CHRONIQUES #17

> CHRISTIAN MARCLAY DJ Trio
(Asphodel/ Venus Works)

Difficile de circonscrire Christian Marclay au seul champ de la création musicale, voire du Djing, tant celui-ci s'évertue à déconstruire depuis près de 25 ans les frontières mentales entre arts plastiques (actuellement à LA Modern TATE), performances, créations musicales ou sculptures sonores. La disposition de centaines de disques de claquettes lors d'une de ces précédentes installations obligeait les gens à fouler du pied ceux-ci, qui étaient ensuite joués par le musicien. Un exemple parmi tant d'autre de l'inventivité de l'artiste. Spécialisé dans la manipulation phonographique et le turntable-isme , il est presque à l'origine de l'intégration de platines comme instruments à part entière, permettant ainsi au procédé de Cut-up développé par Burroughs, notamment, de s'émanciper des bandes collées pour couper, superposer, en un mot redéfinir le sens premier d'un morceau musical. Le disque DJ TRIO retrace l'historique d'un projet, débuté en 1996 et qui a pour pied d'appel la collaboration croisée entre Christian Marclay et deux turntablist internationaux. Sur le fond le projet a la volonté d'élargir la simple définition du DJINg à une collection de Scratches ou d'effets pré-conçus. L'idée d'improvisation forme ici l'ossature de ces collaborations où l'imprévu et l'inopiné règnent en maîtres. Sur près de 8 années, Marclay a su s'entourer du pré-carré le plus aventureux dans ce domaine : Otomo Yoshihide, DJ Olive, Marina Rosenfeld, Erik M, Pita, Tom Recchion ou encore Toshio Kajiwara. Tous se sont volontiers pliés à l'invitation et ont répondu à l'appel. Pour cette session le disque retrace les performances non conventionnelles de Toshio Kajiwara, Dj Olive, Marina Rosenfleld, Erik M et Christian Marclay, lors de concerts donnés entre Detroit, New York, Pittsburg, Washington, Paris, Annandale entre 2000 et 2003 et semblant s'orienter sur quelques thématiques fortes, capturées lors de ces lives. Un ouvrage qui plaira autant à l'érudit, fan de Stock Hausen , d'Otomo Yoshihide, à l'expert qu'au novice (averti !).

> MOUSE ON MARS radical connector
(Sonig/ LA Baleine)

Si l'on devait procéder à un sondage d'opinion auprès de la jeunesse curieuse en mal de musiques étranges, nul doute que Mouse On Mars figurerait en bonne place dans le classement. Les causes de cet engouement sont à rechercher dans l'optimisme et l'insouciance éhontée de leurs constructions sonores autant que dans cette prospection constante de nouveaux repères, et d'une certaine manière, ce renouvellement constant. Constitué d'Andi Toma et Jan St Werner, le duo a toujours su s'adapter aux changements sans se renier, passant d'un Dub Analogique sur leur première production à une électronique déjantée dans un passé plus proche. Radical Connector, évolue pour sa part dans une frontière floue entre légalité mainstream et arrangements litigieux. S'il reste un album convainquant et frais, le parti pris un peu trop facile de certains titres, l'accumulation outrancière de petits gimmicks et l'omniprésence de chants sur la majeure partie des titres, ôtent pour beaucoup au charme de ce Radical Connector. On notera cependant quelques titres percutants. Un album intéressant, mais quelque peu décevant dans son inaptitude à nous étonner et nous surprendre.

> GRAILS Red Light
(Neurot/ southern)

Grails est un groupe étonnant composé de 5 musiciens ( 6, si l'on inclut Steve Mackay sur the volunteer) qui charrient dans leurs mains une charge émotionnelle rare. Anciennement Lauren Canyon, avec deux 7' à son actif, ce mini collectif livre ici son deuxième vrai long courrier, faisant suite en cela à The Burden of hope. Que dire si ce n'est que la géographie est trompeuse. Les lentes montées crescendo, les tapis de violons, les longues dissonances de guitare, la silhouette désertique des compositions et l'espace laissé au " silence " nous portent vers le Canada du côté de chez Constellation. Pourtant, il y a quelques chose de réducteur à dire cela, à poser la comparaison avec GSYBE et consorts, tant Grails ne craint pas d'alourdir ses compositions, de les laisser sourdre au fond de l'eau. Les emprunts de musiques cajuns (comme sur Worksong) donnent une patine rurale, une ambiance pastorale aux morceaux ; mais de brefs instants, occasionnels, nous rappellent à une forme de rudesse, de noirceur presque patente, prête à obscurcir la belle aménité. La simple fragilité d'un fil électrique balayé par les vents de l'Ouest, la brise nue sur les épis de seigle, un orage d'été, voilà ce qu'est ce Red Light, un album admirable qui s'écoute tapis dans l'ombre, dans une chaise à bascule, l'esprit libéré de toutes entraves. Superbe !

