POLEME
> A mi-chemin entre la revue de poésie et le livre d'art (photo, collage,dessin, gravure) le polème renaît de ses cendres, avec sa première apparition imprimée; soit les polémistes picaros et une quinzaine d'invités réunis pour une synthèse de différents possibles. Affilié à la structure musicale PARTYCUL SYSTEM et à ses membres, cette petite parution sérigraphiée nous réconcilie avec la beauté d'un monde sans pesanteur économique. Petit tour de revue en compagnie de Sharl Hot Ganache, directeur de publication attachant.




 

INTERVIEW


Quelques grains de polèmes

 

Jadeweb : Une petite genèse de la revue Le Polème ? Quelles motivations ont concouru à sa création ?
Sharl Hot Ganache : Layo (par ailleurs chanteur dans le duo LW, formé avec John Marron / violoncelle) m’a proposé de fonder avec lui et deux autres une revue de poésie. Le premier numéro est sorti en janvier 2000. Les motivations étaient de présenter des textes contemporains, de diffuser un peu nos écrits, de pouvoir accueillir parfois un invité, de faire une revue en groupe (c'est-à-dire dans le choix des thèmes, des orientations, des sélections, des invités, de la diffusion), de faire quelque chose de régulier (il y a eu 10 numéros de cette première série, en trois ans) que les gens attendaient, et de proposer quelque chose de gratuit à 1000 exemplaires (ce qui incitaient beaucoup de gens n’ayant pas accès naturellement à la poésie à prendre un Polème et le lire, et pour finir son côté véhiculaire et non précieux (comme un magazine qu’on lit un peu partout et qu’on n’hésite pas à refiler à d’autres).
L’orientation a été toute autre pour la création de la seconde série, nous avions envie de changer, d’augmenter les possibilités techniques, de faire rentrer le Polème dans le catalogue du label et donc de proposer un objet… et on a vendu le Polème !

Arrives-tu à concilier passion de la poésie et ferveur de la musique ?
Oui facilement. La poésie m’a vite amenée à la musique et l’une et l’autre ont toujours évoluées en relais et en reflets, c'est-à-dire directement ou indirectement complémentaires l’une de l’autre.

Les projets dans lesquels tu évolues semblent distincts même si récemment, autour d’un de tes side-projets Breezy Temple, il me semble, il était question de  poésie ?
Nous nous sommes essayés aux débuts de Rroselicoeur à de la voix (à partir de mes textes), mais notre évolution nous portait inéluctablement vers la musique "instrumentale".
La seconde tentative (pour ma part) de croisement poésie/musique est bien Breezy Temple (mais là avec des textes d’auteurs anglo-saxons) et dans une perspective de "chanson".
La troisième est l’accompagnement sonore que j’aime faire pour des lectures  (de mon camarade Layo ou d’autres). Là encore c’est très particulier, la musique étant sensitive et la lecture plus mentale, c’est un chemin de crêtes…
Et le 4e n’existe pas mais j’y pense, il s’agirait de travailler à un disque. Je réfléchis simplement à savoir si cela serait plutôt du domaine d’un numéro de ‘Polème auditif’ ou bien d’une nouvelle série du label consacrée, à l’inverse des champs du Cyclotron pour les musiques instrumentales, aux lectures, à la voix, au texte sonore et ou la musique pourrait apparaître en second plan…

Petite parenthèse. Comment évolue le Label PS ?
Comme tout les ensembles ou mini ensembles, Partycul System vit au rythme de sa direction. Je suis seul depuis l’année passée, cela n’a pas changé le cap, que j’assumais déjà avant. C’est Rroselicoeur qui nous fédérait et nous avons mis le projet en stand-by après notre 3è album et la tournée de mars-avril. Nous restons en contact mais chacun voulait se libérer du temps pour quelques activités rentables, les Partyculiers comme les autres ne vivant pas uniquement d’amour et d’eau fraîche… MissMoon s’est également retirée de la direction, mais elle continue à conseiller et aider régulièrement. Nous n’avons pas, par volonté, de principe simple et unificateur, bien au contraire nous sommes en permanence dans l’écartèlement entre des sensibilités et des choix (de la poésie à la musique intrumentale), c’est passionnant mais c’est aussi parfois une difficulté supplémentaire.
La nébuleuse vit toujours, et j’essaie de relier les fils invisibles. Les sonorama (soirées musique et poésie) sont apparus. Nous avons sortis la saison passée Guinea pig (maintenant Optophone), Le Polème #1,  Breezy Temple, puis le Twin Powers #2 cet été… et nous venons tout juste de recevoir les digipack de navel, des génies du rock planant venant de Stuttgart (les premiers Partyculiers germaniques).

Les Prochaines Sorties envisagé ?
La prochaine sortie sera un recueil de Layo (poésie), ce sera la première fois et c’est assez passionnant de travailler sur ça, et hélas pour la suite… tout est aussi incertain que mon interdit bancaire est proche.

Y-a t’il dans le projet Polème, une démarche délibérée de démocratisation de la poésie ?
Disons que c’est quelque chose qui nous touche mais je n’aime pas trop ce mot.
La première version du Polème était clairement dans cette optique. La seconde, étant vendue et tirée à seulement 350 exemplaires, nous savons que ce sont essentiellement les aficionados des livres d’art et des revues poétiques qui les liront…
Les soirées sonorama sont réalisées dans un état d’esprit de transversalité assez simple, le rock et la poésie étant à bien des niveaux des expressions jumelles.
La démocratisation est le fait de « mettre à la porté de tout le monde », c’est pourquoi je n’aime pas ce mot car s’il n’est pas manié avec précaution, il est trop généraliste ou démagogique… et risque d’être confondu avec l’universalité, surtout concernant une goutte d’eau comme Partycul System.

