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JadeWeb
chroniques #7
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VIKTER
DUPLAIX DJ Kicks
(K7 ! / PIAS)
Vikter
Duplaix n’est pas le dernier ennemi en date de Superman, même
si sa tenue vestimentaire aurait bien mérité quelques croquis
dans le comics célèbre.
Non,
Vikter Duplaix n’est rien moins que la pierre philosophale de la new soul,
ce courant néo avant-gardiste où l’héritage soul
se télescope avec la house lascive de Détroit… Le producteur/compositeur
le plus prisé de la côte est des États-Unis, sur lequel
tentent de mettre le grappin toutes les stars montantes du style, parmi
lesquelles Critical Point, Spacek, P’taah, s’est acoquiné avec
K7 le temps d’un DJ Kicks.
Ce
mix, sorti sur le label allemand, se veut le panorama de ce qui rythme
ce style. En résumant, on pourrait y voir le télescopage
des DJ Kicks du Trüby Trio et de Nicolette… Les voix chaudes pour
le cœur, le beat irascible et funky pour le mental.
Outre
la nonchalante habilité de son créateur, on doit rapidement
se rendre à l’évidence : ce DJ Kicks ne nous "kick" pas
plus que ça… Les morceaux sont globalement poussifs, dénués
à l’excès de la hargne joviale et communicative qui fonde
cette musique et le titre heureux d’Herbert ne change malheureusement
rien à la donne… On se revêtira pour l’occasion de noir et
nous irons brûler un cierge à la mémoire des anciens
braseros de DJ Kicks qu’étaient les Stereo Mc’s les Thievery Corporation,
les Smight & Mighty ou les Rockers Hi fi, d’une autre classe, quand
même.
JJ.
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MAXIMILIAN
HECKER
Infinity
love songs (Kitty-Yo/ PIAS)
Polyester
(Kitty-Yo/ PIAS)
Au
jeu des homonymes, il y a certains noms à ne pas confondre ou du
moins certains prénoms à ne pas oublier. Car, s’il existe
bien deux Hecker, l’un est autrichien et distille des fréquences
saturées sur son lap top via Mego, etc. ; le deuxième, quant
à lui est allemand et vient de sortir son album, Infinity love
songs sur Kitty-Yo.
Dès
les premières mesures, dès le premier souffle expié,
on est sous le charme de cet artiste qui renie une bonne fois pour toutes
la joie et la félicité pour l’affectation. Le climat que
dégage son timbre, les harmoniques des guitares, tout converge
à faire glisser cet album comme un long travelling à la
surface d’un lac écossais, une sorte de Tom Mc Craw qui aurait
évolué en bien ou un Scott Walker davantage dans l’air du
temps.
Maximiliam
Hecker prend sur certains morceaux le contre-pied de nos attentes,
se lâchant un peu sur ses machines (Infinity love songs).
Une chute dans le vide qu’on souhaite longue et vertigineuse, quitte à
connaître le sort peu enviable de la jeune fille sur son maxi.
Même
s’il dit lui-même qu’" infinity love songs n’est pas un
disque sur l’amour mais sur le désir d’être amoureux ",
cet album aura rarement aussi bien porté son nom, synthèse
unique de grisaille fissurée et de spleen contenu.
JJ.
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ASLHEY
SLATER'S Big lounge
(Plush / PIAS )
Certaines
personnes n’auront malheureusement jamais le physique de leur voix. Comme
dans ces mauvaises séries est allemandes où le héros
parle avec un léger décalage et la voix nasillarde de Michel
Roux. C’est certainement le cas d’Ashley Slater, jeune homme au
physique dur, silhouette acérée de bagnard mais qui une
fois la couche superficielle grattée, révèle des
délicatesses de timbre et de compositions ciselées franchement
aux antipodes de ce que sa seule allure laisse présager.
