C a n d i d a t e

Cat Power
Il faut que tu me mettes en couverture de ton magazine. J'en ai besoin, parce que je veux devenir la première femme président des Etats-Unis, et ce avant 15 ans...
Jade : Si tu accèdes au pouvoir, ce sera côté démocrate ou républicain ?
Cat Power : Ni l'un ni l'autre. Ce sera une nouvelle forme de gouvernement. Je veux incorporer tous ceux qui sont volontaires et faire en sorte qu'ils travaillent en parfaite collaboration pour sauver la planète. Se dire : voici les problèmes, voici les moyens dont on dispose, qu'est-ce qu'on fait ? J'ai surtout besoin de scientifiques. Pas d'historiens. L'Histoire doit être abolie. C'est le présent qui m'intéresse, pas le passé. Si tu t'intéresses au passé, tu peux toujours aller dans n'importe quelle bibliothèque de n'importe quelle ville : tu trouveras le moindre document concernant la moindre guerre... Ce dont on devrait parler, c'est des choses qui se passent aujourd'hui, des choses actuelles. Il faudrait que les gens qui participent à mon gouvernement soient les meilleurs parmi les meilleurs, et qu'ils soient tous acquis corps et âme à mon entreprise. C'est pourquoi il est important que les gens sachent dès aujourd'hui qui je suis. Tout ce dont tu as besoin pour pouvoir te présenter à la présidence des Etats-Unis, c'est d'un millier de votes dans une ville. Je crois également qu'il faut avoir 35 ans, donc il me reste encore 9 ans à attendre avant de pouvoir être éligible.

Ce qui te laisse encore du temps pour la musique. Pour la musique. Pour devenir plus connue que je ne le suis actuellement, pour parler de politique, pour que les gens envoient des fax à ma maison de disques... Plus que la Maison Blanche, je crois que la place qui me correspondrait le mieux serait les Nations Unies. J'ai l'impression qu'on peut vraiment faire quelque chose de nouveau dans ce cadre. Mais il faudrait que je reprenne mes études. Que j'étudie l'économie, la loi, l'organisation du pouvoir... J'ai besoin de connaître toute cette merde avant de me lancer à corps perdu là-dedans. J'ai laissé tomber les études au niveau de la fac. Je suis nulle en philosophie, je n'y connais rien... Ce que je sais, c'est que tout le monde devrait avoir un toit. Tout le monde devrait avoir de l'eau parce l'eau coule sur terre pour qu'elle puisse être utile à tous. Personne ne devrait manquer d'eau, comme personne ne devrait manquer de nourriture ni d'un minimum de tranquillité. Tu comprends ce que je veux dire ?

Les gouvernements n’ont-ils pas essayés de satisfaire cet idéal depuis toujours, sans jamais y parvenir ? Quels gouvernants ? Des hommes, que des hommes. Et les femmes dans tout ça ? Tu connais par exemple Harriet Tubman ? C'était une esclave noire originaire d'Afrique. Elle a développé un plan pour sauver des esclaves qui, comme elle, travaillaient. Elle ne les a pas tous sauvés, mais elle l'a fait*.

D'où vient cette passion pour la politique ? J'ai fait un rêve il y a 4 ans. Je l'ai écrit car il était très visuel. C'est un mur orange. Je sais que ça à l'air fou... Je ne peux pas t'en dire plus, sinon ça va prendre des heures. Il y a un mur orange, c'est psychique, c'est à dire que ce n'est pas comme quand tu rêves dans ton sommeil. Là, c'est plutôt une vision. Un mur orange. En haut, il y a un conduit au travers duquel l'air passe. Tu entends quelque chose qui vient de ce conduit. Et tu te sens subitement décoller du sol, tu n'es pas réveillé, et tu entends des hommes qui murmurent. Tu continues à flotter dans l'air et à te rapprocher de l'endroit d'où viennent les voix. Tu voies enfin à travers, tu aperçois le sol et des chaussures noires qui brillent. Et tu entends les voix de façon très nette, sauf que tu ne comprends pas ce qu'elles disent : c'est malheureusement inintelligible. Fin du rêve. Il y a un autre rêve également, mais je ne veux pas en parler, je préfère me concentrer sur celui-là. J'ai toujours fait des rêves très étranges. Je n'en parle à personne, car si je commence à en parler, les gens vont penser que je suis folle. Je suis allée en Afrique du Sud après ma dernière tournée, dans la partie où les Blancs vivent. Je devais y séjourner deux mois, mais j'y suis finalement restée moins de deux semaines. J'ai dû précipiter mon départ car j'avais l'impression d'avoir des visions, je recevais d'étranges vibrations en permanence, comme des décharges d'énergie. C'était de la folie. Je suis allée changer mon billet, et je suis retournée à l'endroit où, le jour de mon arrivée, j'avais rencontré cet homme étrange qui s'est avéré être un chaman.

