Quand on travaille
un livre avec Martin Tom Dieck, Stefano et Giovana Ricci, eux, ont
une autonomie de ce côté là. Là où en tant quauteur éditeur
on trouve notre intérêt, cest davoir des échanges avec
dautres gens, les gens quon édite on aime bien réfléchir
avec eux à la façon de faire leur livre.
- Quels
sont les buts que vous vous étiez fixé ?
- T
: Ce
qui sest passé, cest qu'au tout début, quand on est
sorti de Saint-Luc (Ecole de Bande Dessinée de Bruxelles), assez
vite on sest rendu compte quon ne trouverait pas notre
place chez les éditeurs traditionnels, les éditeurs indépendant
cétait pas encore trop ça et puis on était tombé sur Atoz,
un fou furieux suisse, et il nous avait fait des livres somptueux
et puis il a disparu dans la nature donc on sest retrouvé
seuls, il fallait quon continue quand même.
- V
: On avait été très gâté
Il fallait quon
survive à ça.
- T
: On
sest dit on va faire notre revue, elle va être plus cheap,
on va faire ce quon peut faire et on a lancé Frigo Box, mais
sans savoir du tout ce qui allait en sortir. Le but cétait
créer vraiment un laboratoire, très régulier, qui nous donnerait
une énergie pour encore travailler, donc ça devait sortir tous les
deux mois, bon au départ cétait que des travaux dauteurs
autour de nous et après ça il y a Denis qui avait fini son bouquin
« Les nébulaires », donc on a dit bon, on va faire le livre mais
on sest toujours lancé là dedans dabord sans savoir
financièrement comment on allait sen tirer, parce quon
navait pas dargent, donc on a toujours chipoté pour
trouver des sous, parce quon a eut des subventions mais beaucoup
plus tard. On est partis un peu comme ça à laveuglette et
je crois que tout sest construit un peu au fur et à mesure,
puis on a rencontré Alex Barbier, On a rencontré Latino avec Vertige
Graphique et on a commencé à publier du Breccia, tout ça sest
construit progressivement, puis on a voulu élargir. Mais au début
on navait pas vraiment dobjectif, à part, nous continuer
à exister, cétait vraiment une urgence.
- V
: On faisait pas mal dexpositions au départ.
On était existant par nos expositions je crois. On a fait aussi
Autarcic Comix, donc réunir tous les auteurs qui étaient proches
de nous et créer vraiment une synergie, rassembler Amok, lAssociation
- T
: On
voulait quil se passe quelque chose en Belgique, parce que
pour nous cétait vraiment dur. Maintenant ça va mieux en Belgique,
mais alors quand on a commencé cétait vraiment, vraiment réactionnaire.
Tout était vraiment comme le centre de la bande dessinée aujourdhui,
un truc vraiment figé. Donc il fallait amener une espèce dénergie
à Bruxelles. Notre culture, qui nest pas démesurément liée
à la bande dessinée, nous amenait à faire ça. Par le cinéma, par
la littérature, par la peinture, par tout ce dont on se nourrit
et une petite partie cétait la Bande dessinée. Evidemment
on était en très fort décalage avec la bande dessinée.
- Et
en même temps il y a lenvie de faire quelque chose de novateur
mais dans la bande dessinée.
- T
: Nous
notre truc cest de raconter. De raconter des histoires mais
de trouver le moyen pour nous le plus fort de le faire. Pour nous
un récit ça doit être quelque chose douvert, contrairement
à la majorité de ce qui se fait dans la bande dessinée, il y a polysémie.
Nous on veut faire quelque chose qui reste ouvert, qui amène une
certaine étrangeté. Je pense que la réflexion sur le récit chez
nous elle est prépondérante. La critique qui revient pas mal par
rapport aux indépendants cest « oui mais il ny a pas
dhistoire, cest le dessin ». Cest inconcevable,
parce que la première réflexion elle est sur le récit et pour nous
la Bande dessinée cest vraiment un langage, un vocabulaire
qui est hyper, hyper riche, qui nous intéresse à fond et je pense
quil faut ramener des choses dailleurs dans le champ
de la bande dessinée, mais il ne faut pas se positionner dans un
autre champ. Nous on na pas envie de se positionner dans un
autre champ parce que là on est maladroit, on nest pas très
assuré, tandis que cest lunique chose qui resserre le
cocon je crois.
- Comment
la confrontation au monde de lédition vous a fait évoluer
?
