Jadeweb :
Quels constats / impressions ont motivé la création du label ?
Gérald :
Depuis l’age de 13 ans, je suis tombé dans la musique et cette passion
ne m’a jamais quitté et a pris une place de plus en plus importante
dans ma vie. Lorsque j’étais étudiant, j’ai participé à l’organisation
du festival de mon école d’ingénieur, les 24H INSA où j’ai géré
l’organisation de concerts et j’ai pu être en contact direct avec
de nombreux groupes marquants pour moi (Chokebore, Purr, Notwist...)
et cela m’a énormément plu. Lorsque je suis rentré dans la vie active,
ce contact avec le monde de la musique me manquait terriblement.
Parallèlement à ça, Gilles (que j’avais rencontré en 1ere année
de l’école) mettait la touche finale à son premier album “Lunt”
et j’adorais vraiment ce qu’il faisait. Je lui ai donc proposé de
monter un label pour pouvoir le sortir. On est parti de rien, mais
on a appris sur le tas.
Rapidement je me suis aperçu en recevant des démos et en parcourant
les fanzines qu’il y avait en France de nombreux jeunes artistes
de talents qui ne trouvaient pas de label. Ce constat m’a fait prendre
conscience du rôle que nous pouvions (devions) jouer : aider
des artistes français, sortir de l’ombre de véritables talents de
ce pays et les défendre coûte que coûte et étendre leur diffusion
à d’autres pays. Le tout bien sûr en essayant de dégager une cohérence
sonore et esthétique.
Quelles
identités musicales souhaitez-vous donner à votre label ?
Gérald : On écoute
tellement de musiques différentes Gilles et moi que je ne pense
pas qu’Unique est le label d’un seul style. Il reflète nos goûts
divers et variés. Il est évident que le post rock et l’électronica
prédominent actuellement sur notre catalogue, mais le folk et la
pop vont progressivement prendre une place importante. Toutes les
musiques qui nous touchent pourront trouver écho dans notre structure.
La
scène musicale à laquelle Unique adhère est pour le moins vaste,
se ramifiant sans cesse, en évolution constante. Malgré tout, elle
reste confinée à des cercles d’adeptes et d’initiés. Selon toi,
est-elle en expansion ? Comment peut-on démarquer un label
(ici le vôtre) au sein d’une telle multitude ?
Gilles : le problème
actuel de pas mal de labels est surtout leur usure précoce au niveau
de l'inspiration. Constellation par exemple est devenu rapidement
un label foncièrement inintéressant car ils ont décliné jusqu'à
l’écœurement les mêmes recettes, avec plus de formations que de
musiciens. La tentation est forte quant on crée un label de fonctionner
en autarcie, et même si c’est sécurisant cela peut être un très
grand piège. Le mal qui ronge notre scène c'est sa difficulté à
fonctionner en réseau et à s'entraider mais rien n'est perdu pour
autant. Commencer un label passe par beaucoup d'ingratitudes, de
soucis financiers, et demande beaucoup de travail surtout quand
on démarre depuis zéro. Jamais la période n'a été aussi difficile
pour monter un label avec la disparition de beaucoup de distributeurs,
l'impossibilité de trouver des concerts… c’est un serpent qui se
mord la queue.
Gérald : Ce qui démarque
un label d’un autre, c’est l’identité de ses artistes, leur personnalité.
C’est là qu’intervient notre travail. À nous de bien choisir les
artistes qui s’intégreront le mieux dans notre catalogue et qui
le feront avancer et évoluer. Comme dit Gilles le plus dangereux,
c’est de se laisser enfermer dans un seul style et de ne pas se
renouveler.
Que
penses-tu de l’émergence lente de petites structures françaises
combinant sensiblement les mêmes attentes que les vôtres tel que
Particul System, Monopsone, Dora Dorovitch ?
