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chroniques #7
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A
la loupe : |
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CHE Après
s’être surtout singularisé avec des travaux souvent avant-gardistes,
les éditions Fréon plongent dans l’histoire de la bande
dessinée et sortent proprement des oubliettes Che, une oeuvre
à laquelle Alberto Breccia était particulièrement
attaché. Soit la biographie du Che Guevara, magistralement raconté
par Hector Oesterheld. On est loin du récit de propagande
tant l’écriture est poétique et la construction du récit
audacieuse. Mais l’on est bien dans un récit politique, qui milite
autant sur le fond que sur la forme. Breccia -père et fils- au
dessin s’y montrent très inspirés, le récit leur
tient visiblement fort à coeur. Les scènes de combats entre
expressionnisme et abstraction donnent le souffle à la légende
du personnage tandis que de petites touches nostalgiques remontent la
chronologie de cet étudiant en médecine emporté par
la tourmente révolutionnaire. On navigue parfois, dans les pages
retraçant l’histoire officielle à des comptes-rendus un
peu figés de séquences illustrées très encyclopédiques
mais c’est pour mieux se faire bousculer, quelques pages plus loin, par
des espaces d’intimité au coeur de la guérilla qu’il mena,
isolé au fin fond de l’Amérique du sud. Un très bel
ouvrage, soigneusement réalisé -mais maintenant on en a
l’habitude avec les éditions Fréon- et à la couverture
superbe.
Hector Oesterheld, Alberto & Enriche Breccia | CHE |
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3
Course
poursuite dans un monde infernal, 3 est un livre bien singulier.
Dans une cité entre New York et Hong- Kong, une équipe,
qui pourrait s’apparenter au F.B.I., du nom de 3 fait la guerre à
une mystérieuse organisation qui trafique de curieux poissons au
look très asiatique et dont l’ingestion provoque des mutations
et rend quasiment invulnérable. L’histoire semble comme ça
assez barge mais ce n’est rien comparé à son déroulement.
Tripots clandestins sous les trottoirs de la ville cachant des expériences
sur des crocodiles, clinique dentaire servant de couverture à des
savants perturbés éleveurs de poissons mystiques, gunfights
totalement rocambolesques à travers la ville, le long des façades
d’immeubles, dans les airs (!), on ne pourra s’empêcher de penser
au Hardboiled de Frank Miller et Goef Darrow dans une version absurde
(déjà que...) et onirique. Et que dire de cette cité
pleine d’étranges badauds, de clichés exotiques, d’issues
improbables. Des clins d’oeil à Major Fatal ? Les divinités
bouddhistes volent bas et se font cribler de balles par les hommes de
3, eux-mêmes dessoudés à la pelle par les membres
de l’organisation -affublés de nez de clown comme signe distinctif-
trafiquante de poissons drogues ! Livre entièrement dédié
à une sanglante course poursuite, on reste en admiration devant
le graphisme de Hugues Micol qui construit un réalisme poétique
faisant sans arrêt le chemin entre précision de la représentation
et un travail abstrait, graphomaniaque, sur le trait. Ainsi des éléments
de décor traversent les personnages, les douilles recrachées
par les armes à feu s'inscrivent comme une véritable partition
musicale dans le ballet de gunfights flottants dans les airs. Le trait
gratté, faussement maladroit, parfois proche du dessin d’enfant
évoque également des auteurs tels Pierre La Police, El Chico
Solo ou Frédéric Poincelet. Subjuguant.
Hugues Micol | 3 |
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CLOSE YOUR EYES Beau
livre atypique de Charles Burns, Close your eyes, est un
carnet de croquis édité par le Dernier Cri. Sur 128 pages
sont déclinés en vis à vis croquis et dessins originaux
ayant servis de source d’inspiration. Clair et honnête -l’auteur
ne se contente pas de citer ses sources, il les reproduit en face de l’interprétation
qu’il en fait, ce qui permet une comparaison de visu riche d’enseignements.
Ce petit livre très dense -peut être l’ouvrage le plus "classique"
édité jusqu’ici par le Dernier Cri- nous éclaire
considérablement sur la technique de Burns. S’inspirant principalement
d’autres dessinateurs -en premier lieu des dessinateurs de comics d’horreur
et de thriller des années 1950, ce qui ne surprendra personne,
mais également de Crumb, Daniel Clowes ou Dave Cooper- Burns cherche
avant tout à transformer des images déjà existantes
en icônes. Ses choix s’arrêtent sur des images émotionnellement
fortes -des visages dramatiquement expressifs, des poses tragiques-, dont
il gomme les aspérités du trait afin de le rendre beaucoup
plus synthétique tout en conservant la force expressive du modèle
de départ. L’exercice est délicat, et frôle souvent
la caricature ou le pastiche. Là où ce carnet de croquis
est réellement passionnant c’est lorsqu’il nous montre les versions
successives de certains dessins, dont nous voyons le trait se simplifier,
gagner en densité, se contracter autour de masses noires qui posent
un éclairage tranchant sur les visages. La reprise en quatre
étapes d’un dessin de Julie
Doucet est, à cet égard, impressionnant.
Dans sa première version, le croquis garde la rondeur de l’original,
sa sensualité, atténuant même la crudité due
aux ombres et à l’usage de la trame sur le dessin de Julie Doucet.
La deuxième version contracte le corps, qui devient plus trapu
et animal, les ombres soulignent une masse musculaire brute, une agressivité
un peu masculine, les gouttes de sueur sur le front indiquent l’inquiétude.
