l'Association David B. : Moi, jai limpression quil ny a pas de différence entre ce que je fais à lextérieur, aux éditions Dargaud par exemple et ce que je fais à lAssociation. Le problème cest quil faut gagner sa vie pour manger. LAssociation ne nourrissant pas suffisamment, je suis obligé de travailler à lextérieur, et comme jaime faire de la Bande dessinée, tant quà faire, je fais de la BD pour Dargaud. Mais les Bd que jai fait chez eux, jaurais aussi bien pu les faire pour lAssociation. Quant à avoir un petit public, au sein de lAssociation, qui grandit depuis quon a démarré, au fil des années, quon ait un public de 1 million de personnes ou de 1000 à 2000 personnes, pour moi le problème ne se pose pas. Je cherche à faire ce que jai envie, et à le faire partager à des gens, si je le partage avec le maximum de personnes, cest tant mieux, sinon, je ny peux pas grand chose. Jai pas envie de faire de lhéroic fantasy pour toucher 100 000 personnes. Cest pas ça le but de lasso. Est-ce quil faut que lon se mette à faire de XIII pour toucher un plus vaste public. Mais si lon fait du XIII, ce nest pas intéressant. A ce moment là, ce quon fait ne sert plus à rien. Ce quil faut, cest quon soi nous-mêmes, cest là que cest intéressant. Le problème de la largeur du public est un faux problème.
Lewis Trondheim : Il ne faut pas dire que lon est pas nous mêmes si lon bosse pour un gros éditeur.
David B : Les gros éditeurs se mettent à publier des gens comme nous, à créer des petites collections qui ressemble à ce que fait lAssociation. En même temps, ils ne le font pas du tout de la même façon que nous. Les collections qui se sont créées, que ce soit chez Delcourt ou aux Humanos ont un résultat, pour le moment assez lamentable. Cest à dire quils prennent la coquille, mais il ny a rien à lintérieur. Ils appliquent à des choses davant-gardes ou soi-disant davant-garde la politique qui leur est habituelle. Ils ne cherchent pas à trouver des auteurs qui apportent quelque chose de nouveau.
Menu : Il ny a que 5% de choses bien chez tous les éditeurs. Lattaque fait à Christmann (un des boss de Dargaud, ndlr) reprenait ses commentaires honteux, dans la lettre de Dargaud à propos de lélection de Goossens à la présidence du Salon dAngoulême.
David B. : Christmann dit quil ne veut avoir aucun rapport avec lAssociation. Il dit quil na des rapports avec nous quen tant quauteurs de Dargaud. Pour lui, lAssociation, ça nexiste pas, il sen fout. Ca ne mempêche pas de lui dire en face ce que jaime ou pas chez Dargaud. Il en est parfaitement conscient. Il ne membête pas là-dessus. Sil a envie de me virer parce que lon a écrit un truc sur lui dans Lapin, il est libre de la faire. Quand Menu à écrit ça, je ne lui ai pas dit : "Non, non, ne publie pas ça sinon je vais avoir des ennuis avec Christmann". Justement, cest une bonne manière de voir sil est stupide ou pas. De plus, le fait de travailler ailleurs ne nous empêche pas de critiquer lassociation ou de nous critiquer entre-nous.
Trondheim : Ce nest pas parce que lon fait des albums chez Dargaud que lon cautionne XIII. On fait notre travail.Jade : Robial va jusquà dire quil faudrait que lAssociation établisse un contrôle de ce que publient ses auteurs à lextérieur, afin de ne pas nuire à limage de lAssociation.. Cest une attitude qui nest pas très tolérante, voire intransigeante.
David B. : Ca, cest lavis de Robial, ça ne nous engage pas, Robial ne faisant pas partie de lAssociation. De toute façon, je ne pense pas que lAssociation soit basé sur un esprit de tolérance.Je suis surpris quil ny est pas de Collection enfant à lAssociation. La plupart de vos livres sadressent à un public de lecteurs "confirmés", comment allez-vous former les tout jeunes lecteurs à la lecture de livres en noir et Blanc.