- T
:
Frigo Box cétait vraiment le laboratoire à tout niveau, pour
nous en tant quauteurs au niveau du récit, mais aussi en tant
que maison dédition. Cest lédition qui nous a
amené à utiliser le matériel informatique, par exemple, alors que
sinon on ny serait pas amené, aussi la construction dun
livre par cahier, dans frigo box on avait des papiers en couleur,
ça devient une contrainte de structure pour la narration aussi et
je pense que cest vraiment ces interactions là, on a vraiment
voulu se plonger là dedans et maintenant dans nos récits en tant
quauteurs, quand on commence presque à faire le scénario ces
problèmes de cahiers peuvent déjà intervenir. Je pense quon
est plus objectif sur lédition, le public quon touche,
savoir que cest un travail de longue haleine.
- Vous
vous êtes toujours intéressé à laspect du livre, à la fabrication
du livre ?
- T
: Ouais.
Cétait ça le début. Les premiers trucs quon a faits,
cétait en gravure, même les livres quon a faits chez
Atoz cétait ça, cétait réfléchir sur les papiers, les
bichromies avec des inversions de films, des trucs comme ça. Ça
a toujours été un terrain de jeux. Au niveau des livres on est toujours
fort à laffût, en photo, les livres de Twin Palms par exemple,
on regarde toujours comment cest fabriqué.
- V
: On regarde la couture ! (rires)
- T
: On
regarde les trames au compte fil. Ça reste dans un contexte semi-industriel,
mais de voir économiquement ce que tu peux faire pour le même prix
si tu réfléchis un peu plus, si tu ty prends autrement pour
ton scannage, flashage. Utiliser des trames aléatoires cest
pas beaucoup plus cher mais tu nas aucun imprimeur qui ne
veut le faire, tu vois, cest aussi un travail de recherche
de trouver un imprimeur avec qui tu peux avoir un dialogue, une
complicité. Nous pour chaque livre on change dimprimeur quasiment,
on essaie de trouver limprimeur le plus spécifique pour un
travail qui doit être fait, nous ça nous passionne vraiment ça.
- Combien
de titres sortez-vous par an ?
- V
: Quatre
cinq, je pense. On aimerait bien en faire plus. On a pas mal
de projets, mais on a un embouteillage. Ça saccumule.
- T
: On
a plein de trucs quon voudrait sortir qui pourraient être
fait mais au point de vue thune on a un peu peur. Donc on sait pas
trop comment. En fait il y a eu un moment où au début, on avait
tous pleins de trucs et puis il y a eut une espèce de très long
blanc où tout le monde travaillait sur ses récits et personne navait
fini parce quon fait tous des très longs récits. Il y a eu
le livre de Vincent et puis il y a eut tous les auteurs étrangers,
dans tous les sens du terme, il y a eut Martin, il y a eut Stefano,
Alex. Et puis maintenant on va tous avoir fini nos récits en même
temps, ça doit sortir et on a dautres auteurs étrangers quon
aimerait publier. Donc il faut quon établisse une hiérarchie
dans tout ça pour voir comment on peut faire parce que les livres
ça nous prend quand même beaucoup de temps.
- Economiquement,
vous fonctionnez comment ?
- T
: On
bricole. En général on fait un livre parce quon a vraiment
envie de le faire et parce quil doit exister mais on se soucie
pas trop de savoir comment on va le payer. Bon maintenant le problème
cest quon va en avoir cinq à faire il faut quand même
quon sen soucie sinon on est mort.
- V
: De toute façon sortir un livre cest toujours
un risque pour nous, cest énorme
- T
: Bon
maintenant ça commence à tourner parce quon commence à avoir
un catalogue important et que tous les livres quon a faits
jusquà très peu de temps sont tous payés donc ça continue
à rentrer de largent. Ça commence fonctionner comme ça et
ça devient assez stable, mais on na pas encore la capacité
de payer quelquun dans Fréon pour travailler la gestion des
projets éditoriaux. Nous là dedans on ne gagne pas un rond. Mais
depuis que ça existe ça na toujours fait que se stabiliser
et se renforcer donc, bon, on espère un jour arriver à ça, mais
pour nous le plus important avant tout cest darriver
à gagner notre vie en tant quauteur et que la structure puisse
un jour nous permettre ça.
- Quand
vous publiez des livres chez Fréon, vous sous rémunérez ?