Le nom de la revue se résume à un pied de nez amusé ?
A peu près. C’est Pierre Desproges qui parlait de "polésie" et cela a inspiré à Layo Le polème. "Polem" c’est aussi "la guerre" en grec, et Athènes la fameuse patrie où l’on pouvait être général et élu municipal. Alors pour dire que le combat continue et plutôt que de m’appeler Che Ganacho, nous avons choisi avec Layo de revêtir les fonctions de polémarques chefs de guerre, qui étaient autrefois les grands archontes de la cité et ma foi aujourd’hui de modestes citoyens, les gens sont devenus prudents !

"Polème, revue de polèsie" Y-avait-il pour toi nécessité de dédramatiser le caractère solennel d’une frange de la poésie contemporaine ?
Il y aurait tant à dire…

La revue est-elle un clin d’œil au courant contemporain de la poésie, depuis le mouvement Cobra en passant par les mouvances de la poésie Action (Chopin, Heidsieck,  Pey…), ou êtes-vous plus largement influencés par des mouvements artistiques et littéraires contemporains (Le lettrisme, le Beat, Fluxus, l’arte povera…) ? Vous reconnaissez vous une paternité à ses courants ? Dans quelle mesure ont-il influencé votre démarche ?
Pas d’école, des coups de pioche où l’on peut. Tous ces courants (beat, fluxus, arte povera, land art) ont plus ou moins une paternité dans le sens où ils nous précèdent et qu’ils ont atteint une notoriété qui s’étend par ramifications successives. Comme beaucoup de monde (y compris les lettristes et les situationnistes qui en viennent directement) nous avons grandit en connaissant le surréalisme, ET PUIS DADA  (quand même !). Il y a aussi les phares plus anciens comme Baudelaire ou Laforgue et les colonnes d’hercule de l’écrit que sont les textes de Rimbaud. Le mouvement du Grand Jeu (Gilbert-Lecomte & co) est pour nous une référence, au niveau de la recherche aussi exigeante qu’évolutive que peut mener un groupe. Et puis il y a des dizaines de personnalités solitaires ou plus ou moins liées à des groupes, des mouvements historiques ou sociaux… Le vingtième siècle regorge de poètes, Eluard est majeur ainsi que Apollinaire, Prévert, Vian, Tzara, Maïakovski ou Breton, mais il y en a tellement… !

Le format Pdf sur Cd-rom pour la promotion à quelque chose d’éminemment esthétique et ludique. N’est-il pas, selon toi un support original à la diffusion de la revue ?
Nous n’avons utilisé ce support que pour une partie des envois promos, pour économiser du port et surtout parce qu’on n’avait tiré qu’à 350 numéros la revue sur support original. Mais au vu de la plupart des réactions, je pense que c’est trop original. Pour ma part, je trouve ça changeant de pouvoir véhiculer le contenu d’un livre sur un CD;  notre rapport s’en trouve modifié et cela nous rapproche d’un objet multimédia image-texte-son où certains vont commencer à s’aventurer, en concevant un peu d’interactivité, et s’adressant essentiellement à un visionnage/écoute par lecteur DVD + écran télé (plus liés à la détente) et non plus sur des ordinateurs de travail. Mais nous préférons pour l’instant garder à ce petit objet (que je trouve esthétique) un rôle de complément au support papier.

Pas exclusivement dédié à la littérature poétique, la revue accorde une large tribune aux arts graphiques pris au sens large (Photos/dessin/ graphisme) Y-a t’il un fil conducteur entre ses travaux au fil des numéros, des thématiques particulières ? ou simplement l’expression libre d’un collectif d’artistes ?
Nous sélectionnons (Layo et moi) des gens dont nous apprécions le travail en leur proposant de participer librement, et on choisit selon ce qu’ils rendent ce qui apparaît dans le livre. Bien sûr une large place est faite aux Partyculiers, dont certains sont aussi dans des projets musicaux. Mais cela déborde, et nous marchons sur le système des rencontres par réseau. Nous avons par exemple commandé une histoire à base de capture d’images vidéo à Christophe Acker (déjà présent sur le N° 7 de la première série en tant que dessinateur), pour contraster la présence assez forte des photos. Nous avons eu aussi envie d’un thème (Derrière les rideaux) en proposant à tout le monde le choix de le travailler ou pas.


Quels poètes ont ta préférence ? Tu es davantage influencé par la poésie classique, Latine, Russe, Anglo-saxonne, Française ?
Je n’ai aucune préférence de style. J’ai été bercé depuis toujours par la poésie française, mais j’ai découvert des poètes anglo-saxons depuis que l’on travaille sur Breezy Temple, une belle révélation.

Selon toi, en quoi résident la force et la puissance de la poésie ?
La poésie est source d’évocation. Elle n’explique pas, elle met en résonance un monde sensible, intime, et qu’on ne soupçonne parfois pas avant telle ou telle phrase… comme un éclair dans la nuit du corps, c'est-à-dire que les phrases et les mots sont des giclées de sens ou de non-sens, qui passent ou pas inaperçus parmi d’autres fusées éclairantes. Puis ils nous taraudent sans cesse, nous bercent, ou petit à petit refont surface pour finalement nous hanter.
C’est donc en premier lieu une rencontre, puis une force et une puissance environnementale, pas plus ou pas moins que tel meuble, tel jardin ou tel arbre (et dans lesquels chacun met du sens ou du sentiment).

Un aphorisme emprunté à un auteur pour finir…
Fées, répandez partout

La rosée sacrée des champs.
William Shakespeare,  in Le songe d’une nuit d’été (V, 1)

> Rédaction
© Julien Jaffré [contact] | Jadeweb 2005