Trondheim : Ce nest peut-être pas forcément le but de lAssociation. Mais Lapinot ou La révolte dHopfrog ont tout deux eut un prix au salon de Montreuil, qui est un salon pour la jeunesse. Donc, ce que lon fait en dehors de lAssociation. peut aussi amener le public enfant à suivre, par la suite lAssociation.Ne pourrait-on pas imaginer une collection Eperluette pour les 6/10 ans, par exemple ?
Trondheim : Ce nest pas une bonne idée de séparer les publics. Il vaut mieux sadresser aux gens comme on a envie de le faire depuis le début. Il ne faut pas aller dans une direction ou lon segmenterait en tranches dâges son travail. On fait de la Bd comme on a envie de la faire. Si elle sadresse à des enfants, pourquoi pas. Mais il ne faudrait pas quelle ne sadresse quà des enfants. Si, pour le salon de Montreuil, on fait un Lapin spécial pour la jeunesse, ça doit rester lisible, à un deuxième degré, pour les adultes. Ca ne sera pas du Bayard, jespère...
Menu : Il y a donc un projet de Lapin, plutôt pour la jeunesse, réalisé en collaboration avec le Salon de Montreuil. Ce nest pas encore sur, mais se serait, a priori, le n° 22. Si cela se fait, ce sera un Lapin qui aura plus de couleurs, probablement plusieurs cahiers en quadrichromie et en bichromie, et il y aura une ligne de diffusion jeunesse en plus de la diffusion habituelle. Cest une première tentative pour faire une Bd plus ouvertement destiné à la jeunesse.
Killofer : Je crois que sil ny a pas eu à lAssociation. un développement conséquent dune production jeunesse, cest tout simplement quil ny a pas eu une envie suffisamment forte de la part des auteurs pour faire ça. Tout ce qui existe à lAssociation. vient dun mouvement naturel, dune envie.
David B. : Pour gagner ma vie, pendant très longtemps, jai bossé pour les journaux du groupe Fleurus et pour Bayard. Jen suis complètement gavé et je nai plus envie de travailler spécifiquement pour la jeunesse.Quels sont vos relations avec vos adhérents. La structure de lassociation (association loi 1901) est elle toujours adapté à votre politique éditoriale ?
Menu : LAssociation. est une asso de loi 1901 car on nest pas là pour faire capital. Les bénéfices sont entièrement réinvesti dans la fabrication des livres, après paiement des salariés et des droits dauteurs. Comme lon a une politique éditoriale stricte et ferme, les adhérents nont pas de pouvoir de décision, sinon, la situation deviendrait vite impossible. Les adhérents sont là pour soutenir notre travail ainsi que pour participer à une sorte de communauté de vue et de publication.Que pensez-vous du terme de « Labels indépendants » ?
Menu : Je pense que ce terme ne veut pas dire grand chose, parce quil a été galvaudé. Il a surtout servi, pour le festival dAngoulême, afin de créer une espèce de tremplin pour des petites structures jusque là confiné dans lespace fanzines. Je préfère le terme dalternatif a celui dindépendant, ça me semble avoir plus de sens.
David B : Dautant que si lon suit ce raisonnement, Delcourt, par exemple, rentre parfaitement dans ce cadre. Cest un éditeur qui na aucune société au-dessus de lui. Il est donc parfaitement indépendant.Dans le numéro 1 de Lapin, vous avez écrit un édito assez ambitieux sur votre politique éditoriale. Quen est-il aujourdhui ?
David B : Je ne me souviens plus du bulletin inaugural.
Killofer : Cest pas moi qui lai écrit.
Menu : Jai repris ce texte parce quil est assez probant. On a pas trop dévié du principe de base.
Killofer : Sauf certains qui sont partis chez les grands éditeurs....Est-ce une polémique interne ?
Menu : Non, alors là, pas du tout., mais cest une question que lon nous pose souvent.
David B : Cest une polémique à la fois interne et extrême.
Killofer : ya toujours cette suspicion qui plane sur la cas de Lewis. Quest ce qui veut au juste ? Est-ce quon est un boulet pour lui, ou encore un alibi culturel, une caution morale. Il y a toujours ce doute qui nous ronge.
Trondheim : Je suis le soutien financier de lAssociation...
Killofer : ...Et cest ça qui nous ronge.
David B : Il est notre mécène.
Trondheim : On a quand même publié des trucs pas bien.
David B : qui ça ?
Trondheim : Heuuu...
