Le modèle
de "notre" Bach
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Cioran,
Diane Arbus et Jean Sébastien Bach
Le
nouvel album dAmbre et Lionel Tran nous plonge, lespace
dune journée, dans la vie de lécrivain
français dorigine roumaine Emil M. Cioran, de la photographe
New Yorkaise Diane Arbus et du compositeur allemand Jean Sébastien
Bach. Nous entrons dans le quotidien de ces artistes, partageant
quelques instants dune intimité tournée vers
lintrospection et la création artistique. Les portraits
se brossent par touches impressionnistes, laissant deviner des personnalités
complexes et sensibles, et nous rendant presque palpables des êtres
que lombre de luvre fini parfois par recouvrir.
Le
projet
Je crois que lidée était
de restituer à ces auteurs ne serait-ce quune toute
petite partie de ce quils avaient mis deux même
dans leur uvre. Nous ne voulions pas ajouter une couche de
vernis supplémentaire sur les mythes qui ont pu se constituer
autour de leurs personnages. Notre désir était, avec
limpudeur et les risques dinterprétation erronée
que cela comporte, de leur rendre visite un instant, dessayer
de sentir ce que, banalement, ils pouvaient vivre quotidiennement.
Au cours de nos recherches, plus que dêtre exhaustifs,
nous avons cherché un endroit de leur être qui nous
laisserait la place de nous faufiler afin de nous imprégner
suffisamment pour pouvoir ensuite donner corps dune manière
qui ne nous semble pas trop fausse à " notre" Cioran,
"notre" Diane Arbus et " notre" Bach.
Lionel Tran
Un
ouvrage singulier
Tout en reposant sur de solides recherches
biographiques et iconographiques, ce travail contourne lécueil
de la reconstitution historique, en nous situant les personnages
dans un contexte contemporain. Le récit, qui se fragmente
en trois chapitres, nous plonge dans trois temporalités différentes.
Le chapitre consacré à Cioran nous immerge dans un
temps dérégulé, celui de linsomnie, où
les instants se distendent, sinterpénètrent
et se chevauchent par vagues fiévreuses. Le ton de ce récit
est dune profonde mélancolie. Le chapitre consacré
à Diane Arbus, peut-être dapparence le plus simple
de lalbum, nous situe dans un temps limité, celui dun
rendez-vous, dont les limites formelles volent en éclat.
Cest le temps de lamitié, celui de lattention
apportée à autrui celui, également, de lirrépressible
besoin déchange engendré par la solitude. Il
se situe chronologiquement un mois avant le suicide de la photographe
New Yorkaise. Le troisième chapitre, consacré à
Johann Sebastian Bach, est celui du temps régulé,
un temps rythmé par les obligations de la vie familiale et
lexercice à heures fixes du labeur créatif.
Inscrit dans la stabilité, ce récit dégage
une grande sérénité derrière laquelle
nous sentons poindre une angoisse maintenue à distance.
A
propos des auteurs
Dune
très grande fluidité plastique et narrative, Une
année sans printemps, constitue
une approche très différente du
Journal dun loser, le précédent
album dAmbre et Lionel Tran. Louvrage est formellement
plus sobre. Le trait, teinté de légères ombres
gris clair, se dépouille et lécriture, qui épouse
en fonction des récits, différents degrés de
narration (monologue, voix off et dialogues), prend discrètement
corps. Avec ce deuxième album commun, nous retrouvons les
thèmes propres à ces deux auteurs : restitution du
réel, densité des sentiments et pudeur. Nous voyons
là sébaucher une uvre dune intensité
émotionnelle rare dans le champ de la Bande dessinée.
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