- T
: Il
y a des droits dauteur. Comme les livres des autres auteurs,
cest la même chose. Mais bon cest jamais énorme, avec
des livres à 1500 exemplaires. Les livres couleur, Anita et Lettres
au maire de V., ça cest des plus gros tirages, avec la couleur
il ny a pas vraiment le choix.
- Editorialement,
quel a été votre plus grande réussite ? Et le plus grand échec ?
- V
: Mon bouquin
(sourire)
- T
: Cest
très difficile à dire. Je pense que cest les Frigo Box dont
on est le plus vite lassé, parce que là cest vraiment un processus
sériel et ça sert à ça, cest un laboratoire. Disons que moi
je suis très content du projet de Frigo Box dans lensemble,
mais après ça de numéro particulier, je ne saurais pas répondre
- V
: Il y a eu une déception, cest pour les nébulaires,
on espérait vraiment un impact important parce que cest un
livre formidable et cétait le premier livre quon a fait
et il a essuyé les plâtres.
- T
: On
fait beaucoup de mauvais choix, on n'aurait pas du le faire sur
ce papier là, on aurait dû faire un plus grand tirage pour le vendre
moins cher. Cétait le premier livre quon a fait, après
cétait " Portrait Craché ", en fait chaque livre
il y a des choses qui restent très fortes et des choses quon
aime moins. Par contre sur les derniers livres quon a faits,
par exemple " Lettres au maire de V.", moi jai encore
rien à redire. Pour moi cest vraiment une réussite. Chaque
livre a aussi son contexte particulier. " Anita " cest
un livre dont on na pas fait nous la conception, on en a discuté
avec Stefano, mais comme Stefano est aussi graphiste, cest
eux qui ont géré ça. Pour nous cest une réussite aussi parce
que cest bien de pouvoir proposer un livre qui est fait comme
ça. Chaque livre a vraiment un contexte particulier. En fait je
crois que cest les derniers livres dont on est les plus fiers.
Cest à partir de " Cimes " quil y a vraiment
une identité, une façon de travailler qui a été mise au point. "
Les nébulaires " et Portraits crachés cétait encore les
moments où tout se mettait en place, tout se cherchait, même si
cest des livres qui pour moi restent très forts.
Comment
vous voyez lévolution de votre structure ?
T
: Dans
la continuité. Lidée cest de continuer à faire des livres.
Là on va faire le " FrigoBox 10 " qui est un peu une clôture
dune série, puis on va relancer une nouvelle formule, puisquon
a un gros projet lié à Bruxelles capitale de lEurope en lan
2000. On va faire intervenir des auteurs dun peu partout à Bruxelles
pendant un mois sur le thème de la ville et on va faire trois revues
là dessus et après ça on envisagera une autre formule du " Frigo
Box ", ou on labandonnera, en fait on ne sait pas trop,
on na pas vraiment didée. Cest un peu comme chaque
livre, comme il ny a pas une idée de maquette, de collection,
il ny a pas une idée dune identité forte qui passe avant
le livre, dans la même idée on ne sait pas très bien vers quoi on
va. On veut que la structure quon mette en place soit très mobile,
quelle puisse sadapter si on change, quelle puisse
sadapter selon nos préoccupations dun moment ou dun
autre Cest clair que la collection Amphigouri cest une
collection dont on est quand même assez fier et puis on voudrait quelle
grandisse, je pense que ça cest un truc quon n'arrêtera
jamais, la collection Quadrupède aussi, elle a son sens, donc ça cest
les deux collections qui a mon avis resterons mais je ne vois pas
très bien pourquoi on ferait des bandes dessinées dans une autre collection
que Amphigouri, je ne vois pas la nécessité den créer une autre.