> SUN PLEXUS Or / Ou Feraille (Ronda /www.ronda-label.com )

L'état d'esprit et l'attitude qui gouvernent la démarche de Sun Plexus est la force absolue de ce groupe autant que sa tragique faiblesse. Ainsi, dans la logique du recueil sur 30 ans d'activisme en France, ce trio se positionne dans l'esprit, de manière évidente dans le sillage libre de pairs que sont Etron Fou leloup blanc, édifiant son genre musical dans un équilibre surprenant entre free rock, expérimental, no-wave, punk musique post-industrielle ; il suffit simplement de jeter son dévolu sur leur discographie pour lire en filigrane cet heureux état des lieux ou ils côtoient tantot Spalax (label français spécialisé dans les réeditions des musiques progressives 60-70 (Du kraut rock allemand à Guigou Chenevier, Dominique Repecaud, Jacques Berrocal) à Non Me Piace (label des géniaux Dust Breeders) ou encore des petits labels tels qu'Antimatiere, Orgasm ou filles disc C'est sans doute le même état d'esprit qui aura gouverné dans un passé plus récent les Deity Guns. Pour autant, ce trio davantage établit ses références musicales autour de projets No-Wave et néo industriels (God Flesh de Hampson/broadwick/green) autant que chez les Swans et d'autres structures accoutumées à pétrir le plomb sonore . De même que certains trouvent dans le maximalisme sonore/ bruits blancs une esthétique délicate (Keiji Heino, Pita, ect…) Sun Plexus a en un sens stoppé le mouvement de cette musique, édulcorant les aspects factuels et autres fioritures pour n'en conserver que la trame vitale, à savoir le pous (battement du cœur) et la tension nerveuse (le cerveau) démultipliés jusqu'à l'extrême pour emprunter la réflexion à Cage. Sa tragique faiblesse, pour sa part, réside dans l'incapacité du groupe à assumer le compromis et la demi-mesure, repoussant la facilité, parvenant toujours à déstabiliser l'auditeur, comme pour mieux tester sa faillibilité. Les morceaux ne sont pas pondéreux comme, on a pu le lire, mais pesants, ils ont un trajet lourd et déterminé. Angoissants, certainement gênants souvent, ils ont un arrière goût de néo-surréalisme à la manière d'un film de Guy Maddine et de Lynch, Sun plexus semble maîtriser toutes les variations de gris qui s'étalent du noir jusqu'au blanc. Utilisant volontiers des échos et des souffles, plus que des voix, des samples d'éléments (moteurs, bruits d'outils mécaniques), plus que d'emprunt concret.La question restant : la gravure de Sun Plexus dans le boîtier translucide est-il un hommage au You Know Us de Faust ? Exigeant et bon

> EPSILON SIGMA CLUB Royal Rumble + autres demos
(epsiclub@hotmail.com )

Le Collectif-Trio epsylon sygma club a acquis une rare maturité en l'espace d'un an et quelques démos. A la genèse profondément rock, leur musique a doucement glissé vers une esthétique post-rock, jamais éloignée de Tortoise-UI pour finalement se concentrer sur l'énergie pure d'un jazz tendu et sauvage, quelquefois feutré. La collusion avec d'autres genres, tels que le rock sur Why so serious ? Ou les percussions latines sur Paul Sorona oeuvrent magistralement, n'empêchant pas l'ensemble de ce cours album de garder toute son intégrité. La courte Nouvelle lu en fin de piste donne à entendre (à écouter) un constat cynique sur le présent et le devenir du groupe et du rock en général. Un texte drôle et affûté, fruit d'une maturation amusée de l'imaginaire du jeune écrivain Yohann Trummel, au demeurant bassiste du groupe. Un groupe au potentiel remarquable et un écrivain en devenir. Très bon. Disponible en téléchargement sur leur site.

LUIS FRANCESCO ARENA s/t
LUDMILA Transported by the train
(Another records/ www.another-records.com)

Des proches m'avaient par le passé évoqué l'existence d'un label CD-r du nom d'Another record dont ils chantaient les louanges (et les productions) en catimini. Luis Francesco Arena. Sous ce pseudonyme aux racines hispaniques et aux embruns épistolaires et poétiques, se dissimule Pierre Louis, par ailleurs membre de Headcases. Bien loin de l'apparente naïveté de sa pochette, Luis Francesco Arena distille une musique onirique et profonde qui n'en oublie pas pour autant d'être simple et sincère, progressant aux confins de lieux étranges et de situations improbables. Les textes, emplis d'une nature lo-folk ont le goût de l'amertume et de replis sur soi, mais qui malgré leur caractère égocentrique touchent pourtant souvent à des thèmes universels. C'est sans doute l'évidence mélodique des titres, alliée à une certaine limpidité des arrangements qui procure ce sentiment de bien -être. Une très belle première épreuve qui bien qu'elle ait pris 2 ans aura eu le temps de mûrir et de s'épanouir au sein de l'esprit de son auteur. L'image rémanente que dégage la musique de Ludmila à la première écoute est à mettre en parallèle avec les soundscapes étiolés / désœuvrés de Calexico, une forme subtile de travelling avant sans fin sur une route désertique du Dakota. Contemplative, leur musique l'est donc certainement et procure une émotion toute particulière, agréable et bienveillante de douceur, une certaine forme d'accointance avec l'isolement et Ludmilla dans ce jeu de recul excelle réellement. De ses racines, Ludmilla aura conservé un goût profond pour ses arrangements traditionnels, les musiques à petites envergures mais à forts dividendes émotionnel de l'orée au couchant de cet album, on est sous le charme, prisonnier isolé d'une cellule d'où l'on ne souhaite pas s'évader..