Gérald : Je pense que
la scène underground française n’a jamais été aussi riche
et qu’il faut continuer dans cette direction. Le travail de toutes
ces structures est d’après moi ce qui fait vraiment avancer la musique
et se pose comme l’opposé de toute l’uniformisation du reste de
la production musicale, avec notamment le succès écœurant des popstars
et autre star acadamy. Au lieu de créer de fausses stars et faux
artistes, il est bien plus vital de rechercher des artistes qui
pensent d’abord à faire de la musique plutôt que de devenir des
stars. On se sent vraiment proche de structures comme particule
system, monopsone, dora, angström, another record, drunkdog, arbouse,
talitres... on a les mêmes problèmes mais on est tous très motivés
et on n’arrêtera pas de se battre pour sortir des disques.
Quels
aspects appréciez-vous le plus dans votre “travail” ?
Gilles : quand les
artistes sont contents et sentent qu'on a défendu leurs intérêts,
quand un album revient du pressage et qu'on a un sentiment d'aboutissement.
Gérald : Pour moi c’est
le côté humain. Le fait de rencontrer des gens impliqués dans le
milieu de la musique. Quelle bulle d’air par rapport à la monotonie
du monde du travail ! Grâce à unique on a fait de réelles rencontres
(artistes, labels, fanzines, organisation d’évènements, cinéastes,
photographes...) et beaucoup sont devenus des amis. Et puis cela
fait plaisir de se sentir moins seul et savoir qu’il y a plein de
gens qui voient les choses de la même façon que nous, qui se battent
contre le système et qui vivent les mêmes galères.
Ensuite bien sur ce que j’apprécie le plus c’est de suivre tout
le travail pour la sortie du disque, de l’évolution de simples démos,
en passant par le travail en studio, le mix, les pochettes.... jusqu’à
la sortie finale. Pouvoir influer sur ce processus créatif est très
important pour moi, donner mon avis, mes idées, conseiller les artistes.
J’ai vraiment l’impression de faire quelque chose qui laissera des
traces, ce qui n’est pas le cas de mon travail de tous les jours
(ingénieur).
En
créant Unique records, aviez-vous une connaissance précise des rouages
administratifs, barrières techniques, structures de diffusion et
autres particularismes artistiques ? Dans quelle mesure cela
pèse par rapport à l’aspect artistique ?
Gérald : Comme je disais,
on est parti de rien mais je me suis documenté. L’expérience de
l’organisation du festival m’avait déjà permis d’avoir une vision
de ce monde (notamment les tourneurs) et les discussions avec les
groupes ont été très enrichissantes. Rapidement la structure associative
s’est imposée comme la plus appropriée pour commencer l’aventure,
à cause de sa souplesse de fonctionnement et du peu de risques encourus
pour ses dirigeants. J’ai investi une part de mes économies provenant
de mes premiers salaires et nous avons édité le Lunt et fait par
nous même la distribution en local et fait beaucoup de promotion
pour présenter le label. Il a fallu faire un gros travail de recherche
pour trouver tous les fanzines et webzines qui pouvaient être intéressés. Ensuite
les réseaux de radios Férarock et iastar ainsi que d’autres radios
indépendantes. Nous avons ensuite envoyé à la presse nationale et
les retours ont été quasi immédiat. Mais pour se développer, il
fallait trouver un distributeur. Nous avons donc constitué un début
de catalogue, grâce au premier album de Virga (qui est un
ami d’enfance de Gilles et qui avait aussi participé à l’élaboration
du Lunt) et A Place For parks que nous avons rencontré
à Toulouse après qu’ils aient gagné le tremplin Tarn & Garock.
Nous avons ensuite démarché tous les distributeurs français existants
et c’est La Baleine qui s’est montré le plus intéressé et qui nous
proposait la distribution la plus sérieuse. Après un an d’existence,
nous avons donc signé avec La Baleine et nous avons voulu rééditer
nos trois premières sorties. Lorsque nous avons négocié notre contrat
de distribution, nous avons bien fait attention à ne pas compromettre
notre indépendance artistique. Le distributeur ne peut pas intervenir
dans nos choix artistiques.
Par
la suite, il est vite apparu que nos ventes de disques en France
ne seraient pas suffisantes pour s’en sortir. La période, on le
sait, est difficile pour le disque. Donc, nous avons essayé d’étendre
notre réseau de distribution à l’international. Lourde tache, car
lorsque tu démarches des distributeurs à l’étranger tu as souvent
peu de retours. Mais en persévérant, nous avons réussi à trouver
une très bon distributeur au Canada (Statik) et nous avons
aussi pu vendre quelques disques en Suède, au Japon, en Angleterre...
