Entretiens
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JadeWeb
chroniques #9
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A
la loupe
Winshluss
& Cizo MONSIEUR FERRAILLE .
Richard Corben ALIENS
/ ALCHEMY . HELLBLAZER . BANNER
. THE
HOUSE ON THE BORDERLAND .
Chroniques
#8
PUSSEY > Dan Clowes . ESCAPO > Paul Pope .
UN CHIEN DANGEREUX #2 > Imius . L'OEIL À
COURTS THÈMES > Didier Progéas . MON POISSON ROUGE
> Capron . TIBURCE #4 > Téhem .
Chroniques
#7
CHE
> Oesterheld & Breccia .
3 > Micol . CLOSE YOUR EYES > Burns .
TOP TEN #1 & #2 > Moore & Ha . BUSCAVIDAS
> Breccia & Trillo . CARNET > Tardi .
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LA
CAGE
"Après
la nouvelle vague, le nouveau roman et les nouveaux philosophes, serait-ce
le tour de la nouvelle bande dessinée ?"
Hugues
Dayez in Découvrez en avant-première le livre événement
du festival d’Angoulême 2002
À
l’heure où d’aucuns aimeraient nous faire croire à l’émergence
d’une nouvelle génération de bédéïstes,
de cette vaniteuse jeunesse compulsivement prolixe qui accepte si aisément
de se faire baptiser Nouvelle Bande Dessinée, ressortent fort
heureusement, aux Impressions Nouvelles, deux chefs-d’œuvre du britannique
Martin Vaughn-James, L’Enquêteur et La Cage,
des récits graphiques composés voici près de trente
ans et dont les récentes rééditions nous rappellent
de façon comique que cette fameuse Nouvelle Bande Dessinée
naissante n’a de commun avec le Nouveau Roman, la Nouvelle Vague, les
Impressions Nouvelles et même les Nouveaux Philosophes (?!), que
le malheureux composant novellus dépourvu de toute sa
définition substantielle.
Gageons
que l’Histoire Littéraire ne retiendra pas de ces malheureux
auteurs les lourdes références dont Monsieur Dayez les
accable, et que cette brave et laborieuse jeunesse saura se défaire
assez tôt de ces intelligences extrinsèques qui pour l’instant
ne réussissent qu’à éloigner un peu plus encore
leurs œuvres de la légitimation littéraire à laquelle
ils tendent si assidûment.
À
la lumière de cet étrange phénomène, il
serait intéressant de se demander pourquoi La Cage, la
visual novel de Martin Vaughn-James, œuvre éminemment
littéraire s’il en est, n’a quant à elle toujours pas
trouvé sa place dans notre époque. Un terrible constat
nous souffle funestement sa réponse : le lecteur de notre
temps -ce fameux Siècle de l’Image- a décidé
de se laisser mystifier par les propagandes imagières de toutes
sortes et ne désire aucunement prendre le temps de comprendre
l’image, à en saisir les sens, préférant seulement
y trouver rêverie et évasion. Dès lors il n’est
pas surprenant que les images de Vaughn-James, pensées et réfléchies,
faites pour être lues plus que vues, construites de traits noirs
austères, où tous les effets d’ordre plastique ont été
expressément écartés, correspondent si peu aux
goûts rudimentaires de l’œil contemporain, habitué aux
avances des couleurs et des effets.
Et
pourtant, La Cage est un extraordissime chef-d’œuvre, un récit
séquentiel graphique que rien n’égale. Il s’agit d’une
œuvre magistrale, labyrinthique, où le lecteur, malmené
comme l’aura été Stephen Dedalus en son temps, est invité
à se perdre dans le tressage du récit, où la présence
de l’homme, écliptique et par là-même omniprésente,
offre à ce grand livre la portée universelle des chefs-d’œuvre.
Mais
je mets ici déjà un terme à ma tribune, et laisse
à La Cage le soin de vous dévoiler progressivement
sa poésie, car ce roman magistral, à l’instar des meilleurs
textes de Kafka, Joyce, Beckett et Robbe-Grillet, ne saurait souffrir
de se laisser raconter.