> MICHAELA MELIAN Baden-Baden
(Monika Enterprise/ import)

Michaela Melian, échappée un temps de son groupe FSK (FSK meets Anthony Shake Skakir (Disko B), se permet , à l'occasion de cette contribution pour Monika E. d'assigner à la barre les vieux démons qui habitent sa musique depuis temps d'années. Ainsi, il faut s'enhardir et ne pas fuir la promiscuité des genres. Baden-Baden (ville de garnison d'un Général de caserne) convoque ici un tout venant de sources, reprenant pèle mêle le Roxy Music, Neu ! Popol Vuh, Kraftwerk ou encore Kompakt pour les sonorités les plus contemporaines. En résumé, Baden Baden se plie à une révérence à l'âge d'or de la musique allemande (Krautrock), incluant au passage Die Welttraumforscher pour l'aspect mélodique jusqu'aux soubresauts House de ce début de siècle. On notera la superbe intro, fragile à souhait rappelant le temps d'un instant les espaces sonores de Collen ainsi que cette reprise heureuse d'A song for Europe du binôme MacKay/Ferry. Une belle ardeur au travail d'où sort une bonne dose d'authenticité, de sensibilité et d'originalité.

> F.S.BLUMM Sesamsamen
(PLOP/ mochi mochi )

Sesamsamen est un succédané des rencontres, des accointances artistiques et des amitiés que Frank Schultge aura pu lier au fil des années, et qui auront contribué à forger son univers. Une " symphonie d'amis " selon les termes de l'auteur conçu comme une invitation au partage, une partition de bonnes vibrations. Ainsi, FS Blumm a dans un premier temps fourni une ébauche commune à cette symphonie ; les travaux enfin arrivés, il a ensuite (aidé en cela de Semuin) coordonné et synthétisé la matière brute des travaux, en conservant et superposant l'essence de chacun de ceux-ci. Le résultat, à la hauteur de l'enjeu est pour le moins estimable. Le disque est un recueil de sonorité douces, abstraites, de mélodies intrigantes, de folk des mers froides et de tests acoustiques à base de clarinette, saxophone, toypiano, vibraphone, harmonium, melodica fields recording pour n'en citer que peu. Yumiko Matsui a finalisé l'esprit du disque dans un jeu de graphisme épuré où des personnages sibyllins aux étranges silhouettes évoluent dans des lieux et situations dépouillés et surréalistes Enfin, Bjorn Kuhligt a pour l'album rédigé 3 courtes nouvelles (Leben Hauft ) qui auréolent de leur fantomatique présence l'esprit de ce disque. Très agréable.

> ROBERT HENKE Signal to Noise
(Kompakt/ La Baleine )

Ceux qui auront pu visionner au préalable la pochette du disque de Robert Henke apprécieront le grand écart relatif entre ce paysage vide d'humanité et cette attente improbable d'un signal à venir résumé dans le titre. Robert Henke est de ce genre de musiciens à préférer l'isolement à la foule, le rythme lent des saisons à l'agitation immodérée des agglomérations. Signal To noise se présente alors comme une carte postale, un instantané d'humaine humanité. Robert Henke pratique une musique ambiante à forte valeur ajoutée, tantôt proche d'une épure environnementale, quelquefois plus prompte à tutoyer l'ambiant. Autant le dire, Signal to noise est un disque calme, horizontal, limpide, nivelé qui ne vient jamais froisser notre repos.

> ENCRE flux
(Clapping Music/ Chronowax)

Encre est sans doute une des très jolies choses qui seront arrivées à la musique contemporaine à haute charge mélodique et narrative. Une forme de belle synthèse de littérature désœuvrée et de symphonies électro-acoustiques affectées. Loin de toute école et autres formes d'académisme, il enivre ses compositions de spiritueux, de violence contenue, d'amertume nocturne et de rancœur sociale pour mieux mettre en relief la noire beauté de nos quotidiens. L'âpreté de ses textes (dont les références lorgnent du côté de Calaferte, Bataille, Céline, Delaume) n'a d'échos que dans l'abrasion des thèmes qu'il aborde… et puis, toujours cette tension palpable qui nous ensevelit... L'orchestration des pièces, sorte de musique de chambre minimaliste jazzy est sortie par moment de l'intimité électronique où elle se logeait jusqu'alors pour gagner des sphères aux arrangements plus spacieux. La batterie, une guitare, un sample constituent l'instrumentation de ce Flux qui décidément nous grise et nous étourdit avec la même intensité renouvelée. Sublime.

