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JadeWeb
chroniques #3 /
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Marcus
Schmickler
Param (A-musik/
import)
Dans
le même temps, refusant les étiquettes sur le revers de ses
chemisettes, en recherche de reconnaissance et enclin à bâtir
de nouvelles structures sonores ou un peu des trois ; voilà
ce qui a concouru à l’établissement de cet album.
Marcus Schmickler a remis en route ce projet sommeillant qui errait dans
les limbes de ses placards, enregistrements glanés et performés
sur une période de quatre ans.
Un album qui rompt avec ses précédentes compositions exécutées
sur A-musik (Wabi Sabi, Sator Rotas) ou sur Mille Plateaux (Pluramon)
tant l’utilisation de l’électronique ou de l’instrumentation classique
post-rock (sur Pluramon) s’efface devant une mise en œuvre électroacoustique
où les ensembles à cordes ou à air dirigent le sens
des morceaux, rythment les mélodies. Un travail néo-classique,
avec une approche quelquefois ultra minimaliste (Atman aurait pu
être composé par Bernhard Günter) voire minimaliste
à la Nyman avec des lentes montées cinématographiques
à la Bernard Herrmann et des passages improvisés où
les hautes fréquences des machines de Schmickler entrent en conciliabule
avec les arpèges stridents des violons. L’approche est sans doute
le reflet de ses nouveaux engagements au sein de la poly formation à
géométrie variable MiMeo où figurent d’éminents
représentants de l’improvisation européenne (Noetinger,
notamment).
Cette orientation va se confirmer lors de sa tournée mondiale (qui
l’amènera jusqu’à Mexico) où Thomas Lehn & Keith
Rowe vont l’accompagner sur une date.
L’album donne une approche profonde de son travail, plus introvertie,
froide et polaire que ses projets principaux, plus aboutie dans un certain
sens aussi. Et de nous laisser porter par l’idée qu’A-musik sera
peut-être le ECM ou le Winter & Winter du millénaire
doucement débuté.
JJ.
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Beautiful
noise
(the apocalypse) (Noise
factory rec / Wave)
Joe
English aime les lentes complaintes mélodiques pleines de quiétude.
À bien des titres, ce recueil de morceaux est un aboutissement.
Un travail de compilation monastique pour ces pièces instrumentales
à filiation ambiante où les groupes se succèdent
avec le même plaisir renouvelé.
Sans être réducteur, l’image de Do Make Say think, proue
involontaire de ce navire, dévoile assez justement l’esprit qui
réside chez noise factory.
Même si DJ Serpent one, Fwark évoluent plus volontiers dans
des confinements abstract breakbeat, leur approche reste toujours mélodique
et d’une certaine façon Pop. Entre dub post-rock, électronica
feutrée et post rock atmosphérique enjoué. Pour les
amateurs de constellation rec et de Méridians plus généralement.
Avec Do make say think, fwark, Paik, Sparrow orange, beef terminal, tom
spacey, Kc accidental, fantastic lovers, etc.
JJ.
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Jérôme
Paressant
braxas
Projekt- "shakti" (Hod / Prikosnovénie
/ La baleine)
Une
fois l’austérité de la pochette digérée, on
est en proie à un léger tremblement. Il est indéniable
que Jérôme Paressant et son Shakti sont d’incontestables révélations.
La profondeur contemplative qui se dégage de la clarinette, les
tourbillons de tablas, les samples et les rythmiques Dub lancinantes évoquent
un monde multimillénaire en perdition, le chant du cygne d’une
civilisation. On devine les compositions à la frontière
du free (lignée Orchestre 33/3), de la " jewish consciousness "
du quatuor Masada, d’ecchymoses industrielles, d’imageries à la
neurosis, d’un scratch total à la david Shea et de l’esprit ECM.
Beau, ample et énergique.
JJ.
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Jerome
Sydenham & Kerri Chandler
Saturday (Ibadan/Discograph )
Kerry
Chandler est souvent dépeint comme l’empereur de la deep-house
ce style qui mêle étroitement rythmique syncopée et
ludique de la house à la funk soul héritée des funky
people records de James Brown (Fred Wesley, Maceo & the Macks, Lyn
Collins, etc.) et d’album comme le Expansion de Lonnie Liston.