Comme des livres dimages mais qui ont une espèce de sens narratif
dans leur objet, je ne vois pas non plus pourquoi ils se situeraient
autre part que dans Quadrupède. Il pourrait y avoir encore une collection
mais je ne vois pas encore sa spécificité. Le Frigo Box, quand à lui
il sera toujours remis en question, cest pas sûr quon
continue toujours. Là je crois que Frigo Box on est arrivé un peu
au bout de ce quon lui demandait, donc on va faire un dernier
numéro, on a vraiment très envie de faire celui là, puis on aura une
raison de faire autre chose avec le " FrigoBox " pour Bruxelles
2000 mais après si on na pas encore une raison de faire quelque
chose dautre, je ne sais pas si on le fera. Mais je crois quil
y aura une nécessité parce quil y a pleins de travaux de jeunes
auteurs, de gens quon aime bien, quon aimerait bien pousser
à travailler et pour lesquels on ne peut pas faire faire des livres
directement donc " FrigoBox " cest un bon support
pour ça. Là on a parlé de lédition mais on a une pratique qui
va de plus en plus se décliner sur trois supports qui sont : la publication
papier, les expositions quon appelle les espaces narratifs-
et on aimerait bien développer quelque chose sur internet aussi. Bruxelles
2000 ça va vraiment être une occasion de travailler sur ces trois
supports en même temps. Je pense que ces trois supports, cest
un peu comme des collections pour lesquelles on va avoir chaque fois
une structure spécifique. Les espaces narratifs, pour nous cest
presque comme un travail dédition, cest trouver une structure
spatiale que chaque auteur puisse investir par son récit. Et donc
là on en a deux, le FX espace narratif A et le FX espace narratif
b. Le A cest une grande boite de 10 mètres sur 5 et de 2,5 m
de haut, qui est traversée dans sa longueur au centre par un couloir
et de chaque côté de ce couloir il y a quatre cellules de 2,5 sur
2,5 m et il y a une cellule par auteur et chacun installe son récit.
Lespace narratif B cest un grand fly-case qui fait 1,5
m de long 1,5m de haut et 1 m de large dans lequel chacun a mis des
boites, cest un kit, du lamène dans un endroit et avec
les boites, tu montes une installation de chacun. Pour nous cest
un peu comme une revue, dans lidée ou on propose aux auteurs
un support quils peuvent sapproprier pour mettre leurs
récits, mais là dans lespace au lieu de la mettre sur papier.
Mais en tout cas on trouve cela vachement important parce sinon pour
nous lidée de lexposition de planches traditionnelles
ça se résume un peu à du promotionnel, on trouve ça plus intéressant
si ça devient un travail en soi. Et le Web, on voudrait trouver aussi
un statu qui fasse que ça devienne un travail en soit , que ce ne
soit pas juste avoir notre catalogue sur un site et que des gens puissent
voir ce quon fait, ça doit devenir un support de travail.
V : Il y a beaucoup
de possibilités dans Internet.
T
: A
côté de ça on fait beaucoup de graphisme, on travaille pour des événements
culturels. A Bruxelles, ce qui est intéressant cest que cest
très informe, cest très flou la forme que ça prend les interactions,
entre Fréon plus dautres graphistes. On a fait une autre association
pour le « graphisme dauteur » mais tout ça devient assez flou
et pour finir on se met en réseau avec des projets dans dautres
domaines, culturel ou sociaux et les échanges se font sur plein de
niveau. Je crois que lévolution de Fréon va un peu dans ce sens
là, ça navigue et puis ça trouve un peu chaque fois des voies mais
on na pas envie de dire : voilà, on va faire ça pendant les
cinq prochaines années. Ce qui est sûr cest que moi je travaille
sur un livre depuis 4 ou 5 ans maintenant ça va être fini, ça va sortir,
je travaille sur un autre livre, Vincent a des livres en chantier,
Denis aussi. Quand on commence un travail on sait que ça va durer
plusieurs années et il faut quand même que la maison dédition
puisse nous assurer que quand le livre sera terminé elle pourra le
sortir et que ça existera toujours et tout. Cest important de
travailler en ayant cette espèce de certitude là, mais cest
tout en fait. Après on voit quon simplique dans les projets
qui nont rien à voir avec la Bande dessinée qui nous excitent
aussi peut être que la maison dédition va glisser vers dautres
On veut rester assez mobile dans ce sens là.
- On
va aborder une partie plus polémique
- V
: Ahhh ! (rires)
- T
:
Les grands mots ! (rires)
- Que
pensez-vous du travail des gros éditeurs ?