Bientôt les disques seront disponibles aux US via le mail-order
Tonevendor, et au Benelux avec Mandaï distribution.
Il faut toujours être en état de recherche permanente.
Pour la gestion du label, Gilles et moi avons dû nous improviser
tour à tour comptable, juriste, commercial, infographiste, webmaster...
Cela prend beaucoup de temps et de forces, et n’oublions pas que
Gilles s’occupe en plus de la production sonore... C’est parfois
usant mais j’ose espérer que cela n’influera jamais sur l’aspect
artistique.
Gilles : quand je commence
à avoir le sentiment que je passe plus de temps à faire de la “gestion”
proprement dite que de la musique, je me mets un frein. Si les moyens
dépassent les buts c’est que quelque chose ne va plus.
Unique
apparaît davantage comme le repère d’artistes et d’un public aux
références pop, folk voir noisy ? Selon vous, quel profil a
l’auditeur lambda d’Unique? Par ailleurs, la frange des musiques
défendues par Hitomi (division atmosphérique, électro-acoustique
du label Unique) semble moins sujette aux tergiversations
des modes et des humeurs de journalistes ? Doit-on y voir plus
de maturité ?
Gilles : C'est une
réponse difficile à donner car nous avons très peu de retours de
qui nous écoute, comment et où ? Parfois un plus grand feedback
serait d'ailleurs encourageant. L'auditeur lambda d’unique est à
mon avis souvent impliqué dans des activités en lien avec la musique
ou l'art, son rapport à la musique est actif pour une grande majorité.
Il a sûrement gravé pas mal de nos références et les fait partager
à ses amis par ce biais.
Les musiques défendues par hitomi font partie d'une frange de musiques
qui sont moins facilement datées car plus radicales dans leur mode
d'expression. Je ne pense pas qu'il s'agisse de maturité et j'ai
surtout le Sentiment de m'être décomplexé de quelque chose.
Gérald : C’est une bonne
question, parce que les gens ne savent jamais quelle étiquette nous
donner, certains disent label de post rock, d’autres d’électronica...
et finalement, c’est mieux comme ça, car je pense que nous ne pouvons
pas être rattachés à un seul style. Il suffit de revenir à notre
première sortie, Lunt, le premier album de Gilles, que je
considère toujours comme notre manifeste sonore (même si je sais
que Gilles a du mal avec le disque car sa musique a beaucoup évolué
depuis). Sur ce disque, il y avait un mélange cohérent de postrock,
folk, pop, electronica, noise et expérimental. Je pense qu’on est
un peu tout ça à la fois. Et j’espère qu’on adresse tout un tas
d’auditeurs différents. Si un jour on reçoit un très bon disque
de hip-hop qui s’inscrit bien dans la recherche sonore que nous
essayons de mener, et bien on le sortira. Nous ne fixons pas des
barrières entre les styles.
Le
type de musique que défend Hitomi s’adresse, dans une large mesure
à un public plus initié et “aventureux”. Est-ce en partie cela qui
a motivé la création d’une division au label Unique ?
Gilles : en autre
oui, et j'avais envie d'un format différent avec l'idée de variations
sur un même mode : des photos panoramiques monochromatiques.
Mais il est certain que le public est différent ainsi que les webzines
qui chroniquent ces albums.
Gérald : Hitomi qui est
une initiative de Gilles est une excellente façon pour nous de sortir
des disques sans aucune pression financière et surtout d’aborder
les musiques expérimentales qui sont un peu abordées sur les sorties
Unique. C’est un moyen pour attirer peut-être plus de gens vers
ces musiques moins faciles d’accès, des personnes qui ont aimé des
sorties unique peuvent ainsi pousser leur recherche sonore et découvrir
des musiques plus extrêmes.
Dans
ce sens, des structures telles que fbwl, Hitomi, ne sortent qu’en
nombre limité leurs albums (tirage à 500, 700 exemplaires) n’y a
t’il pas un risque d’usure et d’érosion de la motivation à moyen
terme ?