Ce Saturday fouille encore plus en profondeur les fondements de
la musique noire, proche d’une musique garage empreinte de rythme transe,
nourri par les vocaux réitératifs de chants africains sur
Koko, de soupçon de musique latine sur Candela et
de groove puissant tiré du jazz, de l’afro beat, du hip hop ou
du R’nB. Comme ci Fela avait vécu à Philadelphie
Un repli sur l’histoire qui donne à l’album des colorations à
la fois très roots (Aro) et une aura de modernité
lascive. Jérôme Sydenham collabore avec ingéniosité
à ce disque, qui sort sur son label Ibadan, dans l’attente d’un
maxi des français de Next Evidence dont l’album verra le jour chez
Blue Note d’ici peu.
JJ.
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Tô
1 (Fissure/ autoprod)
On
reproche trop souvent aux jeunes structures de manquer de maturité
ou de s’affirmer sur des terrils créatifs maintes fois foulés.
Tô, originaire de Poitiers, snobe avec élégance et
savoir-faire les poncifs attribués par convention aux premières
productions. Bien évidemment, le manque de relais locaux quant
à la production improvisée les a obligé à
monter leur label " fissure ". Les voir opérer sur scène
est un régal ; la multitude des instruments mis en œuvre,
les savants agencements, bricolages contribuent à donner un aspect
ludique qui prend au-delà du concert une allure de performances
enfantines, digne d’un Frederic Le Junter… Mais avec l’esprit de Voice
Crack. Des cellules, des tourne-disques préparés, avec des
caténaires bidouillés, des fils qui s’entrecroisent et viennent
déclencher des capteurs et des micros… La musique s’affiche ouvertement
dans une lignée minimaliste avec une ouverture environnementaliste
chère à Francisco Lopez, sensibilités, sensations
de l’existence, petite fêlures sonores, abrasions discrètes.
On notera l’effort apporté à la pochette constituée
de papier de verre (non pas à l’intérieur comme chez Marclay
et Les Dust Breeders).
À l’opposé de la texture rêche de la pochette, la
musique de Tô nous caresse doucement, sans nous heurter.
JJ.
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Tô
2
(fissure/ autoprod)
On
ressent l’application et la méthode avec lesquelles les concepteurs
conçoivent leur musique. Un environnement où les interférences
discrètes et les aspérités sonores, grésillements
des instruments et outils détournés de leur fonction première
se coordonnent pour former une orchestration sensible, discrète
et imprévue. Quatre pièces courtes qui se répandent
sur la surface de l’air comme une onde, par ronds concentriques, élargissant
leur qualité au long des écoutes. On oscille entre des phases
concrètes et de l’expérimentation minimaliste et environnementaliste
qui trouvent écho chez les chercheurs de Touch, ou encore Francisco
Lopez). Une somme de matériaux, droit tirés d’une énumération
à la Prévert : pierres, poudre de grés, bouche
d’aération, xylo, brosse couvercle métallique, téléphone,
argile, bille d’acier soumise au joug de samplers et de vinyls préparés,
capteurs sonores. Très bon.
JJ.
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Playgroup
Number
One (Source/ Source)
Sans
vouer un culte aveugle et démesuré à la touche musicale
(voire vestimentaire) si singulière des années 80, il n’en
demeure pas moins qu’une frange du mainstream de l’époque garde
une grandeur d’âme et une naïveté touchante (Wham, Dead
Or Alive, Erasure (non, pas Erasure), Human League, OMD, etc.).
Avec un physique voué à l’ostracisme de ses congénères,
mais accompagné d’une solide réputation de producteur et
de dénicheur de talent, Trevor Jackson se met enfin en scène
(au travers de Playgroup), après avoir avec humilité projeté
la lumière sur quelques groupes phares (Fridge, Sonovac, Fourtet)
de son label OUTPUT.
Un label fortement ancré dans une vision nostalgique et joyeuse
du patrimoine musical eighties (revisités), où les synthés
" synthent ", la basse " groove ", la voix et les
caisses claires claquent. Playgroup se veut une carte de visite intime,
un panorama amusé des goûts du Trevor Jackson, fruits et
sources des attentes et projets qui ont engendré Number One.
Le principal intéressé décrit d’ailleurs ce disque
comme " un rêve d’adolescence, coincé entre Soft Cell
et Human League, entre le grand public et l’underground ".
