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PUSSEY
!
Vous en rêviez
(bon d'accord, j'en rêvais...), les éditions Rackham l'ont
fait. Voici enfin la traduction de l'hilarant Pussey ! de
Daniel Clowes, soit la satire définitive du monde du comics
américain. À travers la vie et l'oeuvre de Dan Pussey, jeune
prodige du comics de super héros, Daniel Clowes nous narre dans
les moindres détails le monde fascinant de l'usine à rêves
du comic books. Évidemment, venant de Clowes, chroniqueur glacial
de ses contemporains, c'est surtout le terme "usine" qui est mis en avant,
mais avec quel entrain ! Le jeune -gras et boutonneux- Dan Pussey,
qui ne vit que pour les super héros, est embauché avec une
belle brochettes d'inadaptés, au sein d'Infinity comics group que
tient d'une main de fer le ringardissime et odieux Docteur Infinity (Salut
Stan Lee, comment va ?) afin de mettre au point toute une série
de comics "super cool" (Muscle master, Marrionette squad, The 10-year
robot war, etc.) dans un plan marketing bien ficelé. Et vous savez
quoi ? Ben ça marche... Voici le jeune Dan qui accède
au rang de star du comics, heureux comme un pou, fier comme heu... un
pou ? Et à partir de là, tout y passe. De la convention
où les fans, en habit de lumière, se retrouvent pour acheter
par lot de 50 le n°1 de telle série -dès fois que...-, aux
congratulations d'usages où l'on offre quelques médailles
aux grands anciens, spoliés de leurs travaux par leurs éditeurs,
humiliés et foutus au rencard... avec un humour à froid
et un sens de la caricature d'une férocité incroyable, on
sent bien que Dan Clowes connaît son sujet, que sous les portraits
aberrants des protagonistes, se cachent -à peine- les vrais pontes
de l'industrie du comics. Mais bien sûr, tout cela ne suffit pas,
en bon masochiste, Dan Clowes a l'habitude de taper sur tout ce qui bouge,
y compris sur ces propres doigts et quand Dan Pussey, titillé par
une prof de littérature un peu trop maternelle dont il tombe bien
entendu amoureux, décide d'aller voir du côté des
"indépendants", c'est avec le même marteau que Clowes tape.
Pussey se fait donc engager par l'Emperors new clothes dirigé par
Gummo Bublemann (salut Art Spiegelman, comment va ?) où l'on
admire ses comics -les mêmes que ceux faits pour Infinity- pour
"l'essence primitive, la vitalité brute de cette niaiserie insignifiante
et stupide..." Il y croisera une nouvelle brochette d'inadaptés,
"arty" cette fois. La nuit, le jeune Dan, plongé dans l'univers
papier de personnages en collant, continue de fantasmer sur ces femmes
qu'il connaît si peu qu'immanquablement, l'image de sa mère
vient parasiter ses rêves, se substituant à l'image de ses
conquètes imaginaires !
Quel avenir
pour ce passionné de dessin, nostalgique des histoires de son enfance,
seule véritable sensation de sa pauvre vie affective.
C'est au pays
de la cruauté et de la lucidité que Daniel Clowes nous emmène,
dégommant l'industrie de l'art autant que son artisanat dans une
impayable chronique qui n'a pas d'issue.
On pourra noter
quelques similitudes avec le Hicksville de Dylan Horrocks, ce dernier
attaquant dans une scène d'anthologie une remise de prix similaire.
La réflexion des deux auteurs se croise, mais là où
Horrocks entretient une nostalgie des lectures d'enfance pour finalement
livrer une vision poétique et désanchantée, Clowes
fait table rase et, en véritable punk, pousse l'acidité
de son raisonnement jusqu'au nihilisme.
JP.
L’avis
de Monsieur Vandermeulen
Voici
un assortiment d’historiettes accueillant pour qui souhaite entendre les
inclinations de notre jeunesse pour ce singulier médium que l’on
appelle la bande dessinée. Un recueil qui pourra
se révéler précieux pour celui qui, comme moi, s'escrime
désespérément avec cette portion fantasque et méconnue
de la culture imprimée. Plus qu'une photographie de la
jeune génération, ce Pussey ! est une véritable
clef de lecture qui aidera le profane à percer plus avant un monde
confus et complexe. Un livre assurément recommandable.
