The
Buzzcocks Friends
of mine
Ade Blackburn (guitare, claviers, voix) : Je n'ai aucune
idée de qui ça peut être.
Brian Campbell (basse, coeurs) : Les Buzzcocks ? J'allais le
dire. Je te le promets !
Au
son de quelle musique avez-vous grandi ?
Ade
: The Specials, Soft Cell, Teadrop Explodes, Echo & The Bunnymen.
J'étais trop jeune pour écouter les Buzzcocks, comme
je n'ai jamais été emballé par des musiques plus
synthétiques comme celles de Depeche Mode ou Spandau Ballet.
Brian
: Mon grand frère écoutait aussi bien Depeche Mode
que des groupes punk. Je préferais Elvis Presley, Roy Orbison.
J'ai grandi avec eux.
Le
punk, c'était de la musique de grand-frère ?
Brian
: Absolument. Mon frère et ses copains écoutaient
ça dans la chambre d'à côté. Il y avait
toujours du bordel. Moi, sans doute en raison de mon jeune âge,
j'avais beaucoup de mal avec ce genre de musique. Je préférais
les Smiths qui étaient plus mélodiques.
On
décrit souvent le punk comme une révolution. Etes-vous
d'accord ?
Brian
: Je crois que ça a permis a beaucoup de gens qui n'étaient
pas musiciens à la base de s'immiscer au sein de groupes et
de s'exprimer par ce biais. C'était un pied de nez à
l'industrie du disque : on pouvait aussi faire de la musique dans
sa chambre, monter son propre label... Beaucoup de groupes que nous
avons écouté en grandissant étaient les héritiers
de ce mouvement : c'était la seconde génération.
J'ai
pensé aux Buzzcocks aussi parce que vos morceaux sont la plupart
du temps courts et percutants.
Brian
: On va directement au but. Nous ne sommes pas des virtuoses,
nous serions incapables de jouer un solo de guitare. Et quand bien
même nous en serions capables, ça ne nous intéresserait
pas : pourquoi dire en un paragraphe ce que tu peux dire en une phrase
?
Ade
: J'étais beaucoup trop jeune pour comprendre ce que le
punk avait apporté. Ce n'est que bien plus tard que je me suis
rendu compte que j'étais complètement d'accord avec
beaucoup de ses préceptes.
The
Modern Lovers Old
World
Ade
: Comme beaucoup de gens, j'ai découvert les Modern Lovers
après le Velvet Underground. C'est curieux d'ailleurs qu'on
les décrive souvent comme les enfants du Velvet alors qu'ils
délivraient des messages très positifs, prônaient
un mode de vie très sain, sans drogue... Ils avaient également
plus d'humour que le Velvet. Je comprends que la voix de Jonathan
Richman puisse agacer, mais j'adore sa façon de chanter. Ce
n'est que récemment qu'on a commencé à reconsidérer
les Modern Lovers, à se rendre compte que leur album avait
été sous-estimé... Je regrette qu'ils n'en aient
enregistré qu'un seul et qu'ils ne lui aient pas donné
de successeur. Nous avons complètement repompé l'orgue
de "Old World" sur "Monkey On Your Back" (un des premiers morceaux
de Clinic - Ndr).
C'était
un hommage conscient ?
Ade
: Oui, totalement délibéré. J'aime beaucoup
les parties d'orgue chez les Modern Lovers, pas seulement le son très
sixties mais aussi leur façon d'en jouer qui est très
originale. C'est un groupe qui avait l'originalité de briller
à une époque où beaucoup déclinaient et
s'enfoncaient dans les méandres du rock progressif. Les Modern
Lovers etaient un groupe de rock à guitares et restaient fidèles
à cette définition.
"Pouvoir se foutre des Beatles, c'est une bonne chose."
(rires)
Vos
racines sont-elles principalement américaines ou anglaises
?
Brian
: Américaines, européennes, et ensuite anglaises.
Le rock'n'roll, le doo wop, Le Velvet, les Modern Lovers, les Shangri-La's,
les Ronettes, Phil Spector : voilà pour les américains.
Can, Kraftwerk, Gainsbourg : les européens. Ensuite, il n'y
a pas beaucoup d'anglais.
Ade
: Je garde les Rolling Stones et les Sex Pistols qui viennent
du rock'n'roll. Mais je ne me pose plus ce genre de questions. Maintenant,
je me moque un peu de savoir d'où vient telle musique et quand
elle a été enregistrée. Tout se mélange.