Pour ce qui est des morceaux et des intervenants, outre le leader titre
Number one hit ringard et attachant à souhait, le reste
est un joyeux foutraque, à la manière de ce que fût
le Ubber Alles de Gonzales en son temps, allusion pas gratuite
du tout puisqu’il prête son organe sur un morceau en compagnie de
Peaches (entre autres personnalités ; Rowetta, DMX Crew, Kathleen
Hannah, Shinehead, Kc Flight…) Le résultat est tonitruant et exaltant,
on passe du rap à l’électro body aux chœurs masculins pouraves
jusqu’aux ambiances trip hopienne (le très Massive Attackien Pressure).
JJ.
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OHMMIX
V/a
(OHM/ Avatar)
L’acte
de relecture d’un morceau est une rencontre, le croisement d’un travail
achevé et d’une vue en train de se faire. Pour un label tel qu’OHM,
qui milite depuis sa création pour la métamorphose, le télescopage,
le rééchantillonnage et la mutation de tout crin, l’idée
même de remixes est une fin en soi. Elle justifie et développe
les actes et motivations de ces frondeurs sonores.
Une décomposition minutieuse, une interprétation sensitive
et intime des pièces de Radio Folie Culture, C. Migone, P.A. Arcand,
Jocelyn Robert et Bruit TTV auxquels se sont pliés parmi les plus
aventureux réactivateurs de particules et modulateurs sonores de
l’occident.
On retrouvera ainsi le plunderphonics John Oswald, pour un remix de Christophe
Migone (à redécouvrir l’excellent Vex) pour une approche
fine et Scannerienne ; des interprétations sublimes de Martin
Tétrault et Terre Thaemlitz, mais aussi le travail de locaux (Alexandre
St Onge, David Kristian, Diane Labrosse, sans oublier Ralf Wehowsky (qu’on
ne présente plus, ) et son inquiétant Gesichte.
JJ.
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The
Allenko BrotherHood Ensemble
V/a (Comet rec/ Discograph)
L’engouement
suscité par la scène afro beat n’a de cesse de se perpétuer
toujours plus en avant comme les ondes d’un ricochet vont grossissant.
Que ce soit sous forme d’hommage qui tire à la révérence
(Antibalas sur Mo’ Wax), dans un esprit roots et authentique, ou via Femi
Kuti qui tente de ranimer les cendres de son défunt père,
l’afro beat n’a jamais été tant d’actualité. On le
retrouve par le biais du hip-hop, également avec des productions
qui se cherchent des racines au Nigeria ou encore dans la house, qui fatiguée
de ces rythmes binaires et lisses, cherche un peu de relief et de profondeur
dans une rythmique millénaire. C’est le cas de cette compilation,
dirigé par Comet Records, qui a confié à un panel
d’artistes et de formations, le soin de revisiter les rythmiques de Tony
Allen, batteur et inventeur du susnommé afro beat. Une plongée
en eaux troubles dans les rivières du Niger, qui laissera inanimés
ou noyés, c’est selon, nombre des musiciens de cette compilation,
notamment Joachim Lone, le Cinematic Orchestra, Rogall, etc. L’esprit
de l’afro beat est dévoyé, le charisme et la dimension historique
et politique sont passés sous couvert, condamnés au silence
pour en définitive livrer des pièces de house classique,
matinée de Nu jazz anémié.
JJ.
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El
tractor
El
radio (OHM/ Avatar)
Réalisé
en temps réel, ces pièces ont été conçues
à l’occasion d’une session radio (CKIA FM) de l’émission
Excavation sonore. À cheval sur deux médiums, l’un
audio (David Michaud, Fabrice Montal), l’autre vidéo (Boris Firquet),
cet album, indissociable du CD Rom domUSticks IDEOTRONs, donne une idée
de l’autonomie créatrice des compositeurs. Hymne à l’indépendance
sonore, les voix d’inconnus, dont le discours, hors contexte, trouve un
étrange écho au creux de ses sources tantôt concrètes
(bruits d’eaux), tantôt électro-acoustiques, fixent étrangement
notre attention au sein de ce brouillard sonore. Elles viennent se loger
dans le giron de sources multiples, flûte péruvienne, harmonium,
captages radiophoniques, extraits filmographiques, quintet jazz, qui cohabitent
dans un lieu clos avec comme seul facteur commun la déraison et
un sens de la perversion humoristique assez poussé. Les phases
d’expérimentations dures relayent des passages paisibles, qui à
leur tour emboîtent le pas à des apartés oppressants.
