Spike
Jonze : J’ai
commencé en prenant des photos d’animaux. De poissons en particulier.
Je m’étais fait connaître du propriétaire du magasin
qui vendait des poissons dans ma ville. Je pouvais à ma guise
aller les prendre en photos ou emprunter les aquariums. C’était
devenu ma spécialité. J’ai même réalisé
un petit film sur les poissons. Il a plu a quelqu’un qui m’a demandé
si ca m’intéresserait de réaliser des vidéos
musicales. J’ai alors découvert que les images m’intéressaient
plus que les animaux.
Jade
: Quand as-tu commencé ?
Il y a 4 ans. D’abord pour des groupes que je connaissais,
puis pour des gens qu’on me présentait. J’ai toujours été
passionné par la vidéo. Je me souviens que, quand j’étais
petit, nous avions une caméra vidéo, une des premières
qui soit sortie sur le marché, avec la batterie que tu devais
trimbaler par dessus ton épaule. Mais de là à
penser à une carrière...
Etais-tu
fan des groupes avec lesquels tu as eu l’occasion de travailler ?
Je n’avais jamais entendu parler de certains comme Weezer
ou Daft Punk étant donné qu’il s’agissait de leur premier
disque. Mais sinon j’étais fan de la plupart d’entre eux ,ce
qui simplifie la tâche - même si au début, tu te
sens un peu nerveux. Sinon c’est un vrai plaisir. Parce que tu connais
déjà le groupe, tu es plus rapidement réceptif
à sa façon de voir les choses. Tu sais d’avance ce qui
ne vaut pas la peine d’être proposé.
Comment
se déroulent les rencontres ?
Le groupes ou la maison de disques me fait parvenir du
son. J’écoute, d’abord pour voir si la musique me plaît.
S’il me vient une idée, je la griffonne sur un morceau de papier
que je fais passer au groupe ou à la maison de disques... Parfois
le groupe me donne une direction dans laquelle travailler et je fais
le reste. Jay Mascis de Dinosaur Jr, par exemple, m’avait juste dit
qu’il souhaitait jouer au golf et abattre des gens. C’était
son idée, et la seule recommandation que j’ai eue. Il y a aussi
le cas de vidéos que j’ai réalisé sans aucune
direction au préalable. Parfois c’est plus au moment du tournage
que s’effectue une réelle collaboration. Les Daft Punk ne m’avaient
donné qu’une seule instruction avant que je commence à
travailler sur leur vidéo : c’était de faire en sorte
qu’ils n’apparaissent pas dedans. Sinon j’ai eu champ libre. J’ai
ensuite rencontré le groupe à L.A., puis ils sont venus
sur le tournage à New-York. J’ai appris à les connaître
en bossant avec eux, et j’apprécie le fait que ce soit des
gens qui tiennent à avoir un contrôle total sur tout
ce qui touche à leur musique. Rien à voir avec la logique
de certaines major-compagnies qui te demandent parfois au montage
à ce qu’on voit plus le bassiste parce qu’il est mignon ou
des conneries de ce genre. Les Daft Punk ne font que ce qui les tentent
: nos exigences étaient donc très semblables.
Quel
souvenir gardes-tu de ta collaboration avec Kim Gordon sur le tournage
de Cannonball pour les Breeders ?
Nous nous sommes bien amusés étant donné
qu’à l’époque je n’avais pas beaucoup d’expérience
en la matière et qu’elle en avait encore moins que moi étant
donné que c’était la première fois qu’elle dirigeait
une vidéo. On ne nous avait donné absolument aucun moyen
pour tourner. Kim, c’est un sacré personnage. La seconde vidéo
tirée de cet album, Saints, a été aussi
amusante à faire.
Pour
Sabotage des Beastie Boys, qui a eu l’idée ?
L’idée du clip avait été à l’origine
suggéré à Janet Jackson, mais elle n’avait pas
les moyens. J’ai refilé le concept au Beastie Boys.
Et
Weezer ?