> V/A the noise & the City (Autres directions in music/ www.autresdirections.net )

Le projet est étourdissant. On pense dès les premiers mouvements du disque aux écrits, réflexions et pensées de Murray Schaeffer sur l'environnement urbain et les voies de ses expressions. La réalité de ce double album dépasse la cadre étroit d'une simple " dualité " entre le compositeur et sa composition, puisque ici, sous l'impulsion de l'excellent label nantais Autres directions in Music, on passe en quelque sorte, de l'autre côté du miroir ; il a ainsi été demandé à un florilège d'artistes de capturer, d'échantillonner l'atmosphère de leur localité de résidence, laissant à chacun d'entre eux le loisir d'estimer le lieu propice à cette exploration sonore. Le résultat est à la hauteur du concept et permet de s'immiscer le temps d'un bref instant dans l'intimité des musiciens, une forme douce de complicité géographique. L'intérêt d'une telle démarche, au-delà de la simple curiosité, est de dévoiler en filigrane une clef parmi d'autres de ce qui inspire, stimule, la majeure partie des intervenants et prédispose peut-être leur aspiration. Dés lors, on peut classifier avec amusement ou non, les diverses atmosphères ici dépeintes. Depuis le large spectre de la chose urbaine au sens large (rues, villes, intérieurs, cages d'ascenseur) jusqu'au milieu reculé des espaces inhabités (Lignes électriques, souffle du vent isolé, embruns maritimes.) Une belle et généreuse idée qui pique notre intérêt pour le voyage et qui étrangement exalte dans le même temps un certain amour de l'urbanité et d'une allégresse sociale (sociable ?) Très très bon. Avec Depth Affect, Propergol y colargol, the remote viewer , sora, EU, Novel 23, Coin Gutter, Sogar, Melodium, Fibla, montano, a Mute, e*rock, greg Davis, colophon, Joshua treble, Diego morales, etc…

> V/A NEUROT V/a (neurot/ Southern)

Les compositions de Neurosis semblent avoir toujours su investir chaque silence, chaque souffle, chaque portée de notes de toute la puissance tellurique des 3 éléments fondateurs du culte Païen : l'eau, la terre, le feu. Définitivement radicale, l'œuvre des 2 cavaliers de l'apocalypse que sont Scott Kelly et Steve Von Till explore depuis plus de 15 années les marges d'une noise pondérale et suffocante. Une musique lourde, pesante chargée d'une culture amplie de rituels. Neurosis, à l'instar de Zeni Geva au Japon aura porté haut et loin le Hérault de cette culture noise aux côtés d'autres groupes splendides et malheureusement posthumes (Johnboy, Dazzling Killmen, Craw, etc…) En 1999, ils choisissent de créer Neurot, d'une part pour répondre aux sorties effrénées de leur side-project (Tribe Of Neurot/ Blood and Time + expériences solos ) puis d'offrir une plate-forme/ une base aux projets pertinents en quête de label. Les fruits de ces 6 années d'existence, la quintessence du travail du label prend ici la forme d'un binôme multimédia où se mêlent 13 titres incontournables d'avant noise, mais aussi d'embruns Folk (Steve Von Till), psyché, émo, expérimentale, et ambiant.. Dans une seconde partie, un DVD, truffé d'inédits de prises live, d'extraits documentaires à même d'explorer au-delà du derme et des apparences la ferveur communicative de cette scène. Qu'il soit ici question de groupes majeurs tels Zeni Geva (ou KK Null en Solo), Oxbow , Neurosis ou Tribe Of Neurot, excellents, comme à leur habitude ou des participations diverses ou en solo de Steve Von Till, Blood and time, Tarantual Hawk, Isis (remixé par Justin Broadrick), Lotus Eaters (avec James Plotkin, plus ambiantes, Grails, Sabers, Enablers ou Culper Ring, chacune de ces participations exhortant l'auditeur à dresser son attention, à contracter ses muscles, autant qu'à écouter la beauté cachée qui se dissimule derrière chacune de ces perles noires. Incontournable.

> FORMANEX pic-nic (Fibrr/ Metamkine)

Le label qui aime bien conceptualiser sa démarche, ou tout au moins la justifier, après avoir évoqué Cornelius Cardew, vient revisiter l'œuvre de Jerôme Joy, compositeur du projet Pic Nic. La particularité de ce compositeur, déjà croisé aux détours de labels amis, est de créer et promouvoir des micro systèmes à usage d'une personne ou d'un groupe restreint. L'idée de ce disque a été de construire un programme, capable de se développer en parallèle des autres musiciens et de modifier ou réorganiser, le cas échéant leurs travaux (expérimentations) En somme, le programme devient un meta-musicien, un chef d'orchestre nihiliste capable d'interférer à loisir sur les vrais musiciens et de créer une épure rare d'improvisation, chaque musicien devant se plier à l'humeur du programme. Deux Ex machina… Une approche jouissive et ludique de l'improvisation qui dans la forme prend une tournure assez minimaliste, micro événements, fébrilations de glitch dès les premières grandes lignes de jeux. Formanex à déjà par le passé inventé en compagnie de Ralf Wehowsky, Jerome Joy, Kasper T Toeplitz et s'est impliqué dans une relecture expérimentale de grands compositeurs aujourd'hui disparus tels que Cardew, Feldman ou John Cage. Une nouvelle production très enrichissante.