Loin d’être sectaire, ces excavations sonores, rehaussées
par la participation de Marc Tremblay, Jocelyn Robert et Martin Meilleur,
brassent un peu du patrimoine mondial, mélangeant délicieusement
passage funky et pièces acousmatiques sans jamais hiérarchiser
les influences. Une cantate échevelée et ubuesque pour qui
aime à se faire surprendre.
JJ.
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Laconique
Pensée
en escalier (/Tripsichord)
Sans
catégorie affirmée, ni conscience de classes (ou de castes)
musicales, Laconique suit le fil de ses intuitions, qu’elles se concrétisent
sous forme d’hésitations ou de brillantes démonstrations.
Une construction musicale qui capte son inspiration dans un rapprochement
des genres, étranges (car souvent considéré, à
tort ou à raison comme deux pôles de la musique contemporaine ;
à comprendre le chant à texte en français et la musique
électronique (variant ici de l’électronica au break beat
lourd sauce Position Chrome)). À rapprocher de Rudolph Burger (Kat
Onoma) avec moins de cohérence sur la longueur de l’album.
Un reproche en valant un autre, cette chronique est loin d’exprimer ou
d’exploiter toutes les richesses de l’album et restera dans cette idée
de concision ouverte à l’écoute. Le tout étant de
savoir si l’on doit monter ou descendre cet escalier.
JJ.
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Chessie
Overnight
(plug research/ import (Efa))
J’ai
toujours aimé les gares. Aucun autre lieu, aucun autre moyen de
transport que le train ne contient en lui une telle charge émotive,
un aller simple pour l’introspection et la méditation. Lieu de
transit et de rencontres, d’attente de l’être aimé et de
destinations, de possibles réflexions, d’aventures fantasmées,
et de hasard, douces torpeurs et mélodies saccadées des
rails.
Stephen Gardner en a sans doute saisi l’essence, la douceur suggérée.
Ce qui pour nous est refuge de poésie et de réflexions vire
pour lui à l’obsédante passion. Qu’on se rappelle les pochettes
de " meet " sur Dropbeat et ses flèches en oppositions,
symbolisant le croisement de deux trains, son Signal series et
son remix de Satie Ca-tie, inspirés par les travaux de Cage
qui dans ces mains devient Katie, références à
la ligne Missouri-Kansas-Texas, allant jusqu’à insuffler dans son
nom l’esprit du rail, Chessie étant la contraction de Chessie System
Railroads, tout converge vers le même thème de transit. En
tous les cas, il œuvre depuis quelques années sur ce thème,
qui semble inépuisable à ses yeux. Si les mélodies
s’arc-boutent sur un panel technique ayant pour ingrédients des
boucles circulaires, des pulsations (souvent calquées sur le rythme
même de la motrice) et des entrelacs de guitare, elle relève
davantage d’une construction poétique abstraite autour du thème
du voyage. " Overnight est une méditation fantomatique
sur l’esthétique d’un parcours ferroviaire nocturne ".
Chaque étape de ce disque évoque, suggère une
phase du convoyage ; passage de tunnel, prise de vitesse, évanescence
des paysages, décélération, arrivée en gare…
Une trame non-narrative des sensations qui nous ont marqués au
fil de nos vacations ? et qui offre des dérives mentales vers
l’œuvre de Kerouac et le panorama sans limite de Morricone, pour ne citer
que les plus évidentes.
Une électronique racée et finement ciselée, jamais
bien éloignée de constructions satienne (Northern maine
junction) et des couches multiples de Labradford et Lorelei. Méditatif
et savant. Très bon.
JJ.
