Le parfum des olives
Par Hugues et Edmond Baudoin


J’ai écrit et dessiné sur ma mère, Éloge de la poussière, sur mon frère, Piero, mon grand-père, Couma acò, sur mes amours, beaucoup. J’ai fait des carnets de voyage. Toujours je me suis mis en scène. À chaque fois, j’ai surtout parlé de moi. Ici, c’est un peu différent, c’est un de mes fils, Hugues, qui parle, c’est encore un carnet de voyage mais je n’étais pas dans ce voyage. Edmond Baudoin

Dans Le Parfum des olives, nous suivons le parcours d’un comédien qui rêve de faire se rencontrer, et jouer ensemble, des gens de théâtre, Palestiniens et Israéliens. Pour celà il part là-bas, entre Tel-Aviv et Jérusalem avec l’idée de faire également un documentaire autour de cette aventure.

Entretien avec MARINA BACHAM

Avant, les enfants venaient dans notre théâtre pour prendre des cours d’art dramatique.
Travailler avec les enfants est, pour nous, ce qu’il y a de plus important, car c’est un moyen de former une génération qui appréciera cet art et pourra s’exprimer de différentes manières.

Mais un jour où beaucoup d’enfants étaient présents, répartis dans divers cours de théâtre, nous avons été bombardé. On a cherché un moyen rapide d’évacuer tout le monde. C’était affreux. Une expérience que nous ne voulions pas revivre. Alors pour continuer de travailler avec les enfants, nous avions différents lieux de travail dans lesquels nous avons pu continuer certaines heures par semaine.

En février de l’année suivante, le théâtre a été sérieusement bombardé. Il devenait dangereux d’y résider, pour nous aussi, alors nous avons décidé d’abandonner le bâtiment définitivement.
C‘était très dur et nous avons beaucoup pleuré parce que nous considérions ce théâtre comme notre propre enfant.
On a tenté d’être hébergé dans des bâtiments communaux, mais cela nous a été refusé. Notre seule solution a été de déplacer notre matériel chez Raeda, la codirectrice, et d’entreposer le matériel des cours dans un studio près de chez moi, et c’est comme ça que l’on travaille.

Maintenant, nous montons une pièce qui s’appelle : « la vie sous les bombes». Nous répétons au séminaire de Bijara. Ils nous ont prêté leur salle de théâtre et nous l’utilisons tous les jours.
Pour autant, nous n’avons pas cessé de travailler pour les enfants. Il est vrai que, au début de la seconde Intifada, autour du 29 septembre, nous avons arrêté dix jours pour réfléchir à la marche à suivre. Peut on continuer dans ces conditions quand, autour de nous, des gens se font tuer ? Puis un jour, nous avons reçu le coup de téléphone d’un directeur d’école qui nous a demandé d’intervenir dans ses classes. C’était très surprenant. Normalement les établissements scolaires ne font pas appel à nous. Ils estiment que le théâtre, ce n’est pas très important, mais cette fois...

Nous sommes allés dans ces classes de petites et moyennes sections de maternelle où on leur a montré un spectacle mêlant danse et chanson pour enfant. Un spectacle qui les incluait sur scène. Pour les rendre actifs. De cette manière, ils ont pu se débarrasser de leur peur.

Les enfants palestiniens sont tous effrayés, mais avec les interventions ils se sentent moins isolés, comme un retour à la normale.
Un petit d’environ cinq ans portait un tee shirt avec écrit dessus : « nous n’avons pas été bombardé ». Comme pour conjurer le sort. Un autre de six ans est arrivé habillé d’une jupe. Quand sa mère est venu le chercher, elle lui a demandé :
- pourquoi portes-tu une jupe ? Tu es un garçon, pas une fille.
- Mais comme ça, si un soldat israélien me voit, peut être qu’il ne me tirera pas dessus. Il se dira qu’il ne peut pas tirer sur une fille.
C’est très éprouvant. Beaucoup d’enfants ont des problèmes psychologiques profonds : cauchemars, insomnies, comportements mutins… Certains se réveille en pleine nuit en hurlant.

