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PUTAIN, C'EST LA GUERRE ! | David Rees VS LA PAIX DANS LE MONDE | Willem |
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La sulfureuse bande dessinée Putain, c’est la guerre ! du new-yorkais David Rees fustige en quelques pages lapidaires la récente politique internationale menée par l’administration Bush en Afghanistan. On s’y moque, on y dénonce, on y critique, le tout agencé dans une succession de scènes au style minimaliste. Rees y brosse un constat "post 11 septembre", diagnostic qui ne se limite nullement à la crise afghane – notre auteur entend bien faire mouche avec fréquence et user de sujets plus vastes ; ainsi est-ce l’Amérique toute entière qui passe sous le joug de sa critique acerbe et "anticonformiste". Le tout est écrit dans une urgence tenant du blog, cet ultime phénomène qui met en scène, dans un flux débridé, l’intériorité du sujet, au moyen d’un vocabulaire dont on aura préalablement dynamité le code classique (celui-là même qui offrait jusqu’alors sa contenance), pour qu’ensuite cette intériorité soit catapultée vers l’extérieur avec plus d’efficience encore. Tel le récent phénomène cinématographique Blair Witch, les séquences de David Rees étaient initialement conçues pour être ingérées via l’immédiateté d’Internet. Aux
États-Unis, Putain, c’est la guerre ! est devenu,
en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, un phénomène
éditorial sans précédent. La France, on ne s’en
étonnera pas, aura été le premier pays à
bénéficier de la traduction de l’insolite best-seller ;
gageons que l’heureuse initiative des éditions Denoël comblera
les espérances les plus contenues et que semblable logique se
renouvellera, c’est que, cela va sans dire, le produit a des dispositions
peu communes.
Ce
lugubre tableau étant tiré, posons-nous la question essentielle :
pourquoi ce livre est-il devenu un phénomène littéraire,
emblématique témoin de notre époque et quelle philosophie
nous fournit ce Putain, c’est la guerre ! ? Rappelons-nous
pour ce faire le mot de Hegel : la philosophie, c’est l’époque
saisie par sa pensée. Il semble bien, s’il on éclaire
cette question à la lumière de la pensée de Sloterdijk,
qu’un livre écrit dans l’urgence tel que Putain, c’est la
guerre ! se fixe comme unique objectif une critique du présent.
Nous sommes en face d’un livre faisant fi de toute historicité,
se satisfaisant d’une critique du temps présent – juste ou mauvaise,
la question n’a pas ici son importance –, à destination exclusive
des hommes du temps présent. Plus question de transmettre ici
au lecteur un quelconque héritage, le seul sens du livre nous
invite à consommer sur place ce que nous sommes en train de vivre,
nos revenus actuels, ce qui par la force des choses est devenu notre
unique capital : notre actualité.
Plus
significatif encore, et faisant écho à notre développement,
le dernier ouvrage de bande dessinée du Hollandais Bernard
Willem Holtrop, La Paix dans le Monde, paru il y a plusieurs
mois aux éditions de l’Atalante, et passé totalement inaperçu
malgré son sujet identique, la dénonciation des politiques
iniques. Ce qui est ici singulièrement symptomatique, c’est l’insuccès
essuyé par La Paix dans le Monde. Livre étrange
s’il en est – mais celui de Rees ne l’est-il pas tout autant ?
– La Paix dans le Monde est un recueil de cinquante-deux planches,
toutes indépendantes, et illustrant, dans une narrativité
neutralisée, des tableaux-mosaïque, qui évoquent
de façon souvent frontale, voire brutale, les guerres et les
conflits du XXe siècle. Comment,
après ce parallèle, ne pas envisager David Rees comme
un simple tube creux, à l’instar de ces autoroutes de l’information,
comme un simple micro-onde destiné à réchauffer
quelques opinions, quelques évènements venus de l’extérieur
et attrapés au vol, matière apportée par les vents,
tantôt un confit social, tantôt des avions kamikazes, à
destination du public. L’idée de se revendiquer seul propriétaire de ses idées est affaire courante auprès de notre jeunesse (l’avons-nous déjà dit, David Rees n’a que 28 ans, ce qui est encore jeune, on en conviendra, et ce malgré les nombreux d’efforts entrepris sur le site Internet du sujet pour entretenir une méprise – ainsi, il nous est dit que David Rees ne fait pas son âge, qu’il est en réalité l’héritier d’une maturité précoce, comme le confirme son agrégation de philosophie obtenue en 1994, à 19 ans). Cet effet de revendiquer une propriété " intellectuelle " n’est pas inédit, la faute en incombe vraisemblablement à nos philosophes qui, depuis ces deux cents dernières années, n’ont eu de cesse de rassembler tous leurs efforts pour nous convaincre que l’être et le produire ne font qu’un. Lorsque sombre le vieil être objectif donné par Dieu, les hommes, qui ne se considéraient que comme ses fidèles serviteurs, disparaissaient avec lui. Ainsi, dès l’instant où notre jeunesse abandonne l’idée qu’un Dieu pense à travers elle, à l’instant où elle cesse de supposer qu’une intelligence universelle et impersonnelle se réalise en elle et par elle, jusque dans ses productions les plus individuelles – si tant est que ce mot eût pu avoir un sens – à cet instant-là, il lui devient nécessaire de considérer l’intelligence comme une forme de propriété privée, et en même temps comme une sorte de capital. Ce capital, notre jeunesse qui "réfléchit", l’investit dans des thèmes et des projets, pour David Rees, un "strip" décliné en un album de bande dessinée suffira. Monsieur Vandermeulen |
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[extrait] [extrait]
ESSAI
D'INTOXICATION VOLONTAIRE | Peter Sloterdijk
PSYCHOLOGIE
DES FOULES | Gustave Le Bon |
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