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Coh
Love
uncut (Eskaton/ wave)
Le
lettrage hispanisant, le graphisme suranné, d’une facture surréaliste
(un collage de Max Ernst y figure d’ailleurs) issu de dessins feutrés
et de photos retouchées (Frankie Gothard, Coh, Michael Alig, Max
Ernst les signent) ne doivent pas pour autant nous faire oublier la gravité
liturgique qui émane de ce mini album. Si Ivan Pavlov (COH) nous
avait habitué à plus de considération quant au minimalisme
de ses pièces, on retrouve indubitablement la tension angoissante
de Coil, par le fait de John Balance qui se dévoile sur ce canto
Cuarto.
Non dénué d’un certain humour, Coh s’offre en guise d’ouverture
un entremet de choix, rhabillant un morceau de Soft Cell : My
angel incroyablement cohérent et crédible. Fffetish,
second chant est une divagation électro-industrielle où
la voix de Frankie Gothard vient théâtraliser et humaniser
les rythmiques butoirs de Pavlov.
Un projet pénétrant et dansant qui largue pour un temps
les amarres de la musique cérébrale à laquelle nous
avaient habitué ces chevronnés intervenants de rituels ténébreux.
JJ.
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Fon
Headnlokbuzter
(Werkzeug/ wave)
Les
structures et artistes n’œuvrent jamais par gratuité. Si la nature
a peur du vide, la scène indépendante souffre de ne pouvoir
justifier conceptuellement ou intellectuellement du projet présenté.
Fon n’échappe pas à la règle. L’audition du disque
s’accompagne d’un laïus de rigueur autour de la transformation du
langage en code, de périphrases où il est question d’aires
culturelles soustraites à la gravitation, de fractal symbiotique,
de recherche de nouveau médium et autres affects des processus
d’information. Pour austère que soit l’assise, la musique de Fon
s’écoute avec simplicité et détachement. Faite de
variations analogiques mélodieuses, de petits conciliabules de
polyglottes futuristes, les électrons libres s’entrechoquent dans
un vacarme raffiné, qui m’évoque par moment du Mike Paradinas
(U-Ziq) joué sous l’eau ou du Nocturnal emission nerveux (quelques
détails expérimentaux sertissent cette interprétation).
L’accroche rythmique est sérieuse, le design somptueux (la table
des éléments revisitée par un micro processeur créatif)
et l’auditeur ravi de voir que la musique progresse…
JJ.
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Bhop
Rainey / Greg Kelley
Nmperign
(Selektion/ Métamkine)
" This
is not Religion, this is not a cult, this is not a marketing ploy, it
is simply (but believe me, it really is’nt so simple) a way to
be fully engaged and alive. It is nmperign’s way".
Rester humain, voilà ce que nous suggère ce projet. Par
l’acte d’improvisation, le don de soi sans concession à la musique,
entier, en communiquant, même sous forme de cris, de chuintements,
de borborygmes, mais montrer qu’on existe. Chercher la territorialité
de ses limites, au travers et par le son, lui donner forme artistique
par un acte créateur. Penser et agir par le biais du médium
sonore. Maria Klein qui accompagne et inspire (?) ces 43 minutes d’improvisations
de ces duettistes américains, compare volontiers les champs acoustiques
de cette performance (dans une large mesure concrète) à
un art martial où le corps et l’esprit sont mis dans une mesure
égale à contribution. Par extension, l’auditeur s’impose
une écoute, que certains qualifieront de chaotique, alors qu’elle
se veut ouverte et perméable.
Un album sauvage, qui s’écoute aux forceps, déconstruit
pour les érudits du genre (Métamkine, est-tu là ?).
JJ.
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Eardrum
Side
effects (Leaf/ La baleine)
Effets
collatéraux, vocabulaire tristement d’actualité, empruntent
au jargon militaire pour investir dans l’arène publique ce second
album, faisant suite au déjà classique Last light,
rapidement suivi d’un ep où la crème de l’électronique
et du dub métissé était remixé, soit Freeform,
Monolake, Ashley Beedle, Sofa Surfers.
Cet album peut difficilement être interprété autrement
que comme un hommage à la musique africaine contemporaine, qu’elle
se traduise sous forme de dub, d’afro beat ou de free jazz d'où
les percussions guideraient le rythme.
Recherche de la chaleur des percussions, de leur hypnotique présence,
dirait l’autre, comme un exilé revenu au pays en quête de
ses racines. Une volonté de renouer avec un climat humide et brut
où la musique transcende le corps, pulse le sang dans les veines…
Cependant, il coexiste au sein de cet album une volonté claire
de disséquer ces structures rythmiques, d’en isoler les effets
en studio, lisser l’agressivité de la jungle, lui conférer
un aspect plus urbain.