Pourtant,
la surprise ne devrait pas être aussi grande, dans la mesure où
il a travaillé au sein de structures assez variées, du très
exigeant EG (où l’on retrouve Robert Fripp, Brian Eno) au tonitruant
Mircrogroove, en passant par Fat Boy Slim, Macy Gray ou the Jazz passengers,
jamais éloigné de L’AEOC. Un parcours atypique pour une
approche inhabituelle de la pop, de la soul et du jazz. Un comportement
de franc-tireur de la soul urbaine où les sommets de début
d’album (le splendide Private sunshine, Husban) côtoient
ensuite des titres juste agréables. Un album qui a un bel esprit
mais dont la maturité et la rigueur sont par trop absentes
JJ.
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THE
LAND OF NOD Archives : 02
(Ochre [site])
Entamée
depuis bientôt cinq ans, l’expédition humaine de The land
of Nod arrive à un terme suffisant de son aventure personnelle
pour poser un regard soutenu (et rétrospectif) sur son parcours.
Archives, puisque c’est le nom de cette petite anthologie de fonds
de tiroirs, regroupe l’ensemble des morceaux composés, dispersés
et égarés à diverses époques, soumis aux courants
de pensées changeants et aux conversions d’influences.
On
a, à certains égards, l’impression d’embrasser la frange
musicale atmosphérique de la pop anglaise, depuis la new beat à
l’influence de Talk talk en passant par The cure (évidente sur
Floating around). Si leurs premiers morceaux, anecdotiques et touchants,
pour sympathiques qu’ils soient, ne font que prolonger les échos
musicaux de leur pairs (de My bloody à The cure, en passant par
The fall, Wire ou la house 90’), il en va autrement des titres plus récents,
tels que Interceptor, sorti des greniers de FSA, Roy Montgomery,
ou ce Mont Ventoux ep sorti sur le label américain Silber
rec. avec une thématique d’entrée originale (le cyclisme
et Jacques Anquetil) faite d’échos de montagnes et des lentes plongées
vibrantes inspirées. Un journaliste a comparé certaines
de ces compositions à Popol Vuh et dans un sens, il est clair qu’on
retrouve l’esprit de la lente ascension du film de Werner Herzog où
les colonnes d’hommes fourmillesques, sont écrasées par
l’omniprésence (puissance ?) de la nature.
On
conçoit distinctement les choix qui ont dû être opérés
par le duo de Cheltenham, entre la boîte à rythme répétitive
et le statisme froid des arpèges de guitares ardentes. Entre calme
mesuré et énergie tendue.
La
seconde partie du disque livre le travail abouti des années Ochre,
soit sous forme de live, de non-éditions ou de remix. Un travail
merveilleux et riche, nourri avec intelligence des atmosphères
germaniques de Can, Neu ! Popol Vuh tout en gardant un regard sur My bloody
valentine et la clique Kranky. Le grand écart rêvé…
?!?
JJ.
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MONOLIGHT
Free music
(Rune Grammophon [site]
/ ECM)
Rune grammophon dispense au public (avec la régularité
d’un métronome) ses albums beaux et froids, échos de pays
lointains, qui mis bout à bout dessinent les contours abstraits
d’une œuvre majeure, comme autant de grains enfilés constituent
à leur terme cet objet de dévotion qu’est le chapelet.
Rune Kristoffersen-Monolight en est conscient mieux que quiconque, puisque
c’est lui qui est à la genèse du label. Portant la musique
électronique/concrète/improvisée norvégienne
à des sommets inespérés, il aura su mettre en avant
les talents enfouis sous les glacis millénaires de son territoire.
C’est à présent à lui de faire part de ses vues,
de réintégrer l’avant-scène après six ans
d’absence sous son nom de scène Monolight et presque autant sous
sa formation Fra lippo lippi (formé en 1979, le duo électro-pop
influencé par le rock progressif et la no-wave a compté
parmi ses membres quelques personnalités, Nils Peter Molvaer, Bendik
Hofseth ou Bjorn Kjellemyr, pour n’en citer que trois).
Avec cet album, il souligne sa nouvelle orientation, qui se fait jour
jusque dans l’intitulé de son album : Free music. Ainsi,
si l’on ne peut soumettre un peintre à remplir son tableau de couleurs
pré-établies à des emplacements pré-indiqués,
un musicien s’impose quelquefois un devoir d’oubli, sur les méthodes
acquises et les présupposés digérés.