A l'origine, j'écoutais beaucoup de pop. Maintenant, c'est
principalement de la musique folk, du blues... Je n'écoute
plus vraiment le Velvet ni Can. Je connais suffisamment leurs disques.
J'ai besoin d'autre chose.
Vous
sentez-vous profondément anglais ou au contraire avez-vous
l'impression d'être nés au mauvais endroit ?
Ade
: Etre originaire de Liverpool et y vivre renforcent le coté
décalé de notre musique. Nous ne sommes pas un groupe
typique. Ca ne peut-être qu'une bonne chose : suivre ce que
ton imagination te dicte et pas ce qui se passe autour de toi. Pouvoir
se foutre des Beatles, c'est une bonne chose (rires).
The
Jesus & Mary Chain Upside
Down
Ade : J'avais acheté leurs premiers singles.
J'aimais beaucoup leur premier album Psychocandy. Mais ils
se sont vite imposés comme LA référence "alternative"
auprès de gens qui en manquaient. Musicalement, je ne trouve
pas ça aussi crade qu'ils l'auraient voulu. Et la rythmique
était vraiment leur point faible. Quand tu réécoutes
leurs disques, c'est vraiment toujours la même chose. J'aime
beaucoup " Never Understand "ou " You Trip Me Up ",
mais j'ai vraiment l'impression qu'ils n'ont qu'un seul genre de chansons
à leur répertoire. Si tu compares les trois premiers
albums, beaucoup de mélodies se ressemblent. On parlait tout
à l'heure de ce groupe, Black Rebel Motorcycle Club : c'est
fou qu'ils aient pu s'inspirer d'un groupe comme The Jesus & Mary
Chain qui est déjà si limité à la base.
Brian : Je crois que tous les groupes que nous aimons ont en
commun un certain éclectisme. On essaie, avec Clinic, d'aller
dans ce sens.
Ade : En Angleterre; c'est devenu un lieu commun : n'importe
quel groupe qui sonne un peu garage est systématiquement comparé
à The Jesus & Mary Chain. Je crois que ça montre
bien où en est la critique : j'ai l'impression que les journalistes
n'ont aucune référence antérieure à 1985.
C'est de la paresse. Je ne dis pas ça pour toi (rires).
The
Residents These
Boots Are Made For Walking
Ade : On écoutait encore cet album dans notre van
la semaine dernière. C'est vraiment l'opposé de The
Jesus & Mary Chain : tellement d'éléments différents
qui se chevauchent, de manière très originale, très
intelligente, jamais prévisible... A la fois des éléments
de rock'n'roll, des mélodies pop que tu peux retenir facilement,
la liberté du jazz... La façon dont ils ont su entretenir
leur mystère d'années en années, que ce soit
au travers de leurs pochettes comme de leurs photos, est exemplaire.
C'est un des tout meilleurs groupes encore en activité, si
ce n'est le meilleur groupe tout court.
Comment
les as-tu connu ?
Ade
: J'avais entendu aussi bien Will Sergeant (Echo & The Bunnymen)
que Bill Drummond (KLF) les citer, c'est grâce à eux
que je me suis intéressé à leurs disques. Ils
ont longtemps été une référence assez
floue pour moi, j'avais juste quelques images en tête : San
Francisco, la Bible... J'ai mis des années avant de les écouter
pour de vrai. J'avais peur que le concept autour d'eux soit bien plus
intéressant que la musique en elle-même. Mais leurs albums
sont assez pop en fait. J'étais très agréablement
surpris en les découvrant. Comme je suis surpris chaque fois
que je les réécoute.
Leur
anonymat reste légendaire. Quand avez-vous décidé
de revendiquer le vôtre ?
Brian
: Dès le début. Dès que nous avons eu l'idée
du nom " Clinic ", nous avons décidé de nous
présenter en blouse et porter un masque. A l'époque,
ce n'était pas très courant que les groupes se démarquent
visuellement parlant. Peut-être qu'aujourd'hui, grâce
aux White Stripes qui s'habillent toujours en rouge et blanc, ça
l'est moins.
Mais
quand vous êtes sur scène, vous ne portez pas vos uniformes
?
Si.
Pourtant
je vous ai vu deux fois et vous ne les portiez pas.
On
se les ait fait voler il y a deux ans, et on a dû jouer quelques
concerts sans, le temps de les remplacer. Ce n'est pas vraiment le
genre de vêtement que tu peux trouver n'importe où.