- V
: Ah,
ça va, on sattendait à une méchanceté contre nous
- T
: Ce
que ce pense, cest quau début des années 80 il y avait
derrière le travail des gros éditeurs vraiment une ambition quelque
part artistique. Je pense surtout à A suivre, cette idée de roman
dessinée. Il y avait une pensée derrière tout ça et jai limpression
que cest complètement disparu. Métal, Les humanos cétait
des gros éditeurs, cétait des sociétés commerciales, pas comme
ce qui se passe actuellement dans le milieu indépendant, cest
des associations, cest vraiment quelque chose de très curieux
en fait. Et il y avait du fond, il y avait une rage, Métal cétait
quand même quelque chose, Charlie , Lécho, Futuropolis, enfin
tout ça, cétait vraiment très sensé. Alors que maintenant
il y a vraiment une perte de sens, une perte de fond et plus de
travail dédition. Je pense quil y avait des gens qui
avaient quand même envie de faire quelque chose dune façon
plus gratuite. Dans un même journal il y avait toujours des trucs
très bons et des trucs dont on na rien à cirer mais tu pouvais
quand même trouver ton compte. Je ne sais pas, jimagine, bon
je nai pas vraiment connu cette époque là, mais si tu achetais
Métal ou les autres et tu trouvais toujours quelque chose de bien
dans un de ces supports, moi maintenant je ne vois pas quel support
jachète ou je trouve quelque chose de bien dedans, ou alors
vraiment épisodiquement, mais alors il faut vraiment les acheter
chaque mois et te dire je vais acheter celui-là pour cinq pages
une fois tous les 6 mois. Par exemple, je ne vois plus très bien
ce que Casterman ou les Humanos défendent comme idée de la bande
dessinée, même ce que Delcourt défend comme idée de la bande dessinée
cest très maigre. Et je trouve ça dommage parce que je pense
que cest pas parce quil y a commerce quil faut
effectivement balayer ça. Il y aurait moyen de lier les choses.
Cest comme le marché, on voit, si cette bande dessinée là
sécroulait complètement on serait nous aussi foutus. Si les
libraires nont pas leurs XIII, je ne sais pas avec quel argent
ils achèteraient nos livres. Donc cest très dommage. Mais
sinon ça ne nous préoccupe pas tellement, à Fréon je suis le seul
à jeter encore un regard sur la bande dessinée, parce que les autres
ils ny connaissent rien
Je suis le seul qui lise encore
des trucs qui parlent de BD.
- V
: Cest bien.
- A
travers Frigo, vous semblez revendiquer une forte militance, traitée
de manière dérisoire
- T
: Hum,
hum. (silence) Ben, cest un peu se battre contre des moulins,
je veux dire on a des idées très fortes. Ce quon fait, la
manière dont on le fait, la manière dont on le vit cest quand
même aussi un engagement, parce quon ne gagne pas notre vie.
Moi je suis officiellement homme au foyer. (rires) Bon, avant on
était tous chômeudars et tu vois là on est tous à bosser.
- V
: Je crois que cest aussi lié à notre humour.
On a toujours une distance. On a une dérision.
- T
:
On sait très bien quon a envie de dire des choses importantes
mais on sait très bien quon ne va pas les dires à grand monde
(rires) et donc ce truc là ça devient un peu dérisoire et ça nous
plaît bien cette idée là. Je ne sais pas comment dire. On se demande
toujours qui va lire ce quon raconte. (rires) Si ça sert à
quelque chose. Mais dun autre côté ce nest pas possible
de ne pas le dire, de ne pas le faire, sinon on nexisterait
pas. Je ne sais pas ce que je ferais. Je vois par exemple par rapport
aux gens, bon, nous on est tous sortis décole dart,
on est des érudits diplômés officiellement, on a eut une éducation
conforme et je vois que les gens qui sont sortis en même temps que
nous, ils ont fait souvent dautres choix. On commence par
se dire on va dabord gagner du fric et puis après on va faire
ce quon veut et puis ça, ça ne marche jamais. Tu les vois
- V
: Ils vivotent.
- T
:
Et je crois que cest un peu lié à tout ça. Nous pour finir
on arrive quand même à sen sortir, mais en même temps à qui
on parle, je ne sais pas. Ce quon fait pour nous cest
tellement important, existentiel quelque part et puis tu fais un
Frigo Box et puis tu le vends à 400-500 exemplaires. Cest
peut-être un peu de là que vient le ton
- Dans
les éditos de Frigo Box, vous oscillez entre un ton extrêmement
sérieux et une grande auto-dérision. Ouverte mais pas affiché clairement,
il y a une part de provocation là dedans
- T
: Oui,
je pense. Et puis ça ne nous intéresse pas que les choses soient
claires aussi. (rires) On ne veut pas, on nest pas des prophètes,
mais les prophètes ne sont pas clairs non plus. (rires) Au niveau
culturel, ce qui mintéresse le plus dans la littérature ce
sont les choses qui ne sont pas claires. Cest toujours cette
histoire de polysémie. Il faut que ce soit ouvert, que ça annonce
quelque chose et que ça le casse simultanément. Je crois que le
doute, linforme cest la basse de notre travail. Et cette
auto-dérision, je pense quelle est liée à ça et cest
aussi lié à cette identité quon ne veut pas avoir. On ne sait
pas très bien non plus ce quon cherche, on ne sait pas où
on va mais on en veut pas le cacher ça. On ne veut pas avoir lair
dêtres sûrs de ce quon dit, cest aussi une espèce
didée artistique. De lartiste qui sait ce quil
dit
- V
: Il maîtrise tout.