Un travail de régression interne où son travail affiche
clairement l’intuition et l’instantanéité comme fil d’Ariane
de la composition, fruit d’une approche singulière de l’enregistrement
: "Une fois que j’ai sélectionné deux ou trois sons,
j’utilise un système très rudimentaire qui me permet d’improviser
à l’aide de séquenceurs, de configurations d’arpèges
et de synthétiseurs déclenchés sur le champ et combinés
en temps réel."
Une approche toute en nuances, électro-acoustique par essence,
discrète, prodiguée par gestes fugaces et libérateurs,
non calculés, proche de musiciens tels que Marcus Schmickler (Pluramon),
Wendy Carlos ou de peintres comme Rothko et Klee, avec commune à
l’esprit, cette vision d’ensemble de l’œuvre.
JJ.
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PRO
BONO PUBLICO V/a
(Vertical form [mèl]
/ Import)
Puisqu’on
ne peut décemment pas se considérer comme un mauvais auditeur,
dût-on mettre à contribution son humilité, il est
bon quelquefois de se rendre à l’évidence : cette compilation
flatte la meilleure part de nous-même : la soif de discernement
aiguë, la capacité à l’ivresse des sens, l’égarement
salutaire de l’innovation et la foi vibrante de la découverte.
Pas moins de quatre formations pour faire vaciller notre entendement dans
un doux entrelacs d’analogies cristallines et d’arpèges de guitares
en sustentation. Phénomène rare, chaque artiste présent
se révèle égal en talent, cherchant par le biais
de la fibre amicale ou de l’émulation le dépassement de
soi.
Pan
American convoque à sa table la discrétion, cheminant en
partie avec les compositions de son précédent album et où
des vibrations de John Fahey se font sentir (Sleep & fall ) ; Kim
Hiorthoy, graphiste surdoué du label Rune Grammophon se révèle
tout aussi gracieux dans le maniement des cracking sonores que des palettes
graphiques pour un travail Isanien. Iso 68, rejet splendide de Kante et
LaliPuna offre une déclinaison arctique d’Isotope 217 alors que
Correr/ Cowboy, déjà entraperçu au sein du label
Spoon de l’ex-Can Irmin Schmidt aligne trois morceaux de folk urbaine
désœuvrée et splendide.
Ce
Pro bono publico manie les superlatifs des grands jours et se joue
d’une gamme large de sentiments, de la mélancolie à l’apaisement
jusqu’à l’allégresse, émotions qui trouvent au sein
de Vertical Form une réconfortante promiscuité (ascendante).
JJ.
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.SND
Tender love
(Mille Plateaux [site]
/ Tripsichord)
Mark
Fell & Mat Steel ont contribué dans une large mesure au développement
d’une troisième voie à l’électronique, passage étroit
entre l’intellect et le corps, inspiré pour partie d’une relecture
sensible du format pop et d’autre part du souffle d’efficacité
rythmique de l’électronique.
Une
union sacrée, genèse du courant électronica qui aura
mis cinq années à se concrétiser de nouveau, délaissant
ici certains aspects, prenant là de nouvelles tangentes.
L’émotion,
si elle reste le vecteur central de la mélodie employée,
revêt cette fois d’autres chemins de traverses. Le sentier enherbé
de la house conscrit le rythme et le style dans un cadre étroit,
où l’armature répétitive des morceaux offre une voix
lascive à ces derniers. Les dérapage rythmiques, accrocs
analogiques se font distants, se perdent dans la ligne d’horizon.
Même
si l’album possède attrait et fraîcheur à distiller,
les deux protagonistes ont du mal à tirer leur épingle du
jeu et à renouer avec le sens profond qu’ils donnèrent,
il fut un temps, à leur acte musical.
JJ.