Comment était-il ? C'était un Africain. Un zoulou peut-être. A l'époque, ça n'avait aucune signification pour moi. Je venais d'arriver en Afrique. C'était le début de mon voyage. Un truc super bizarre s'était déjà produit dans l'avion. Avec une copine, Anne-Laure, on avait décidé d'entreprendre ce voyage en Afrique. On s'était souhaité une bonne nuit avant de s'endormir dans l'avion, mais dès l'instant où on a commencé à survoler la continent africain, j'ai senti une douleur immense au niveau de la nuque. C'était insoutenable. J'ai commencé à me sentir très mal. C'était horrible. J'ai pris mes affaires et me suis dirigée vers les toilettes, ceci dans la plus totale obscurité étant donné que tout le monde dormait à l'intérieur de la cabine et que toutes les lumières étaient éteintes. J'avais l'impression de tout voir comme au travers du fond d'une bouteille de Coca-Cola, quand tout te semble soudain très éloigné. J'avais l'impression qu'Anne-Laure, à côté de moi, était subitement très éloignée, et que le siège en face était très loin... C'était très impressionnant et terrifiant. Je me demandais vraiment ce qui se passait. Je voulais réveiller Anne-Laure pour savoir ce qui se passait. Je me sentais très mal. Des sensations horribles. J'étais comme paralysée. Je lève les yeux et je tombe sur l'écran de télévision, celui où tu regardes des films pendant le voyage. L'écran est bleu, tu vois le continent africain, attends, je vais te montrer... (elle déchire entre ses doigts un morceau de polystyrène jusqu'à ce qu'il reproduise la forme du continent africain. Elle s'étonne de la ressemblance, se marre à moitié, et poursuit ses explications)... Tu vois, l'Afrique. J'arrive de Paris, il y a un petit avion sur l'écran, (elle emprunte un crayon, et reproduit le trajet de l'avion avec. Au moment où le crayon vient à toucher le morceau de polystyrène, elle marque une pause)... et je vois que nous venons tout juste de commencer à survoler le continent africain. Tu ne comprends rien ?

Si, si, continue, je t'en prie... J'ai dû vomir pendant 9 heures d'affilée, un vrai cauchemar. A la fin du vol, j'étais devenue un vrai légume, sans aucune force. Je n'ai pu retourner m'asseoir que parce que l'hôtesse est venue me récupérer aux toilettes par la peau du dos. Si elle n'était pas venue me chercher avant que l'avion n'atterrisse, je n'aurai pas pu regagner mon siège toute seule et je serais peut-être morte à cette heure-ci. Dès le début, ce voyage a mal commencé. Dès que j'ai pénétré sur le territoire africain, et jusqu'à ce que je retrouve le zoulou douze jours après. Je sais que ça a l'air insensé et que tu ne vas pas me croire étant donné que nous sommes dans une société rationnelle et intellectuelle où on fait peu de cas de ce qui est du domaine duspirituel...