Killofer : Tallais dire qui ?
Trondheim : heu...Thirièt ?
David B : Non, non, non, ça a tout a fait sa place à lAssociation.
Menu : Ca aussi, cest des débats internes.
David B : Sinon, on est pas toujours forcément daccord sur ce qui correspond à notre charte.
Trondheim : On a quand même publié du Tirabosco...
Menu : Attention, il est dans Jade souvent.
David B : Ho, pardon.
Killofer : Hé, cest pas rigolo, Jade on connaît déjà tout.
? : Hé ouais, Cornette, Aristophane.
Killofer : Il vous en fait encore des histoires comme ça, Aristophane.
David B : Journal dun Loser. Alors là moi je tiens à préciser que cest pas moi qui lai refusé.
Menu : Ça risque dêtre un peu chaotique, tout ça.
Trondheim :Non mais, ils feront le tri, hein ? (non, ndlr)Quels sont les buts que vous vous étiez fixés et lesquels avez-vous atteints ?
Trondheim : Lassociation, ça va au delà de nos espérances.
David B : En temps de maison dédition, oui, ça cest clair.
Menu : on pouvait absolument pas imaginer que ca aille jusque là. Déjà, quand on a commencé à avoir un premier local, pour moi, cétait incroyable. La première embauche, cétait surréaliste, cest assez fou quoi. On pouvait vraiment pas imaginer ça.Et par rapport à ce que vous avez publié.
Menu : Et bien pareil, je pensais pas que lon pourrait monter un tel catalogue, je le trouve aussi impressionnant.
Killofer : tu timpressionnes toi même ?
Menu : Non, mais davoir Goosssens, davoir Baudoin. De découvrir des gens comme Gerner, Vanoli , davoir du Blanquet, Sfarr.
Trondheim : Sfarr, cest bien ça, avant quil fasse de lhéroic fantasy chez Delcourt. (rires)
David B : Sans oublier Lewis Trondheim, qui fait de tout chez les grands éditeurs.
Killofer : cest que davoir Lewis dans le catalogue ... et David B.
Menu : Ça, en commençant lAssociation, on le savait déjà.
Trondheim : Oui, mais tu savais pas quelles pommes allaient pourrir.
Menu : On pouvait deviner quels seraient les premiers vendus, quand même
David B : Ben on misait sur Stanislas et puis... ça na pas fonctionné.
Menu : Tu sais que ça va être imprimé ça.
David B : Oui, cest pas grave. Stanislas, il en est conscient aussi.
Trondheim : Que quoi ? quon misait sur lui ?
David B : Non, mais cest vrai que Stanislas, cest quelquun qui avait un potentiel cher les grand éditeurs. Cest aussi parce quil na pas pu suivre...
Killofer : ...de cours de dessin ?
David B : Non, il a pas eu un suivi dans son boulot, cest ça le problème.
Trondheim : Son éditeur a manqué de confiance pendant le travail.
David B : Oui.
Trondheim : Cest vrai que cette ouverture sur létranger maintenant, cest pas inespéré, mais en tout les cas...
Killofer : Ils sont sortie tes albums en Allemagne ?
Trondheim : Je parles pas de mes albums, mais de ceux de lAssociation.
Menu : Ca, ça mériterait dêtre vu point par point, parce que cest nouveau. Le fait quil ny est pas plus détrangers à lasso.
Trondheim : On en fait au moins deux par an.
Killofer : Ca, ça roule, cest régulier.
Trondheim : Par contre au États unis, ça va par étape, ils vont se calmer.Est-ce que restrospectivement, vous vous dites que vous avez commencer au bon moment ?
David B : Oui, cest assez clair.
Killofer : Et le coup de génie de Menu à la maquette aussi. Cette forme de revue et dalbum, ça a été vachement repris. Ça tombait pile. Cest ça qui fallait faire à ce moment là.
David B : Fallait se démarquer du côté bédé, ça cest clair.
Menu : Cétait le désert en 90. Cest vraiment une date charnière. Yavais Futuro en train dagoniser, plus de presse, que du standard en couleurs, les séries...Les héros à la con...