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OPIATE
Possible
(Vertical Form/ import)
La
musique d’Opiate, corollaire étymologique de sa définition
est une préparation à base d’opium et de miel, à-même
de provoquer chez l’auditeur un assoupissement moral l’éloignant
des difficultés et des problèmes du réel. Une fuite
sonore de la réalité, matérialisée à
l’occasion de génuflexions électro-ambiante-atmosphériques
réitératives et vibrantes et de circonvolutions de boucles
en accouplement.
Et
quand bien même les rythmes se désunissent sous l’effet de
minces jeux de distorsions, d’expérimentations légères
et minimales, les breaks, quant à eux, s'apparient et se matérialisent
davantage dans le silence… La présence d’Alva Noto (Carsten Nicolai)
et le passif d’Opiate en compagnie de Björk (trois morceaux sur Vespertine)
sont autant de repères au bon goût affiché.
Quatre
haïkus sonores, où les jolies pulsations analogiques de Styrofoam
conspirent avec les rythmiques rice crispies de Phonem et les symphonies
aériennes de Pan American. Très bon…
JJ.
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L’ALTRA
In the afternoon
(Aesthetics/import)
L’incapacité à définir de quelconques
points de repères, alors même que cette musique exerce une
influence sur notre humeur, notre perception et nos appréhensions
secrètes fait naître en nous un sentiment de déroute.
Un pacte confus, dont nous sommes les victimes consentantes et qui pourtant
échappe à notre entendement, décliné sous
forme de complaintes musicales lascives et belles, échos de conversations
entre Lindsay Anderson et Joseph Costa. La lente dérive mélodique
se surprend à l’occasion, dans un sursaut d’amour propre à
réintégrer la structure classiquement pop. La beauté
du projet, plus délicieuse et fragile qu’au premier jour (Music
of a sinking occasion…) tient dans la volonté du groupe à
gommer chaque instrument au profit de la mélodie, apport évident
de musiciens aimés et reconnus tels qu’Arvo Pärt, Tortoise
ou Come… Une osmose parfaite impose son rythme par élans successifs
et renforce l’évidence de ces morceaux autant qu’elle fragilise
l’émotion qui s’y décèle.
Un merveilleux album, qui prend à partie un élément
figé (ici une feuille, là quelques pousses de coquelicots)
au milieu d’un tourment qui les dépasse (la mer, le vent). Une
allégorie des sentiments qui animent l’écoute de leurs albums.
Splendide. http://www.aesthetics-usa.com
JJ.
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STATIC
Eject your mind
(City Center Office/ Baked Goods
[site])
La
pertinence du projet d’Hanno Leitchemann réside autant dans le
choix des labels qui l’ont hébergé, de Mermaid à
Audio NL que dans sa manière d’entrevoir la musique. Une perception
qui adopte le mouvement lent du ralenti, où la fugacité
d’un geste, d’une mélodie, réfrène sa course, se
plie à l’observation. L’image des films/documentaires de Michael
Snow ou d’Andy Warhol vient naturellement à l’œil, pour soutenir
l’idée.
La
musique électronique qui se joue ici semble immergée, l’eau
régissant la vitesse de transmission des sons, cadençant
les échos et les résonances, dub matinée de pop,
électronica opaque et abattue. Static se paye le luxe d’une
voix, celle traînante et sondeuse de Ronald Lippok (Tarwater, To
rococo Rot) sur Headphones et A black of dirty white puis
celle de Justine Electra (Sometimes I’m sad for a few seconds…)
pour des atmosphères intégrant Schneider TM, Tortoise, Oval,
ou .snd comme références ; autrement, les climats sont d’une
quiétude rare et s’épanchent à la manière
d’ondes à la surface d’un lac, de manière concentrique et
expansive. Notre attention et notre engouement aussi d’ailleurs…
JJ.
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PAN
AMERICAN The river made no sound
(Vertical Form / Baked Gods)
La
surprise qui nous étreint à la première écoute
de The river made no sound est le choix d’un label électronique
pour donner corps à cette troisième inquisition de Pan
American… Une surprise pour partie annoncée lors des split
sur Quatermass (avec Komet & Fishergold) et les bribes de morceaux
diffusées (dans un format quoique classiquement pop) au gré
de la compilation Vertical form (Pro bono publico).