- T
: Nous
on ne maîtrise absolument pas ce quon fait et je pense que
ça doit se refléter à tout niveau, jusque dans lutilisation
des supports quon emploie pour dessiner. Délibérément on emploie
tous des médiums de dessin impossibles à maîtriser. Ça je pense
que cest important pour nous.
- V
: Même au niveau du récit.
- T
: A
tout niveau. On essaye de se mettre dans des situations quon
ne maîtrise pas. Quand on fait des livres, par exemple si on commence
à travailler avec la trame stockastique, où quand on dessine si
on fait du monotype, où toi avec tes bavures de crayon, on se met
toujours dans des processus quon ne maîtrise pas, et quand
on écrit, moi par exemple jécris aussi des textes, mais je
ne maîtrise pas lécriture, tu vois, cest un peu toujours
ça. Cest une base de travail importante et donc on peut avoir
lair très sérieux parce que bon, on est des gens assez sérieux
(rires) mais on ne peut quand même pas se prendre trop au sérieux
parce quon sait bien que (rires) ça nous échappe.
- Vous
avez dit que les médias étaient les représentants de limpérialisme
général ?
- T
: Oui,
lidée de la pensée dominante.
- V
: Dire : « ça cest bien, il faut absolument
le lire
»
- T
:
Et puis il est quand même très désagréable de voir que ce qui est
toujours promu par les médias ne correspond absolument pas à ce
quon aimerait bien que ce soit, mais que tout le monde y est
sensible. Cest un impérialisme et il ny a rien à faire,
cest un peu chiant.
- Et
si vous vous trouviez soudainement promu par les médias ?
- T
: On
pourrait devenir enfin impérialiste ! (rires)
- V
: Cest pas encore le cas
On a beau envoyer
des services de presse (rires), ça ne marche pas.
- T
: On na pas encore
trouvé les stratégies pour participer à la grande fête médiatique.
Parce que cest fascinant, cest comme une machinerie,
cest comme la religion avant, cest comme une puissance
au-dessus des choses, voilà. Ça nous dégoûte autant que ça nous
fascine, il y a beaucoup de récits aussi, je pense à pas mal de
trucs qua fait Denis à un certain moment qui sont vraiment
par rapport à la fascination que ces choses là peuvent exercer.
Cest lié au pouvoir, à notre statu par rapport à ça, nous
qui essayons de faire des livres le mieux quon peut et puis
on voit que dans les médias on parle de croûtes infectes dans une
dimension énorme. Ça pose quand même des questions. Bon après on
peut toujours ce demander si ce quon fait à un sens. Peut
être quon na rien pigé
(rire dépité) Je ne sais
pas.
- Alors vous
pensez quil faut introduire le terrorisme dans la bande dessinée
?
- T
:
Le terrorisme en bande dessinée ? Comme Bazooka, ou quoi ? Je crois
quil faut sen foutre. Commencer à aller cracher sur
ci ou ça, pour moi cest une perte de temps, on a mieux à faire.
- V
: Et puis on nest pas capable de le faire.
- T
: Bon
mais ce serait bien quil y ait des choses, avec la puissance
dHara Kiri, cest un manque. En fait il faudrait quil
existe des fous furieux, cest pas pour nous, quoi. Mais ce
serait vachement bien. Parce que ça ronronne trop. Mais tout est
devenu maintenant très ronronnant. Moi je pense, par exemple par
rapport au cinéma, ce que jaime bien aussi cest lidée
de fous furieux plus discrets et peut être que nous quelque part
on est furieux dans ce quon fait mais on aimerait bien que
ça reste discret. Je pense a Monteiro au cinéma. Pour moi Monteiro
cest un fou furieux mais cest un fou furieux élégant,
discret. Moi ça me suffit, sinon cest aussi une idée de limposer
de force à des gens qui nen ont rien à
Je trouve quil
faut des fous furieux dans leur coin, par exemple Alex Barbier je
trouve que cest un fou furieux, et il est dans son coin, cest
un pur et dur, il ne fait pas une seule concession, ça existe quoi.