Que s'est-il passé ? Voici ce qui s'est produit. Nous descendons de l'avion. Anne-Laure me dit : " Entrons à l'intérieur de ce bazar ". Ce n'est pas un magasin riche de Capetown, genre tenu par quelqu'un de Paris ou de New York venu s'établir ici, mais plutôt une boutique fréquenté par les locaux. La porte s'ouvre, il y a un homme assis sur une chaise. Il se lève et vient nous accueillir. Il prend la main d'Anne-Laure et nous souhaite la bienvenue. Dans une autre pièce, il y a un homme qui me regarde. Il dit quelque chose d'incompréhensible et il se sauve. Je demande ce qu'il vient de dire, et l'homme qui nous a accueillies m'explique que c'est son frère. Je lui demande s'il n'est pas un peu bizarre, s'il n'entend pas des voix ou quelque chose comme ça, et il me répond qu'il est chaman, comme s'il s'agissait d'une chose très normale. Je n'ai pas bronché, et on a continué à discuter. Un peu plus tard, nous sommes allées manger. Je suis assise à la même table que quelqu'un quand soudain deux mecs font irruption à l'intérieur du restaurant. Au même moment, je me dis : " Tiens, voilà Pierre et Jésus ". Pourquoi ai-je pensé ça ? Je n'en sais rien. Anne-Laure me demande ce qui ne va pas, je lui répond que ça va aller. Je suis encore sous le coup du voyage, et je commence à avoir sommeil. Je lève la tête de mon assiette, et je vois un autre homme entrer dans la pièce. Il a les yeux noirs, les cheveux noirs, il est habillé tout de blanc avec des sandales aux pieds, et il ressemble un peu à John Cassavettes. Il me regarde, et je me demande si ce n'est pas un ange. Mais qu'est-ce qui me fait dire ça ? Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je fais en sorte de ne plus le regarder et continue de manger. Et au moment même où je me pose ces questions, le mec que j'avais pris pour Pierre commence à lui hurler dessus en africain. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Anne-Laure lui propose de venir s'asseoir. Je lui demande s'il parle anglais, et il me répond qu'il est Italien. Anne-Laure et lui commencent à parler en français, et je décide de ne pas m'en mêler. J'ai l'impression que je suis en train de devenir complètement parano. Je finis mon assiette et ne m'occupe pas d'eux. Il se produit alors un truc encore plus incroyable : le mec que j'avais pris pour Pierre se met carrément à l'injurier, en italien cette fois-ci. Je lui dis de la fermer, qu'on est dans un restaurant -même si, à bien observer, il n'y a personne d'autre que nous. Je suis complètement paniquée. Je demande à Anne-Laure si elle peut demander à l’Italien ce qu’il fout ici. Ils continuent à parler entre eux et j'attends désespérément une réponse. J'essaie de me calmer, de penser que j'ai passé une nuit horrible, que je suis en vacances... Je repose la question à ma copine car elle a complètement oublié de lui demander. Elle lui pose enfin et il répond juste qu'il allait à l'Eglise qui est juste derrière. L'Eglise qui est juste derrière. Bien sûr. Je n'en crois pas un mot. Mais tu dois te dire que je suis complètement cinglée... Il finit par s'en aller. Les deux mecs s'en vont à leur tour. Je crois que je deviens folle. Il commence à pleuvoir. Il fait soleil, mais il pleut. C'est très bizarre, extrêmement surréaliste. J'ai l'impression d'être tombée en enfer. Je suis en train de vivre quelque chose que je n'ai jamais vécu auparavant -sauf dans mes rêves. Nous sortons. Je suis épuisée. Je n'ai qu'une envie, c'est d'aller me coucher. Nous montons dans un taxi. Je ferme la porte. Anne-Laure dit un truc sans importance, genre qu'elle a mal aux pieds. Je n'en ai vraiment rien à battre. Elle et moi nous sommes crevées. Ce n'est pas un très bon jour pour nous deux. Je prie le ciel de me venir en aide. Tout est si bizarre depuis tout à l'heure. Malheureusement, je n'ai pas les bases pour comprendre ce qui est en train de se passer, notamment les bases religieuses, mais c'est la façon dont ça s'est passé, et je n'ai plus été la même après. Ce voyage en Afrique m'a profondément changée. Je regarde en l'air et je vois le soleil. Et au centre du soleil, je vois une croix. Je me sens mal à l'aise, au trente-sixième dessous, comme si j'étais en prison. Et c'est l'impression que j'ai eue tous les matins en me réveillant.
Il s'est passé tellement de choses pendant ce séjour... mais je ne peux pas toutes te les raconter. Jusqu'à présent, je n'ai pu toutes les raconter que trois fois, mais à chaque fois ça prend des heures et des heures... Je me souviens de tout très précisément. De toute manière, je n'oublie jamais rien. Je ne sais pas à quoi c'est dû, mais même l'air là-bas est irrespirable. C'est peut-être en raison du passé de ce pays et de toutes les choses horribles qui s'y sont déroulées, des meutres qui y ont été commis... Je préfère ne pas en parler. Il y a aussi cet homme qui est venu nous parler. Ce qui est incroyable, c'est qu’Anne-Laure ne s'en souvient pas du tout. Nous étions assises toutes les deux, et lui est surgi de nulle part. Il nous dit " Saviez-vous... Saviez-vous... Saviez-vous que la vérité sort de la bouche du Diable ? La vérité sort de la bouche du Diable, parce qu'il est incapable de mentir ". Je le regarde et je lui demande de quoi il parle. Je regarde Anne-Laure et elle lui donne raison. Elle m'explique que c'est dans la Bible, que c'est normal. Je regarde le mec, je lui dit de laisser tomber. Un peu plus tard, je demande à Anne-Laure de m'expliquer pourquoi elle a dit ça et de me citer le passage de la Bible auquel elle faisait référence. Elle me regarde étonnée : elle ne se souvient de rien, elle ne voit même pas de quoi je veux parler... Mais je dois te parler du rêve. Onze jours après notre arrivée, nous allons changer nos billets à l'aéroport, en demandant à pouvoir partir le plus tôt possible. Il