Jade : Cest toi qui a initié le Poulpe ?
Jean
Bernard Pouy :
Jai écrit la bible et je lai immédiatement confrontée à
Serge Quadruppani et Patrick Raynal qui lont un peu modifiée pour
que ce ne soient pas que mes conneries qui apparaissent. Disons quon
a construit le Poulpe en contre. Pourquoi le 11ème arrondissement ?
Parce que cest un arrondissement populaire, cest le seul
où il ny a pas de monument historique à Paris. Pourquoi Cheryl
est blonde et coiffeuse ? Tout le monde me reproche quelle soit
blonde et coiffeuse. Attendez, vous avez quoi contre les blondes tout
à coup et contre les coiffeuses ? "Oui, non, mais ta blondasse
coiffeuse... ". Pourquoi on la mis blonde coiffeuse ? Parce
que Alexandra, qui est la copine de SAS est grande, brune et elle soccupe
dart moderne. Pourquoi le Poulpe répare un avion ? Parce que SAS
répare son château à la frontière du Liechtenstein, alors le Poulpe,
version populaire il répare son zinc pourri dans un truc du Val dOise.
Pourquoi il y a Pedro ? Parce que cest un mythe ringard de la
littérature populaire, il y a toujours un anarchiste espagnol imprimeur
dans les parages, ce qui est facile pour trouver des faux papiers et
des armes, parce que dès quon semmerde à trouver un flingue
ça dure 40 pages, où tas le héros qui fait tous les bars de Pigalle,
on se fait chier. Là il va le voir dans sa péniche, lautre lui
donne des bazookas, des chars dassaut, cest réglé. Pourquoi
la bière ? Parce que le polar cest le whisky, les alcools forts,
Ils sont toujours en train de boire du Jack Daniels ou du Wild
Turkey ou des pinards avec des noms très compliqués et alors là on a
décidé sil y a bien un breuvage populaire cest la bière.
Cétait
quoi ton intention, à la base ?
Cétait faire de la littérature de gare. On connaît bien
le milieu du polar Français qui a une réputation dextrême gauche
depuis 20 ans, et bizarrement dans la littérature populaire, qui est
une littérature que jaime, ça napparaissait pas. Quand
tu regardes de près tu vois SAS, Brigade Mondaine, Lexécuteur,
des trucs qui sont toujours un peu fascisant, à la solde de la CIA.
En France le socle de la littérature populaire a toujours été assez
solide depuis la fin du 19ème. Et là tout à coup cette littérature
populaire nexiste plus, ou assez mal. Il faut faire en sorte
que ce socle ne disparaisse pas et il faut le nourrir, donc on est
tombé sur cet éditeur qui avait envie de se lancer dans laventure,
et on sest dit : quitte à avoir cette espèce dattitude
un peu volontariste, autant samuser, donc on a créé ce personnage
de manière rigolote, inverse. On avait décidé dès le début que ça
serait une auberge espagnole. Cest à dire quil y ait à
chaque fois un auteur différent et surtout une manière de fonctionner
qui admette de jeunes auteurs, des gens qui nont jamais écrit
de romans, qui viennent dailleurs et aussi du volontarisme,
les Bd du Poulpe, qui sont de véritables Bd de gare, ont été des propositions
spontanées.
Quest-ce
qui te plais dans la littérature populaire ?
Jen ai toujours lu. Ce qui me plaît cest que dabord
il y a de très bons livres et je crois -cest un peu une attitude
bizarre- mais je crois que dans la lutte contre lillettrisme
il y a des étapes. Je le vois en LEP par exemple, où les gosses ne
lisent pas, où les profs ont du mal à les faire lire. Commencer par
le polar et par la littérature populaire où ça va vite, où ça parle
du temps, où ça répercute les langages, ceux qui ne lisent pas et
qui ont du mal à lire, souvent se disent : tiens, cest un livre
comme moi, comme les gens que je connais. Il ny a pas le côté
statufiant de la littérature, qui serait un objet détude, là
tout dun coup il y a aussi un plaisir de la lecture qui apparaît,
chez beaucoup délèves. Après ils en lisent un autre, puis un
autre un peu différent, puis ils montent... La littérature populaire
cest un fond incroyable dhistoires et de mythologies.
