Vous allez participer au 5° Festival de la BD « Des Bulles dans
la Cartagène» à Massillargues-Atuech en mars 2007. Pouvez-vous en
quelques mots vous présenter ?
Je m’appelle Fabrice Erre, je suis né
en 1973, l’année où Picasso est mort et où une crise économique
se déclenchait. J’aurais donc pu avoir une enfance malheureuse,
mais non. Un jour j’ai découvert les Schtroumpfs par une petite
figurine qu’un ami m’a donnée à la récréation et ça a été une véritable
révélation. Il s’agissait du schtroumpf à lunettes habillé en procureur.
Cet objet est pour moi ce que le sou fétiche est à Picsou.
Comment
un professeur d’histoire devient dessinateur de BD ?
L’inverse est tout aussi compliqué.
Quelles
sont vos principales influences ?
C’est impossible à lister.
Racontez
nous votre première planche : Les aventures de Pavel Mc Bubble en
1995 dans Fluide Glacial.
En 1995 mes parents m’ont fait un énorme
cadeau : ils m’ont permis de prendre une année sabbatique pour dessiner.
Au même moment, Fluide Glacial lançait un concours, comme celui
qui avait consacré quelques années plus tôt le jeune Blutch. J’ai
travaillé comme un forcené sur une histoire en 5 pages que je croyais
très drôle. Pour me détendre après cette débauche d’énergie, j’ai
dessiné aussi un gag idiot en couleur, un après-midi de week-end
dans la cuisine de mes beaux-parents. J’ai envoyé tout ça au journal
et un jour le rédacteur en chef m’a appelé pour m’annoncer que je
faisais partie des lauréats. Pas pour mon histoire, largement en
dessous des exigences, mais pour mon gag idiot. Cela m’a appris
beaucoup.
En
2006, vous publiez Démonax, histoire du plus grand bandit de l’univers
aux Editions 6 Pieds sous Terre. Comment vous est venu cette idée
évoquant les romans feuilletons du début du 20ème siècle et ses
grands héros comme Fantômas ou Arsène Lupin ?
Je ne sais pas. Avant de faire cette histoire,
je n’avais jamais lu ce genre de bouquin, mais j’avais quand même
vu la série avec De Funès. C’est sans doute le produit du processus
d’influences impossibles à lister évoqué plus haut. De fait, il
s’agit d’un cadre narratif très efficace, facile à emprunter pour
une première expérience.
La
trame de Démonax paraît se situer au début d’un vingtième siècle
imaginaire. Vous êtes vous servi de vos connaissances historiques,
vous êtes un spécialiste de la presse satirique du 19ème siècle
si je ne me trompe pas, pour la création de cette histoire ?
Je fais effectivement partie du club très
fermé des spécialistes de la presse satirique du XIXe siècle. Notre
organisation est si secrète que je n’ai pas le droit d’en parler
ni d’évoquer les informations historiques que je pourrais en retirer.
Des intérêts que vous n’imaginez pas sont en jeu.
Vous avez développé l’histoire sur un format atypique, plus de cent
pages d’un coup. Vous n’aviez pas envie d’un habituel album en 44
pages avec plusieurs volumes, une série classique quoi ?
Le fait d’écrire un scénario d’une manière
un peu théorique est quelque chose de très compliqué. Pour surmonter
ce problème, à l’exemple de Hergé dans Tintin au pays des soviets
ou plus récemment de Lewis Trondheim et de son Lapinot, je me suis
lancé dans cette histoire directement au dessin, page par page,
avec en tête seulement le profil des principaux personnages. L’histoire
s’est donc construite au fur et à mesure : à partir de la situation
de départ, tout s’est enchaîné de manière assez naturelle et finalement
les réactions des personnages s’imposaient d’elles-mêmes. C’est
d’ailleurs un phénomène plutôt singulier. Je me suis donc arrêté
quand la chaîne des événements liée à la situation de départ s’est
épuisée.
Que
s’est-il passé entre Fluide Glacial en 1995 et Démonax en 2006 au
niveau bande dessinée ?
Rien au niveau bande dessinée.
Mais tellement de choses dans d’autres domaines.
Et
après Démonax, quel sera votre prochain projet dans le monde de
la BD ?
J’ai deux projets en cours. Je ne sais
pas s’ils aboutiront.
Démonax
est en noir et blanc ce qui lui va très bien. S’agit-il de votre
technique de prédilection ou envisagez vous des BD en couleurs ?
Il me semble que la technique utilisée
doit être au service de l’esprit qui se dégage de l’histoire. Ce
n’est pas un scoop, mais il faut bien reconnaître que ce n’est pas
non plus une condition faisant l’objet de toutes les attentions
dans la bande dessinée. Bon nombre d’albums sont coloriés pour mieux
présenter, avoir une meilleure visibilité. Ce n’est pas un mauvais
calcul, commercialement parlant : si vous saviez combien de gens
m’ont fait remarquer que mon album n’avait pas l’air fini sans couleurs.
C’est vrai aussi que dans beaucoup de cas, ça n’a pas vraiment d’importance.
Mais dans Démonax, il me semble que le noir et blanc et l’utilisation
raisonnée de graphismes participent à créer une ambiance. Ce n’est
donc pas un choix par défaut. Pour d’autres projets, j’espère bien
me servir d’autres ressources, dont la couleur bien sûr.
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