> REUBER Kintopp (Staubgold/ La baleine)

Le mauvais goût affiché de la pochette, un éléphant mort éclaté sur un capot de voiture, couvert de bolognaise fraîche, avec un jeune homme oblong dans une tenue proche du touriste allemand, aurait de quoi faire fuir les plus aventureux.. Cette désinvolture est le fait du jeune compositeur de Cologne, Reuber, qui signe ici pour Staubgold son troisième album Son expérience dans le domaine musical a porté auparavant sur l'étude de la musique psychédélique électronique. Kintopp (expression allemande signifiant Cinema) est une musique qui lorgne bien davantage vers la cinématie, en succitant au long de ces 13 titres des successions de scènes, lent travelling avant , suite de fondus enchaînés, mêlant dans un dosage savant, musique ambiant -new age à la Steve Hillage, musique rituelle aborigène, symphonie minimaliste à la Reich, etc… Un album calme et serein, dont on a un peu de difficulté à se faire une idée

> TILIA Vous rêvez, vous ne rêvez pas (Cronica/ Import)

Alexander Peterhaensel, l'homme qui se cache derrière le projet Tilia a un long passif dans la réalisation d'installations vidéos et de performances multi supports, données au quatre coins de la planète, d'Agadir à Cuba, de Londres à Zurich. Il a aussi réalisé des clips vidéos et des projections dans les concerts pour le compte de Jasmin, Carrera ou Bruchstuecke. Pour autant, ce lien intime avec le son et l'image l'a amené à intégrer à loisir le line-up de divers groupes ; LaliPuna, Realtime Research, well well well, Bertie und die Blumen, Carrera, Sonoaviatik…) Ici, c'est son projet solo qu'il défend. 30 minutes d'un mix mêlant de manière subtile musique minimale américaine (Steve Reich, michael Nyman en tête) électronique sound et petites mélodies intimistes du dedans A la différence des productions antérieures de Cronica, ce disque n'est pas effrayé par la mélodie et dispense durant le fil de l'album une musique profondément harmonique. Des pièces calmes, jouées le plus souvent au piano, dont l'originalité se dissimule dans leurs aspects répétitif et fragile, couvert de scories électroniques. Ecouter Tilia, c'est tomber sur de vieilles photos sépia déchirées et jaunies par les traces de scotch couvert d'un léger halo de poussière. Très bon. Pour ne pas mentir à sa nature profonde, Tilia joint en fin de disque une vidéo d'une très belle facture A noter la présence de Christian Schwenkmaier et de l'organe vocal de Jo Morgan.

> INFANT Pony Gear (Musik Experience/ La Baleine)

Cette nouvelle production vient semer avec un large talent le trouble dans la grille de lecture du label Musik Experience. Un label en apparence voué aux variations les plus impures des musiques électroniques (dark-environnemental, breakcore, etc…) mais qui surprend ici son monde. Ainsi, Pony Gear dispense une musique profondément humaine, sorte de folk perturbée des profondeurs, portée par la voix unique d'Andrew Fearn, qui feule plus qu'il ne chante, expire des mots et des souffles de son timbre feutré, esquisse de râle d'une âme meurtrie mais bien vivante. Cette voix est soutenue par des rythmes digitaux, passages d'ill-hop anémié, happé par le vide, tantôt sous le coup de décharges électro-acoustique lancinante. Echo de violon et d'arpège. Un splendide album, plein de chaleur qu'on ne pensait plus possible ; une belle intégrité propre aux artistes de chez Constellation, la linéarité et l'auto compassion en moins. Quelques notes frottées, entêtantes, obsédantes qui reviennent comme un leitmotiv, une voix rêche comme le granite, à la texture équidistante entre Tom Waits et nick Cave. Un album magnifique parce qu'intègre et métissé.

> ENABLERS End notes (Neurot rec/ Southern)

L'exaltante tension qui anime ce trio de Chicago emmené par Joe Goldring à la guitare/Orgue Hammond, le sémillant Yumi joe Byrnes (Tarnation/ Broken horses) à la batterie et Kevin Thomson (Timco/ Nice Strong arm) en deuxième guitare ; l'exaltante tension, donc, trouve des points de connections avec un univers folk blues dénaturé. Altéré car plus urbain que rural, nourrie des textes vertigineux de Pete Simonelli qui forment ici l'ossature de chaque morceau et donne sens à l'album dans son ensemble. Des Spoken words tranchant le vif de la vie, sans fioritures ni allégeances, où la musique devient l'environnement direct, le lieu et le contexte de ses faits divers, tranches de vie. Au départ désordonnés, les sons viennent progressivement s'échauffer les uns aux autres, distillant progressivement le fruit de leur friction, la douce liqueur de leur promiscuité. Le groupe semble vouloir synthétiser l'essence d'un paysage, offrant points de vue sur de grands espaces de repos, descentes vertigineuses le long de chemins tortueux, harmonies ondulantes et sommes d'effets luxuriants. On navigue entre un avant-rock chaud et asphalté, un space rock vaporeux et des tensions et distensions noise. Un frère d'esprit d'A minor forest. Flamboyant et vertigineux.