À
noter également, la sortie simultanée, aux mêmes
éditions, de La Construction de la Cage, autopsie d’un roman
visuel de Monsieur Thierry Groensteen, un court ouvrage intéressant
qui apportera aux lecteurs les plus égarés, un appréciable
réconfort à leur errance.
Monsieur
Vandermeulen
LA CAGE | Martin Vaughn-James | cartonné 200 pages
| 25 EU | Les Impressions Nouvelles | ISBN 2-906131-02-4
L’ENQUÊTEUR | Martin Vaughn-James | 120 pages | 15 EU |
Les Impressions Nouvelles | ISBN 2-906131-41-5
LA CONSTRUCTION DE LA CAGE | Thierry Groensteen | 96 pages |
12 EU | Les Impressions Nouvelles | ISBN 2-906131-42-3
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HAWAII
Bon,
alors c'est Toto qui va au marché et... Naaan, j'déconne,
ahaha ! C'est pas Toto, c'est Hunter Thompson ! Alors donc, c'est Hunter
Thompson qui va au marché et... Ha ha ha, mais naaaan, j'déconne
! Il va pas au marché, il est paumé en plein désert
avec sa caisse en rade et il se met à planer dans le ciel avant
de se bouffer son pare-brise dès la deuxième page. Et en
plus, il s'appelle même pas Hunter Thompson, il a un autre nom,
mais je m'en rappelle plus. Parce qu'en fait, il lui ressemble vachement,
au niveau gueule et puis aussi au niveau calvitie. Alors, forcément,
confusion... Mais sinon, pour Toto, c'est pas incohérent, je vous
assure... C'est du Gonzo, quoi ! Gonzo, vous voyez ce que je veux dire
? Allez, les copains, on se réveille ! Toto, Hunter Thompson, Gonzo,
ça vous parle pas ? Bon, d'accord, je récapitule pour les
ignares : Hunter Thompson, reporter américain et écrivain
culte n'ayant jamais pondu le moindre roman, inventeur du "journalisme
gonzo", et influence majeure de plusieurs générations de
"critiques rock". On pourrait développer sur l'hystérie
du personnage, sur sa légendaire paranoïa, ainsi que sur sa
manie des drogues et des armes à feu ; on pourrait approfondir
sa revendication de la fiction comme principe d'objectivité ou
décortiquer la mise en avant de son personnage de Tintin déjanté
comme seul lien narratif à ses reportages... Mais désolé,
les copains, c'est pas le sujet de la chronique. Alors s'il vous faut
une séance de rattrapage, c'est en anglais dans le texte pour les
mieux équipés, et direction le catalogue 10/18 pour les
autres, où ils ne devraient pas avoir beaucoup de mal à
se procurer La grande chasse au requin ou Las Vegas parano,
récemment réédités.
Mais
revenons à notre Hawaï. Pourquoi Hawaï
? Pourquoi une malle pleine d'un truc louche ? Et pourquoi ce pasteur
plus familier des coups tordus que des homélies ? Hein ? Pourquoi
? Pourquoi l'histoire s'autodétruit-elle en même temps qu'elle
défile ? Et pourquoi est-ce qu'on en garde pas plus qu'un peu de
bande magnétique fondue dans la cervelle une fois le livre refermé
? Pourquoi… ? Mais parce qu'on s'en fout, bonhomme ! C'est du gonzo, nom
de Dieu ! Tu ne vois donc pas que l'intrigue a moins d'importance que
l'empilement joyeusement foutraque des situations ? Que tout là-dedans
n'est que prétexte au commentaire et que l'action l'emporte sur
le putain de message ?! Ce qui compte, c'est le détachement, l'attitude,
le bavardage, le STYLE ! Tu comprends, c'est ça, le MESSAGE ! Et
Dieu sait qu'il y en a, du style ! Ça fait même plaisir à
voir ! Décontracté, la cigarette au coin du bec, les pouces
nichés dans les passants du pantalon comme des oiseaux (voir à
ce sujet le formidable Birds, du même auteur, auto-édité
et pas facile à trouver, désolé c'est pas ma faute),
et tout ça tracé du bout de la plume, la main légère
et le verbe haut.
