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JadeWeb
chroniques #6
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LE
CUBE Le bungalow
(bravo
rec !) | mèl
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Pour
paraphraser maladroitement Christian Fennesz, " Rien de plus subtil
qu’un morceau des Beach Boys, (ou des Beatles) dont la simplicité
apparente ne saurait cacher la complexité intrinsèque, à
même de lui donner son caractère universel et atemporel. "
Nul
doute que des titres tels que Jane, My bungalow ou I
know what it’s like to be a gir ne feraient pas mentir le guitariste
autrichien. Ainsi,
rarement cette année, on aura entendu d’aussi douces et subtiles
mélodies, autant de charge émotionnelle arrachée
à la mélancolie de jours brumeux.
Un
concentré d’humilité et de fébrilité, susurré
en anglais avec en écho lointain, des crachins de guitare pop-folk
fébrile. La trame des morceaux ne se révèle pas si
sombre et triste pour autant avec des élans spontanés et
heureux où la voix part en vrille, via quelques effets (The
Choice) On pense à plein de choses belles et intimes et à
rien de catégorique en particulier (Bonnie Prince Billy, Papa M,
etc. !?)
Si
cet album démo est remarquable, c’est avant tout par le choc émotionnel
qu’il suscite en chacun de nous : sa fébrilité, ses
dissonances, ses charmes, ce qu’il laisse deviner de l’histoire dont il
témoigne, les récits qui se transmettent à son sujet…
Autant de petites compositions qui enrichissent notre imaginaire… Un paradoxe
qui réside dans la force évocatrice de ces morceaux dont
l’ossature semble par ailleurs si fragile… Cet album n’est pas une monographie,
ni un recensement exhaustif des sentiments humains, simplement un éclairage
personnel et représentatif d’engagements et de visions intimes,
visions qu’on souhaiterait nôtres.
JJ.
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DIGITALE
LIVE RADIO SESSION Live à Nantes
(Fibbr
2) | mèl |
À
une époque où la surcharge chronique d’émissions
de données nivelle la capacité de compréhension et
d’interprétation de ces information, il convient de s’interroger
et de donner forme à cette saturation indicible et pourtant présente,
traduite autant en ondes, qu’en images qui nous environnent. Voilà
ainsi résumé le postulat de base de cette formation, Nantaise,
constituée de membres de Formanex, et de diverses structures d’improvisations.
Radio
Digitale fouille la matière grise, dévoile des pans
récents de la réflexion musicale actuelle, ici celle de
Sophie Gosselin qui, à l’instar de Paul Virrilio, se questionne
sur l’accélération et la déformation des formes de
communication, la surdensification. Jusqu’où ? Jusqu’au dispositif
de production de l’illusion… Jusqu’à la limite de ce qui donne
sens à l’information, sa compréhension… Logiquement, les
quatre membres abordent cette interprétation par des accumulations
et modulations de signaux électriques Un constat qui prend ici
la forme de compositions semi-improvisées, où l’indice bruit
blanc a un coefficient élevé. On n’est jamais loin des intrusions
du tandem Merzbow / Karkowski, de locataires de chez Mego, ou des démonstrations
de M. Martin sur Ohm/Avatar. L’espace est conformément saturé
selon la volonté des participants qui s’aident ici d’instruments
et d’installations diverses… L’avidité créatrice des quatre
personnalités réunies pour ce live d’apartés sonores
(de gauche à droite : Christophe Havard, Emmanuel Leduc, John
Morin et Julien Ottavi) indique un nouveau cap dans la recherche musicale :
à la fois abstrait et abrasif, uni et fractalisé, apaisé
et en perpétuelle tension.
Une
fois de plus, le label Fibrr continue son exploration minutieuse de la
matière sonore. Après la réinterprétation
d’œuvres de Cornelius Cardew par Formanex (à ne pas confondre avec
Perlonex), le petit label nantais développe sa dentelure sur un
concept percutant et méconnu. Attention les oreilles.
JJ.
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90°
SOUTH Plan for travel
(Ochre
rec)
Alors
même que le nom du groupe est une référence directe
aux coordonnées polaires autant qu’une invitation aux voyages extrêmes,
il serait apparu incongru de ne pas évoquer la découverte,
le dépaysement à l’échelle d’un album.