> ILIOS Vento Elektra (Antifrost/ Metamkine)

Ilios est un des acteurs les plus prolifiques du label Antifrost et généralement de la scène musicale électro acoustique expérimentale. Après un récent album où un cortège de musicien remixait son premier album sorti sur Antifrost, le musicien-activiste, au détour d'un titre en Espéranto, signifiant vents électriques s'attache à façonner au long de 40 minutes, une symphonie expérimentale avec comme simple matière première des signaux électriques et l'électricité. Sur le principe, ça n'est pas sans rappeler les travaux environnementalistes d'Alan Lamb sur Dorobo (prises de sons directs des vibrations de lignes à haute tension dans le désert australien). Cet album est une pure référence de micro tonalité comme seul Bernhard GünterThomas Koner, voire Ryoji Ikeda savent en produire. Une étude blanche et limpide sur le thème de l'électricité, qui donne l'impression d'être gardien au cœur d'une base polaire retranchée. Ilios aime se mettre en difficulté, provoquer la gêne. Ainsi, en répertoriant l'ensemble des ces productions (une dizaine au total), il est difficile de cerner le personnage, chaque album recelant une thématique propre.

> V/a MONIKA FORCE s/t (Monika Enterprise/La Baleine)

Fondé il y a de cela 7 ans, fin 1997 par Gudrun Gut, sorte d'activiste néo-punk révoltée, le label n'a eu de cesse de défendre l'expression libre et de promouvoir toutes les formes de visions et de culture aussi subversives soient -elles et dans une large mesure de mettre en exergue la création féminine dans ce qu'elle a de moins conventionnelle ou de plus subtile. En acte, cela a permis d'offrir une tribune libre à des artistes et musiciennes tels que Barbara Morgenstern, Cobra Killer, Chica +the folder, Masha Qrella, Quarcks, Figurine, Robert Lippok etc…. C'est pourquoi lorsque le projet d'une compilation a vu le jour, chaque artiste, dans un élan confraternel (l'esprit de famille du label) sont venue prêter mains forte. Au-delà du label, des artistes aussi talentueux que Stephen Betke (Scape label) ou T. Raumschmiere sont venu remixer certains des acteurs musicaux présents. Cette compilation est une bonne entrée en matière, remplie sur près de 70 minutes des millésimes du label, d'inédits et de raretés sur 7', de remixes originaux, de choses rares et innovantes. On traverse bien des styles de la pop-cotoneuse de Chica & the folders au constructions aquatique ou fragile de Figurine, Florida en passant par l'électronica d'un Komeit ou la pop-folk d'un Contriva, l'électro-punk d'un Cobra Killer… En sus, un bonus sous forme d'une vidéo we're all fucking die, manifeste heureux sur l'épicurisme…

> TREVOR DUNN'S TRIO Convulsant Sister Phantom Owl Fish
(Ipecac/ Southern)

La musique de Trevor Dunn's est à l'image de l'excentrique petit mammifère qui orne sa pochette : un ornythorinque. Un condensé de genres, une synthèse de dissemblances et d'événements improbables. En digne héritier d'une free musique sans attache, reprenant le flambeau là où l'ont laissé Borbotemagus , The Ruins ou the Molecules, Trevor Dunn est ses 2 acolytes (re)composent, à partir d'éléments disparates, un filament de mélodie sur lequel viennent alors se fixer dissonances jazz, percussions free rock, égarements métal ( c'est aussi cela qui fait l'originalité du groupe) rapprochant par bref instant, le trio de groupe tels que Fantomas ou Mr Bungle (la voix de Patton en moins). Le hasard fait bien les choses puisque Dunn fréquente ces groupes et bœuf avec Zorn, entre autres. On passe de phases d'accalmie bienveillante et apaisante comme cette intro aux embruns de musique traditionnelle Japonaise sur " me susurra un secreto " à de pondéreuses phases de métal pour bûcheron (dans carly vengeance). Les passages les plus calmes sont bien mieux maîtrisés, et amènent plus de violence contenue, finalement que les assauts sonores qui apportent assez peu finalement. Un bon deuxième album pour un musicien qui gagnerait pourtant à prendre davantage de distances avec ses " sides " projet.

>SUSANNA & THE MAGICAL ORCHESTRA List of lights and boys (ECM Rune Grammophon/ universal)

Rune Grammophon (mais n'est-ce pas ECM) met en lumière à l'occasion de sa nouvelle sortie une chanteuse, bien éloignée de Maja Ratjke et de ses triturations vocales et électroniques. Ici, il est davantage question de sensations folk, de textures feutrées, sortes de tartans mélodiques où s'entrecroisent arrangements feutrés ou délicats, c'est selon et voix chaude et cristalline. La chanteuse est accompagnée d'une formation restreinte, aux teintes jazzy. La forme plurielle de sa musique est ici noyée d'échantillonnages électroniques, de micro constructions pop rock étincelantes, de poussières d'électronique et d'effets de manches acoustiques. Un peu décontenancé au début, on a l'impression, lorsque Susanna feule d'entendre la voix désincarnée de la Bjork de Debut. Sans avoir la puissance ni l'intensité, la chaleur étrange de sa voix embrasse chaque portée, chaque ligne de texte qu'elle entonne. Preuve de son talent, elle s'approprie avec une aisance et une totalité parfaite un répertoire large et improbable depuis Dolly Parton à Leonard Bernstein, de Dorothy Parker à Morten Qvenild. Une voix plus chaude que Stina Nordenstam, le sens de l'humilité en plus, assez proche de Sidsel Endresen de Jazzland (qui participe au 8ème morceau) et un grand talent d'écriture qui se vérifie sur 5 magnifique titres de ce list of light ..Décidément lumineux.

