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JadeWeb
chroniques #8
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THILGES
3
(Thilges rec [site]
/ Import / Target)
Thilges 3 déroule pesamment son synopsis sonore où chaque
lieu de villégiature, chaque rencontre cristallise un type d’état
d’âme particulier, dont cette série se fait le médiateur.
En jouissif sociétaire de la cause expérimentale, Thilges
3 anticipe et évite les hauts-fonds de la redite sur ce nouvel
opus. Les impressionnantes divagations-évasions atmosphériques
du groupe me rappellent la même pertinence jouissive présente
au sein du collectif nantais La Kuizine, et ce, malgré le caractère
plus sentencieux et établi des Autrichiens de Thilges 3, qui rodent
leurs compositions, de biennales en happenings.
Ces nouvelles pièces viennent s’adjoindre au puzzle sonore, entamé
six ans auparavant. L’objectif de cette nouvelle étape s’inscrit
dans la droite lignée du précédent, à tel
point qu’en les mettant bout à bout, on sublime l’intégrité
des deux disques.
L’introduction nous plonge d’emblée dans une atmosphère
torturée, un climat de guérilla urbaine, proche des nuées
d’hélico ouvrant Apocalypse Now de Coppola. Une courte plage
qui explore et perfore, grise notre appétit et notre acuité.
Le collectif fonctionne toujours par contrastes inopinés et brutaux,
ciselant une inquiétante pièce de vingt minutes hiératique
et troublante.
Moins symphonique et tranché que leur précédent mini-album,
ce Neurotitan, enregistré lors d’un passage éclair au célèbre
magasin Berlinois du même nom est axé sur la prédominance
de la chose analogique (Doephter et Moog). Les climats et autres landscapes
tapis derrière les machines nous font oublier un temps la dualité
mécanique/humanité et permettent d’envisager une forme musicale
bionique. C’est très angoissant et beau à la fois... De
quoi passionner sa vie sur vingt et une minutes...
JJ.
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PONY
Club Home truth
(Setanta/Pop Lane)
Mark Cullen possède tous les stigmates du messie d’une white
trash culture à l’européenne.
Interdits bancaires et débits vertigineux, goût certain pour
la cuisine nouvelle (pizza froide et bière tiède), adepte
effréné du "fengshui" (sa chambre est considérée
par nombre de ses proches comme le Pearl Harbor du slip usagé,
l’Hiroshima de la chaussette crade), amateur de party cocktails huppées
de la capitale (Dublin)... A comprendre la cuisine de ses parents et le
pub en front de sa maison... Soit autant de détails qui (semble
t’il) ne dupent pas sur la philosophie du personnage et de sa musique
: une sorte de lamentation urbaine, une complainte moderne sur l’existence,
entre soul, house (des choeurs insupportables) et pop anglaise réfractaire
à la lumière. Par moment, on sent une haute dose de dandysme
dans ses manières de chanteur... Les arrangements et instrumentations
servent de faire-valoir à la voix, voix qui sonne d’ailleurs par
occasion comme celle de Simon Lebon de Duran Duran, référence
s’il en est... La proximité géographique de l’Angleterre
se ressent sur nombre des titres et tisse des liens invisibles avec les
autres membres du label (Divine Comedy, Edwyn Collins, Richard Hawley).
Quelque chose d’un hédonisme un peu candide et incolore (insipide)
qui sied si bien aux artistes d’outre Manche.
JJ.
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MEZIG
Home Made IV
(mezig) [mèl]
Déjà le quatrième seing du label Mezig après
plus d’une année et demi d’existence. Le principe de fonctionnement
de Mezig serait à exporter. Dans une forme simplifiée de
démocratie participative, chaque intervenant désigne les
morceaux qu’il souhaite voir figurer sur la compilation. C’est sans doute
ce système qui participe de la haute tenue du label en même
temps que de l’unité dans la diversité qui s’y lie.
Peu de labels, en effet conservent ainsi une telle sincérité
et spontanéité tout en concentrant une telle proportion
de bonnes productions.