On
avait pu nourrir nos désirs du premier carnet de route de 90°
South, A distant memory of home, alors comparable à
ces excavations faites dans la glace par les Esquimaux, tout à
la fois porte d’entrée à la lumière vers les fonds
marins et passage du monde liquide au monde terrestre… Une forme géométrique
horizontale, spécifiquement humaine, marque discrète de
culture noyée dans une immensité vouée à la
nature.
Si
le premier album rappelait la solitude des vents fouettant la banquise,
ce second courant d’air chauffe la glace jusqu’à son point de liquéfaction,
état propice à l’apparition de micro phénomènes
(ici des glitchs fugaces et des échos de rythmes). Une musique
plus riche de détails, moins minimale dans ses développements,
comme un subtil prolongement vers l’éveil. On trouve des comparaisons
avec des accords de no-wave ainsi qu’avec quelques potes de label, essentiellement
Avrocar ou Charles Atlas. Splendide.
JJ.
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ULF
LOHMANN Because before
(Kompakt
/ La baleine)
Parmi
les labels allemands qui tirent le plus habilement leur épingle
du jeu, deux noms viennent spontanément à l’esprit :
Gigolo rec, mené d’une poigne d’enfer par DJ Hell et ses frasques
houses tonitruantes et Kompakt dans une tournure plus intellectualisée
et soft mais néanmoins dansante.
Ce
dernier continue son activisme militant, oscillant entre house énergique
et stimulante et champs d’expérimentations du rythme. Ce n’est
d’ailleurs pas pour rien s’ils ont partagé l’affiche de Sub Rosa
(avec Jurgen Paape, Dettinger, Thomas Mayer, etc.).
Ulf
Lohmann est un intervenant précieux de la scène berlinoise…
Ses effets de styles et ses tours d’illusionnisme ont déjà
marqué son pays. Entre child-out lascive et bidouille pop électronica
claudicante proche d’Oval et de Plaid.
JJ.
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PYLONE
s/t
(Trypow
rec) | mel |
Avec
une allure à faire passer un prêcheur du temple solaire pour
un eurocrate constipé, Pylone de son vrai nom Stéphane
Lecointe s’adonne, une fois le temps de son labeur achevé (il est
opérateur pour une société de minitel rose, ça
ne s’invente pas !) à ses deux vices intimes : la collection
de vieux synthétiseurs (du Moog au Korg en passant par le Bontempi)
et dans un prolongement logique, à la musique que ses petits amis
génèrent. Des compositions choyées, nourries de références,
qui de David Toop à Brian Eno, en passant par Taxi Girl, Jean Jacques
Perrey et Kraftwerk embrassent toute l’histoire de la musique analogique
avec une sympathie à l’œuvre pour sa filiation ambiante. Trois
titres savamment dosés, dont le premier, exotique à souhait
aurait du figurer au générique de Capitaine Flam ou parmi
quelques standards instrumentaux de Stevie Wonder (et non pas Wevie Stonder !).
La petite histoire ne nous dit pas si ce nom de scène (Pylone)
fait référence aux pantalons cintrés de l’artiste.
Trois titres euphorisants, qui tiennent volontiers la route au long de
ce quart d’heure d’atmosphérique lounge music.
Un
petit patte d’éph’ pour l’homme , mais un grand écart facial
pour l’humanité.
JJ.
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TOMMY
GUERRERO Junk collector
(Mo
Wax/Source)
Tommy
Guerrero avait soudoyé l’an passé notre volonté
à ses rythmes chaloupés et feutrés, travaux délicats
et chauds. Acclamé par la critique et le public, il reprend du
service à l’occasion de ce Junk collector (également
décliné en format vinyl sous format light).
Entrepreneur
au nez fin et à la jambe tatouée au sein de Skateboard real
(avec Jim Thibaud) , également membre de la légendaire Bones
Brigade, il a porté son dévolu sur la musique depuis son
plus jeune âge (on l’a vu au côté de DOA et des Bad
Brains), une culture punk DIY de laquelle il aura gardé un esprit
d’ouverture et de bricolage, éléments présents à
différents degrés dans sa musique.
Cinq
titres où figurent trois enregistrements récents, un remix
de Numb millenium par le discret mais prolifique Johnny Herdon
(Tortoise/Isotope 217), ainsi qu’une rareté Seasick, disponible
uniquement via l’import, du moins jusqu’à présent.