y a deux femmes derrière le guichet et Anne-Laure commence à parler avec l'une d'entre elles. Je décide de la laisser faire. Le prochain vol sur lequel il y a encore de la place n'est que dans deux jours, ce qui nous laisse 48 heures à attendre. Nous décidons de les passer dans une auberge de jeunesse qui est sur la plage. Juste au bord de l'eau, un vrai bonheur. Nous étions encore toutes les deux perturbées. Anne-Laure me dit qu'avant de partir, elle aimerait retourner dans ce bazar où nous étions allés le premier jour. Je lui dit que je suis d'accord et nous y allons. J'ai très envie de parler avec le chaman. J'ai même plein de putain de questions à lui poser. Le propriétaire des lieux nous accueille comme au premier jour. Je lui demande où est son frère, et au même moment je vois le chaman passer dans une autre pièce. J'ai l'air de le terroriser. L'homme me dit que ce n'est pas son frère mais juste un ami qu'il fait passer pour son frère. Je demande si je peux aller lui poser certaines questions et précise que c'est très important pour moi. L'homme me demande si je suis Américaine -je lui réponds que oui- et quelles sont les questions que je voudrais poser. Je lui répète que c'est très important pour moi, je le supplie de m'aider et il accepte. Il m'emmène dans la pièce du fond où il fait très sombre. L'atmosphère est ce qu'on pourrait appeler tendue. Je ne sais pas trop où m'asseoir étant donné qu'il y a des masques africains et d'autres objets rituels partout sur le sol. Je commence à poser plein de questions au chaman, au sujet de ce rêve que j'avais fait il y a longtemps et de cette fille qui vient du Tibet, et ce bien avant qu'on commence à parler de la libération du Tibet et qu’Adam Yauch des Beastie Boys ne fasse campagne à ce sujet. Mais les gens ne comprennent pas que l'enjeu de ce combat est spirituel. Si Adam Yauch s'est engagé pour cette cause, c'est pour des raisons spirituelles. Mais les gamins s'en foutent : ils veulent juste voir un groupe de rock et c'est tout. Peu importe...
Sans vouloir te presser, il faut vraiment que je me sauve dans 10 minutes. D'accord, on y arrive, on y arrive. (Elle se met à parler à toute vitesse, accélérant l'histoire jusqu'à la rendre inintelligible) C'est la fin. Je lui raconte ce rêve que j'avais fait, que j'avais vu cette fille, qu'elle avait un truc autour de la taille. Je lui parle de ces gens qui viennent dans mes rêves mais que j'ai également vus en chair et en os. Le chaman me répond que c'est impossible et me demande qui sont ces gens. Je lui réponds que ce sont des djinns. Il ne comprend pas, il me demande de lui épeler le nom. Je lui épelle : d-j-i-n-n-s. Il me dit que ce n'est pas possible parce que si eux peuvent me voir, moi je ne suis pas censée les voir. Mais putain, je les ai vus. Je lui demande ce que tout cela signifie. A ce moment-là, le chaman ouvre sa chemise, et je vois qu'il a aussi quelque chose autour de la taille. Il m'explique qu'il porte ce truc pour se protéger contre les esprits... exactement comme dans mon rêve. J'ai commencé à y voir plus clair. Ce rêve était symbolique et il devait m'attirer vers la politique. J'ai pu poser au chaman toutes les questions que je voulais, et j'ai eu toutes les réponses que je cherchais.
Le jour de notre arrivée, après notre visite au bazar, j'avais acheté un portefeuille en cuir auprès d'un marchand très sympa qui m'avait demandé s'il pouvait me prendre en photo. En échange, il m'avait donné ce médaillon aux couleurs de l'Afrique du Sud ainsi qu'un porte-bonheur. Nous sommes maintenant le dernier jour, je viens d'avoir réponse à mes questions, je dis à Anne-Laure que je n'ai plus rien à faire ici et qu'il faut qu'on s'en aille. Que cet endroit me fout les boules. On se casse, et le hasard veut qu'on rencontre le vendeur de portefeuilles. Je le salue. Il me dit qu'il savait que j'allais revenir, et qu'il a ma photo avec lui. Ca me faisait plaisir de le revoir, il avait été si gentil. Il me donne la photo qu'il a prise de moi, je le remercie et je le prends dans mes bras. Derrière lui, il y a le mur orange, celui que j'avais vu en rêve quelques années plus tôt. Le même, avec le conduit d'aération en haut. Anne-Laure me demande ce qui ne va pas, je lui réponds que je ne peux pas lui expliquer. Je demande au mec ce qui se passe dans la pièce du haut, et il devient soudain glacial et réservé. Il m'explique que c'est juste une réserve et je me marre, car je sais très bien qu'il est en train de nous cacher quelque chose. J'insiste, et comme il voit que je ne l'ai pas cru une seconde, il finit pas m'avouer qu'un parti politique noir se réunit ici deux fois par mois. A ce moment-là, tout est devenu limpide. Je devais aller au bout de mon rêve. Et si nous n'étions pas allées échanger nos billets, je ne serais pas allée parler à ce mec dans l'arrière-salle, et je n'aurais jamais rencontré le vendeur de portefeuille. Et la raison pour laquelle, dans mon rêve, je n'arrivais pas à comprendre ce que se disaient les gens en chaussures noires, c'est parce qu'ils parlaient en africain. Ce jour-là, j'ai compris que j'étais destinée à la politique. C'est la raison pour laquelle il faut que je sois en couverture de Jade. Il faut que les gens me connaissent. Il faut qu'on mette fin à cette politique actuelle de destruction sinon on va finir pour tous y passer, et la planète avec. Regarde un peu où nous en sommes : on ne fait que dire oui à tout sans broncher. C'est ce que l'Histoire nous apprend : qu'on a toujours tout laissé faire. Que les individus soient molestés, qu'on les décapite... Il faut s'inscrire contre ça et proposer quelque chose de nouveau. C'est la raison pour laquelle je veux devenir président. Vas-y maintenant, pose-moi des questions sur le disque. Magne-toi, on n'a plus le temps !