Menu : oui, oui, pour qui voulait faire autre chose, cétait pas possible. On était vraiment obliger de créer notre structure éditoriale si on voulait faire autre chose en Bande dessinée. Lavantage aussi, je crois que cest important, cest quon avait déjà fait toutes nos erreurs en 90. Les fanzines, tout ce quon pouvait faire un peu de travers, le manque de maturité, les questions didentité... On avait déjà réglé tout ces problèmes là. Quand on a crée lAssociation, il y avait une maturité qui était déjà là. Ca a commencé très fort tout de suite à cause de ça.
Trondheim : Très juste.
Killofer : Nous étions prêts.
Trondheim : Cest vrai quon a continué à progresser, mais en même temps, on était déjà au point.
Killofer : la force était avec nous. On avait un Obi One Kenobi sous la forme de Robial qui venait nous voir de temps en temps...Il vous suit encore maintenant ?
Menu : Oui, oui.
Killofer : On est pas suivi par le Dr Robial, cest pas ça. Moi, jencourageais Menu au début à aller le voir, lui demander des plans, mais il osait pas.
Menu : Il est toujours venu aux assemblées générales. Cest vrai quil y a une filiation qui est évidente. Ca fait plaisir de bosser avec Golo par exemple, qui est un auteur Futuro et qui ne faisait plus de Bande dessinée depuis 5 ans, cest quand même quelquun dimportant. Jespère quil fera dautres choses à lAssociation.Par rapport au bouquin sur lÉgypte (« Lassociation en Égypte »), vous aborder des questions politiques ?
Menu : Ben en fait, on ne fait pas de politique, mais on en fait malgré nous, en étant indépendant, en ayant la démarche que lon a. Jusque dans des détails de maisons déditions, comme refuser de faire des services de presses trop nombreux, refuser les droits de retours aux libraires. Déjà, on se positionne en marge de ce qui est établi dans le monde de lédition. En ne faisant pas de droit de retours, par exemple, on contrarie certains libraires qui sont habitués à avoir des bouquins uniquement par piles, même sils nen vendent que 2. En obligeant les libraires à acheter 2 bouquins pour en vendre 2, on évite le gaspillage et on est pas sur du virtuel, on reste sur du concret. Cest a dire quon ne jongle pas avec des tirages qui sont faux. La pratique denvoyer 10 000 bouquins alors quil y en a 8000 qui reviennent et quon doit foutre au pilon. Cest déjà politique de refuser ça. Comme cest politique de refuser darroser nimporte quel journaliste qui va faire trois lignes ridicules qui ne serviront jamais à personne.
Killofer : On nentre pas dans le système, tu vois. Sauf certains chez les grands éditeurs.
Trondheim : Ça, cest une politique éditoriale, mais pas une expression politique en tant quauteurs dans la Bande dessinée.
Menu : Cest ça.
Killofer : Cest vrai, on ne peut pas demander aux auteurs de faire de la politique. On a crée lAssociation pour faire ce quil nous plaît et éditer des choses qui nous plaisait. On ne va pas se forcer.
Menu : Cest à chacun de voir, cest vrai que quand on a crée lAssociation, il y avait un passé très polémique. Beaucoup plus polémique et on maccuse aujourdhui de râler, alors que jestime que je ne le fais pas beaucoup parce quavant, du temps de Globof, du Lynx à tifs, cétait surtout gueuler contre tout ce quil y avait, dire que tout était à refaire, mais on navais très peu de chose à proposer. Je me souviens quaux débuts de lAssociation., on sest posé la question de savoir si lon continuait à faire de la polémique, et on a décidé darrêter de parler et on fabrique quelque chose. On a mis vachement en veilleuse le discours polémique. Le peu que je dis dans Lapin, cest le dixième de ce que je voudrait dire sur le milieu de la Bande dessinée et sur le reste en général.
Trondheim : Qui plus est, cest pas difficile de prêcher des convaincus. On est tous contre le Front National, évidemment, mais quest que ça va apporter des Bandes dessinée contre le FN dans Lapin ? Rien. Ca risque dêtre raté et chiant.
David B : Ca dépend, sil y a une analyse qui est intéressante. Je trouve plus intéressant de publier Alexander Zograf et son expérience en Serbie.