Cinq
titres sur fond d’airwalk et de figures stylisées proche de Cure
(certaines mélodies) et d’abstract hip-hop instrumental et nostalgique.
Le graphisme est assuré par Mark " the Gonz " Gonzales.
Des morceaux plus dépouillés, exploitant davantage sa culture
de la rue que ses héritages mexicains (ostensible sur son premier
album) et qui donnent un ton encore plus attachants, parce que complémentaire
à ces cinq compositions . Certainement le meilleur représentant
de chez Mo Wax.
JJ.
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ANTI-POP
CONSORTIUM The end against the middle
(Warp
/ Source)
APC
continue son travail de démystification et de mise à bas
des masques de l’industrie du rap. Des frondeurs hip-hop qui ne se revendiquent
comme seules influences que la culture hip-hop, le G-Funk des early eighties,
la poésie urbaine de Gil Scott Heron et de Slam.
Des
prises de positions musclées, seuls ou en compagnie de leur comparse
Mick Ladd (et leurs albums sur Big dada) pour des compositions évidentes
par leur sincérité et tranchantes d’efficacité (que
ce soit sur scène ou sur album).
Cette
formation, née des cendres de divers groupes, a émergé
courant 97, avec comme maître de cérémonie E. Blaze
et sa chorale démoniaque composée de Priest, Beans et M
Sayyid. Trois timbres de voix complémentaires et un même
amour des mots et de la rime assassine.
Des
rythmes et des synapses qui prennent la tangente sur Tuff song,
déflagration de cuivres sur Dystopian disco force et sérénité
gutturale sur Splinter ou Perpendicular.
Sept
titres qui font une postface magnifique et intransigeante à Tragic
epilogue, ainsi qu’un manuel de guerre pacifique et éclairé
à l’encontre des fossoyeurs du rap. Ends against the middle !!!!
Une
signature Warp qui décoiffe sévèrement…
JJ.
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CYLOB
Drum the bass
(Rephlex/La
baleine)
Alors
même que Rephlex met à l’honneur les petits robots déjantés
et musicaux de Pierre Bastien, nous arrive avec un temps d’écart
le nouveau Cylob.
L’évolution
de Cylob suit le parcours d’autres jeunes esthètes du label tel
que DMX crew. Ainsi, il lui suffit de trois titres pour revisiter l’histoire
de l’électronique de ces 20 dernières années, incorporant
une syncope et un savoir faire actuel. Moins classiquement électronique
que l’excellent Lobster Tracks, Cut the Midrange, drum the bass
plus kitch et décalé voit se développer l’utilisation
du vocodeur, qui bien que présent, l’est nettement moins que chez
son confrère. L’agressivité des nappes, moins incisives,
plus veloutées temporise l’intensité et la propagation dans
l’espace de ses morceaux. Entre les compositions d’Alexei Shulgin (386
DX), certains protégés d’output et le Rock it d’Herbie
Hancock en ligne de mire. On est une nouvelle fois sous le charme, mais
pour des raisons autrement différentes.
JJ.
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ESSA
Detritus humanitus
(relaps
/ La baleine)
L’Angleterre,
d’où résonnaient assez peu de choses originales en house/électro
ces derniers temps vient punir avec vivacité ce manque de confiance
qu’on lui accordait par l’intermédiaire d’Essa, groupe plus
que structure, où évoluent dans un fourre-tout royal, les
divers courants et cultures de la Grande Bretagne-punk : trip-hop,
free-jazz house et électro habile s’imbriquent et se bousculent
avec une élégance rare.
Si
l’idée de melting pot sonore existe, il a sans doute pris les traits
de titres tels que Big daddy’s flax (résurgence incandescente
d’un Third Eye Fondation 70’). Inclassable par définition, Essa
évite les travers de chaque style, ponctuant cet album de touches
mélodiques à la Röyskopp matinées de Wagon Crist
(I am lonely) de house-funky (Magneto essa) de voix chaudes
et féminines (Horse on a motorway) leur terrains de jeux.
Plusieurs hits en puissance sur ce disque irrévérencieux
aux styles et pourtant fédérateur. (Funkier than a mosquito…,
I am lonely…). Entêtant.
JJ.