L’inventaire, chargé de superlatifs, retrouve les grands habitués
du rythme : Brad Pitch Krumlek, Stigmat, Piloupilou, Elena Cortes, Minirepertoire
et l’incontournable Wash’O’matic all stars qui est à la musique
électronique ce qu’Isidore Isou fut au lettrisme ou Maïakovski
au futurisme (un morceau d’abstract hip-hop racé et tendu)... Et
quelques nouvelles têtes, de Cynik à Laudanum (et son merveilleux
album), Mikmak, Sai real, Topsy turuy (et de regretter l’absence de l’excellent
Ian Mad).
Absolument rien à poser sur le bord de la route sur ce disque qui
rivalise d’ingéniosité et de probité avec les meilleurs
labels électroniques internationaux (Enfin des gens qui n’ont pas
peur de (faire) danser !).
Si l’on souhaite durable cette émergence de belles propositions,
on souhaiterait qu’elle soit dorénavant canalisée à
la faveur d’albums tout autant mérités qu’attendus (Brad
Pich, Wash’o’matic ou Elena Cortes, par exemple...) Trois étoiles
au Michelin, Toque d’or !
JJ.
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ŒUF
KORRECKT Podweek
(No type/ import) [site]
La rhétorique de l’Oeuf et de la poule est désuète
et sans intérêt. La seule question qu’il convient de poser
à présent serait... Où était la musique électronique
canadienne avant Oeuf Korreckt... Y en avait-il d’ailleurs ?
À la fois insoumise et corvéable, amplie de clichés
et judicieuse, désinvolte et réfléchie, la musique
sur Podweek détaille le panorama global de ses propres inspirations
autant que le paysage plus large de la musique électronique, avec
tous les angles concaves et contreforts qu’elle connaît.
La structure de l’album, sa coquille charnelle, s’est chargée au
contact des meilleurs calcaires, du résistant tri repetae d’Autechre,
au lumineux traits du Aphex twin de Ventoline ep, Disjecta, Plaid
ou The black dog (qui ont utilisé le même logiciel il fut
un temps...).
La floraison de rythmes, leurs échos dansants et rebonds joyeux
dans l’atmosphère étroite du disque dur de Frédéric
Blouin évoquent tant l’aspect anecdotique qu’historique du processus
et de l’outil de création, un logiciel inusité : le trackers.
Inusité parce qu’en conflit avec l’interface Windows qui l’a banni
de son plan de développement (que l’on connaît). La résurgence
de ce petit logiciel, couplé à l’intelligente vision musicale
d’Oeuf Korrekt donne un album sans faille, séquencé, cadencé,
en un mot rutilant de santé avec même des cimes de Gabber
basique qui passe bien à l’oreille, une fois n’est pas coutume.
Si le label expérimental No type souligne avec humour l’outrage
personnel d’avoir osé diffuser un disque "mélodique", le
réel outrage, s’il y en a, aurait été de passer sous
silence cette onzième table de loi. À découvrir d’urgence.
JJ.
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PICCOLO
SAXO Wonderland
FINAL CUT Fait main
(Autoprod / finalcut) [mèl]
Piccolo
Saxo, collectif entreprenant de la scène noise-ambiant expérimentale,
à certains égards comparable à Baka !, construit
avec une habileté rare des paysages désoeuvrés et
paradoxalement accueillants, sorte de terrains vagues de l’enfance où
la pensée se laisse submerger par les pensées tristes et
autres affects du moment.
Radeau esthétique et musical dérivant entre les magnifiques
ratures atmosphériques d’Elektroplasma (ambiant Cinema sur Ytterbium)
et l’esquisse physique de musiques de films noirs (Dark city, pour
n’en citer qu’un), cet album juste et déstabilisant, est aussi
proche du désir de vivre que de l’attirance pour la mort.
Étonnamment, Flavien Gillie ne met pas à profit la belle
intégrité et le style rêche de sa plume au service
de son projet solo, préférant laisser à la musique
la gestion propre de son univers. Des espaces sonores fouillés,
extraits aux scalpels avec une réelle attraction pour le martyre.
Réprimant plus fortement encore son aversion de la lumière
au fil de ces onze thèmes, Final cut porte à bout
de bras un album isolationniste et fantomatique, antichambre fébrile
d’une souffrance qu’on devine plus profonde encore. Deux projets intenses.