On ninvente rien, si le Poulpe cest Rouletabille, Alias
cest Fantômas ou Arsène Lupin. On a toujours chié sur la littérature
populaire... Il faut dire que les gens qui ont fait cette littérature
là ont fait des bouquins au moule, calibrés, tu prends SAS ou Harlequin,
avec des grilles denfer, avec des répétitions systématiques
de scènes, avec la pub untel, cest dévoyer les livres, les traiter
comme ça.
Est-ce
quil ny a pas un peu de ça aussi dans le Poulpe ?
Ouais, ouais, je ladmets. Simplement parce quau début
il y avait une idée de cadavre exquis donc tout le monde devait passer
à peu près sous les mêmes fourches. Il y avait cette première scène
du café et puis après laventure commence. On avait mis ces règles
qui sont des règles larges mais que beaucoup dauteurs ont essayé
de modifier ou triturer, dautres qui sont au contraire très
à laise dans le rendez-vous. Alors bon, cest vrai quil
y a maintenant un effet général de ronron. Mais bon ça on ny
peut rien. Il y a quand-même des auteurs qui ont eu énormément de
plaisir à publier leur Poulpe, ce plaisir vient du fait que comme
il y a un cadre très précis ils nont pas eu à se poser de question
comme : quest-ce que jécris ? Comment je mintègre
là-dedans ? Ils ont participé à un jeu, à une bande, et ça cest
positif. On a été, un : emporté par le truc, deux : emporté par le
plaisir quon les gens à écrire. 150 manuscrits davance
cest la folie, on en a jusquen 2004 ! Les effets pervers,
cest quà force il y a une espèce dautomatisme. Mais
bon, je ne dis pas que cest une collection qui réuni James Joyce
et Malcom Lowry, je sais très bien.
Le
côté très répétitif, presque systématique était délibéré du départ
?
Non, parce quau départ on pensait avec les potes et les
premiers volontaires en faire une dizaine. Et ma foi si ces 10 poulpes
avaient existé et si léditeur navait pas perdu dargent
on aurait été très très content... Puis la sauce a pris et là on est
un peu dépassé par les événements. Les auteurs sont libres, donc si
tout le monde a un peu envie de parler de la même chose, lextrême
droite, les sectes, les magouilles politiques, trois grands thèmes
qui reviennent le plus souvent, cest plus un signe des temps
quautre chose... Cest une réalité... Bon, si cétait
la même personne ou un groupe de personnes qui écrivait tout les Poulpes
il y aurait eu une variation dans les thèmes beaucoup plus grande.
Mais depuis le début javais décidé de ne pas refuser de bouquins,
je voulais bien être directeur de collection mais je prenais tous
les bouquins qui arrivaient, à condition que ce soit moi qui les génère.
Je rencontrais généralement les gens, connus ou inconnus, en leur
disant quil y avait un rapport avec eux. Tout était fait un
peu différemment. Je nai pas donné de conseil thématique, un
vague conseil idéologique qui tient au personnage, cest tout.
Et après il faut faire attention quil ny ait pas un ennemi
qui en écrive, cest tout. Ça pourrait arriver dailleurs,
mais pour linstant on y a échappé.
Tu
ne crois pas que le fait quil y a une qualité très irrégulière
puisse jouer contre la collection ?
Oui et non. On me dit : il y a des bouquins mal écrits. Cest
vrai quil y a des disparités très fortes, stylistiquement, mais
je ne voulais pas choisir et barrer des livres, cest pas mon
truc, je suis auteur, je navais pas envie davoir ce rôle
de directeur de collection. Je pense que la lassitude vient plus du
nombre de livres liés au milieu polar, parce que pour linstant
notre public est un public de librairies et qui est grosso modo lié
au polar et à tout ce qui tourne autour. Et puis aux gens de gauche
qui ont voulu prendre ça comme un phénomène de société, plus que littéraire.