Ainsi,
il faut raisonnablement se rendre à l’évidence et considérer
le changement de cap abordé par Mark Nelson au sein de son projet
solo. L’exclusivité du space rock, des harmoniques profondes et
des lentes constructions hélicoïdales de guitare aura vécu.
En offrant à son projet un second souffle, il reconsidère
l’alternative discrète et introspective qu’était Pan American
à la faveur de rythmes hypnotiques, pulsations foncièrement
électroniques sinon dub, répétitives par nature et
où l’aspect progressif du projet s’émousse et disparaît
derrière le rythme.
Si
l’ensemble de l’album retient encore emprisonné dans ses poumons,
l’air de 360 degree, l’évolution reste notable.
Les
amateurs de pop stricte auront quelques difficultés à prendre
leurs marques dans ce nouvel agencement, même si ces échos
multiples sculptent avec intelligence les bas reliefs ciselés de
la mélodie et des finesses d’écriture. Que les rivières
émettent ou non des sons, on serait en joie d’en voir une se nommer
un jour Pan American…
JJ.
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DEZ
WILLIAMS Sock fluff
(SCSI/ import)
Cet
album de Dez Williams complète l’ana(généa)logie
tourmentée de l’embranchement européen, placé entre
la paternité de Third Eye Foundation (période Ghost) pour
le maillage d’atmosphère lugubre et tendue et Crunch, voire Clarence
Park pour la défragmentation moléculaire des effets rythmiques
et les sonorités ouvertement acides… Membre du collectif du nord
de l’Angleterre SCSI, Dez Williams cultive ce goût immodéré
pour l’électronique âcre qu’il met à profit au long
de ces quatre plages noires et sillonnantes. Une belle excursion pas exempte
de surprises.
JJ.
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ANDY
MOOR / KAFFE MATTEWS Locks
(Unsounds/ Lowlands)
C’est
sans doute la chaleur d’esprit, le sens de la fraternité et la
présence (l’absence?!) inestimable de Tom Cora dans nombre de projets
de The Ex qui aura assis le groupe au niveau international et lui aura
donné un second souffle et un nouvel élan, vingt ans après
la formation. En quelques années, on aura entraperçu les
doigts agiles d’Andy Moor et de ses comparses flirter avec le post
rock de Tortoise, les stratifications de Sonic youth pour n’en citer que
deux… Ici, Andy Moor se révèle sous son patronyme, aux côté
de la brillante platiniste/sampleuse Kaffe Mattews (albums sur
Annette works) en vue d’explorer les arcanes et autres soubassements de
la vibration et accessoirement de la guitare.
Fruit
d’une collaboration débutée à Londres courant 98,
la combinaison des textures cycliques de la guitare, son énergie
fulgurante et saturante chevauche le crissement et la complainte aiguë
des computers, c'est le chant du cygne des bandes passantes. Un terrain
de jeux favorable à la composition, entre intensité accablante
et sons éthérés, entre gravité solennelle
des mélodies acoustiques (Builder bloomsberg) et fatuités
des blips et autre sonorités de quinconces (She is nice).
Le
point névralgique de l’album réside dans la recherche de
cet équilibre et son maintien vital. La magie ultime s’achevant
à la fusion des deux univers où la quiétude sédative
de l’auditeur se heurte aux conflits instrumentaux des musiciens…L’œil
du cyclone ?
JJ.
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MOLR
DRAMMAZ Boazeria {Higherlowerslowerfaster}
( Mik.musik / A-musik)
Molr
Drammaz partage avec John Oswald, Stock Hausen & Walkman ou l’écurie
V/VM ce même goût prononcé pour l’approximatif, l’instantanéité,
l’urgence et par dessus tout l’accumulation de sources sans relation évidente.
Pas
de tri sélectif pour ce collectif allemand ; Boazeria propose
au long de ses vingt-quatre plages le road movie en accéléré
d’un univers trash, "fourre tout" où l’aspect pop ludique prend
souvent le pas sur les soucis de droit de la propriété intellectuelle.
