Brève
rencontre avec l'auteur, datée de 1996, une époque
où tout semblait encore possible pour ce jeune auteur assez
mystérieux qui, pour l'heure, a disparu du milieu artistique.
Jadeweb :
Tu t’es fait connaître à travers les revues Lapin
et Ego comme X. Quel a été ton parcours ?
Aristophane :
J’ai découvert un numéro de Lapin grâce
à un prof de l’école des Beaux-Arts d’Angoulême,
où je suis resté un an. J’ai d’abord travaillé
avec pas mal de fanzines, avec Le Lézard également,
puis j’ai participé à la collection des Histoires
graphiques, publiées par les éditions Autrement.
J’ai aussi publié une histoire pour enfants qui s’appelle
Tu rêves, Lili chez Casterman.
Tu
as essentiellement travaillé avec des petites structures
éditoriales comme les éditions Amok. Est-ce un choix
délibéré ou l’impossibilité faire autrement ?
Ça
n’a pas été un choix, ça s’est fait naturellement.
C’est par le biais de diverses personnes que j’ai été
amené à connaître des membres de l’Association,
ou Joël Bernardis du Lézard… J’ai aussi essayé
de présenter des projets à (À Suivre), mais
apparemment, ils sont plus stricts, ou plutôt, moins ouverts…
Je leur avais également présenté le projet
de Conte démoniaque, mais ça ne les intéressait
pas.
Ces
jeunes structures font la part belle à la bande dessinée
autobiographique, or tu ne sembles pas être attiré
par ce traitement…
Non,
effectivement… Quand j’ai commencé à travailler avec
eux, je ne me suis pas demandé quel genre de bande dessinée
ils voulaient. Je leur ai présenté ce que je faisais
et ils m’ont aussi présenté de qu’ils faisaient, ça
m’a plu et on ne s’est pas posé plus de questions. Maintenant,
il n’y a que L’Association et Ego comme X qui travaillent régulièrement
sur la veine autobiographique…
Il
y a deux facettes dans ton travail, d’une part des histoires plutôt
douces et urbaines avec Logorrhée et tes histoires
chez Autrement, et d’autres part des récits très sauvages
qui explorent des mythes fantastiques. Comment conçois-tu
ces deux versants de ton travail ?
Pour
moi, ce sont des étapes. Logorrhée était
ma première B.D., je l’ai faite juste pour mettre en place
des personnages, les faire évoluer. Avec Conte démoniaque,
j’ai voulu travailler le récit. Mais je n’ai pas non plus
envie de rester dans les légendes, j’aimerais aussi parler
des choses qui m’entourent.
Conte
démoniaque est un gros projet dont on a déjà
eu l’occasion d’entendre parler, notamment avec ton exposition lors
du festival d’Angoulême 1995, et cela fait déjà
quelques temps qu’il devait sortir…
Ça
m’a pris trois ans pour le mener à bien. Ce que j’ai fait
chez Autrement se situe chronologiquement bien après Faune
et Conte démoniaque. Il n’y a pas vraiment eu de ruptures,
c’est plutôt une évolution…
Quelle
est la genèse de Conte démoniaque et que représente-t-il
pour toi ?
C’est
en lisant La divine comédie et Les chants de Maldoror
que j’en ai eu l’idée. J’avais vraiment envie de faire quelque
chose d’aussi épais et d’aussi narratif, de développer
de nombreux personnages en parallèle. À partir de
ces deux livres, j’ai pu construire un univers à moi, qui
n’est pas vraiment à la hauteur des deux livres d’ailleurs.
Au point de vue du concept, ça m’a aidé à me
situer sur le plan personnel. C’est difficile pour moi de parler
de ce que ça représente vraiment. Ce n’est pas un
défouloir. Certains psychologues parlent de réaction,
c’est-à-dire quand on a des choses à l’intérieur
de soi et qu’on les exorcise en écrivant, ou en peignant
une toile… J’ai l’impression que c’est un peu ça. Le processus
a été identique avec Faune.
Que
raconte Contes démoniaques ?
Pendant tout le récit, on peut suivre la pérégrination
de différents personnages à travers l’Enfer. Les âmes
mortes le découvrent, des démons s’affrontent, il
y a des luttes de pouvoir, mais ce n’est pas que cela. C’est une
sorte de spirale de plus en plus longue, et à la fin, la
spirale explose. C’est aussi un choix entre savoir si on accepte
Dieu ou si on ne l’accepte pas. Jusqu’à l’avant-dernière
partie, je n’avais pas fait de choix.
L’Association
édite Conte démoniaque en une seule fois, c’est
un pari risqué… Est-ce une politique d’auteur ou d’éditeur ?
C’est
un choix de ma part et de la part de l’Association. Je crois qu’ils
ne voulaient pas étaler l’histoire sur plusieurs albums,
ce n’est pas ce qui les intéresse. Je trouve ça plus
intéressant d’avoir un livre plutôt que trois, c’est
mieux pour le récit en lui même. C’est donc un choix,
d’un côté comme de l’autre.
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Kama,
1997
récit court paru dans Jade
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Les
soeurs z'abîmes, 1996
éd. Ego comme x
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