Vous
jouez masqués, mais vous donnez des interviews : vous n'entretenez
pas non plus le mystère.
Ade
: Il est évident que quand tu publies des disques comme
les nôtres, qui ne sont pas amenés à se vendre
à des millions d'exemplaires, te prêter au jeu de la
promotion est quelque chose de très important. Ce n'est pas
parce que nous répondons aux interviews que les gens savent
pour autant à quoi nous ressemblons : nous sommes masqués
sur les photos, nous n'apparaissons pas dans les clips, pas sur les
pochettes de disque... C'est inévitable que des gens finissent
par nous voir sans nos uniformes. Ensuite, c'est peut-être le
cas pour 1% de ceux qui nous écoutent.
Augustus
Pablo & The Upsetters Vibrate
On
Brian : Nous nous sommes inspirés des effets qu'Augustus
Pablo utilise sur le melodica quand nous employons cet instrument.
Notamment de cet effet d'écho qui prolonge le son. Celui qui
sort de l'instrument n'est pas très impressionnant, mais il
suffit que tu mettes une pédale de delay pour que, tout à
coup, ça devienne autre chose.
Ade
: L'idée, à l'origine de Clinic, est de proposer
des mélodies simples à jouer mais de trouver le bon
instrument pour les interpréter. Si tu écoutes Kraftwerk
par exemple, ce sont aussi des mélodies très simples.
Le choix du melodica s'est vite imposé parce que c'est un instrument
facile à maîtriser, on dirait un jouet pour enfants.
Combiner cet instrument avec des éléments plus traditionnels
nous a permis d'obtenir ce son singulier que nous recherchions.
Vous
écoutez beaucoup de dub ?
Brian
: Quand nous sommes en tournée, nous écoutons beaucoup
de cassettes au fond de notre van. Chacun apporte les siennes, ce
qui nous permet à tous d'écouter beaucoup de musiques
différentes. Au bout d'un moment, elles ne sont plus rangées
dans leur boîtier, on ne sait plus vraiment de quoi il s'agit...
Mais c'est très intéressant musicalement parlant (rires).
Einstürzende
Neubauten Sand
Brian
: Je n'ai pas la moindre idée.
Ade
: C'est une chanson composée par Lee Hazlewood, c'est ça
? Je me souviens avoir vu Neubauten en concert, ça devait être
à la fin des années 80. J'aimais bien leur attitude
très agressive. Ils avaient complètement détruit
la scène sur laquelle ils jouaient.
Brian
: Ce sont eux qui tapaient avec des marteaux sur des pianos ?
Ade
: Je n'ai jamais beaucoup écouté de musique industrielle.
Ce qui est intéressant, c'est qu'elle participe à la
définition de ce qui est acceptable musicalement parlant. Produire
une musique qui ennuie les gens ou qui les fait se réveiller
en sursaut : c'est une vraie démarche.
Television
Personalities
Part Time Punks
Brian
: Pas la moindre idée non plus.
Ade
: Jamais entendu.
The
White Stripes
Broken Bricks
Ade : Je n'ai pas vraiment écouté les White Stripes,
les Strokes, les Von Blondies... mais ils ont de véritables
parti-pris. Et ils ramènent dans la pop, qui commençait
à s'endormir avec tous ces arrangements acoustiques, des éléments
de rock'n'roll. Moi, ça me plaît beaucoup plus que Travis,
Coldplay... Je trouve que les White Stripes sortent vraiment du lot
alors que les Strokes me rappellent beaucoup de groupes de rock indépendants
des années 80. Je n'irai pas acheter leurs disques pour autant.
Brian : A chaque foisque je vois les White Stripes en concert,
ils m'épatent. Je me demande toujours comment ils peuvent faire
autant de boucan à eux deux. La plupart des groupes auraient
besoin d'au moins deux musiciens en plus pour en faire autant. Je
trouve ce retour aux racines du rock'n'roll plutôt sain. Si
ce genre devient la norme, alors je suis rassuré. Je préfère
que des jeunes qui commencent à faire de la musique prennent
les White Stripes pour modèle plutôt que d'autres. Je
pense que la simplicité de leur alchimie peut donner envie
à pas mal de musiciens en herbe de prendre une guitare et de
jouer. Cette excitation me rappelle les débuts du punk.