Gilles : Non, tant
que l'on a pour volonté de créer des réseaux de collaborations et
d'entraide par ce biais, le but principal étant de diffuser la musique
en sachant de façon réaliste que celle-ci est difficilement vendable
dans un circuit commercial traditionnel. L'objectif avec Hitomi
c'est de créer des rencontres inattendues (nous prévoyons de sortir
des impros de Mickael mottet, Francis le saxophoniste d'angil par
exemple, ainsi que des collaborations avec des artistes très loin
géographiquement). Le but étant de faire profiter les artistes “locaux”
de ces contacts et développement. À ce titre je me sens surtout
proche de Nexsound, ou de Public Eyesore, on sent
vraiment un amour de la musique chez ces labels.
Pour ce qui est de FBWL, malgré tout le respect que j'ai pour Jérôme
Langlais je suis obligé de dire que les compiles strings and
stings témoignent d'un certain opportunisme dans la course aux
références notoires avec pour paradoxe le fait que les morceaux
les plus intéressants viennent des artistes les moins réputés. Certains
artistes par ailleurs sont très bons dans le sport de la course
aux compils.
En outre, je trouve qu'un label n'a plus trop de raisons d'être,
par exemple quand les artistes sont obligés de faire la promo de
leur disque. Nous tenons, que ce soit pour Hitomi ou Unique, à être
transparents auprès des artistes pour la promo et la diffusion des
disques.
Comment
décririez-vous en 2 ou 3 adjectifs le ou les artistes, le ou les
projets de votre label ?
Gilles : difficile
difficile ... dans ce que je fais ou ce que font Baka il y a à la
fois quelque chose de sauvage et de rationnel (la rage et l’intellect),
chez Rémi de A Place for Parks il y a quelque chose de l’ordre de
la mélancolie candide, chez Virga une rigueur spontanée teintée
de stoïcisme, pour Melatonine l’énergie à maturité, et Angil un
sens inné de la mélodie.
S’il y a quelque chose de transversal à tout ce petit monde on espère
que c’est l’originalité, même si on part du principe que tout a
été déjà fait je pense que chacun à leur manière ont apporté un
renouvellement dans leurs styles respectifs.
Gérald : je ne suis vraiment
pas fort pour trouver les mots qui décriraient au mieux nos artistes.
Je dirais simplement que ce sont tous des compositeurs d’exception
et que je suis fier de les avoir réunis sur unique records. Avec
le recul, je pense vraiment que notre catalogue commence à avoir
de la gueule !
Quels
groupes ou structures vous impressionnent ou vous surprennent à
l’heure actuelle ?
Gilles & Gérald :
ANTICON !!!
Quelle
est votre conception artistique de l’indépendance ?
Gilles : l'indépendance
est une illusion au même titre que l'underground est un mythe.
D'ailleurs, je voudrais qu'on ait comme slogan “unique records dépendant
de vous”. Nous sommes dépendants de notre distributeur dans une
certaine mesure et de sa volonté à placer un disque, eux-mêmes sont
dépendants des disquaires, nous sommes dépendants du public qui
décide d'acheter ou pas les disques, nous sommes dépendants des
chroniqueurs qui décident de chroniquer ou pas un album.
On est indépendant dans les principes et les moyens qu'on se donne,
dans les compromis qu'on décide de faire pour se développer mais
dans les faits nous sommes dépendant d'une multitude de facteurs
qu'on ne maîtrise pas.
Le plus débectant dans cette conception est que l'underground ou
l'indé sont devenus des marques de fabrique propres à être consommées,
et la division artificielle qui existe entre le mainstream et l'underground
permet de vendre l’inde comme un produit qui aurait une plus value
artistique.
Pas mal de groupes ou de labels indé ont cette “pose” et veulent
être “notoirement inconnus” ainsi ils singent les majors dans leur
illusion de fausse révolte. C'est l'art qui est perdant au final
du fait de ces divisions qui sont socialement construites.
Gérald : il a tout dit !