Menu : Par contre, le bouquin sur lÉgypte est un cas particulier qui est intéressant. Ca prouve que dans un contexte précis ou on nous demande de nous exprimer en tant quauteurs par rapport à une situation donnée, ben ça peut politiquement ne pas passer, alors que lon a juste témoigner sur ce que lon a vu et vécu. Ca devient politique dans la mesure ou ca ne passe pas parce que cest susceptible de créer des problèmes diplomatiques entre des artistes occidentaux qui sexpriment sur un pays du tiers-monde et ce qui se passe dans ce pays là. Ce qui est ridicule, puisque cest faire le jeu des Islamistes. Les diplomates français ont eu peur des propos émis dans le bouquin, qui est un travail de commande, et cest priver les milieux qui sont extérieurs à lIslamisme dun éclairage qui est important. Cest la frousse des diplomates français qui est dommage, parce que les égyptiens avaient lair intéressé par ce que lon a fait. Par exemple, à linstitut du monde arabe, la personne qui tient la librairie est égyptienne, on lui a montré le bouquin et elle la trouvé hyper intéressant. Le livre marche bien, parce quil a eu un petits plus de presse (les journalistes sont friands de ce genre de problèmes) et il collait à lactualité. Ca correspondait avec lannée France-Egypte, on parle de lÉgypte partout et on proposait un contre point, un regard qui nest pas pyramides, etc... Cest vrai que ca plaît pas.
Killofer : Toi, tu fais toujours des pyramides sauf quand cest lannée France-Égypte.Est-ce que ca vous est reproché de ne pas vous engager davantage ?
Killofer : Oh, il doit y avoir certains fanzines qui doivent trouver quon est des bourgeois, quon est installé, quon sengage pas...
Menu : LAssociation, ca reste une fusion, une bête qui nous échappe. On a plus rien a faire ensemble en fait (Rires).
Trondheim : Je crois quon ma déjà dit ça.
Killofer : Tu veux que Lewis se barre, cest ça ?
Menu : Mais non.
Trondheim : Mais si.
Menu : Ben non.
Killofer : Non Lewis, cest toi qui a envie de te barrer.
Menu : Force est de constater que « lHydre » que lon à fait vit un peu au dessus de nous, ou à côté de nous.Ça vous intéresse le dessin de presse par exemple ?
Killofer : On en a tous fait un peu, mais le problème cest quil ny a pas beaucoup de support en dessin de presse. Charlie, cest vachement fermé...
Trondheim : Du dessin de presse pour quoi faire ? Pour ce frotter à ce média là, ou pour dénoncer des choses ?
David B : On a tous lu Charlie Hebdo quand on était adolescent.
Menu : Tout le Square, Hari-Kiri. Dailleurs ce qui est marrant cest que dans les « Histoires de la Bande dessinée », le Square cest toujours zappé, alors que pour moi, historiquement, cest une des chose les plus importante dans la Bande dessinée : Hara-Kiri, Charlie Hebdo, Charlie Mensuel (première époque).
Trondheim : Le dessin de presse, cest quotidien, mais cest périssable. Tu tengages mais ça parait un jour et le lendemain, ya plus rien, cest fini et puis ca ne fera rien bouger.On voit dans Libé des dessin de Lewis, David B. ou Killofer et ça colle.
Trondheim : Oui, mais dans Libé cest plutôt de lillustration.
Menu : Dans les vieux Charlie, ya des trucs quon peu encore lire. Des trucs de Reiser mais ya aussi des tas de trucs sur des hommes politiques oubliés, des scandales qui ne nous disent plus rien.
Trondheim : Tu verrais un dessin de presse dans 20 ans sur ce qui se passe aujourdhui, ten aurais rien à foutre, tas plus les références, tu comprends rien.
Killofer : Le problème cest que pour exister en tant que dessinateur de presse, il faut en faire tout le temps.
Trondheim : Alors que tu lis lAssociation en Égypte dans dix ans, ya encore des chose qui te parle. Je dis pas que lun est plus fort que lautre, mais cest simplement pas la même conception.
Menu : Tu mates le dessins de Reiser sur lénergie solaire, cest toujours valable aussi. Jai limpression que cest pas notre truc en général , à lAssociation. On la tous un peu pratiqué, mais sans plus.Vous pensez que vous pouvez faire évoluer la Bande dessinée en restant dans le champs clos de la Bande dessinée ? Ne faut-il pas faire des passerelles avec dautres domaines ? Ou bien est-ce ségarer ?