Alors
bien sûr, nos amis les comptables du "Bar des trois mulots" vont
encore débarquer avec leurs grilles de classifications et leur
bouteille de Cacolac ("et ce petit nouveau, tu le ranges plutôt
avec Sfar ou avec Blutch ?"). Mais nous, on aura déjà
mis les bouts pour Hawaï, avec une réserve de gorgeons
et quelques belles tirades sous le bras, pas vrai ?
GUMBY
[site]
| HAWAII | Matt Broersma
48 pages | 10 Eu | éditions FLBLB | ISBN 2-914553-12-9
(5, rue Sainte-Opportune - 86000 Poitiers [site])
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L'AMOUR
À
force de lire des livres d'inspiration autobiographique, on pourrait en
devenir distrait et passer à côté de cet hallucinant
ouvrage de BSK, son premier, intitulé tout simplement L'amour.
BSK n'est pas un virtuose du dessin et de prime abord le livre ne séduit
pas forcément. Par contre, BSK a un formidable talent de narrateur
et campe en quelques cases des personnages auxquels on s'identifie pleinement.
Déjà auteur de nombreux petits fanzines avec sa structure
Hi-han (tel l'excellent Ânes d'aujourd'hui) dans lesquels
il aime raconter son quotidien ou son enfance, on s'attendait avec L'amour
à lire un peu une suite regroupant ces ingrédients là,
qu'il manie plutôt bien. Mais voilà, au fil des pages, le
malaise s'installe... Non, l'auteur ne peut pas raconter ça, ne
peut pas autant faire entrer le lecteur dans les détails de sa
vie intime... On en reste bouche bée et on tente de se rassurer :
N'est-ce pas seulement une parodie autobiographique ? Ou une simple
fiction ? Et puis finalement, il paraîtrait que non, qu'il
s'agit bien d'une vrai tranche de vie, avec des morceaux de secrets dedans.
Et là on se dit que forcément, l'auteur a dû couper
tous les ponts avec les gens qu'il fréquentait à l'époque,
ou alors s'il ne l'a pas fait, cet ouvrage pourrait s'en charger. En tout
cas, voilà un livre où chacun pourra confronter son degré
de pudeur sur l'échelle de BSK. À côté David
B. ou Julie Doucet passent pour des cachottiers, Chester Brown et Joe
Matt pour des écoliers faisant leurs gammes. Avec L'amour,
la situation est simple et il suffit de la raconter dans l'ordre, sans
effet poétique, sans clin d’œil au lecteur.
Cela
commence presque comme un soap éculé : Benoît
vit avec Corine, ils ont un fils. Benoît en pince discrètement
pour Sabrina tandis que Corine lui révèle qu'elle est amoureuse
de Gaëtan. Mais cette révélation ressemble plus à
un jeu avec Benoît qu'autre chose. Voilà, rien de plus, l'intrigue
est nouée, au fil du récit, les couples se déferont
pour en former d'autres, entre les fantasmes des uns, les petites lâchetés
des autres, les bandes de copains au milieu. Rien que du très ordinaire
pour un livre étonnant, une réflexion sur l'amour et l'intimité
sans aucun pathos, juste le récit de bout de vies. Dans tous les
cas, un ouvrage qui apporte quelque chose à l'autobiographie en
bande dessinée et la révélation d'un auteur singulier
qui prend de vrais risques.
JP.
L'AMOUR |
BSK
76
pages | 9,91 EU | éditions PLG [site]|
ISBN 2-9515578-3-3
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BONE
#9
À
chaque fois, on se dit qu'il ne nous aura pas encore une fois, à
faire durer éternellement la saga des cousins Bone et puis, bon...
à chaque fois on se fait avoir, plongeant avec délice dans
l'univers de la "vallée" parmi les rat-garous mangeurs de quiche,
le seigneur des criquets et autres ordres de moines-guerriers. Tout un
univers dont on peut se méfier vu sa surexploitation tâcheronne
et ennuyeuse dans la bande dessinée grand public en général.