Ah si je peux rajouter un truc sur l’indépendance, un modèle :
FUGAZI et Dischord. Je crois que Gilles ne me contredira pas :)
Gilles : oui ! A ceci prêt que l’idéologie du Do It Yourself
(très respectable dans ses intentions) a trouvé ses limites et qu’aujourd’hui
l’entraide est une nécessité.
Une
frange pas négligeable de labels privilégie le support Cd-r comme
mode exclusif d’expression et de diffusion ? Est-ce une bonne
chose selon toi que ses formes d’autodidactisme se répandent où
cela nuit-il à la cohérence (cohésion ?) globale de cette scène ?
Gilles : c'est une question récurrente : où est la
frontière entre autoprod-déguisée et label. Je crois que la frontière
se situe dans la capacité à créer une unité, une identité artistique
partagée par un groupe d'artistes sans parler forcément de style.
Pas mal de labels ont opté pour le cd-r à cause de contraintes financières,
il y a 10 ans ils auraient sorti des albums à 500 exemplaires. Certains
ne se foulent pas au niveau de la présentation d’autres comme relax
ay voo ont une véritable recherche au niveau des packagings,
une fierté a faire de l’artisanal. Ce qu’ils gagnent au niveau financier
dans l’utilisation de CD-r est utilisé pour se consacrer à d’autres
aspects et c’est une excellente initiative.
Gérald : Je reste persuadé
que c’est une bonne chose pour faire avancer la musique et tout
le reste. Plus il y aura de gens qui s’impliqueront dans la création
musicale, plus la musique s’en portera mieux et avancera. J’ai toujours
encouragé des proches qui faisaient de la musique à créer leur propre
structure (récemment encore un nouveau label toulousain, TRAVELLING
MUSIC, qu’il faudra suivre de près j’en suis sur). Le format importe
peu ensuite, que cela soit du cdr ou du pressage... le tout c’est
que la musique véhiculée soit de qualité et intéressante. C’est
sûr que dès que tu fais du cdr, beaucoup de gens ne te prennent
pas au sérieux car ils ont un a priori, pour eux le côté artisanal
de la chose veut dire non-professionnalisme, amateurisme et donc
mauvais son. Ce raisonnement est rapide et trop facile. Par exemple,
je trouve vraiment que le travail d’un label comme ANOTHER RECORD
(avec qui on est ami) est vraiment essentiel, car il fait du développement
d’artiste, et sort de l’ombre des jeunes artistes français (ou européen)
qui ne pourraient pas sortir de premiers disques si des structures
comme ça n’existaient pas. Tout ce travail qui n’est plus du tout
fait par les gros labels et autres majors...
Gilles : et puis ce que
j’aime chez Vincent c’est son côté musicien libertaire, un rien
sauvage, il me rappelle souvent que mon inscription à la sacem a
été la plus grande erreur que j’ai jamais faite en matière de musique.
Vous
êtes, j’imagine de grands auditeurs ? Qu’écoutez-vous ces temps-ci ?Quels
sont les artistes qui selon vous ont le plus marqué ces dernières
années (par leur approche, leur technique, leur son ) de quelle
manière la musique pop-folk post-rock risque t’elle d’évoluer ?
Gilles : je crois
que je suis en train de devenir progressivement un vieux con et
je redécouvre pas mal de vieux disques :) Une personnalité essentielle
des années 90 est Jim O'rourke il a vraiment su faire le pont entre
les musiques les plus expérimentales et la pop. Le post rock tourne
en rond depuis un moment, et globalement ces musiques sont en crise
de la même façon que la musique pouvait l'être au début des années
80. On est revenu à une opacité, une distance très grande entre
le public et les initiatives artistiques réellement intéressantes.
L'avenir à mon avis est aux fortes identités qui vont savoir-faire
un puzzle avec les éléments qui constituent certains styles comme
le post rock, la noise, la lap top musique ... dans des univers
très personnels.
Angil fait partie de ça même si sa racine est pop, des gens comme
why ? aussi qui ont su faire des mélanges inédits . Je
pense que le jazz va venir revigorer la pop à en juger par le succès
de norah jones : un des rares disques ayant eu un succès populaire
qui soit aussi de qualité. Four tet est aussi la preuve qu’on peut
faire des choses populaires et de qualité.