Alors ça cest bien, mais ce nest pas notre objet. Au début
on pensait que le Poulpe serait dans les gares, on avait de grandes
idées... Il y est dans les gares, il ny en a que trois ou quatre
volumes... Relais H nous battent froid, cest assez compliqué,
il y a des combines, et puis Hachette ne nous aime pas parce quon
marche sur leurs plates bandes. Cest pour ça que Librio nous
aide, ce quon aimerait cest 150 Poulpes entassés au milieu
des salades dans un centre Leclerc ou un Mammouth. Le champ des supermarchés
est beaucoup plus intéressant et là, peut-être que les lecteurs pourront
découvrir cette littérature populaire.
Comme
dans toute littérature populaire il y a un côté propagandiste...
Oui, au départ on voulait plutôt faire de lagit-prop sous
forme de roman. Aujourdhui on nous tape sur la gueule, on dit
quon est un "catalogue didées jospinistes",
on lassume cest normal, on sy attendait avant même.
Maintenant. Cest les effets pervers du succès et de la jalousie,
pas une jalousie littéraire, ni sensible mais la jalousie des commerciaux,
ils sont passés à côté de 700 000 bouquins, tu vois les mecs fuitttt
(geste que ça leur est passé au-dessus de la tête). Et ceux qui ont
refusé de nous distribuer, genre Sony, Hachette, se rendent comptes
quils ont paumé 600 briques, donc ça, ça les énerve et maintenant
ils essaient de lancer ce genre de trucs.
Cest
assez paradoxal comme succès, parce quil y a une grosse crise
du livre.
Oui, enfin succès... Cest un succès par rapport à un éditeur
qui démarre de zéro et qui dun coup fait 80 bouquins, lance
une collection, accueille Remous pour laider, embauche deux-trois
personnes. On vend une moyenne de 6 à 7 000 bouquins, ce nest
pas des best-sellers non plus. Le gros succès cest quun
éditeur qui est parti de rien vende comme la Série noire. Cest
vrai quInstantanés de polar vend moins, Remous à beaucoup plus
de mal également, mais Remous se situe dans le champ littéraire. Nous
on est en dehors, on sen est sorti à cause de ça... Et léditeur
qui ne veut ni sacheter une Rolls Royce ni bouffer les autres,
lancera autre chose après le Poulpe parce quil nest pas
question quil mette au chômage les trois ou quatre personnes
quil a embauchées. En plus la collection tourne dune autre
manière, cest à dire que moi avec mes 2 % de directeur de collection
théoriquement je serai riche, mais depuis le début ça a toujours été
réservé comme une caisse noire, un truc dintervention lié au
monde de lécrit. Cest comme ça quon publie des livres
datelier décriture, pour faire plaisir aux dix personnes
qui ont écrit le bouquin, on publie des trucs pour les marches européennes,
le DAL, on a aidé à produire un disque, un orchestre de musette avec
le CNL, on va filer un peu de pognon a un groupe de rock qui sont
un peu dans la panade. La collection Tourisme et Polar -ça veut rien
dire- cest des textes que javais dans des tiroirs, un
texte de Jean François Villar, un texte de Michel Lebrun, cest
son dernier, ça aussi cest payé là-dessus. On nest pas
attaquable. Et cest pour ça quon peut se permettre de
déconner.
Cest
assez étonnant de te retrouver, toi qui es quelquun dassez
marginal, à la tête de ça...
Oui, enfin bon. Au début cétait par jeu, mais un jeu sérieux
quand-même, parce quon voulait que ce soit publié, on voulait
des belles couvertures, il y avait un concept. On avait dit à notre
attaché de presse : tu ne tadresses pas au Monde des livres,
au cahier Livres de Libé, mais il a fait un boulot denfer au
début alors peu à peu on sest retrouvé en première ligne. Moi
jétais un peu coincé, parce que je naime pas tellement
la médiatisation, mais comme il fallait défendre la possibilité à
des auteurs de publier, jétais obligé dy aller, et après
il suffit de faire deux ou trois télés et cest parti... Mais
bon, on sest bien marré et puis le milieu du polar est un milieu
qui tourne très fort. Par exemple, on a publié un Poulpe à Hervé Prudon,
depuis il est directeur de collection chez Climats, il cherche dautres
textes, ça circule. Quand je reçois des manuscrits dont je ne sais
pas quoi faire je dispatche. Cest la force du polar depuis 15
ans. Tout le monde dit : renouveau du polar, littérature du réel,
ratata ratata, bien sûr, mais cest surtout un milieu qui est
soudé, qui bouge beaucoup. Il y a des festivals du polar, on va dans
les écoles, dans les prisons, on travaille toujours avec une bibliothèque,
une médiathèque, conférence machin, donc bizarrement on fait notre
public aussi. Jai des lecteurs réguliers, cest des gens
qui suivent patiemment, quon a rencontré, avec qui on a discuté
un peu de ce quon essayait de faire, qui nous connaissent, qui
voient quon nest pas des écrivains, quon est des
auteurs, quon ne se prend pas la tête et quon a le foie
malade parce quà force...