Après le terrorisme cest aussi un peu daller imposer
des choses aux gens, je pense quil faut le préserver, nous
notre but cest un peu ça, créer un espace de travail pour
des fous furieux discrets.
- Quel
regard vous portez sur la bande dessinée daujourdhui
?
- T
: Ça
bouge vachement bien. Il y a deux-trois ans jespérais pas
que ça évolue comme ça. La façon dont cette bande dessinée aujourdhui
est accueillie dans les librairies, cest vraiment très nouveau.
Il y a trois-quatre ans je naurais pas imaginé en Belgique
que la plupart des libraires auraient leur rayon indépendant et
quil le vendrait convenablement, cest vraiment étonnant.
En France ce que je vois avec Vertige Graphic cest la même
chose en mieux, donc il y a aussi une espèce de réseau qui se crée
avec des affinités, des échanges il ny a pas vraiment didée
de concurrence, je trouve que cest assez sain comme truc.
Nous on est vraiment bien dans cette bande dessinée, on trouve que
ça se porte bien, que ça évolue bien. Il se passe quelque chose
qui commence à prendre vraiment du poids par rapport à la presse
par rapport aux festivals, Lucerne ou Bastia, on naurait pas
imaginé ça. Si ça peut continuer comme ça, ça serait bien.
- Une
autre chose qui mintriguait, il y a un moment où les indépendants
ont eu le besoin daller chercher des aînés, Amok avec Muñoz
et Sampayo, lAssociation avec Baudoin, Vous avec Alex Barbier.
Ça correspond à quoi ?
- V
: Alex Barbier, il nétait plus édité.
- T
: Cest
un travail qui nous fascinait réellement donc on est entré en contact
avec lui. Je crois simplement cétait lidée de publier
des gens qui nous ont fait aimer la bande dessinée. Et puis à un
moment Amok et nous on sest rendu compte que ces choses là
ne seraient plus chez des éditeurs traditionnels, quil y avait
eu une telle fracture et un tel vide de sens dans lédition
traditionnelle que ces gens là ils avaient besoin dautres
supports et que nous peut-être on pouvait leur offrir ça et puis
ils étaient tellement content de pouvoir faire ça.
- V
: Ils se sentent mieux chez nous, Barbier il était
très content dêtre édité par nous, et je suppose Muñoz aussi
chez Amok, ils se reconnaissent bien.
- T
: Il
y a un dialogue entre léditeur et lauteur, cest
pas juste un contrat. Nous ce quil y a eut aussi un moment
cest une envie douvrir, quil y ait dautres
travaux qui renforcent, douvrir le dialogue avec des auteurs
extérieurs, cétait Alex, Stefano ou Martin, et ça nous intéresse
parce que ça nous enrichi de faire ça. Et puis à titre personnel,
pour chacun dentre nous le fait dêtre éditeur, cest
une espèce de prétexte pour, cest ce qui nous permet davoir
une relation très particulière avec par exemple Alex ou Martin,
ou Stefano et cest des gens avec qui on a envie davoir
une relation particulière parce quon est aussi auteur, il
y a plein de choses dont on a envie de discuter, on a envie de comprendre,
on a envie d échanger des trucs et donc on a envie daller
vers eux pour ça.
- Comment
se passe votre rapport déditeur avec quelquun comme
Alex Barbier ? Quand vous dites quil y a un échange, que vous
vous enrichissez, est-ce au niveau de son travail ?
- T
: Oui,
on discute de son travail. Quand il faut faire une maquette, quand
il faut faire une couverture, choisir une typo on est obligé de
comprendre le travail dune autre façon et on est amené à en
discuter.
- Pas
dans le corps du récit ?
- T
: Si,
du récit aussi. Pour nous la couverture du " Lettres au maire
de V." ça fait partie du récit. Elle est là comme une ouverture
au récit, donc elle a un statu vraiment particulier. On a choisi
cette image, on a beaucoup réfléchi pour ça et on la mis en
couverture parce quelle a un sens en tant que couverture,
donc le livre ça devient le récit et la couverture devient une partie
du récit, donc on est obligé de parler du récit.
- V
: La typo cest une vieille typo de plaque
française quon voit partout dans les petits villages, ça montre
bien le rapport de la typo et du récit. On a un copain qui est typographe
et qui la crée pour nous.