Gérald : j’écoute vraiment
de tout, je suis un vrai boulimique de musique et je me ruine en
disques, notamment vinyles. Beaucoup de hip-hop car je trouve que
le style avance pas mal. C’est une musique encore jeune (par rapport
au rock) et qui après une période de flottement semble bien repartir
avec des labels comme Anticon, Defjux, Stones throw, Lex, Mush,
Galapagos4...Ensuite j’écoute toujours autant de folk et justement
le rapprochement folk/hip-hop qu’ont engendré Why ? et Buck65
sont pour moi les choses les plus marquantes de ces dernières années.
Par contre je suis totalement insensible à cette scène rock sur
le retour (strokes, White Stripes...) ou antifolk... si je veux
écouter du rock à guitares autant me mettre un bon Built to spill !
Pour le folk mes intemporels Vic Chesnutt / Elliott Smith / Kristin
Hersh / Cat Power / Smog / Sophia / Will Oldham / Dan Johnston...
sont toujours pas très loin de mon chevet...
Comment les styles musicaux vont évoluer ? Je pense que l’avenir
est encore au mélange au métissage (ça l’a toujours été) mais plus
que tout aux artistes qui auront une vraie personnalité et qui apporteront
une part d’eux même à la musique. En réaction au formatage (polissage)
auquel on assiste actuellement.
L’actualité ?
Gérald : ANGIL. La
première fois que j’ai entendu parler de lui, c’est par ta chronique
d’une de ses démos (begeending) et cette phrase m’avait marquée
(“Mr Mottet vous êtes un brillant songwriter”). J’ai pris contact
avec lui et il nous a envoyé sa démo. On a gardé le contact et lorsque
j’ai reçu “summerypy” j’ai craqué : de disque en disque
Mickael s’améliorait et sa musique nous touchait en plein cœur.
Cela fait un an que nous travaillons sur ce disque et c’est la première
fois que nous avons pris à charge pour artiste toute la production
sonore : prise de son studio, musiciens pour arrangements,
mix et mastering. Jusqu'à présent, les artistes avaient déjà leur
disque de prêt ou bien nous faisions du home studio. Nous avons
beaucoup investi, mais au final le jeu en valait la chandelle parce
que nous sommes tous vraiment contents du disque. Il est vraiment
magnifique et je pense que nous avons vraiment permis à Mickael
de faire le disque dont il rêvait. Il faut maintenant que nous arrivions
en bien le diffuser et à en faire la promo au mieux. On croise les
doigts pour que ça marche !
Sinon les autres projets pour le futur d’unique, c’est le nouvel
album de Electrophönvintage (le projet de Rémi guitariste
de A place for parks) croisement parfait des Moldy Peaches
avec Belle & Sébastien, le second album de Virga “Inselberg”
finit depuis un moment déjà, puis les projets solos des membres
de Melatonine, Zéro Degré et King Kong Was A Cat,
un peu plus electro. Et aussi Del, l’autre groupe pop d’Angil,
qui est vraiment excellent. Un second album de Lunt aussi,
si Gilles trouve le temps de le composer :) J’espère qu’il
ne va pas me faire un syndrome Kevin Shields ;-)
Et puis je ne désespère pas de pouvoir un jour sortir certaines
de mes compositions, mais il faut que je travaille encore un petit
peu...
Un projet de compilations également, une résumant les disques déjà
sortis, et une autre annonçant le futur avec tous les artistes que
j’ai énuméré ci-dessus…
Et j’oubliais aussi, on a aussi en chantier un album de remix du
disque d’Angil (“teaser for : matter ”) où on devrait
pouvoir collaborer avec plein de gens qu’on apprécie beaucoup.
Gilles : j’ai commencé
actuellement le mix de l’album de Dana hilliot (alias Vincent d’Another
Record) qui a été une expérience géniale et que l’on terminera dans
le courant de l’été. Je devrais produire le prochain half asleep
également.
Si tu prends l’actualité au sens large je crois qu’on a rarement
traversé une période aussi troublée politiquement depuis la libération.
Reste à inventer des nouveaux moyens de lutte, si l’on fait un gouvernement
provisoire ; promis on te nomme ministre de la Culture..
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