Menu : Cest assez complexe. Ce qui est intéressant, cest quil y ait des gens qui tentent des choses différentes. Nous, jai limpression quon fait évoluer la Bande dessinée un peu à lintérieur. Jai pas trop limpression que lon fasse trop de passerelles avec la peinture, etc... Ou alors si on en fait, cest plutôt avec un esprit littéraire. Avec LOubapo, par exemple. On sest tourné vers lautobiographie un peu avant tout le monde, ce qui est en train de tourner en rond aussi. Alors que des gens comme Frigo ou Amok tentent plus de faire des passerelles vers le pictural.Ce qui pourrait justement me gêner le plus chez lAssociation, justement, cest que, graphiquement, ça reste assez classique.
Menu : Cest vrai que lon a une culture Bande dessinée
Trondheim : Ce qui nous intéresse surtout, cest la narration. Cest pas le graphisme.
Menu : Dés quon a vu les productions de Frigo, on a vraiment remarquer ça, eux cest la forme, et nous cest plutôt le fond.
Killofer : Lewis, cest vraiment un narrateur, comme David B. et Menu..
Menu : Lors dune des premières expos collectives des groupes davant-gardes, cétait celle de Trévise, en 91, Il ny avait encore ni Frigo, Ni Lapin, les espagnols (Raùl, Del Barrio) ou les Belges (Corbel, Lambé), on pouvait remarquer que, leur travaux était tous de suite visible en tant quexposition et fonctionnait bien, en couleurs et tout ça. Nous, nos planches, cétait tout petit, en noir et blanc, pleins de textes. Ca ne marchais pas du tout en tant quexposition. Cest clair quil y avait une dichotomie entre les gens qui pouvait être vu au mur et nous. Nous, cest vraiment fait pour être imprimé.
Trondheim : On fait du livre.Vous sentez quand même des liens de parenté ?
David B : Ben moi, jai travaillé dans le Cheval sans tête, donc eux sentent forcement quil y a des liens de parentés. Oui, il y en a. Même si leur démarche est différente, elle nous intéresse. Ça me semble plus normal de me consacré à la maison dédition que jai contribué à créer, mais si javais du temps, oui, travailler pour Frigobox ou le Cheval sans tête.
Menu : En tout cas, on se voit souvent, on échange beaucoup de points de vue. Ce qui est intéressant cest que toutes ces petites structures prennent des chemins différents. Amok à lair daller sur la marge de lArt contemporain, nous on creuse notre sillon...Cest complémentaire, en somme.
Menu : Oui, mais je trouve que lAssociation devrait sinvestir plus. cest pour ca que je suis très content de la sortie du bouquin de lexposition de Thomas Ott. Parce que dun côté cest narratif, cest des dessins mais en même temps, cest un livre de photos. cest un livre objet qui sort un peu des collections habituelles. En tant quéditeur à lasso. jai envie dautres choses.On a limpression que vous êtes à un tournant ?
Menu : Ca a toujours tourné un peu.Par rapports aux éditeurs étrangers, votre position a évoluer.
Menu : Cest vrai quon nest pas les premier à lavoir fait, Amok est le premier à avoir été le chantre dune certaine internationale, comme Moka, dAlain Corbel qui était très motivé par la rencontre des groupes. Ils voulait quon rencontrent des espagnols, des portugais et au début on est resté un peu fermé à ce genre déchange alors que maintenant, ca nous intéresse de plus en plus daller chercher des gens, de traduire des auteurs intéressants étrangers. Maintenant on a plus de moyen et plus de crédit pour le faire. Quand on commence, et quon a rien fait, par rapport a un éditeur étranger, on nexiste pas. Maintenant, si on envoi un petit paquet de production à quelquun dimportant aux états unis, on est pris au sérieux.
Trondheim : Depuis le début on voulait publier Julie Doucet ou Chester Brown.
Menu : Cette année, il y a de nouveau Julie Doucet et Max Andersson, Jim Woodring, Max lespagnol, Chris Ware est aussi prévu. Dans Lapin aussi ,on passe de plus en plus dauteurs étrangers.Entre les éditeurs, ça semble quand même être la course à qui éditera quel auteur étranger ? Cest une tendance assez générale en ce moment ?
