Le choix de l'autobiographie |
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Mattt Konture |
Jade
: Comment se fait-il que tu continue à publier dans des toutes petites structures
dauto- publication, alors que tu es édité depuis longtemps par des
structures déditions telles que lAssociation ? Mattt Konture : Je suis publié à lAssociation et jai envie de faire une revue amateur pour découvrir des jeunes talents. Il sagit de gens rencontrés à Montpellier, où je vis. Ce nest pas Paris, ce nest pas une structure dédition, ce nest même pas une association, cest vraiment des rencontres et ça donne un petit journal, «La table ». Sinon, cest vrai quau lieu de continuer à publier des pages dans Psykopat, jai préféré faire des comics chez Chacal puant, je ne sais pas à combien dexemplaires cest tiré, 300, quelque chose comme ça. Javais limpression que mon propos était trop personnel pour être diffusé en kiosque, je préférais faire ça dans un cadre plus intimiste. Ce que je raconte est personnel, cest intime, cest une expérience, ça ne vise pas un large public. Cest presque une psychanalyse. Cest proche. Peut-être, oui. Cest un journal intime. Pour moi, lécriture, a toujours été un lieu de réconfort. Depuis que jai mêlé cette écriture-là au dessin, mes bandes dessinées sont devenues une espèce de manie décrire pour soi, avec des dessins en plus. Mon dessin ça vient vraiment de cette activité automatique quon a en écoutant des profs à lécole, en sécoutant réfléchir, en écoutant des gens au téléphone, de manière automatique, un peu indépendante de ce quon écoute. Lécriture, elle, sest développée au détriment de la parole. Et cest aussi pour compenser un problème de communication orale. Quest ce que ça ta apporté de le faire et de le publier ? Je ne sais pas par quel moyen je lextérioriserais autrement. Jai limpression que cest un mode dexistence quand on na pas accès à un mode dexistence normal. Ce que je raconte dans mes bandes dessinées, ce nest pas des choses que je dirais aux gens. En même temps je ne sais pas si ça influe tellement sur ma vie. Simplement il y a parfois des gens qui viennent me voir, qui me disent «ça ma touché, je me suis senti (zen ?). » Cest marrant que les gens aient limpression de me connaître par mes bandes dessinées... Je ne crois pas que ça a une influence sur mes rapports aux autres. Ou alors même cest peut-être une influence négative. Peut-être même que je menferme un peu plus. Jai du mal à le voir, à voir si cest le cas, mais parfois jai cette impression. Je ne sais pas si cest lié ou si cest simplement le fait de vieillir. Dans tes bandes dessinées, cest ce que tu es. Il y a souvent ce sentiment dinadaptation. (rire). Je ne lavais jamais envisagé en ces termes là, mais oui, ça doit être ça Dans Krokrodile Comix II, il y a le fait dessayer de parler des autres, dautrui, dautre chose que de moi seul. Avant javais un peu peur de ça, de me risquer à raconter les autres, parce que cest vrai quil y a un certain danger. Soi, on est le sujet idéal, ça nengage personne. Il y a eu des déclencheurs qui tont amené à lautobiographie ? Je ne sais pas. En fait cétait la réunion du fait décrire pour soi et du dessin. Comme je le raconte dans Jambon Blindé il y a eu une période ou je me suis mis à fumer du haschich et à découvrir dans les travaux de Robert Crumb quon pouvait parler de soi dans les bandes dessinées. Il y a eu une espèce de désinhibition, en fumant jai découvert je pouvais écrire mes conneries dans les bandes dessinées plutôt que les garder pour moi. Cest vrai que ça a été déterminant à ce moment là. Mais après ça magace quon me compare à Crumb parce que je fais des traits avec des hachures et parce que je raconte ce que je veux alors que la forme de Crumb elle [inaudible]. Bon ça a été important pour moi, ça a été une révélation entre la découverte de lautobiographie en bande dessinée et puis le fait de le faire. Et jai commencé ça mais je nai pas vraiment continué, cest le contraire de lAssociation, qui se sont chargés de continuer ça. Mais ça se faisait pas ailleurs, de toute manière quand on écrit, on a tendance à se raconter soi-même, dans un premier temps. Après que la bande dessinée de fiction soit devenue quelque chose dassez commercial, ce retour a des sujets plus personnels est quelque chose dassez naturel. Les bandes dessinées autobiographiques que font les autres tintéressent ? Heu, ouais. Cest vrai que ce qui mintéresse dans la bande dessinée cest plutôt les choses dans ce domaine mais de toute manière je ne mintéresse pas énormément à ce que font les autres en général. Je suis assez fermé sur mon truc et je ne lis pas grand chose. Cest marrant, ce qua fait Menu dans Livret de phamille, au départ ça me dérangeait alors que je fais la même chose. Au moment où il le faisait je me limitais à moi-même et encore à ce moment là je transposais ça dans ce personnage