Non, c'est bon. Je n'avais pas de question sur le disque. Merci. Ah bon ? D'accord. Mais n'oublie pas : il faut me mettre sur la couverture de Jade. Et inscrire " Will you vote for Catpower " ou " Do you want to change the world ". Tu as vu comment on passe notre temps à fermer les yeux sur ce qui se passe ? On est en train de détruire notre monde, mais il n'est pas encore trop tard C'est à nous qu'il revient de passer à autre chose demain.

" La place qui me correspondrait le mieux ? Les Nations Unies "

 

" Je n'en parle à personne, car si je commence à en parler, les gens vont penser que je suis folle "

 

  

* Harriet Tubman (1820-1913). Une des leaders mythiques du " chemin de fer clandestin ". Née esclave dans le Maryland, elle subit les traitements brutaux de plusieurs propriétaires avant de s'échapper en 1849. Au cours de la décennie suivante, elle redescend à de nombreuses reprises dans le Sud des Etats-Unis et conduit des centaines d'esclaves vers le Nord et la liberté.

 

  

" La vérité sort de la bouche du Diable parce qu'il est incapable de mentir "

  

" Je lui parle de ces gens qui viennent dans mes rêves mais que j'ai également vus en chair et en os "

  

" On ne fait que dire oui à tout sans broncher "

 

Will

you

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Cat Power

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Entretien paru dans Jade 17 © Philippe Dumez & 6 Pieds Sous Terre, 1999 / Photos © Edie Vee