Je ne sais plus comment j’ai eu cette idée... C’est
une question qu’on me pose souvent : " Comment as-tu pensé
à ça ? ". En fait, je n’en sais rien. L’idée
me vient sans que je me souvienne vraiment du cheminement de ma pensée.
C’est très spontané. Je n’ai pas de recette.
Par
quoi es-tu influencé ?
Par tout ce qui m’intéresse, qu’il s’agisse du cinéma,
de la télévision... J’ai beaucoup regardé la
télévision étant petit, mais plus maintenant.
Je me suis trop souvent fait avoir : tu l’allumes, tu ne fais que
regarder des bouts d’émissions, et tu finis par te rendre compte
que trois heures ont passé, qu’en plus tu es crevé...
Pour finir de répondre à ta question, tout dépend
de l’idée que je décide d’exploiter. J’adore les frères
Cohen par exemple, mais il ne me viendrait pas à l’idée
de les copier, à moins que je décide de faire carrément
une parodie des frères Cohen.
Tes
vidéos servent souvent à lancer des groupes comme cela
a été le cas pour Weezer. Comment le ressens-tu ?
Si la vidéo passe souvent à la télévision,
je suis content pour le groupe autant que pour moi. Comme j’aime beaucoup
la plupart des groupes avec lesquels j’ai l’occasion de travailler,
je suis content de contribuer à leur succès. Quant à
déterminer ma part de responsabilité dans leur réussite,
je n’en sais rien. Quelle qu’elle soit, c’est toujours profitable.
Serais-tu
tenté par un long-métrage ?
J’ai un projet de film inspiré d’un livre pour enfants
qui s’appelle Harold and the Purple Crayon, avec une grande
part d’animation. J’y ai consacré tout mon temps depuis 7 mois.
Malheureusement, j’ai vite pu vérifier par moi-même que
tout ce qu’on raconte au sujet de Hollywood est vrai : les décisions
qui tardent à être prises, puis les gens qui devaient
les prendre se font virer et il faut tout reprendre à zéro
avec un nouvel interlocuteur... C’est certainement un des plans les
plus fous dans lesquels je me sois trouvé, le plus rageant
étant que tu ne peux strictement rien faire contre ça.
Tu essaies de défendre un projet en lequel tu croies profondément
et sur lequel une équipe de gens que tu as réuni travaille
en permanence, et tu te retrouves en face de gens qui foutent en l‘air
de telles sommes d’argent qu’ils visent d’abord la sécurité,
soit récupérer leur pognon rapidement. J’ai écrit
récemment un scénario pour un ami, mais nous ne le tournerons
qu’une fois que nous aurons mis suffisamment d’argent de coté.
Procéder de façon complètement différente,
agir en indépendant.
Je tenais tout particulièrement à adapter Harold
and the Purple Crayon parce que c’est un souvenir les plus marquants
de mon enfance - sans doute un des premiers - , et que j’ai eu l’occasion
de rencontrer son auteur, Maurice Sendeck, qui a également
écrit Where the wild things are. Sinon s’investir dans
un film, c’est vraiment très lourd : ça te bouffe tout
ton temps, tu ne vois plus tes potes, comme quand tu as une nouvelle
copine. Tu penses sans arrêt à quoi ressemblera l’heure
et demie de film qui découlera de toutes ces heures de travail,
jusque dans ton sommeil. Et si ça ne correspond pas à
ce que tu avais souhaité ? Ca doit être terrible, terrible..
Avec
qui aimerais-tu travailler maintenant ?
Ce groupe qui s’appelle Wilco dont je viens de me procurer
l’album. Cibo Matto. Buffalo Daughter, un autre groupe de Tokyo. Pavement
également qui est un de mes groupes préférés
et avec lequel un projet semble être en bonne voie.
Au
fait, pourquoi ce pseudonyme, " Spike Jonze " ?
Il m’a été attribué par un canadien qui bossait
dans la publicité. Je n’ai jamais compris pourquoi. C’est quelqu’un
qui m’avait l’air très intelligent, alors je lui ai fait confiance.
The
Original Spike Jonze site
|