PUSSEY
| Dan Clowes
56 pages | 12 EU | éditions Rackham | ISBN 2-87827-057-6
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ESCAPO
Escapo, Houdini
moderne et défiguré par une vilaine cicatrice est transi
d'amour pour la jeune Aerobella, reine des funambules, mais celle-ci n'a
d'yeux que pour l'As des As, roi des acrobates. Et tous les soirs, le
timide Escapo, roi de l'évasion, s'enchaîne, plonge dans
des piscines aux sorties cadenassées, saute et danse sur des broyeuses
géantes, essaie de pigeonner la mort quand elle vient en personne
lui rendre visite. C'est Paul Pope qui nous convie sous le plus grand
chapiteau du monde, celui où tous les soirs, Escapo défie
la mort et la logique par la rigueur et la précision de son savoir-faire.
Mais voilà, Aerobella occupe de plus en plus de place dans l'esprit
du jeune prodige et à trop se poser de questions, il en vient à
douter de la réussite de ses propres tours. Comme d'habitude avec
Paul Pope, la situation est flamboyante et l'utilisation des clichés
conduite avec passion. Maître du mélodrame, qu'il conduit
à un rythme frénétique, l'auteur dévoile le
monde du cirque avec amour et cruauté, telle scène d'un
repas pris avec les autres artistes évoquera le Freaks de
Tod Browning, telle autre empruntant à la tragédie classique
dans un noir et blanc tranchant. Aérien et profondément
romantique, Paul Pope nous parle toujours de fugacité et de violence
au travers d'images décalées qui marquent l'esprit par leur
étonnante charge émotionnelle. Superbe.
JP.
site
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ESCAPO
| Paul Pope
96 pages | 19 EU | éditions Vertige Graphic | ISBN 2-908981-56-4
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UN
CHIEN DANGEREUX #2
Place
à la grande aventure. On avait quitté les épatants
protagonistes d'Un chien dangereux (un curé suspect,
une bigote, deux frères voleurs, un chat scientifique et détective,
un chien culpabilisé de manger des chats, etc.) au beau milieu
d'une série d'intrigues de plus en plus barges, le pompon revenant
à la découverte d'un sang d'origine divine, qu'on se demandait
bien comment Imius -l'un des principaux auteurs du génial
Journal de Judith et Marinette- allait s'en sortir pour la suite.
À la lecture du tome deux, on aura compris qu'au lieu de démêler
bêtement les fils de cette histoire, Imius a plutôt choisi
d'enfoncer le clou : les maîtres de Ronnie (notre fameux chien
qui met bien de la mauvaise volonté à éclaircir tout
ça dans ce nouvel opus, en se contentant de dormir) ont des problèmes
de couple, il y a visiblement un amant dans le placard. Le chat qui avait
décidé de mettre à jour cette histoire de sang monoparental
se révèle, bien que volontaire, carrément trouillard.
Et le curé est de moins en moins clair. Totalement jubilatoire !
On n'oubliera pas de s'arrêter sur les superbes dessins d'Imuis,
ses découpages épatants d'efficacité et de simplicité
et les dialogues carrément jouissifs. Un chien dangereux
s'annonce comme une série formidable, qui croque joyeusement dans
l'observation du réel et se montre totalement branque dans les
situations proposées -on est proche de l'absurde de Jacques Tati-
avec une économie de moyens étonnante. Imius devient tout
à fait incontournable.
JP.
UN
CHIEN DANGEREUX #2 | Imius
48
pages | 5,50 EU | éditions les Taupes de l'espace
(2, rue du Stade - 85390 Saint-Maurice Le Girard - France)
ISBN 2-913421-05-9
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L'OEIL
À COURTS THÈMES
Jeune auteur
à découvrir en urgence, Didier Progéas brode
au fil de ses courts récits une poésie beat et somnambule.