> ISIS Panopticon (IPECAC/ Southern)

Chaque nouvelle production d'IPECAC permet d'y voir plus clair dans la ligne " Claire " du label. Ce nouvel album d'Isis, Panopticon fait suite à Oceanic qui avait marqué profondément la presse spécialisée, notamment Rock Sound et Terrorizer. L'album est un subtil jeu de miroirs entre un concept issu des écrits de Michel Foucault, Howard Theingold de Jeremy Bentham, The panopticon letters, texte écrit en 1787 relatif à la discipline, et de la nature profonde de l'homme en proie aux désordres et à la révolte., une approche musicale unique constituée de textures mélodiques jamais éloignées de ce que produisent les Ecossais de Mogwai avec quelques dissonances de guitares rappelant à l'occasion la coldwave anglaise (In Fiction) et une rythmique spartiate, lourde, à mi-distance de la noise et d'une posture post-metal. La voix rêche du leader offre un panel d'émotions et de rages supplémentaires absolu. Matt Bayles est en charge de la production et offre au groupe pour son troisième album un son ample, affranchi des règles. On a récemment entendu le groupe sur la compilation du label Neurot (de Neurosis) où Justin Broadwick avait fomenté un excellent remixe.Unalbumpuissant. www.southern.net/southern/band/ISIS0

> MILGRAM Expensive record(s) (Rock'n roll Charity Hospital/ milgramsound@aol.com)

Même si ça n'est pas nécessairement une fin en soi, on ressent toujours une certaine fierté à voir un groupe s'affirmer au point de pouvoir finaliser un album à l'étranger. C'est le cas de Milgram, qui a pu enregistrer à Chicago sous l'égide du talentueux Bob Weston . C'est d'autant plus mérité que la trajectoire d'un groupe tel que Milgram correspond à l'itinéraire de nombres d'autres groupes: concerts réitératifs, répétitions incessantes, routes, day off, etc.…labeur et sueur en un mot résumé. La musique du groupe, au fil des années a gagné en intégrité, en panache, en sincérité également. Un rock eurythmique, disruptif, qui semble mue par une énergie sourde et aveugle. Les passages de quiétude, les soubresauts, les breaks invectivent la mélodie, insufflent une détermination puissante à l'ossature des morceaux. Les silences mettant pour leur part en valeur de manière subtile les bas reliefs de la rythmique. La mélodie s'attache à offrir un caractère moins pondéral, plus pop/ live à l'ensemble. On pense inévitablement aux grands orfèvres du genre Don Caballero, pour les déclivités rythmiques, même si la majorité des morceaux semble être une émanation de Tortoise et de Genf pour l'aspect rond des mélodies. Très bon. http://milgramsound.free.fr

>SKOLTZ-KOLGEN flux/terminal (Mutek/La Baleine)

Le label canadien Mutek est reconnu pour son degré d'exigence et d'ouverture d'esprit qui se traduit (trahit ?) volontiers chaque année dans la programmation de son festival international du même nom. Plaisir, intégrité et avancée significative dans les limbes de la musique semblent les maîtres mots des projets qui en découlent Ici, cet album s'attache à creuser la réflexion et la matière sonore dans le domaine de la micro-tonalité et de l'expérimentation. Le thème du déracinement est ici suggéré sous couvert d'une métaphore autour des terminaux d'aéroport. On devine des conversations lointaines de salle d'attente où des voyageurs en transit tuent le temps et occupent l'espace du mieux qu'ils le peuvent. Des ondes cristallines, lumineuses ou transparentes, minimales c'est selon, viennent se greffer aux voix et aux compositions vaporeuses qui maillent cet album. Un livret ou des trains d'avions, morceaux épars de carlingue s'enchevêtrent dans un travail de lignes géométriques quasi invisibles, souligne avec justesse la portée de cette musique. Agréable parce que fragile.

> V/a LA PUISSANCE DU PORT DU HAVRE (PORC EPIC/ Inde)

Si la fragilité et la marginalité sont des adjectifs à même de décrire des structures indépendantes telles des petits labels, on peut aussi leur en substituer d'autres tels que l'intégrité et la sincérité, qui traduisent tout autant la démarche profonde de celles-ci. Porc Epic est de ceux là, choisissant contre toute attente d'offrir un porte voix, un forum d'expression à nombre de groupes jusqu'alors marginalisés, autoproduits ou sous médiatisés. S'il fallait résumer d'un mot la conviction profonde du label, on serait tenté de dire que Porc Epic a le goût pour la chose indie rock -power pop tout en laissant les variantes de la pop, de l'électronica coloniser ses rangs. La compilation dissémine le bon grain et l'ivraie ; Ainsi, à l'écoute de la compilation, on est rapidement sous le charme de groupes et artistes tels que Sugar Plum Vision, Sheraf (très Notwist-Stereolab), Maarten (et son côté très Angil), Tokyo/overtones ou les excellents Dirge pour des raisons diverses, qu'il soit question de touchante maladresse ou de belle maîtrise des harmonies et des mélodies et puis le reste… Une première approche succincte et un peu difficile à lire (manque d'unité et de clarté dans les artistes présents) qui laisse néanmoins entrevoir de beaux jours (de belles heures d'écoute) à la Bretagne et ses environs.