Killofer : Ça a pas été toujours comme ça ?
Menu : Non, à un moment, lédition française a été vachement fermé. Cest un phénomène qui revient un peu grâce aux structures alternatives. Et des gros éditeurs, comme Delcourt ou Humanos, sont en train de marcher sur ces plates-bandes là.
Lewis : Ceci dit, on aurais pas fait Tomine ni Seth.
Menu : Bien sur, on ne peut pas tout faire. Mais est-ce une bonne chose que Burns soit éditer chez Delcourt plutôt que dans une structure comme lassociation ou Cornélius.... Je ne sais pas. Moi je crois que cest pas une bonne chose pour Burns dêtre édité chez Delcourt. Cornéluis a fait Mazzucchelli et Daniel Clowes....Coupure...
Menu : Oui, ya des degrés là-dedans. Le premier truc, ça a été la collection du Seuil Jeunesse qui est vraiment très proche graphiquement de nos collections, mais en même temps, cest un travail honorable qui est assez proche de ce que nous faisons. Bon, il y a des trucs que je naimes pas, mais cest une bonne collection. la ou ca devient un peu plus gênant cest quand Delcourt ou les Humanos utilisent ce format là pour faire une sorte de ban dessai avec des auteurs pas très au point et payés au rabais. En fait je pense quil se servent de ça pour tester des gens qui feront après des séries. Le problème, cest plus quand ils vont chercher des étrangers, pour se donner une sorte de crédibilité ou de légitimité. Il se sont rendu compte que nous, même si on ne fait aucune démarche vers la presse, on en a plein, on a beaucoup de crédit en fait et un lectorat pointu, et eux, avec leurs séries grand public, ils ont jamais de presse nulle part et ya que des connards qui achètent leurs trucs.
Killofer : Cest normal, leurs produits ne se démarquent pas.
Menu : Je pense que sils le font, ce nest pas du tout pour se faire du fric, cest pour se faire de la crédibilité et avoir de la presse parce quils se rendent compte quon rafle un peu tout ça.Est-ce que ça peut nourrir le développement de ses tendances ?
Menu : Nous, ça nous pousse au cul en tout cas parce quon se dit que si on ne traduit pas untel dans lannée qui vient, ben se sera soit Delcourt, soit les Humanos qui vont le faire.
Trondheim : Non, ya des trucs quils feront Jamais.
Menu : Oui, mais il y a des trucs quils peuvent faire. Par exemple, lalbum de Max lespagnol, Max préférait que ce soit nous, donc on le fait, mais autrement, les autres auraient pu le faire.
David B : Les Humanos auraient pu le faire.
Menu : Jimagine assez bien des gens comme Debbie Dreschler ou Chester Brown chez ses gens là. En fait, au niveau des auteurs, on a toujours plus de crédits que ces éditeurs là. Parce que financièrement, déjà, finalement, cest pas un bon choix daller dans ces collections là. Premièrement, cest sous-payé. Ils donnent plus davances sur les droits dauteurs que nous, parce quils ont de la trésorerie, mais après les droits dauteurs, cest rien du tout.
Lewis : Pour le Seuil, tes payé 5% du prix de vente. 6% moins 1 % de droit de presse. Nous ont fait 10% net, à larrivé cest pareil. Baudoin nous disait : Un bouquin au Seuil ou à lassociation, je touche la même somme.Est-ce que cest intéressant pour un auteur de publier à lAssociation ?
Menu : Financièrement ? Comme je disais, quelquun comme, Baudoin, il reçoit le même genre de royalties. Lavance du début est plus large chez le Seuil par exemple. Forcément ya des gens qui sont tenté, parce quils ont besoin de fric tout de suite, mais au bout du compte, nous au niveau des droits, on paye mieux. Finalement ça séquilibre.
David B : La Collection Tohu-Bohu des Humanos, les gens sont payés 30 000 francs en avance, ca correspond à ce que tu peux toucher sur un tirage de lassociation.
Killofer : Puisquil y a toujours le temps. On vends tout, on ne pilonne pas.
Menu : Les réimpressions, sur les titres difficiles ont attends un peu, sinon, on re-imprime tout de suite. Cest dailleurs une nouveauté pour nous, on commence à re-imprimer beaucoup de titres.