Il se glisse dans le dédale des rues, apostrophe l'esprit des passants
et fait de la ville son terrain de jeu chimérique. Dans L'oeil
à courts thèmes, son dernier ouvrage, les gens volent,
les immeubles se tordent, les pieuvres sont domestiques et de curieux
laborantins cuisinent bouches et propos, râles fantasmagoriques,
évaporation d'individus, pour obtenir des élixirs divagatoires.
On perd rapidement ses repères dans cette ville chimérique
qui rappelle parfois les cartographies urbaines de Marc Antoine Mathieu.
Mais là où les personnages de Matthieu subissent et stressent,
ceux de Progéas, au contraire, se libèrent, s'évadent.
Difficile d'évoquer
son dessin tant il est à la fois inquiétant et serein, zébré
de noir, parcouru de flèches, aux angles de vue multiples. La bande
dessinée selon Didier Progéas est et il faut s'en réjouir,
une fois encore, une nouvelle expérience de lecture, le lien narratif
est musical, les mots se décalent d'eux-mêmes en sens et
sons voisins.
JP.
site
| L'OEIL À COURTS THÈMES | Didier Progéas
36 pages | 7 EU | éditions La chose (9, Boulevard Voltaire - 35000
Rennes)
ISBN2-912810-19-1
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MON
POISSON ROUGE
Judicieusement
sous-titré "Conte pour faire pleurer les enfants", le nouvel ouvrage
de Capron est un régal de conte évidemment cruel,
plein de trouvailles graphiques et limpide de fantaisie. Un petit garçon
avec une tête creuse se fait toujours moquer dans sa cour d'école
et ses parents, un peu rapiats, ne veulent pas lui acheter un chapeau.
Mais las de devoir nettoyer tous les soirs la cavité pleine de
boules de papiers et de crachats (ben oui, les enfants sont cruels), les
parents décident finalement de lui acheter un poisson rouge. Hop,
un peu d'eau et voilà l'enfant tout ravi d'avoir un ami en permanence
sur lui... N'en disons pas plus. Plutôt connu comme scénariste
Capron se sert de la trichromie et d'un dessin aux ambiances souvent cubistes
(les couleurs renforçant encore cette impression) pour mitonner
des effets graphiques étonnants et inventifs. Mon poisson rouge
devient un véritable petit chef d'oeuvre, une sucrerie avec juste
ce qu'il faut d'acidité et qu'il ne faut pas manquer de goûter.
JP.
site
| MON
POISSON ROUGE | Capron
32 pages | 6,50 EU | éditions Cornélius| ISBN 2-909990-67-2
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TIBURCE
#4
Bien qu'encore
difficilement disponible en France métropolitaine et en espérant
qu'un diffuseur s'intéresse de près à eux, les éditions
du Centre du monde, sises à l'île de la Réunion viennent
de sortir le -déjà- quatrième volume en format strips
des délicieuses aventures de Tiburce. Et comment résister
à cette géniale galerie de portraits des habitants de l'Ilet
Titby, petite bourgade un rien sinistrée entre mer et montagne.
On retrouve, sous la plume d'un Téhem très à l'aise,
les personnages croquignoles d'un bout du monde d'apparence bien agréable.
Du gamin débrouillard, Tiburce, à son père hâbleur
et alcoolo notoire en passant par Gratapoulé, gras maire totalement
corrompu et Law-law, le commerçant d'origine chinoise qui surfe
sur la nouveauté avec un sens aigu des affaires. Un vrai régal,
plein de fraîcheur et de créole, toujours militant dans son
approche du monde et qui, bien au-delà de l'exotisme, aborde les
choses avec une simplicité qui frappe juste et permet à
la bande dessinée d'humour de ne pas trop se perdre dans du simple
comique de situation.
JP.
site
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TIBURCE #4 | Téhem
80 pages | 9,15 EU pc | éditions Centre du monde
Band' décidée - espace Jeumon - 23, rue Léopold Rambaud
97490 Ste Clotilde
(Chèques à l'ordre de Band' décidée)
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