Le visage a l’air à la fois angoissé et en colère,
le front s’est arrondit, donnant au crâne la forme de celui d’un
gros bébé. Nous ne trouvons plus aucune trace de la sensualité
des deux dessins précédant, nous sommes passé dans
le domaine de la sexualité et de l’angoisse. La troisième
version de ce dessin est une icône typique du style de Burns :
le corps a encore grossit, jusqu’à devenir grotesque, les traits
du visage se sont durcit, la tête n’est plus celle d’un bébé,
c’est celle d’un bouledogue humain, crispé de colère, le
micro est retourné contre le personnage, dans un geste agressif
-il pourrait s’agir d’un couteau avec lequel il se menace. Il n’y a plus
de trace apparente de sexualité et pourtant tout souligne ce sentiment,
les vêtements, les chaussures à plate forme, l’agressivité
du personnage, la sueur sur son front -dans laquelle nous distinguons
maintenant plus l’effort que l’angoisse. Nous sommes passé dans
le domaine du refoulement, la tension qui traverse le personnage est devenue
palpable sans que l’on puisse dire exactement pourquoi. Partant d’une
image atypique et sensuelle, Burns la transforme en une figure électrique,
dont il a effacé toute douceur apparente, enfouissant le sentiment
que possédait le modèle sous son trait contrasté.
Toute la force de Burns tient à cet art du contraste, et il n’est
pas étonnant de constater que les dessins les plus forts de ce
recueil sont inspirés de photographies découpées
dans des magazines.Procédant de la même manière, Burns
s’attache à des visages expressifs (une grimace dans l’exemple
cité), dont il atténue la singularité tout en conservant
la force émotionnelle du modèle. Nous comprenons ici le
tournant qu’a pris son travail avec Black Hole (Delcourt éditions),
où sa maîtrise visuelle et son sens des références
démontre une dimension sensible extrêmement subtile et dérangeante.
Charles
Burns
| CLOSE YOUR EYES| |
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TOP
TEN #1 & #2 Après
le coup de froid des séries DC en kiosques, Semic Books pose enfin
les pieds sur terre en investissant les librairies spécialisées
avec du matériel de qualité (ben oui, pourquoi gâcher
du bon matériel en kiosque ?). L’occasion aussi de s’essayer
à de beaux albums et à de nouvelles séries et mini-séries
de bonne qualité. Ainsi ce Top Ten D’Alan Moore -qu’on
ne présente plus- et Gene Ha -qu’on présente. Découvert
en France il y a quelques années sur La légende Askani
(énième séquelle de l’univers des X-men), Gene Ha
fait partie de cette génération d’auteurs américains
extrêmement réalistes dans la représentation. Son
trait fouillé et précis a gagné en rondeur par rapport
à ses débuts et, allié à une mise en couleur
quasi photographique, il offre une " réalité "
neutre et proche de la télévision. Ce qui tombe bien pour
Top Ten, justement puisque Alan Moore, toujours prompt à
aborder de biais le monde des super-héros a décidé
dans cette série de coller au plus près à ce que
la télé américaine sait faire de mieux en ce moment :
la série (le premier qui dit "les infos" reçoit
une baffe). Top ten raconte le quotidien d’un commissariat dans
une grande métropole. Jusque là rien d’extravagant. Mais
voilà nous sommes dans une uchronie. La terre est peuplée
d’êtres aux supers pouvoirs. Pas quelques-uns, mais tout le monde.
Du chauffeur de taxi aveugle mais doté d’un sixième sens
très zen ("Où nous arrivons, c'est là où
il fallait qu'on aille") au commissaire Doberman harnaché dans
un exosquelette. Les souris font des trous grands comme des fauteuils,
normal, ce sont des Ultras souris (avec le costume qui va avec) et le
service de dératisation utilise des "chatomiques" pour les combattre
(capés et casqués), tandis que les monstres des films de
S.F. japonais devenus pochetrons noient les rues de vomi et des bars dévolus
aux divinités font le coup de la mort du sauveur tous les matins
(" - Ce qui veut dire que nous n’arrêtons personne ?
Mais ils assassinent des gens dans l’éternité ! "
dit un flic et se voit répondre " -Ta paperasse aussi elle
durera l’éternité. Mieux vaut laisser tomber. ").
Comme à son habitude, Alan Moore fouille en profondeur la psychologie
de ses personnages, crée des situations tragi-comiques réjouissantes
et donne une vie étonnante à tout ce petit monde. Il en
profite pour questionner le monde sur l’inextricable condition humaine,
la notion de progrès, les tentatives de "gestion" de son imprévisible
évolution. Un pur régal. Alan
Moore & Gene Ha| TOP TEN #1 & #2 |
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BUSCAVIDAS Ouvrage
composé de petits contes cruels qu’un curieux personnage plutôt
atone vient recueillir au cours de ses promenades, Buscavidas (littéralement
"cherche vies") montre une autre facette de l’immense talent d’Alberto
Breccia. Son amour de la caricature, des silhouettes grotesques
et tellement parlantes. Breccia recompose un bestiaire de l’âme
humaine à la manière d’un James Ensor. De son côté
Carlos Trillo quadrille l’Argentine de ses petites histoires intemporelles
pleines de mamies goguenardes et calculatrices, de patriarches ogresque
et de latin lovers pathétiques avec une tendresse allant jusqu’à
l’extrême cruauté. On retrouve des thèmes chers et
tellement identitaires de la littérature sud-américaine
avec cette richesse de personnages exacerbés par leurs émotions.
Buscavidas se lit tranquillement, le sourire aux lèvres
et, à la manière de la figure centrale du récit,
compilant par volumes entiers des historiettes qu’ils glane au fil des
rencontres, on se prend à savourer comme une gourmandise les tourments,
des bourreaux comme des victimes, de ces petits contes noirs où
espoir et désespoir dansent main dans la main le bal de la vie
cher au tango. Alberto
Breccia & Carlos Trillo | BUSCAVIDAS |
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CARNET
Jacques
Tardi | CARNET #1 |
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