> ARMAND MELIES Néons blancs et Asphaltine (BizarreK7/ www.bizarreK7.com )

Les créations musicales et visuelles d'Armand MELIES sont intimement liées au patronyme (pseudonyme) de leur auteur qui charrie à satiété émotions et onirisme. Une vision début de siècle, où des hommes masqués à bacantes fournies, droit échappés des brigades de Clemenceau comptent fleurette à de jeunes femmes gansées de robes d'époque. De splendides visuels, en fait, qui mettent en appétit notre curiosité. Une curiosité vite rassasiée puisque sur ce premier vrai album (on exclura le single auto-produit des débuts) est un concentré de titres célestes. On retrouve dès les premiers accords, en substance, le climat affecté et désœuvré qu'il affectionne tant uni à une simplicité évidente d'écriture. A la différence de 2 autres song writer français proches de ses attentions ( Angil sur Unique et Syd Matters) le jeune homme privilégie le chant en Français et se joue à l'occasion des mots et des verbes. La voix, légèrement embrumée, exprime bien au-delà de la simple tristesse… des moments éphémères d'existence. Il s'identifie volontiers à des lieux et des espaces au fil de ses textes pour mieux signifier l'humanité et la simple beauté de toute chose. Un très bel album, sépia et mélancolique qui se donne les moyens de sa réussite et nous restitue, en retour, un panel large de magnifiques sensations, habitées d'une âme rare.

> RD16 Live à toute vapeur
(Autoprod/sebastienberard@yahoo.fr )

L'Est de la France, loin d'être un désert culturel, offre pourtant à l'oreille des floraisons d'artistes. Nomades des genres et des styles, plus prompts à imposer un état d'esprit et une attitude que le savoir d'une chapelle. C'est le cas de 5 jeunes musiciens de RD16, constitué d'une section rythmique, d'une guitare puis d'une autre, d'une basse et d'un chanteur hiératique, soit respectivement Sebbat,Sam, Jeanjean, Bic et Sebastien. RD16 distille un rock tenace, oscillant entre Noisy et power pop. Les compositions compactes, galvanisent nos muscles. Les garçons ont avec sincérité su tirer les enseignements de leurs pairs, depuis les Pixies jusqu'à une noise calibrée Dischord . Le chant, en anglais, porté par la voix revêche de Sébastien impose un climat fébrile et pondéral. De très bon débuts..

> KREIDLER Eve Futur Recall ( Wonder / La Baleine)

Les compositions roboratives du groupe allemand Kreidler viennent une nouvelle fois s'échouer sur l'ourlet de nos oreilles. L'excuse et le propos en sont ce petit album doué de 5 compositions voluptueuses et oscillantes à souhait. Kreidler est de ces groupes chevronnés, appliqués jusqu'à l'excès à parfaire leurs compositions sans pour autant en laisser paraître quoique ce soit si ce n'est un léger détachement teinté d'humilité. C'est tout ce qu'on peut attendre d'un groupe de cette qualité ; nous livrer 5 éclats de post -électronique, davantage assumé par des instruments acoustiques (Xylophone, entre autres) où se joue une nouvelle fois l'essentiel de leur talent. A noter le très beau jeu de transparence de la pochette.

> BLOOD AND TIME At the foot of the garden
(Neurot/ Southern )

La déclinaison des multiples side-projets de Neurosis s'expriment au détour des multiples aspirations de celui -ci, privilégiant divers axes de travaux, qu'ils s'épanouissent autour d'une Dark ambiante (Tribe of Neurot) d'une folk désœuvrée, Steve Von Till ou simplement dans une veine émo-rock comme c'est le cas pour Blood & time. Projet de Scott Kelly (1/2 de Neurosis, donc), Blood & time nous entraîne dans une litanie folk-pop ou Post-rock c'est selon, qui puise autant son inspiration dans une imagerie médiévale (comme sur la pochette) où une femme revêtue d'une armure, portée vers les cieux par des ailes pourprés de sang tient un ouvrage au creux de ses mains, une sorte d'enluminure élégante un vitrail plein d'aménité. Accompagné d'Anthony Nelson à la basse, de Noah Landis aux claviers et de Stephen Garret à la batterie, Scott Kelly semble investir dans ce projet et cet album en particulier un bonne part de sa vie, tant at the foot of the garden transfigure la maturité autant que le vieillissement ou l'accalmie et la sagesse acquises de son auteur. Un album étonnement calme, d'une belle torpeur tortosienne, avec de lointaines évocations noise, dressant un pont intéressant entre Chicago (Brokeback, The sea and the Cake, archie prewitt, tortoise, ganger) et les steppes infinies de chez Constellation. L'appétit pour les légers arrangements médiévaux évoque Helium alors que la voix usée et rêche de Kelly, à mi-chemin du chant et du spoken word, emplit nos tympans avec la même beauté qu'un Abel Hernandez (Migala) ou un tom Waits. Un superbe travail d'orfèvre, qui ne peut qu'amplifier un peu plus encore, le talent unique des ménestrels de Neurosis.

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