Mais Jeff Smith a ce petit plus qui nous réconcilie avec
la Fantasy en bande dessinée : l'humanité. La profonde
complexité psychologique des personnages, l'imaginaire poétique
et une sacrée dose d'humour, l'auteur manie le tout, comme toujours,
avec une légèreté et une grande délicatesse.
Le tome 9 de la série, Les cercles fantômes, ne déroge
pas à l'ambiance qu'il a forgée au fil des centaines de
pages qui composent la saga : lenteur du récit, facéties
chapliniennes autour des cousins Bone -véritable récit dans
le récit- et dramatisation croissante -et un peu toc aussi- de
l'intrigue de fond, de plus en plus touffue, utilisant le principe des
apports d'éléments nouveaux à la fois comme réponses
aux questions posées et comme générateur de nouvelles
intrigues périphériques. Le trait limpide de Jeff Smith
et sa maîtrise de la narration finissent de convaincre sur le peu
d'importance d'une conclusion à cette abracadabrante histoire car
c'est à un pur plaisir de lecture que l'auteur nous convie, nous
immergeant avec astuce dans le monde du conte.
JP.
LES
CERCLES FANTÔMES (BONE #9) | Jeff Smith
152
pages | 10,95 EU | éditions Delcourt | ISBN 2-84055-703-7
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DÉPÔT
NOIR/02
Faisant
suite à Dépôt noir/01 (logique), le nouveau
recueil d'images de Stefano Ricci est un bestiaire de corps, de
regards et d'objets que l'étonnante palette de techniques graphiques
de l'auteur incarne d'une vie singulière. Images d'enfants, de
tasses de café, de silhouettes étranges aux regards perdus,
de lettres déchirées puis recollées. Lorsqu'il dédicace,
Stéfano Ricci reste concentré, bien calé sur son
siège, les bras vissés à la table, la main cadenassée
au crayon, lui-même collé à la feuille. Il reprend
le même trait vingt fois, sans décoller son crayon, l'écrase,
plus redessine dedans à la gomme. Ses gestes semblent nerveux,
comme un tremblement qui le parcourrait. Et pourtant, c'est plus un apaisement
qui émane des images, un monde en suspension où se superposent
les couches de textures, de collages -calques, ruban adhésif, papier
froissé, biffé, gratté-, poussières, ficelles,
plâtre, bribes de textes, traits crayeux. Des gris, des beiges,
du rouge, plus rarement, de la moisissure et des masses noires, mates,
qui engloutissent la surface.
"
Par exemple, je ne dessine pas un homme qui regarde par le trou de la
serrure mais je cherche à dessiner une autre personne qui le regarde,
et si je dois te dessiner, te décrire, je dessine la personne qui
te regarde. Souvent, je dessine une personne qui me regarde. Ça
me plait quand un dessin arrive à créer une espèce
d'équivoque, si chacun y voit des choses différentes. Pas
nécessairement des significations, mais aussi des choses, qui peuvent
sembler incongrues au début et qui deviennent, lentement, ce qu'elles
sont. (…)" Nous dit-il dans la préface.
Dépôt
noir/02, livre-essai, d'autant que nombre d'images sont ensuite retravaillées
sur ordinateur, est une promenade dans le silence, dans un espace où
les corps se courbent et les regards passent au-dessus de notre épaule.
Plus abouti que le premier volume, Dépôt noir/02 est
presque un objet incongru tant il chevauche les genres. Que cet ouvrage
se trouve, en France, dans le circuit de distribution de la bande dessinée
pourrait sembler étrange si celle-ci, ces dernières années,
n'explorait pas avec autant de méthode les formes et les narrations,
permettant ainsi à un éditeur novateur comme Fréon
de proposer des livres singuliers qui n'ont plus d'appartenance à
un genre précis.
JP.
[site]
DÉPÔT
NOIR/02 | Stefano Ricci
128
pages | 28 EU | éditions Fréon | ISBN 2-930204-38-9
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