"Quand
nous tournons en Angleterre, on passe vraiment pour les ploucs de
service."
C'est
marrant quand même qu'ils aient publié deux albums sur
un petit label américain sans que personne ne les remarque,
et que tout le monde s'excite sur le troisième, qui est vraiment
dans la lignée des deux premiers. J'ai l'impression que ce
succès leur est vraiment tombé dessus par hasard comme
il aurait pu tomber sur n'importe qui, à commencer par Clinic.
Ade
: Le presse musicale anglaise a d'abord lancé la brit-pop,
puis cette scène assez acoustique dont nous parlions tout à
l'heure. Comme elle vu que ce courant commençait à s'essouffler,
c'était assez prévisible qu'elle se tourne vers les
Etats-Unis. Souvent, c'est juste une question de timing et rien d'autre.
Le groupe était disponible pour tourner au moment où
il fallait, publiait son nouvel album au moment où on l'attendait...
Je pense que le fait que les White Stripes soient américains
leur donne beaucoup plus de crédibilité aux yeux de
la presse anglaise, beaucoup plus par exemple que Clinic.
Brian
: Si les White Stripes venaient de Liverpool ou de Birmingham,
ça n'aurait peut-être pas marché. Souvent, ça
tient juste à ça. Pareil pour nous ; quand nous tournons
aux Etats-Unis, les gens sont impressionnés par le fait que
nous venions de Liverpool. Pour eux, c'est du sérieux. Alors
que quand nous tournons en Angleterre, on passe vraiment pour les
ploucs de service.
Ade
: Les White Stripes sont fortement influencés par le blues.
Un groupe anglais qui se revendiquerait de ce courant musical n'aurait
aucune crédibilité face aux médias anglais étant
donné que le blues n'est pas une musique qui prend ses racines
en Angleterre. Eux, comme ils sont américains, ils sont censés
avoir ça dans le sang. C'est dans leurs traditions.
Vous
avez accompagné Radiohead sur leur dernière tournée
et un de vos morceaux, " The Second Line ", a été
choisi pour illustrer une campagne pour une marque de jeans. Avez-vous
senti qu'à ce moment-là, vous auriez pu décoller
?
Brian
: Ca n'avait pas du tout été calculé dans
ce but. Nous ne cherchons pas à franchir les échelons
d'album en album. Nous jouons la musique que nous apprécions,
et si ça plaît aux gens, c'est un plus. On n'a pas de
plan de carrière comme " l'année prochaine nous
aurons vendu tant d'albums " ou " nous serons à telle
place dans les charts ".
Ade
: Ça marcherait si nos chansons étaient toutes semblables.
Je crois qu'une des qualités de notre musique, c'est qu'elle
est très variée. Ce n'est pas une formule que nous déclinons
tout au long d'un disque. Nous ne balançons pas single après
single de manière à rentrer dans les charts. Je comprends
que cette variété puisse troubler pas mal d'auditeurs,
mais c'est vraiment ce qu'on fait le mieux. Dès que tu commences
à te répéter, les nouveaux morceaux ressemblent
à des mauvaises copies des anciens...
Brian
: Nous revendiquons complètement notre schizophrénie.
Nous partons du principe que si c'est intéressant pour nous
en tant que musiciens, ça peut l'être pour l'auditeur.
"Nous revendiquons complètement notre schizophrénie."
La
campagne Levi's, ça vous a apporté quelque chose finalement
?
Brian : Beaucoup de gens ont vu d'un mauvais oeil
qu'un groupe comme Clinic se corrompe dans une campagne commerciale,
avec un gros annonceur comme Levi's. Moi, j'ai trouvé cette
expérience très positive. Notre musique a été
diffusée grâce au spot à des heures de grande
écoute. Levi's avait déjà utilisé un morceau
de Death in Vegas, qui est par ailleurs un groupe on ne peut plus
respectable. En même temps que " The Second Line ",
un titre de Boss Hog a également été associé
à cette campagne. L'association avec ces deux groupes me paraît
avoir du sens, ça n'est pas Britney Spears non plus.
Ade
: L'industrie du disque a toujours été étroitement
liée avec celle des affaires, que ce soit au travers des partenariats
sur les festivals, des publicités dans les magazines... Indirectement,
les groupes indépendants en ont toujours bénéficié.
Ce serait malhonnête si on avait cherché à caser
d'autres morceaux à d'autres annonceurs. Mais ponctuellement,
ça ne me gêne pas. Nous avons pu voir au préalable
les visuels qui allaient être utilisés, les spot qui
allaient être diffusés... Je ne le regrette pas.