Alors nous avons approfondi notre travail. Nous avons fait plus de stages pour eux et aussi des tables de discussions avec les enfants et les parents qui ont donné lieu à des créations de spectacle. Puis nous avons décidé de nous équiper pour êtres plus itinérants. Les routes devenant de plus en plus dures à pratiquer, c’était le seul moyen de toucher les enfants d’Hébron, Gaza ou Jérusalem. Chaque fois que nous sommes arrivés quelque part, on s’attendait à voir cinq cents enfants, mais en fait il y en avait plus de mille. Au total, jusqu’en 2000 nous sommes intervenus auprès de cent cinquante mille enfants. Pour satisfaire la demande, nous avons produit cinq pièces pour cinq tranches d’age différentes.
Mais nous voulions aussi former les adultes à la création théâtrale. En Palestine, nous manquons d’auteur et de metteurs en scène. Nous organisons donc des stages d’écriture théâtrale, de mise en scène et d’acteur. Pour cela nous invitons des intervenants anglais, français, italiens…

Bien, quoi d’autre

Chez Inad, ils sont très jeunes. Je suis la plus vieille avec mes trente six ans. Nous avons un metteur en scène, un régisseur et le reste sont des acteurs et actrices. Je m’occupe de l’administration et je suis comédienne. C’est beaucoup de travail et quand je rentre chez moi, j’ai la tête comme un ballon. Ecouter, penser et parler tout en même temps, c’est très difficile.

Nous avons de nombreux projets en cours, notamment un échange avec l’Egypte où nous supportons huit organismes culturels. Nous y envoyons seize filles et garçons qui ont entre onze et seize ans.Ils y travaillent le théâtre et visite le pays.

Propos recueillis par Hugues Baudoin

Entretien avec JACKY BACHAR

Nous nous débrouillons. Tu es allé en Palestine ? Alors tu vois qu’en Israël, ça va.
J’ai commencé, il y a 10 ans comme acteur. J ‘étais indépendant. Dans une troupe mais indépendant. Un an plus tard, j’ai créé une compagnie. Pas une compagnie d’état mais subventionnée. J’ai monté le premier centre des arts de la rue israélien, composé de plusieurs troupes de théâtre de rue du pays. Maintenant, je ne suis plus acteur, car je mets en scène et je produis des festivals et des évènementiels. C’est dommage de ne plus jouer mais j’ai tellement de travail…

Nous sommes comme une agence de Compagnie. Ici ce n’est pas comme en Europe où il y a beaucoup de lieux où se produire et des agences pour promouvoir les artistes. En Israël, je suis le seul à le faire pour 80% des compagnies de théâtre de rue. En tout il y en a une vingtaine. Ce n’est pas beaucoup mais cela suffit. Nous essayons de développer une école des arts de la rue et je pense que nous l’aurons dans les années à venir.
Nous avons déjà un festival de théâtre de rue appelé BATIAM Festival dans la banlieue de Tel-Aviv, à 10 mn de Jaffa. C’est un quartier d’ouvriers donc assez pauvre. Cet événement ressemble un peu aux « Chalons de la rue » en France. L’idée est d’ouvrir la population aux théâtre par diverses manifestations. Nous produisons aussi un festival de théâtre pour enfants à Haifa, cité mixte juifs, arabes et surtout ACABA Festival, le plus importants par le nombre d’artistes invités et le nombre de visiteurs. Il y a des troupes de théâtre de rue de tous horizons et de plusieurs pays. Donc trois grands évènements tout au long de l’année plus une multitudes de petites manifestations ici et là. De plus nous organisons des fêtes et montons des cirques. Comme tu peux voir, il y a pas mal de boulot. Seulement, il y a une grande distance entre le théâtre institutionnel et le théâtre dit « underground ».

Nous n’avons pas de tradition théâtrale issue de l’époque médiévale. Tout ce que nous avons, c’est la bible, mais nous ne nous en servant pas. Heureusement pour nous. Notre pays n’a que 50 ans et cela fait 20 ans que nous commençons à faire tomber les murs, mais les artistes sont de plus en plus nombreux à s’inscrire dans ce mouvement, et même si le public n’est pas toujours au rendez-vous, la fréquentation des festivals est en augmentation constante d’année en année.

Propos recueillis par Hugues Baudoin


> Hors-Collection
> LE PARFUM DES OLIVES
> Hugues et Edmond Baudoin
> Couverture souple

> Format 18,5x25 cm

> 64 pages - Noir & blanc
> 13,00 Euros
> ISBN 978-2-35212-059-9
> EAN 9782352120599
> Parution : 20 mai 2010

 

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