JJ.
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AUDIENCE
Some lovely hands on dry skins
(Primeros Pasitos [site]
/ Pop lane)
On a beau tergiverser, s’épancher en lamentations, certains
constats ne souffrent pas la discussion. Il en est d’ailleurs un entre
tous ; celui qui veut qu’un groupe issu du hardcore ou de la noise domine
plus ouvertement que les autres les lignes de rupture rythmique et le
chemin de crête mélodique d’une partition. Audience
ne viendra pas déroger à la règle, ni même
oxyder l’adage avec la sortie de cet album dense où cohabite un
mélange subtil d’abnégation, de dépouillement et
d’amertume automnale. Le label majorquins Primeros pasitos s’est assuré
leur confiance pour cet album, où trompettes enflammées
à la gloire de Zapata (Calexico ?) composent aux côtés
de guitares déclinantes (Slint ? Fugazi ?) et de mélodies
endémiques (Radiohead ?) un paysage isolé et désertique.
Les voix éraillées de Hannot et Gaizka se reflètent
à la surface des morceaux comme un point de limite à la
solitude et au calme. Un album resplendissant comme le soleil qui irradie
les terres d’Espagne de ces natifs de Bilbao.
JJ.
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TV
LA SUN OR Grand hall
(Partycul System)
Sous cette dénomination sibylline se cache The Very Large
Structure of Universe Orchestra, un ensemble qui embrasse une définition
restreinte du sens d’orchestre, composé en tout et pour tout de
deux personnes : Jean-Marc Wadel et Manel Bigot. Pour étroite que
soit leur définition, leurs neuf compositions, elles, embrasent
l’horizon et renouvellent de manière admirable l’approche du spleen
pastoral et divin orchestré par God Speed You Black Emperor.
En reniant l'aspect purement atmosphérique, ils ont introduit dans
le souffle de l’écriture - arrangements de guitares italiennes,
brises folk et country, approches néoclassiques et minimales à
la Tiersen/Satie, souffles épiques et échos de rock garage
sixteen, bizarreries baroques et électronique bidouillée...
La subtilité de cet orchestre inespéré résidant
dans sa capacité à intégrer cette diversité
en un tout cohérent.
Si nous étions de longue date convaincu du potentiel énorme
de Partycul System à effeuiller nos oreilles de leurs beaux prêches,
TV La Sun Or va nécessairement signer l’avènement de ce
label dans la cour des grands... On le regrette déjà. Superbe.
JJ.
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DÉSORMAIS
Climatre variations
(Intr_version rec. [site]
/ import)
Désormais, adverbe immortalisé par le timbre grave de
Charles Aznavour se construit une seconde jeunesse au contact de ce duo
mi-canadien mi-américain, composé de Mitchell Akiyama et
de Joshua Treble (Tony Boggs de Pitch cadet).
Au royaume des Loops, les drones sont rois... Pourrait bien être
le prénom caché de cet album qui a toutes les vertus d’un
épilogue au chantier entamé par My bloody Valentine.
À la manière de l’architecte Vitruve, les deux hommes conçoivent
la création musicale selon deux niveaux. Les compositions se doivent
d’être solides, c’est-à-dire conçues sur des fondements
techniques maîtrisés ; ensuite, elles se doivent d’être
utiles, au sens de fonctionnelles à l’oreille. C’est l’imprécation
des deux qui dévoile la beauté contenue et délivre
un peu du message.
Perchés à l’avant-garde des musiques électroniques
(avec une sensibilité nette pour les instruments acoustiques),
les deux musiciens, ont délibérément travaillé
à distance, pour s’émanciper des vues et conseils de l’autre.
Et comme par un procédé naturel, le charme agit sans difficulté
notoire. Le résultat est étonnant, rappelant par instant
les collages atmosphériques et électroniques de Christian
Fennesz (on retrouve aussi cette recherche mélodique sur Endless
Summer), et par moment les stries mélodieuses de Penumbra , Efzeg
et les lentes montées d’Aube ou de Zoviet France... Avec une tonalité
plus chaude, quelque part vers l’ocre...
Difficile de rompre le charme qui nimbe cette collaboration.
JJ.