Ca
vous a apporté beaucoup d'autres auditeurs ?
Brian
: Je ne pense pas car " The Second Line " n'est pas
devenu un tube pour autant. Les gens ont été mis au
courant de l'existence de Clinic, c'est déjà ça.
Nous n'avons pas vu la couleur de l'argent : il a été
reversé directement à notre éditeur et notre
maison de disques. Si ça les aide à signer d'autres
groupes dans notre genre, ça aura servi à quelque chose.
Même si cette publicité n'a pas eu de retombées
directes, elles sont positives.
Beat
Happening Pajama
Party In a Haunted Hive
Brian
: Je ne sais pas.
Ade
: Non plus.
Pourquoi
avoir choisi de signer avec Domino plutot qu'avec un label américain
comme Matador ou K Records qui serait plus proche de votre son ?
Brian
: C'est une question de personnes. Nous avons choisi de signer
avec Laurence Bell, qui dirige Domino, parce que c'est un fan de musique
avant tout. Il n'est pas carriériste. Domino est un des derniers
vrais labels indépendants. Il nous fait totalement confiance
sur l'artistique, domaine dans lequel il n'intervient jamais.
Ade
: Laurence est anglais, il a toutes les cartes en main pour comprendre
notre démarche et notre humour. Signer sur un label américain
aurait été nous exposer à toutes les critiques,
à commencer par celle de vouloir sonner comme les groupes américains.
Domino est basé à Londres : c'est facile pour nous d'aller
leur rendre visite, de passer la soirée à discuter en
face à face. C'est bien plus facile que si nous devions communiquer
uniquement par téléphone. Laurence est un garçon
assez calme. Ce n'est pas la caricature du mec arrogant qui travaille
dans une maison de disques. Nous avons vu d'autres personnes avant
de signer, mais c'était toujours la même rengaine : "
On adore ce que vous faites, mais... " (rires). Par ailleurs,
ce qu'elles nous proposaient était vraiment très classique.
On avait envie de travailler avec des gens un peu plus créatifs.
Avant
Domino, vous avez publié vous-même vos disques ?
Ade
: Oui. Nous avons dû mettre en sommeil le label actuellement
car nous n'avons pas le temps de nous en occuper. Mais dès
que l'occasion se présente, on reprendra cette activité.
Brian
: Peut-être pas pour publier des albums, mais juste des
singles de groupes qu'on a envie de pousser. Nous avons monté
le label parce que nous en avions vraiment ras-le-bol d'envoyer des
démos à des maisons de disques et à des magazines
sans aucun retour. A ce stade, ça nous semblait plus censé
de mettre la main au porte-monnaie et de presser nous-même nos
singles, de manière à ce que la personne qui s'intéresse
à notre musique reçoive un ensemble comprenant une pochette,
des visuels... John Peel en a reçu un et a commencé
à beaucoup le diffuser. Du coup, on a commencé à
s'intéresser à nous. Je ne pense pas qu'il ait pu nous
remarquer si nous ne lui avions envoyé qu'une cassette dans
un boîtier plastique.
"Suicide me semble très surestimé."
22-Pistepirkko
Frankenstein
Ade
: Jamais entendu.
Brian
: Je ne sais pas ce dont il s'agit.
Warsaw
Interzone
Brian : Je donne ma langue au chat.
Ade : Joy Division ? Je n'en gardais vraiment pas ce souvenir.
Suicide
Johnny
Ade
: Suicide. Je ne me souviens plus du nom du morceau. Pour moi,
ils sont assez proche de The Jesus & Mary Chain. Je me vois encore
en train d'acheter leur premier album. Je crois que j'étais
plus enthousiaste que je ne le suis maintenant. Ça peut paraître
très présomptueux de ma part, mais je trouve que Suicide
est assez caricatural de l'attitude " rock indépendant
". Musicalement, il ne se passe pas grand chose : pas assez par
rapport à ce que j'attends d'un groupe en tout cas. C'est le
même reproche que je fais à The Jesus & Mary Chain
: une trop grande similitude entre les morceaux. Moi, je ne garderai
qu'un ou deux titres de leur premier album. Le reste, c'est quand
même assez faible. Pourtant j'aime bien leur désespoir,
leur avant-gardisme, mais Suicide me semble très surestimé.