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DIAGONALE
STABLE (Savoir-Faire 53)
OSAKA
THREE ORCHESTRA (Savoir-faire 53)
Petite musique de Chambre V/a (Savoir faire 53)
Bien que les acteurs musicaux de ces deux structures (Diagonal
Stable, Osaka Three Orchestra) interfèrent chacun à
des degrés divers dans le rayon d’action de l’autre (Benoit Richaud,
Cyrille Lanoé, Guillaume Poignard), on est bien en présence
de deux formations autonomes. En un sens, chaque rencontre, parce qu’elle
se veut une alchimie fragile de pensées, de manière d’agir
et de faire, se trouve être un témoignage unique et donne
sens à une dénomination distincte : Osaka 3 orchestra,
puis Diagonale Stable explorent tout à tour une dimension particulière
de la musique, de l’électro-acoustique au minimalisme, du free
post-rock à la noise.
Un panel de sons, de mise en forme, dont le dénominateur commun
est l’accident, non pas perçu dans sa dimension néfaste
ou sombre mais comme source d’imprévu, d’interrogations (sur la
suite des événements).
Que l’on fasse état des doux penchant d’Osaka Three Orchestra
pour les improvisations raisonnées et les nappes évolutives,
où la composition ressurgit par instant comme chez This Heat ou
Bastard ; ou Diagonal Stable pour sa gamme de partitions électro-acoustiques
fécondes et sinusoïdales, odes contemplatives dédiées
à la surface lunaire… Magie de la composition, ce sont presque
les mêmes instruments/objets employés (si ce n’est la batterie)
dans le cadre des deux démonstrations, (guitare préparée,
bandes, ajouts divers). L’occasion de se rappeler qu’Alec Empire, celui
de DHR et Bernhard Günter utilisent quasiment le même matériel…
À ces débuts portés à l’avant-garde de la
scène noise HXC hexagonale, Savoir Faire 53,label Nantais a progressivement
fait glisser son champs d’investigations vers la musique électroacoustique/improvisée.
Pour rares et pour artisanales (au sens noble du terme) qu’elles soient,
les prestations qu’il délivre gagnent en intérêt et
en aplomb à mesure des sorties. Petites musique de chambre,
salle d’écho des productions du label nous renseigne plus en avant
sur les évolutions notables, changements de direction survenus.
On y retrouve, outre les deux formations pré-citées Worldsucks,
Ian (projet solo de Benoit Richard), + fragment of Jazz9 et Imp m ulm.
JJ.
PS : À noter la participation de
Diagonale Stable à des concerts en compagnie de Scott Rosemberg,
L’oreille électronique, Toy Bizarre, Pierre Redon et dernièrement
God Speed You Black Emperor (Osaka 3 orchestra)… et ce n’est qu’un début…
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RUBIN
STEINER Sasha ep
(BMG
/ RCA)
Préférant
l’Amérique du Sud d’Arto Lindsay et de Caetano Velosso, d’Octavio
Paz et de Pablo Neruda à celle de Pinochet ou de Noriega, Rubin
Steiner, apatride de cœur, par soif de dépaysement et de métissage,
a choisi l’exil mélodique à la stagnation rythmique. Un
pas de deux et le voilà revenu, par l’entremise d’un 45 t sur les
pistes de la bossa nova, traquant le rythme jusque dans les recoins encore
vierges d’humanité des forêts sempervirentes. Un air nostalgique,
faussement rétro, filtrant d’une fenêtre entrebâillée
de Buenos Aires sur lequel progressivement viennent se superposer des
rythmes francs et feutrés, voilà la nouvelle production
du jeune homme. Plus vengeresse que jamais, la face B, boucles d’instruments
lourds d’histoires syncopées à souhait nous fera nous trémousser
joyeusement en attendant le bel album qui verra le jour fin mars. (Hasta
siempre la salida del 33 touros de Rubin).
JJ.
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HUGO
ROUSSEL Jr / Norman D. MAYER Rock’n roll motherfucker
(Pricilia)
La
mise en espace sonore de miniatures musicales passe nécessairement
par leur amplification. Des petites pièces blanches, cristallines,
quasi translucides, qui laissent deviner par transparence les intentions
de ses concepteurs, et dont les clôtures se confondent en un jeu
d’échange minimaliste avec le souffle (pourtant discret) de l’auditeur.