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MARCUS
MAEDER Quiconque
(Domizil)
Si l’on peut considérer à bien des égards le
free-jazz comme une optimisation poussée des instruments classiques
d’accompagnement autant qu’une déconstruction appliquée
des codes traditionnels d’écriture, Quiconque de Marcus
Maeder peut totalement se concevoir comme une application symétrique
de ce dogme à la musique électronique. Même désir
jusqu’au-boutiste de pousser les machines dans leurs derniers retranchements,
même logique de l’échec de la mélodie analogique,
même obscurité latente aux détours de chacun des morceaux.
Le langage numérique qu’il développe s’acclimate de cut-up
incessants, d’O.P.A. vocodées sur le timbre, de morceaux liturgiques,
de symphonies de l’espace et de travellings rythmiques organiques et abrasifs,
quelquefois métalliques. Le silence constituant la voûte
de soutènement de l’album.
Un album difficile et étonnant qui surprendra les uns et ravira
les autres (essentiellement les fans du G.R.M., de sonorités de
l’espace et de musiques planantes et nocturnes).
JJ.
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POOR
RICH ONE Happy happy happy
SISTER SONNY The bandit lab
(Rec 90/Poplane)
La label Rec 90 nous offre ses deux grandes pièces montées
en guise de pâture, alors que le talent de cette zone du nord de
l’Europe se dissimule dans quelques petits entremets de choix (Royskopp,
Rune Gramophon, Jazzland). Si les deux groupes font preuve d’une maturité
musicale indéniable, c’est aussi aux dépens de leur curiosité
et de leur insolence créatrice.
Tout d’abord Poor Rich One développe sur la longueur d’un
album une redite de peu d’intérêt, fac-similé du grand
nord des grandes pointures européennes, Radiohead en ligne de mire.
On en oublierait presque ce fâcheux constat s’il développait
au moins un tiers de l’énergie de ses pairs... Happy happy happy...Mais
de quoi ?!
Ensuite Sister Sonny et son The bandit lab qui adapte à
la sauce norvégienne les règles établies quatre ans
plus tôt par les Américains de Tortoise et les Gallois de
Mogwai parmi d’autres. Ce serait se mentir à soi-même que
de ne pas constater le manque probant d’originalité de ces titres.
Tout juste note-t-on un sursaut d’amour-propre et de mélodie personnelle
occasionnelle. Désolé les garçons, aujourd’hui, je
suis de mauvaise humeur.
JJ.
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TELEFORM
Cosine f
(Domizil/import/Namskeio)
Déconstruire jusqu’à l’abstraction, jusqu’à la
désintégration totale et la disparition physique même
du son, correspond à l’attente profonde de Teleform. Il
n’est pas le seul à avoir fait sa marotte de ce jeu extrême
de tonalité. On pense à quelques zouaves de chez Touch ou
Ash, avec ici, un sens de la manipulation qui tient plus de l’électroacoustique
(lignée Cellule Métamkine). Cette mise en demeure du son
est une parabole fragile des grands espaces vierges de l’Antarctique où
le vent ne trouve aucun obstacle à sa course effrénée.
Le son est radiant, il se diffuse de manière poly directionnelle...
La forme en est électronique (hautes fréquences). Un dialecte
intime autour de trente cinq compositions qui sont portées aux
vents comme une nuée d’éphémères pris au piège
de la toile... A la fois grave et poétique, essentiel et superflu.
Chaque morceau est anonyme à l’autre, passages d’accélération
et de décélération, de crissements stridents et de
calme blanc, se renvoyant dans un jeu de miroir sans fin un peu du mystère
de leur création.
JJ.
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AUSTRIAN
AUDIENCE What they really want to listen
to
(Kim) [site]
L’harsh électronique est un mouvement qui cherche à
synthétiser l’énergie des musiques nouvelles, du hard-core
au breakcore tout en leur offrant un substrat intellectuel à même
de les pérenniser.