Jusquoù
ira lexpérience du Poulpe ?
Jusquà ce que léditeur commence à paumer du pognon
dessus, cest à dire quand les ventes tombent à moins de 4 000
on arrête. Là on tient jusquen décembre. Le Poulpe sarrêtera
quand il devra sarrêter, on nest pas attaché viscéralement
à ce personnage. Il y a le film qui sort en septembre octobre. Quil
se plante ou ne se plante pas cest pas notre problème.
Est-ce
que la logique populaire du poulpe ne le porterait pas plus vers une
logique de série télé ?
Oui bien sûr mais à la télé tu ne peux pas parler du temps, enfin
tu peux parler de certains objets du temps, mais pas des objets idéologiques.
Tu nas pas encore le droit de parler de 68 à la télé, ils te
le disent. Il y a des trucs qui passent de temps en temps, des références,
mais tu ne peux pas bâtir un récit sur 68. La guerre dAlgérie,
tout juste. Donc il faut compter sur 20-30 ans de retard sur les événements
forts. Bon, effectivement tu peux parler de la drogue, des cités.
Donc on a un malaise. En plus le jeu du Poulpe aurait été la même
chose : à chaque fois des réalisateurs différents, peut-être même
des acteurs différents pour jouer un personnage, parce que chacun
le voit à sa manière. Donc tout ça eux, stop, au secours. Donc le
cinéma sen est emparé. Pas le cinéma dauteur, un gros
cinéma commercial.
Comment
ça sest passé pour le film ?
Avec Raynal on a trouvé lhistoire, il fallait que ce soit
moi -jaime pas ça écrire un scénario- parce que jétais
le seul qui avait lu tous les manuscrits, cétait pour éviter
de prendre une histoire qui a déjà été traitée, puis après cest
Nicloux qui a vraiment fait le scénario et qui la réalisé. Cest
Charles Dassault qui a produit ça, le film a coûté 4 milliards de
centimes, cest le gros truc avec des cargos, des explosions.
Dassault il est intéressé par le personnage, ce quil va essayer
de faire cest un Rambo français : Poulpe I, Poulpe II. Il prend
le personnage et il nous dit : "attendez, vous vous démerdez
pour essayer de vendre entre 5 et 10 000 bouquins, moi il faut que
jintéresse 5 millions de personnes. Donc cest radicalement
différent". Simplement on garantit lappartenance dextrême
gauche, cest pas un discours comme dans les bouquins, cest
deux ou trois scènes, notamment une scène où il traverse un marché
où il y a une candidate dextrême droite genre madame Maigret
qui fait son taf, alors quelle na rien à voir avec lhistoire
et le poulpe prend un seau de sang de buf et il lui verse sur
la tête, il y a des moments comme ça sur lattache du personnage,
mais ils ne jouent pas trop sur le champ libertaire parce que ce qui
les intéresse cest les 14-24 ans.
Et
après le Poulpe ?
Ce qui sest passé avec le succès de cette collection cest
que léditeur à envie de continuer. Il lancera immédiatement
dautres Scuds du genre. On sattaque à la science fiction
et à la littérature rose, avec Velours. On va essayer de faire du
Harlequin, mais pas du sitcom, des vraies histoires modernes, avec
des gens daujourdhui... Pour les interventions quon
fera après, je sais mieux comment procéder, je ne pense plus quil
faut calculer les objets sur la longueur mais plutôt sur une précision,
sur une série de 10 bouquins, en faire un objet complet où là on fera
gaffe quil y ait une cohérence complète dans un projet.
Avec
les mêmes auteurs ?