On pense bien évidemment à Kuti, aux musiques de centre
Afrique du label Ocora, mais aussi au African Head Charge, à God,
Mass ou encore à Quilombo de steroid maximus (side-projet de Jim
Thirlwell).
Lou Ciccotelli et Richard Olatunde Baker ont décidément
largement bifurqué de leurs collaborations passées ( Laika,
Spleen Mass)… Qui s’en plaindra ?
Un album estival, chirurgicale et fiévreux.
JJ.
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Supersilent
5
(Rune Grammofon/ECM)
C’est
les paupières lourdes d’une nuit blanche achevée, fébrilement
rythmée par les heures creuses de l’aube, que Supersilent refait
surface, après un lent travail d’apnée en des lieux nocturnes
et imaginaires.
Cette troisième proposition, constituée de pièces
rapportées de concerts, glanées entre Oslo et le reste de
l’Europe, pour atmosphérique qu’elle soit et paradoxalement plus
intransigeante et exigeante que ses deux précédentes consœurs.
Exigence technique, tout d’abord exposée au fil de l’album, où
la tessiture sonore aura rarement atteint de tels points d’achèvement.
Intransigeance artistique, dans un second temps, fruit d’une collaboration
étroite et riche entre quatre musiciens ou plus probablement entre
trois musiciens issus de la scène improvisée jazz et électro-acoustique
(Storlokken, Vespestad et Henriksen) et un producteur musicien (Helge
Sten, Deathprod) que tout le monde s’accorde à qualifier de génial.
Un travail en profondeur du son, où les passages atmosphériques
de toute beauté trouvent une aura quasi lyrique et où les
textures sombres, bâties autour de particules diverses (batterie
boréale, trompette polaires, filtres du levant, theremin) se chargent
d’amplifier le caractère tantôt inquiétant, tantôt
statique des morceaux.
À la croisée des sentiers entre un roman de Jorn Riel, l’austral
gongamur nunatak de Thomas Köner, le phrasé de Miles
Davis sur Ascenseur pour l’échafaud et cette indicible touche
de Dutch Arbor (No choice rec.).
À n’en pas douter, Supersilent a élu domicile au-delà
du 66°34’ de latitude nord, quitte à vivre six mois d’une nuit
presque totale avec sa musique. Splendide.
JJ.
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Luigi
archetti / Bo Wiget
Low
tide digitals (Rune Gramophon/ ECM)
Low
Tide Digitals est un projet frontal de l’artiste et musicien italien,
Luigi Archetti, résidant suisse depuis trois décennies et
d’un jeune musicien suisse que les errances musicales ont amené,
par le fait de hasards heureux, à croiser la route de Archetti
(par ailleurs ancien membre de la formation psychédélique
ambient Guru guru.).
Cet album édifié autour des instruments du duo, guitare
pour Luigi Archetti, violoncelle pour Bo Wiget, rehaussé de leurs
attraits communs pour l’électronique est une jolie conjoncture
entre des passages acoustiques improvisés et des arrangements électroniques
disposés en nappes. Une musique atmosphérique dont les résonances
abstraites se voient traverser des explorations acoustiques du duo. L’audition
de ces onze variations motive la comparaison avec d’autres compositeurs
dont la musique s’imprègne de près ou de loin avec les attentes
des duettistes. Le panel est large et les sensations multiples on
pense à une interface amie avec Muslimgauze ou Badawi sur les stück
cinq et six alors que les premiers morceaux incitent au parallèle
avec la structure For 4 Ears (notamment la collaboration Müller/Sugimoto,
en moins abrupte, peut-être) ou encore certaines productions de
Sub Rosa par quelques aspects. Les dissonances fantomatiques de Robert
Fripp et Imagho sont tactiles sur le huitième morceau.
Toujours est-il que cet album, œuvre complexe de subtilités et
de sensibilités mêlées, se révèle une
pièce majeure de la musique contemporaine, (une de plus à
porter au diapason de Rune Gramophon). Un album qui n’a pas fini de nourrir
les préoccupations des formations en manque d’inspiration. Splendide
et entêtant.
JJ.
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