Projet louable sur le papier mais qui se révèle extrêmement
décevant dans les actes à l’écoute de cette légion
d’artistes autrichiens dont la sensibilité pour les musiques néo-industrielles
est fâcheuse voire désespérante ? (Boutique meteor,
minable à souhait). On est loin de l’harsch noise défendu
avec subtilité et fougue par les gars de l’Ultime atome sur Hymen,
Ant Zen ou les belges de Silk Saw, pour ne citer qu’eux. Malgré
de jolis passages, je pense aux travaux de Tomoroh Hidari, Eiterherd (un
furieux morceau), on est déçu par le manque de cohésion
et d’intégrité de l’ensemble. Les relents néo-industriels
sont lassants et pathétiques, l’imagination ne fait pas la fine
bouche. On ne dira jamais assez combien les labels indépendants
sont précurseurs de ce vers quoi doit tendre la création...
Ou ne pas tendre du tout, d’ailleurs...
JJ.
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CANDIDATE
Tiger flies
(snowtorm/Pop Lane)
Candidate nous prouve qu’on peut apprécier les bons vins, le
cinéma français, Frank Sinatra, les Pixies et Swell tout
en cultivant un ascétisme profond pour le folk et les ritournelles
"psychédéliques" vaporeuses.
Pour traverser le désert, encore eut-il fallu que Candidate y rentre...
pour autant, ils ont confronté leur mode d’existence à la
vieille tradition chrétienne (souffrir avant de réussir)...
Ce Tiger flies signe sans doute la fin d’une longue stratégie
de l’échec.
Ainsi, après avoir entretenu une correspondance soutenue avec la
déconvenue et l’anecdotique, Candidate semble prêt à
réveiller notre torpeur et nous faire émerger dans une fugace
étreinte déclinée sur douze titres. L’ossature de
l’album ravira les amateurs de Grand Daddy, Swell, et de tous ceux pour
qui compte le slow core, même si on regrette par moments la sophistication
exagérée du son et la surproduction des arrangements qui
lissent abusivement les reliefs de leur petites ballades. Rien ne vaut
un quatre pistes, les garçons !
JJ.
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INTOXYGENE
V/a
(Intoxygène) [site]
Après avoir assuré la résurrection des Young
Gods et l’émancipation de Peepington, le label parisien nous propose
un tour de vue de son catalogue. La ligne directrice qui régente
la maison Intoxygène est à mettre en parallèle avec
les traits créatifs fluctuants et autres évolutions des
Suisses. Empruntant ici les ficelles d’un néo-EBM teinté
d’industriel pénible, tirant là sur les cordes d’une électronique
complaisante, on s’administre une haute dose de sadomasochisme à
vouloir écouter dans son intégralité cette compilation.
Quelques bons passages, mais si peu en définitive...
JJ.
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PIERRE
ANDRÉ ARCAND Transfuge
(OHM-Avatar) [site]
Antonin Artaud s’est accaparé bien malgré lui le champ
de la poésie sonore, chantre défectueux et psychiatrique
s’il en est. Il est temps à présent de privilégier
les autres grands maîtres du genre, qui, de Bernard Heidsieck à
Julien Blaine en passant par Henri Chopin ou Serge Pey ont définitivement
anobli la poésie dans ce qu’elle a de plus vibrant. Plus ancré
encore dans la modernité que les artisans de la langue sus-nommés,
Pierre André Arcand n’en est pas moins grand. Inventif et curieux,
ludique et expérimentateur, ce Canadien, par l’entremise de ses
instruments, de ses cut-up vocaux et d’un wagon d’inventions ne cesse
d’étonner et d’innover. Ce double album en est le témoin
discret, à la fois visuel et auditif.
Cet album audio qui tranche avec le train-train et défragmente
la torpeur, est un chapitre supplémentaire à sa série
des Eres (ici le +22-23) étrange et fantomatique série sans
fin ni commencement. Ici la répétition se fait jour comme
dans la salle de réglage d’une machinerie, composant par la superposition
de strates électroniques une sorte de philharmonique de la soupape.
Son travail sur les boucles s’expose à nouveau, obligeant ses montages
vocaux et ses fréquences disruptives à une révolution
sur elle-même et où les bruits les plus incongrus pactisent
avec les digressions intellectuelles les plus farfelues.
L’accès est escarpé mais c’est un malstrom plein de beauté,
empli de nécessité et d’irrationnel, un peu à l’image
de nos vies.
