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HARRY THOMAS
L'homme qui maquille plus vite que son ombre...

Maquilleur crédité de plus d’une centaine de films, musicien à ses moments perdus, accessoirement peintre et invétéré conteur d’histoires, le plus que sympathique Harry Thomas aura, à travers plus de soixante ans de carrière, laissé l’empreinte d’un artisan débrouillard à l’optimisme dévastateur. Rapide retour sur le plus prolifique des bricoleurs maquilleurs...

C’est au tout début des années trente qu’Harry Thomas démarre sa longue carrière dans l’industrie cinématographique en tant qu’acteur au côtés de Laurel et Hardy. Au fil des mois, ce chiropracteur de formation se rend rapidement compte que ses talents d’acteur sont bien moindres que sa réelle aptitude à travailler vite et bien en tant que maquilleur. C’est ainsi qu’on le retrouve au générique du mythique Casablanca (1942), puis dans The mad monster pour lequel il colle des touffes de poils sur la tronche du non-acteur Glenn Strange. Après un chef-d’œuvre (Macbeth), et quelques crétineries de bon aloi (Test tubes babies, Pin down girls...), il s’attaque avec force à Superman and the mole men (1951), transformant des nains en hommes-taupes aux sourcils démesurés et à la calvitie prononcée.

Glen or Glenda (Ed Wood -1953) lui permet de maquiller un certain égyptien du nom de Captain de Zita (!), le changeant en Diable sans trop de difficulté vu la laideur du bonhomme. On s’attardera aussi sur Cat women on the moon, où il métamorphose une troupe de jeunes filles dodues en félines amazones (quatre bouts de plastiques pour les griffes, des faux cils gargantuesques et des combinaisons moulantes à paillettes noires), The neanderthal man où il crée un babouin à perruque censé figurer un homme des cavernes, et surtout Killers from space (1954) un hilarant nanar où des extraterrestres, comprenez des catcheurs à gros sourcils enveloppés dans des uniformes sombres et dont les yeux sont une balle de ping-pong coupée en deux, décide de conquérir la Terre, mais n’y arrivent pas pour cause de bêtise !

Puis il démarre l’année 1956 avec deux films d’Ed Wood (Bride of the monster et Plan 9 from outer space), transformant la tête de l’énorme Tor Johnson en omelette géante et faisant définitivement passer tous les extraterrestres pour de grandes folles maniérées. On ne sait trop de quelle manière il se retrouve au générique du babylonnesque Les dix commandements en train de maquiller l’imberbe crâne de Yul Brynner, mais tout rentre rapidement dans l’ordre puisqu’il retourne bien vite à des croûtes cinématographiques bien plus intéressantes comme Voodoo woman, The bride and the beast, Night of the ghouls... Pour Frankenstein’s daughter (1958), il maquille la pneumatique Sandra Knight en appareil dentaire sur pattes, et transforme Harry Wilson en steak haché lippu et cicatrisé, il fait de même pour les créatures de She demons, leur collant une crêpe sur la tronche et des dents de vampires, s’amuse à construire une plante géante et carnivore pour The little shop of horrors, et se farcit Frankenstein, le loup-garou et Dracula pour le coquin et cochon House on a bare mountain (1962). On passera largement les dizaines de navets surréalistes des années soixante et soixante-dix, pour finir sur L’âge de cristal (1976) et surtout Les nouvelles aventures de Heïdi (1979) sur lesquels on se demande quels ont été les dégâts causé par le maquilleur. Harry Thomas est mort en 1996, il avait 87 ans et il nous manque déjà.

Pierre-Henri de Castel Pouille

Une interview d'Harry Thomas