L’énergie ici déployée se fait aux dépens
des tympans de l’auditeur, en effrayant certains à l’occasion.
Le condensé d’idées et de boutures
rythmiques est délivré ici par paquet de douze à
la minute. Un patchwork de sources outrageusement débridées,
en lisière de la folie… (on note une plage de répit
vers le milieu du disque).
En
cherchant une allégorie, on pourrait comparer leurs travaux à
une démocratie proportionnelle à l’italienne, où
le pire et le meilleur se côtoient et s’expriment à tour
de rôle.
Le
design de la pochette, prolongement logique et adéquat de la musique,
offre une vision désarticulée, émiettée, brouillée
des canons classiques du design.
Ce
collectif développe une visée très organique de la
composition… Une bactérie esseulée perdue au centre d’un
océan de liquide amniotique. Un bouillonnement impétueux,
proche des B.O. de films d’anticipation et du documentaire animalier,
de la musique philharmonique et de l’électro lo-fi… Quelquefois
non maîtrisable, mais trop souvent jouissif et bordélique
pour ne pas s’attarder un instant dessus.
JJ.
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GUIMO
There’s a nip in the air, boy
(Disque Mobile/ Chronowax)
Conscient
que les pensées et les songes s’accommodent mieux à la solitude,
Guillaume Hermon aura pris le rythme des saisons pour formaliser
ce bel appel de détresse créatif. Un album : There’s
a nip in the air, boy, embranchement spleenesque et déroutant
d’un Migala ou d’un Jack to stars névralgique. Des arrangements
lointains, très lointains, des harmonies évanescentes, aux
limites de la disparition, doux appel au désert et à la
frugalité, bâtit sur la corde raide d’une voix rêche
et désolée pour des morceaux qui saignent la vérité
et la justesse. Comme un renoncement à sa retraite au monde, une
terminaison à son isolement, il a convié six musiciens à
la finalisation de ces douze mélodies fébriles et distordues
par la réverb, pleine de quiétude et de névrose,
jamais bien éloigné de l’esprit de Will Oldham, Aidan Moffat
ou Tinderstick.
JJ.
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O
LAMM Snow party
(Active suspension)
Olivier Lamm est tout sauf un néophyte. Acteur intransigeant
du fanzinat, il effeuille depuis plusieurs années la scène
indépendante avec beaucoup d’intelligence au détour d’articles
et de billets d’humeur cinglants.
Pour paraphraser l’œuvre de l’écrivain britannique Ishiguro, O
Lamm prend à bras le corps les "vestiges" de son héritage
musical, déclinant dans un jeu de clair-obscur et de contre-jour
ses attentes expérimentales et ses désirs de mélodie
pop lo-fi. Un savant jeu de mise en lumière et un goût certain
pour l’altération esthétique des canons du genre.
Tiraillé sur son flanc droit par la perversion électronique
abstraite du consortium MEGO/ Staalplaat/ Raster/Noton, attaqué
sur son flanc gauche par les délicates effluves d’une pop moderne
et avec, en ligne d’horizon le minimalisme développé par
Bernhard Gunter ou Steve Roden, O Lamm chemine au centre de ses références,
à la manière d’un point géographique dont le croisement
des informations (latitude, longitude, altitude) permet d’en saisir la
réalité : synthèse heureuse des courants qui l’habitent.
L’interprétation ou la retranscription de ses sources restant unique
et personnelle.
Le jeune homme fait taire les clichés avec intelligence, puisant
dans ce qui lui reste de stupeur et de spontanéité pour
faire "danser" l’ensemble.
Chacun des morceaux transpose le patrimoine mélodique de son auteur
en rythme et en texture électronique fragmentée au long
de ce très beau premier album. À l’heure où la rythmique
se confond avec la mélodie...
JJ.
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PHONEM
Ilisu
(Morr / La Baleine)
Phonem
pactise et conspire avec la fibre vivante du rythme. Prenant comme angle
de réflexion l’eau, il est ici question du projet de barrage Atatürk,
colossale entreprise d’un pays sur son territoire.