On les décrit souvent comme ayant été aussi importants
que Kraftwerk, mais pour moi, entre les deux, il n'y a pas photo.
Quand je lis le nom de Suicide quand un journaliste parle de Clinic,
je me dis que c'est vraiment de la paresse de sa part. Tout ça
parce qu'on utilise un orgue...
Kim
Fowley Ain't
Got No Transportation
Ade
: J'adore " The Trip ", qui date du milieu des années
60, et aussi l'album Outrageous qui est sorti un peu plus tard.
C'est drôle de constater que la plupart des groupes psychédéliques
étaient inspirés par le rythm'n'blues, et que c'était
surtout par leurs arrangements, notamment grâce aux pédales
d'effet, qu'ils se démarquaient. Ça a donné des
choses assez comiques. La plupart des groupes ne publiaient que quelques
singles, très rarement un album. Ils n'étaient absolument
pas préoccupés par l'idée de faire carrière.
Ce qui les intéressait, c'était de prendre leur pied.
C'est la raison pour laquelle ils enregistraient avec une telle liberté,
sans aucune limite. Je pense que mes groupes favoris de cette période
sont The Thirteen Floor Elevators et Chocolate Watch Band. J'ai récemment
acheté aussi un album des Seeds très étonnant,
Future. C'est un peu leur Sgt. Pepper's. Je connaissais
bien leurs débuts, mais pas du tout cette période où
leur musique devenait plus aventureuse : on peut entendre du tuba,
du fouet... Il a récemment été réédité
dans une collection où tu as deux disques pour le prix d'un.
Future est un peu raté, mais dans ses bons moments,
il se rapproche beaucoup du Satanic Majesties Request des Rolling
Stones. On a l'impression qu'ils ont perdu le contrôle de leurs
instruments, ce qui donne un coté encore plus psyché
au disque.
The
Roughnecks You're
Driving me Insane
Ade
: The Primitives ? Lou Reed ? The Roughnecks : je n'étais
pas loin.
Brian : Nous existerions sans le Velvet Underground, mais ils
nous ont sûrement fait gagner beaucoup de temps
Quelle
est ta période favorite du Velvet ?
Ade
: Le premier album.
Brian
: Sans aucune doute, parce qu'il marie à la fois leur coté
mélodique et leur coté déjanté. C'est
un disque pour schizophrènes. Avoir sur la même face
" Sunday Morning et " Venus in Furs ", c'est incroyable.
Ade
: Au troisième album, tu distingues facilement les instruments,
tu comprends mieux la mécanique de chaque chanson. Il reste
cependant un très bon groupe. Sur le premier album, des morceaux
comme " Black Angel's Death Song " ou " Venus in Furs
" n'ont pas pris une ride. C'est leur période la plus
radicale et la plus excitante. Je vais jusqu'à White Light
/ White Heat, qui pousse le bouchon encore un peu plus loin par
rapport au premier album, surtout au niveau de la distorsion. Quand
j'écoute actuellement " Black Angel's Death Song "
ou " European Son ", je trouve que ces morceaux sont encore
très forts, très inventifs.
On
dit que si le Velvet n'a pas vendu beaucoup de disques à l'époque,
tous ceux qui les ont acheté ont formé un groupe après
ça. Est-ce que Clinic n'aurait pas existé sans eux ?
Brian
: C'est une influence que je qualifierai de majeure pour nous.
Je crois que si le nom du Velvet revient régulièrement
à notre égard, c'est surtout en raison du changement
de style d'un morceau à l'autre. Mais musicalement, je crois
que ça s'arrête là. Il ne faut pas tout confondre.
Notre son, d'orgue peut peut-être faire penser à celui
du Velvet, mais c'est surtout l'esprit plus que le contenu musical.
Ade
: Nous existerions sans eux, mais ils nous ont sûrement
fait gagner beaucoup de temps. C'est assez cliché de dire que
leur premier album est beaucoup plus inventif que beaucoup de ceux
qui sortent actuellement... mais c'est pourtant la triste vérité.
La technologie qui est arrivée après eux n'a pas apporté
grand-chose en comparaison. Tout le monde s'est servi dans leur répertoire
pour trouver son style.
|
|
|
Clinic
- (compilation
des
premiers singles)
1999 (Domino/Labels)
|
Internal
Wrangler
2000 (Domino/Labels) |
Walking
with Thee
2001 (Domino/Labels)
|
|