Une économie d’action et de mouvement, doublée d’une relation
intimiste aux sonorités " provoquées ", qui évoque
autant la quiétude chère au label Trente Oiseaux que le
panache de hautes fréquences de chez Touch ou Ash.int (le mimétisme
de Rioji Ikeda)
La
mise en parallèle avec leurs précédentes compositions
laisse entrevoir des évolutions notables : Le jeu de guitare
préparé, quoique plus fouillé, et dispensé
de manière plus prosaïque, directement à la gueule
de l’auditeur, sans ambages, pourrait-on dire… La volonté de provoquer
des accidents computérisés et autres grésillements
aigus met la présence du micro à nu, le tout figuré
avec une application contenue. Exigeant et expérimental.
JJ.
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LIQUID
SPHÈRE Gizya
(LSI)
Alors même que Shambala rec. donnait corps, il y a de cela deux
ans, à la première œuvre de Liquid Sphère,
entité adepte de tournures expérimentales et de formes longues,
dévolues à un registre dark ambiant ; les errances
de Laurent Guerrier avaient déjà pris la forme, dans les
actes, d’un désir de saisir la chaleur et le mystère des
sociétés du sud et de l’est de la Méditerranée.
De cette époque, il ramène des bandes, enregistrées
sur le vif, en divers lieux de la Tunisie et de l’Iran. S’en suit alors
un lent travail de maturation, une prise de conscience progressive du
sens qu’il souhaite donner à ces empreintes, à ces bribes
de vie arrachées.
Un sacerdoce d’ethnologue, qui tient lieu en vingt-et-un témoignages
(retouchés), tour à tour, urbain, cosmopolite, rafraîchissant,
désertique, déjà dévoilés pour partie
sur la compilation RAF d’" Ambient Aero Jam & Loop BBQ ".
Des climats pesants, où la graisse des machines (l’héritage
de musique industrielle) vient se confondre et se diluer avec les couleurs
et teintures orientales, du bleu nuit à l’ocre doré. Un
travail de mélange de modernité savamment dosée et
de rythmes orientaux entêtants et dénaturés pour des
morceaux âpres, répétitifs à la périphérie
des recherches qui ont fait la renommée de Muslingauze (mais qui
d’autre que Bryan Jones a davantage exploré cette musique ?!)
ou encore de Phil Von et les Gnawa musiciens de Fès. Une exploration
fine et délicate, pareille à du moucharabieh, préservant
l’intimité de l’intérieur et offrant une vue filtrée
sur l’extérieur.
JJ.
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PARTICUL
SYSTEM Denis Locar’Song
(Particul
System / Sugar & Spice)
Synthèse
heureuse de la théorie quantique, Particul System se veut
humble dans ses intentions (la particule) et universel dans ses effets
(le système).
Un label qui se fait un devoir de privilégier l’instinct musical
et l’amitié, quitte à dérouter un peu l’auditeur,
quitte à faire valser les étiquettes plus que de raison,
proposant tour à tour un post-rock atmosphérique de toute
beauté (Rroselicoeur), de lo-fi urbaine pleine de classe (Supersoft
[14-18]) ou de chansons à textes poétiques et décalées
(Le Népalais).
Aussi insaisissable que les serpents de la mythologie, le label porte
cette fois son dévolu sur Lo-fi barrée à quatre franc
six sous, en la présence de Denis Locar, par ailleurs membre de
Rroselicoeur… un garçon dont les angoisses surréalistes
ne semblent pas trouver de limites. Désordre ultime de l’intérieur,
zapping total (de Columbo à Amicalement Vôtre) folie du recyclage
(Locar’s phone), mixes improbables (synthèse de disques de chasses
à cour et des chanteurs d’opérettes !), conversations
téléphoniques déviantes, déclinaisons lo-fi
crades et jouissives (Venus 4), électro de comptoir, slow hors
péremption, humanité d’une particule, celle de Denis Locar…
(ou comment nous aurions souhaité que Beck évolue…). Délicieusement
bordélique.
JJ.
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JONATHAN
COE 9 th & 13 th
(Tricatel
/ Wagram)
Tricatel
a coutume de traverser les sphères, détournant les modes
traditionnels d’expression à des fins étranges… Une transgression
des genres qui passe par le détournement des média d’expressions:
Houellbecq poussant la chansonnette ; Valérie Lemercier entonnant
ces délicieux textes acides… L’acteur devient musicien, le poète
et l’écrivain se font interprètes. Une pratique qui est
en un sens une remise au goût du jour davantage qu’une invention
(le music hall, Yves Montand, Boris Vian…).