Ici,
c’est la technologie qui nie l’individu, qui fait ployer l’homme devant
le progrès. Elliot Perkins semble nous interroger : sommes-nous
devenus fous au point de nier l’équilibre environnemental et social
d’une région ?
Appuyant
tout comme Ultra-red son discours sur sa musique, le fond du problème
prend essence dans la forme employée : l’eau filtrant du barrage,
l’eau irriguant les terres assoiffées compose l’assemblage de chaque
morceau pour des sons, qui n’ont pourtant pas vocation à être
concrets. Phonem triture, dénature ses sources au creux de ses
mains pour mieux leur donner vigueur et force. Autant de brisures, de
fendillements de glitchs, d’échos d’infrabasses venus mourir sur
la structure du grand projet, pour mieux en saper les fondements. Énergique,
physique, réflectif et entraînant, Phonem donne une âme
au troisième volet de son triptyque personnel, faisant en cela
suite à Phonetik et Hydro electric.
Par
ailleurs membre de Beta Bodega et de Spike, son side project, Phonem livre
ici un album aux confinements nombreux, qui impose une écoute détaillée
pour en visiter tous les recoins.
JJ.
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VIRGA
Eidos
(Unique records [site])
Ce
projet est empreint d’une douce amertume qui trouve ses appuis dans le
chant triste des boucles de samples atmosphériques. Étrangement
urbain, le souffle des machines contient pourtant au cœur de ses micro-processeurs
une bonne dose d’humanité. On pense bien évidemment aux
références avouées de Virga, de Ruby à
Portishead dans une veine spécifiquement acoustique mais on retrouve
également un peu de la dynamique de Red snapper sur certains titres,
voir Antenne ou Tricky (Stakhanov). Lionel Maraval croise au sein de sa
galaxie nombre d’univers, de la drum’n’bass à l’industriel atmosphérique
(le nocturne et passionnant Marneffe) en passant par l’électro
body music (Transpose) avec une certaine élégance
même si on préférera les morceaux les plus apaisés
(le liturgique et spatial Steinbock), parce que les plus aboutis.
De très beaux morceaux ; avec en point d’orgue le splendide Arctique
(mister Koner ?) pour cette deuxième production du très
intéressant label Unique records.
JJ.
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V/a
Minima-list
(www.list-en.com [site])
Alors
même que l’Europe abonde en labels à vocation minimaliste
(de Microwave à Trente oiseaux, de mego à Raster Noton en
passant par les material series de Staalplaat et j’en passe), la France,
parent pauvre dans le domaine, se découvre dans le même temps
que les États-Unis un vivier inexploité, prêt à
mordre la poussière des sampleurs. Parmi les premiers à
nous gratifier de ces conquérants de l’infiniment audible, il y
a List, label parisien, co-dirigé par qu’Hervé Boghossian
(sol, c’est lui) ainsi qu’Emmanuel Allard (co-fondateur de Heidirecording
et également membre unique de Fabrique de couleurs et moitié
de Speakerine). Les deux jeunes gens, tout en cultivant la part d’exception
culturelle qui est la nôtre (sic !!) avouent dans le même
temps un certain penchant pour cette nouvelle approche de la texture sonore
chère à l’Amérique de Richard Chartier et de Taylor
Deupree. La connexion entre List et 12K est d’ailleurs suffisamment prégnante
pour avoir suscité une série de concerts des deux côtés
de l’Atlantique.
Mais
quid du minimalisme ? Une forme nouvelle de sons électroniques
où la mélodie du morceaux tient à la rythmique et
où les basses et hautes fréquences sont visitées
sans revue de détails. Loin d’être inaccessibles, les compositions
renouvellent l’approche du genre et ouvrent l’audition vers des tréfonds
reculés du subconscient. Des petites mélodies ciselées
à base de rien (sogar, taylor deupree, mathieu Saladin), des petits
échantillons de hargne (speakerine), des hoquets de drones et de
blips (Komet, *0), des murmures de carmélites (charles Curtis),
un dérèglement hormonal (symphonique) de sampleur (fabriquedecouleurs),
un défibrillateur à sec (Otomo Yoshihide), une nuit à
Bandol (Sol), voilà ce qu’est le minimalisme en 2002. Sans conteste
une réussite, et ce malgré l’âpreté (conceptuelle)
du genre.