Non, on va varier un peu. Le premier Velours sera un Fajardie,
une collection damour qui commence avec un Fajardie, cest
très très dur... Et puis il y aura pas mal de journalistes, et jai
aussi trois ou quatre manuscrits dinconnus, dont un très bon,
mais là léditrice veut choisir les bouquins. Un des deux éditeurs
a du mal avec le Poulpe, avec le fonctionnement, ça lui échappe, il
ne comprend pas pourquoi je publie tout. Je lui dis : si on ne publie
pas tout, ça sécroule, cest une collection comme une autre.
Elle ne durera pas éternellement, mais il faut la sortir du champ
normal de lédition et après voir un peu comment réagir autrement.
Pour les Velours ils vont choisir les bouquins, moi je men occupe
pas. Macno, cest moi qui est lancé lidée mais cest
eux qui lisent et sils refusent le manuscrit dun auteur
que je connais je le lirai pour savoir si cest vrai. Je ne fais
pas confiance aux autres lecteurs...
Macno,
la collection de science fiction ne ressemble pas au Poulpe, les romans
ont lair différents les uns des autres...
Il y a un rendez-vous Macno, qui est une entité virtuelle, une
boite à lettres, on ne sait pas trop. Ayerdhal essaie de donner une
explication, mais elle ne sera pas suivie par les auteurs. Les histoires
se passent toutes en 2068. La science fiction, tu ne peux pas barrer
limaginaire des mecs... Ce quon voulait avec Macno, cest
rattraper toute une école de science fiction politique française qui
a un peu disparue. Jean Marc Henning et Michel Jeury nécrivent
plus de science fiction, on aurait bien aimé, comme publier un Peulot,
Brussolo sil se remet à la science fiction. Il y a des types
comme Bernard Blanc, toute la bande à Kesselring, dont on ne sait
pas où ils sont passés, Andrevon qui encore est là. Bernard Blanc
jai réussi à le dénicher, il cultive des fromages dans le Luberon,
il me dit "Ah, jaimerai bien, mais attends, oh, oh !".
Des mecs comme Jean Marc Ligny sont apparus peu après. Mais cest
vrai quil y a toute une école, la grande époque où il y avait
vraiment des auteurs, qui vont pouvoir venir se marrer, donc le truc
cest de les revoir et puis peut-être dadmettre des étrangers.
Spinrad vit à moitié en France, Evangelisti, qui est paraît t-il le
meilleur écrivain de science fiction en Italie, ma téléphoné,
il veut en faire un. Ça commence à bouger. Mizio, lui aussi va en
faire un, cest un jeune auteur, mais de talent, il en a fait
un très bien : "la retraite à trente-cinq ans", cest
terrifiant. Lécolo-mutualisme...
En
même temps les données ont énormément changées, il ny a plus
du tout le côté utopique quil y avait dans les années 70...
Je pense que ça va revenir, mais il faut générer les choses. Pour
linstant le champ littéraire est trop large, donc par exemple
si on lançait notre collection agit-prop on ferait deux bouquins
sur la sécu. Il y en aurait un qui serait le monde atroce des bureaux,
une caricature de reportage du réel et puis il y aurait un bouquin
utopique, avec quelquun qui dise ce que peut être la sécu, un
système de protection. On va tenter de faire des collections plus
pointues et plus rentre dedans avec des textes qui parlent daujourdhui.
Plutôt des textes dintervention que de se renfermer encore dans
le polar. Le champ du polar sest fait sur le vide de la littérature
blanche, le vide dhistoires. Depuis le structuralisme et la
sémiologie, Pfffftt on réduit le champ de la littérature générale
au champ analytique et à celui de la recherche. Celui du conte et
celui de la fiction est resté largement ouvert et la littérature de
genre sest emparée de ça. Ce qui mintéresse cest
de revenir à ce champ du réel, mais qui ne soit pas forcément polar,
il faudrait peut-être trouver un autre nom, mais je crois quil
y a quelque chose à faire. Pour moi, toujours dans la littérature
populaire, parce que je ne suis pas Christian Bourgois. Des bouquins
en gros pas cher, avec des couvertures en couleur, quon va remarquer,
parce que minuit, POL, moi je ne peux pas, cest pas mon champ,
je ny ferai rien et puis cest aussi une manière de samuser.
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