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LES
BEACH MOVIES
" Le
soleil débordant qui faisait tressaillir le paysage le rendait
inhumain et déprimant "
(Albert Camus)
" L’été
sera beau, l’été sera chaud
Dans les T-shirts, dans les maillots "
(Eric Charden)
Contrairement
à la tortue, c’est en été que le cerveau hiberne,
ce net ralentissement de l’activité cérébrale
entraînant un renversement total des valeurs, le "dérèglement
de tous les sens" cher à Rimbaud : on trouve succulent
un abominable vin rosé du Var, on couche avec des allemandes
poilues, on mange des merguez rose fluo au goût d’amiante,
on regarde des redifs de best of de bêtisier d’émissions
débiles (au second degré, bien sûr…) un Panach’
à la main en suant comme un phoque échoué sur
un canapé synthétique ou, pire, on attrape SIMULTANEMENT
une tumeur au cerveau et un cancer de la peau en lisant Houellebecq
sur la plage, enduit d’huile solaire à la noix de coco comme
un Bounty géant.
L’été,
situé très intelligemment au milieu de l’année,
est une sorte de mi-temps interminable (de minable intermittence ?)
avant qu’en septembre tout redevienne normal (fini les merguez,
fini les allemandes, à la poubelle ce roman périssable).
Pas vraiment le moment, donc,
pour une rétrospective Dreyer ou Bresson mais plutôt
pour se détendre devant un beach movie. Ainsi nommés
en référence au premier de la série :
Beach party, vite suivi de Muscle
beach party, Bikini beach, Pajama
Party, Beach blanket bingo
et mon préféré How
to stuff a wild bikini (visiblement les scénaristes
avaient une totale liberté quand au choix du titre du moment
qu’il contenait les mots "beach" et/ou "party"). Dans ces films,
Annette
Funicello et Frankie
Avalon (un nom qui m’a toujours laissé songeur et
un peu jaloux, presque autant que Ted Lapidus…) forment le
couple idéal, l’incarnation du Rêve Américain
Climatisé, des Barbie et Ken grandeur nature, beaux, gentils
et propres sur eux, adolescents sains et sans vices (comme tous
les adolescents dans les films et séries télé,
de La fièvre dans le sang à Hélène
et les garçons, ils ont, en fait, une bonne vingtaine
d’années mais vont toujours au lycée, boivent des
lait-fraises et ne se touchent pas…). Ils sont entourés
de leur bande de chouettes copains, tous plus sympas les uns que
les autres, surtout le gros (forcément DROLE puisqu’il est
GROS).
Sous ce ciel sans nuages,
en cet été sans fin, on chante, on danse, on mange
des hamburgers, on nage, on surfe, on tombe amoureux, on se fâche,
on se réconcilie, on chante à nouveau, etc, etc… tout
ça dans un microcosme autarcique, un univers réduit
qui va de la plage à la buvette à la piscine, triangle
des Bermudes dont on ne sort jamais. Un monde merveilleux et idéal,
no man’s land entre l’enfance et l’âge adulte pour des teenagers
trop vieux pour L’île aux enfants et trop jeune pour le Club
Med, une ambiance débilo-scout proche de l’esprit du Club
des cinq… un monde BLANC, immaculé (bien sûr, quelques
années plus tard ces mêmes adolescents se retrouveront
sur une autre plage, mais au Vietnam cette fois, ou partis dans
des paradis artificiels ou votant pour Nixon ou rejoignant la secte
de Charles Manson ou, pire, se vautrant dans la boue de Woodstock…
mais ne gachons pas leur bonheur présent…).
Mais, me direz vous, quel
est donc l’intérêt de ces films pour ceux qui préfèrent
la Nouvelle Vague au surf ? L’attrait de l’exotisme, du kitsch
(aussi irrésistible que l’attrait du vide pour les gens sujets
au vertige), des bandes -son excellentes (Beach boys, Supremes,
Kingsmen, etc…), le charme de l’époque (quand même
autre chose que les années 80 ou l’entre-deux-guerres), la
nostalgie de ce que l’on n’a pas connu (si, si, c’est possible)
sans oublier toutes ces chouettes filles en maillots… cette rousse
incendiaire dans Ghost in the invisible
bikini… Nancy Sinatra ondulant du bassin au bord
de la piscine en chantant Geronimo (dans aucun album !)…
Susan Hart dans sa petite robe en vichy… et les autres, toutes
les autres… fesses légères, ventres plat et poitrines
agressives… des dizaines de poupées Barbie ! Toutes
belles ! Toutes identiques ! Dessinées par Roy
Lichtenstein ! Au bord d’une des piscines de David Hockney !
Dans des décors de Martial Raysse ! Des FILMS POP ART
selon la définition même de Warhol : " regardez
bien la surface car il n’y a rien derrière " !
Ci
dessus deux affiches et la couverture
du roman photo tiré de Horror of beach
party (adaptation par Wallace Wood)
Memphis Shock
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