NB : La partie vidéo m’échappe au sens propre puisque mon
ordinateur refuse de la lire. Pour autant je me réfugie dans la
biographie pour vous livrer quelques traces : "- le contenu de la vidéo
emprunte à la poésie visuelle, à Internet, à
la vie quotidienne, au froid, au chaud, aux bruits et aux effets de lumières
vidéos, aux images tremblées, caméra au poing, comme
une prothèse de l’oeil."
JJ.
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ISAN
Clockwork menagerie
(Morr/La baleine)
Conscient de la prédominance d’un groupe tel qu’Isan
dans le paysage électronique global, Thomas Morr vient nourrir
l'irrépressible insatiabilité des fans du groupe (la sienne
?) en rééditant sur support C.D. les introuvables et irréprochables
7', dispersés comme il se doit sur une kyrielle de labels indés
aussi excitants que microscopiques et visionnaires (ça va bien
souvent de pair) : de Wurlitzer Jukebox à Bad Jazz, de Static Caravan
à Atomic recordings en passant par Elefant rec, Fragments ou Liquefaction
empire. Les aficionados de la première heure, lecteurs attentifs
de Méridians, ont beau brandir leurs home tapes en criant au plagiat,
jamais le proverbe "tout vient à point pour qui sait attendre"
n’aura aussi bien porté son idée.
Pour autant, ce qui pique notre intérêt réside ici
dans cet ensemble compact de morceaux, étonnamment avant-coureur
du genre électronica, quasi-fondement de l’idéologie et
du style MORR rec. Un heureux châtiment sonore à posteriori,
qui ressemble à s’y méprendre à un épilogue
écrit la veille par le groupe. Même charge émotionnelle,
même attrait pour les atmosphères isolationnistes (ici plus
marquées), même instinct débridé et discret
du rythme, seul l’aspect ludique reste en retrait, pourrait-on dire.
Nous est donnée l’opportunité, au travers de cette indissociable
amour liant Morr à Isan, de rendre un hommage solennel et plein
de fierté à tous ces petits armateurs du son et de l’ombre
qui ont contribué à forger la si belle personnalité
d’Isan. Vive les petits labels.
JJ.
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ÉRIC
DE LA CASA - SLAVEK KWI Fonderie Paccard
(Collectif & cie) [site]
Eric La Casa est un des compositeurs français parmi les plus
respectés de la scène électroacoustique internationale.
Son label, "La légendes des voix" possède un élan
créatif rare, malgré l’espacement de ses sorties et conserve
intact la destinée et la pureté, l’intégrité
qu’il s’était fixé à ses débuts.
Ses précédents albums sont autant d’actes de foi autour
desquels il aura su fédérer Jim O'Rourke, Lilith, parmi
tant d’autres...
Ses travaux électroacoustiques sont empreints d’une recherche environnementale
constante, à l’instar de ses confrères Robert Iolonni ,
Francisco Lopez ou Sibylle Pomereau, ou quand les sons "naturels" deviennent
matériaux sonores hors de leur contexte et réinvestis dans
de nouveaux référents. C’est en fait une forme d’impressionnisme
sonore auquel nous convie l’artiste, qui interprète ici un environnement
donné au travers d’une palette de sentiments personnels. Ses cloches
savoyardes n’échappent pas à cet heureux constat : bâti
comme un triptyque, le coeur de la composition s’étoffe sur les
résonances de l’instrument. La Casa retraite les sonorités
en appuyant sur la charge émotionnelle (la présence de l’humanité)
et sociale (l’unité de temps du village) qui les entourent. Cependant,
son attention se porte aussi sur les phénomènes de réverbération
et de transmission à la surface de leur corps de bronze : vibrations
retentissantes et prolongées (bourdon, carillon), ébranlement
des cloches avec des changements rapides et périodiques d’intensité
et de tremblement.
Loin d’en faire un ouvrage savant, voire ardu, les morceaux s’écoutent
avec simplicité et plaisir. L’impassibilité des tintements
de cloches étant rythmée par les parties industrielles de
leur fabrication. Slavek Kwi égraine ses sources dans un
climat plus tendu, hérissé ici et là de passages
environnementaux
JJ.
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