fictif, Ivan Morve. Cétait de lautobiographie déguisée. Ça me mettait mal à laise, même si je trouvais ça intéressant, cest pour ça que je navais plus envie de faire ça dans un journal qui était en kiosque. Cest toujours cette histoire, ça fait du mal à la pudeur. Et pourtant, ça va vers limpudeur, de plus en plus, comme si la question ne se posait plus une fois que le premier pas est franchi Mais je pense que ça continue toujours en fait, on ne la balaie pas comme ça. De fait, le problème continue à se poser. Ce que je raconte dans Krokrodile comix, je lai dessiné très peu de temps après, sans prendre de recul Ça cest fait très rapidement mais là pour une fois il marrivait quelque chose. Il sagit de ma vie de famille qui est bouleversée, donc il sagit dune histoire dans laquelle je ne suis pas le seul protagoniste. Et puis cest une histoire... Dans Jambon blindé jétais le seul protagoniste et puis il ny avait pas dhistoire, cétait ce fil dexistence qui se déroulait sans quil y ait dévénement, ça restait quelque chose vécu intérieurement. Ça ta aidé de pouvoir exprimer ce que tu racontes dans Krokrodile comix II ? Je pense que ça a été une soupape qui ma permis dévacuer des choses désagréables, au lieu de me venger en trucidant le mec. Et puis ça mapparaissait comme une histoire intéressante, qui raconte des choses de notre époque, de notre génération. Mes bandes dessinées ont toujours été des exutoires qui me permettent dévacuer quelque part le trop plein dénergie mauvaise, de je ne sais quoi. Ça en est un nouvel exemple, il marrive quelque chose dassez insupportable, automatiquement jen ai fait une bande dessinée. Je nai jamais fait de bande dessinée racontant que tout allait bien. Il marrive quand même dexprimer des moments deuphories, avec Galopu ou Mister Vrö. Cest des personnages archétypaux qui expriment dune façon assez primaire soit la joie, soit la tristesse : Galopu est hilare et spontané, Ivan Morve est sinistre, cest vraiment lexpression assez directe des états dâme. Jaimerais bien arriver à faire quelque chose dIvan Morve. Je pense que cest un bon personnage. Avec Galopu, jai eu limpression par moments quil vivait par lui- même, presque indépendamment de moi. Il avait son autonomie. Mais lutilisation de ces personnages nest pas idéale pour raconter la réalité, cest pour ça je pense que je me résous à me prendre moi-même comme personnage. Dans le comix que je fais en ce moment je métais dit : je vais prendre Ivan Morve pour arrêter de dessiner ma gueule, de me complaire dans ce narcissisme quaprès coup je ne supporte pas. Pour Krokrodile Comix, lidée cétait «je me peins derrière un personnage fictif », mais ça ne marche pas parce que je ne vais pas balancer un personnage fictif en plein dans la vie réelle. Mais bon jentendais quand même utiliser ce personnage alors je suis tantôt moi, tantôt lui, on ne sait plus trop. Cest moi mais avec son imper. Krokrodile comix est le premier dune série de comix sorti par lAssociation. Il sagit dune vieille envie ? Mes premières histoires autobiographiques cétait dans le premier Krokrodile comix, qui est paru juste à la naissance de lAssociation. Pendant dix ans Menu était assez frileux sur lidée déditer des comics, il avait limpression que cétait pas vraiment viable. Ils lont fait avec Cornélius, moi avec Chacal Puant. Là, cest la première fois quon lance une collection comme ça. Et à mon avis cest dans le premier Krokrodile Comix que ça a démarré cette histoire dautobiographie. Pour moi comme pour les autres de lAssociation, même si je ne me prétends pas le précurseur ou quoi que ce soit. Jai limpression que tu tes mis à dérouler un fil, alors quIvan Morve était un sac de nuds. Ouais, ouais, dans « Le jambon Blindé » javais vraiment cette sensation de fil et que ça avait beau être spontané et complètement chaotique ça se tenait par ce fil conducteur. Tu écrivais déjà ? Pour moi. Jécrivais des lettres dans un agenda, au jour le jour. ( ) COUPURE. Tu disais que Crumb avait été un désinhibiteur. Ah non, ça a été le haschich qui a été désinhibiteur, cest que jai découvert Crumb à ce moment, je contiens (rires) ces êtres qui sont un peu trop archétypaux et les blocages que je racontais comme des choses assez Avec Ivan Morve je ne pouvais raconter que des choses assez... cétait un personnage qui était fait pour exorciser des douleurs et Galopu est un personnage pour exprimer ma joie de vivre, ça les limite quand... Cest marrant, il y a eut un effet de, cest comme si cétait une maladie contagieuse, qui touche des gens qui nont rien à voir, parfois même diamétralement opposés, qui au début, le feront peut être pour essayer et puis qui se trouvent aspirés par le truc David B y est venu parce quil avait une histoire forte à raconter, celle de son frère, plus que la sienne. |
Entretien paru dans Jade 18 © Lionel Tran & 6 Pieds Sous Terre, 1999. Photo © Valérie Berge |