- T
:
" De la chose ", cest la même chose, il a fallu
donner un sens à ces toiles, créer un livre. Bon, avec Stefano cétait
un peu différent, parce que le projet il existait mais on était
un peu à la base de ce projet. On les a rencontrés à Autarcic Comix
et " Anita " avait déjà été publiée dans Glamour en Italie
mais Stefano a tout redessiné pour le livre, mais cest parce
quon a discuté, dabord cest passé dans Frigo Box
et puis cest devenu un livre. Ça déborde toujours dans le
récit, ça déborde toujours dans un dialogue, dans une réflexion
autour du récit, autour de limage et cest ça qui nous
intéresse. Avec Martin aussi, quand on a fait " Salut Deleuze
! " Il est venu travailler une semaine à Bruxelles pour faire
le montage sur ordinateur, on a énormément réfléchi à la forme que
devait prendre ce livre, mais la forme que doit prendre le livre
elle est en fonction du récit. Pour nous éditer dautres gens
cest une manière de réfléchir sur le récit entre notre pratique
et la pratique de quelquun dautre, pouvoir louvrir.
- Pour
conclure, ce que je trouve assez étonnant, cest que ces expériences
sont tentées au moment ou il y a une grosse crise au niveau du statut
de lédition en général.
- T
:
On nest pas très au courant.
- Comme
si la survie de lédition ne pouvait se faire que de manière
fragmentée, presque artisanale.
- T
: Je crois que lidée
cest de créer des structures économiques qui puissent assumer.
Je pense quen bande dessinée ce qui sest fort passé,
ça à mon avis cétait au début des années 90, cest quil
y a des gens qui ont cru quils allaient pouvoir démarrer fort.
Cest toutes les revues qui ont commencé qui se sont plantées,
ils nont aucune expérience, en plus cest déjà pas terrible
à la base et puis ils lancent un super gros projet et ils se plantent
après trois numéros et il y a même des choses qui ont été beaucoup
plus dramatiques que ça, parce que cétait de beaux projets,
mais qui nont pas été assumés, qui avaient une ambition de
créer quelque chose de très fort en bande dessinée puis Brrrrrrr
!
- V
: Je crois que notre réussite cest la lenteur.
On est lent et on a besoin de peu de choses.
- T
:
On a commencé petit, avec " FrigoBox ", 60 pages en noir
et blanc, qui coût presque rien, bon on peut ne pas savoir comment
le payer mais aussi que si on ne peut pas le payer on trouvera toujours
une solution parce que cest humainement possible de trouver
cet argent là. Cest toujours de trouver cet équilibre là,
entreprendre, prendre des risques, il faut les prendre, mais toujours
que sil y a vraiment une merde, humainement cest économiquement
gérable. Et cest ça, je crois qui a fait les drames, cest
des ambitions démesurées, sans expérience, et nous lidée cest
Cest pour ça que je te dis par exemple quil y a un embouteillage
dans nos livres parce que ça ferait une grosse structure de commencer
à faire cinq livres en même temps, avec une somme quon na
jamais géré. Depuis quon a commencé on gère des sommes de
plus en plus grandes mais cest très très progressif, on sait
quon na pas dargent mais on sait qu'on saurait
le gérer sil y avait vraiment une merde. On ne se met pas
dans une situation de danger total et aussi toujours par rapport
à lexpérience quon a des livres, puisquon se met
dans une situation de non maîtrise et ben quelque part il y aura
toujours moyen de rattraper les billes. On va pas aller faire un
livre à 30 000 exemplaires par exemple du jour au lendemain en se
disant on va faire un truc en kiosque et puis ça va marcher à fond
! On sait très bien que ça ne va pas marcher. Mais on sait que le
livre doit exister et quil doit être fait. Les livres quon
veut faire il faut quils existent mais il faut trouver la
manière de les amener lentement et sûrement. Par rapport à ça on
ne se rend pas bien compte que le marché de lédition ne se
porte pas très bien parce quon trouve toujours des livres
qui nous intéressent dans les librairies et je pense que les livres
qui nous intéressent dans les librairies, enfin jen sais rien,
je ne connais pas la structure de ces éditeurs là mais ça à lair
dêtres des choses faites avec un sens, avec un fond, avec
une certaine lenteur.
- Cest
des structures à votre échelle, ce qui nempêche pas de faire,
mais cest précaire
- T
: Cest
une fragilité précieuse. Et cest une fragilité qui nous tient
à cur aussi.
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