JJ.
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MERZBOW
Frog
(Misanthropicagenda/ import)
La sortie d’un album de Masami Akita est toujours un événement
en soi, chronique musicale d’un tremblement de terre annoncé. Un
plaisir malsain à reprendre l’anéantissement là où
on l’avait laissé, endurance violente de l’esprit, perte momentanée
de repères dans la virulence de ses assauts, lent ressac marin,
pluie sombre d’ambiant noise environnementaliste…
L’imagerie, base de collage hérité du surréalisme
et de Rotschenko, rappelle pour partie la touche graphique de De fabriek
sur son dernier album, fruit du travail de (Column one)… Des grenouilles
disposées en quinconce, avec un souci géométrique
hérité d’un autre âge qui évoque le sample
d’introduction des deux phases, bâti autour du croassements des
batraciens. La musique, loin d’être accessible, fait plus appel
à nos sensations qu’à notre raison.
L’implication de Merzbow dans cette purée noire de sources
environnementales, nous rappelle s’il en est encore temps, la puissance
de la nature, à même d’amener les hommes aux confins de leur
propre folie (Aguire, ou la colère de Dieu…).
JJ.
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GEORGES
AZZARIA Monopole
(OHM/ Avatar)
Partisan
d’une confrérie bien singulière George Azzaria bricole
avec sérieux et vétille ces babioles mécaniques,
instruments modifiés, fruits d’une imagination débridée
et fertile. Depuis Harry Partch à Pierre Bastien, sans oublier
Hans Reichel, Jacques Dudon, Don Buchla ou encore Qubais Reed Ghazala,
cette communauté cherche un équilibre entre expression libre,
découverte pure et travaux plastiques aventureux.
L’apparence
et la vêture des objets-instruments ne s’impose jamais d’autres
contraintes que de laisser libre court aux sons… À la lecture du
livret, où figurent plus de trente pièces originales, on
se découvre témoin de croisements inquiétants et
contre nature entre cordes, filaments, peaux et enceintes droit sortis
de l’esprit du Docteur Moreau.
La
musique électroacoustique expérimente et improvise le champ
des possibles de chaque instrument, ouvrant ces derniers à des
ambiances spécifiques (parfois insupportables, quelquefois magiques)
et originales, le plus souvent initiateur de pincements ou de vibrations
oniriques et bizarres. On tombe amoureux de ces étrangetés
de la nature et des petits appels qu’elles formulent au long de ce livre-Cd,
fruit d’une nouvelle divagation de l’excellent label OHM-Avatar.
JJ.
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THE
SOFT RIDER Manu (bad sounds [site])
CHROME
40 s/t (bad sounds)
Dans
une démarche un peu équivalente à celle de Ween,
à savoir travestir un genre à ses propres fins, les dirigeants
du label lyonnais Bad Sound entaillent les styles sous le jour des clichés
qu’ils laissent filtrer. Dans cette optique, on ne se surprendra pas à
découvrir un jeune homme à la coiffure Robert Smith-Placebo
vautré sur un corps nu de jeune homme entonner des morceaux no-wave
éminemment primaires (boîte à rythme, ligne de guitare
claires) sur fond de complaintes empreintes de saphismes. Moi, ça
me fait bien rire et je l’écoute avec entrain. L’autre sortie évoque
une approche plus conceptuelle, sur fond de pop-atmosphérique où
il est conseillé à l’auditeur de se munir d’un baladeur
C.D. et de déambuler à son gré dans les rues de sa
ville. Pour l’avoir essayé, c’est très tonique et dépaysant,
et ça n’engage vraiment à rien si ce n’est à briser
un peu de sa monotonie… Moins rustre que les premières sortie du
label, Chrome 40 et The soft rider donnent une vision plus
riche des potentialités de Bad Sound. Allez, on vous redonne l’adresse…
JJ.
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