9
th & 13th est le prolongement existant et logique de cette idée…
Composer la bande originale d’un livre, en décomposant en autant
de titres qu’il existe d’atmosphères le fil de l’ouvrage. Un livre
d’autant plus évident à illustrer d’images sonores, qu’il
traite des errances d’un pianiste solitaire. Des passages de jazz fumeux,
des arrangements de cordes voluptueux sertissent des spoken words où
les narrateurs (Louis et Danny) s’échappent de leur peau de lecteur
pour endosser celle, un peu moins statique du conteur.
Une
relation musicien/écrivain qui frise la mise en abîme, puisque
Jonathan Coe se sert des paroles/textes/poèmes anciens de
Louis Philippe, qu’il intègre à son roman et que ce premier
remet en musique derrière. ( ?!?)
L’ambiance
générale de l’album, son cadre confiné, s’offre une
promiscuité artistique de luxe avec les spoken words de Jack Kerouac
(accompagné de Steve Hallen, Al Cohn) sur la splendide trilogie
parue chez Rykodisc/world beat.
Au
demeurant un grand écrivain, il nous est à présent
donné d’envisager Jonathan Coe comme un instigateur de tout premier
ordre. Loués soient Louis Philippe et Daniel Mammer d’avoir mis
ce livre en partition.
JJ.
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SYMPHONY
Do not kiss
(Tricatel
/ Wagram)
Ce
qui me fait estimer Bertrand Burgalat et ses productions, c’est la certitude
intime, que né trente ans plus tôt, il aurait produit les
chefs-d’œuvre du tandem Demy/Legrand (Peau d’âne, Les
demoiselles de Rochefort, Les parapluies de Cherbourg) sans
aucune once d’hésitation, sorti Jean Jacques Perrey de l’anonymat
et fait d’Esquivel son pygmalion.
Pour
autant, même si une frange de la musique passée occupe (pour
partie) ses pensées, il n’en demeure pas moins tourné vers
l’avenir. En forçant la comparaison, c’est un peu le choix du couturier
remettant en lumière des savoir-faire et des matériaux hérités
d’hier. Symphony conforte ce point de vue, à l’occasion
de la sortie de ce Do Not Kiss. Sans parler ni de prodige, ni de
virtuosité de la grammaire musicale, Patrice Casali et Alain Berbier
conjuguent sur près de onze titres de musique de supermarché
d’une grande beauté -un easy listening compact et cadencé-
un sans faute, mêlant rythme, ingéniosité, samples
décalés et effets prometteurs. Certes, ce n’est pas du Gorecki,
ni même du Part, mais on sent là, bien ancrée, la
conviction que l’hédonisme est la seule voie qui vaillent la peine
d’être arpentée. Des compositions au demeurant sages, mais
qui obsèdent notre cerveau et intiment à nos jambes de fléchir…
Plaisir des sens… Un grand moment…
JJ.
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CONSOLE
Live in Beaubourg
(Payola
/ import)
Comme
pour nous faire oublier le malheur que nous subissons chaque jour à
ne pas être parisien (Je suis à 5 min de mon boulot, mon
bureau donne sur l’île d’Aix… Dois-je me plaindre ?!), Payola,
sort un live de son petit protégé, Martin Greytschman, aussi
connu comme le second souffle de The Notwist. Un Allemand qui a vite compris
qu’avoir Kraftwerk, Neu ! et Einturdzen Neubaten dans son patrimoine
culturel impliquait un devoir de pérennisation et de mémoire.
Pour le coup, on est pas mal surpris, et ce, dès l’intro, puisqu’il
n’hésite pas à faire appel aux oiseaux comme interlocuteurs
privilégiés, quitte à nous faire penser à
Francisco Lopez ou à un Olivier Messiaen des temps modernes. Cette
bulle de nature se fait progressivement phagocyter par les incursions
analogiques feutrées de l’allemand, qui par osmose garde des qualités
" naturelles " jusqu’au terme de l’album. Sans chercher trop
d’accointances, ça évoque par à coup, les travaux
d’Oval sur Szenariodisk sauf que Martin ne recherche pas l’accident.
JJ.
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