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CRUMB
Un
incroyable documentaire qui décortique la vie et l’œuvre
de l’artiste culte Robert Crumb à un moment charnière
de sa carrière : son déménagement des
États-Unis vers la France. Une bonne occasion pour rencontrer
la famille et les amis de l’insaisissable et unique Robert...
Artiste culte,
véritable Bruegel de cette fin de siècle et marginal
insaisissable, Robert Crumb est un Dieu qui refuse de l’admettre.
Grâce à une production gargantuesque étalée
sur une trentaine d’années, l’homme s’est fait connaître
au travers de ses bandes dessinées remplies de fantasmes
masturbateurs et d’états d’âme proches de la folie,
soulevant petit à petit le voile de mystère entourant
sa personnalité... Mais le film de Terry Zwigoff fait
prendre conscience à quel point la terre est remplie de gens
vraiment bizarres ! Le père d’abord, considéré
par les enfants Crumb comme un tyran totalitaire, la mère
ensuite, petit bout de femme à la grande gueule et à
la voix enrayée qui, lorsqu'on connaît les cinq enfants,
force l’admiration, Maxon, un des deux frères de Robert,
qui vit dans un hôtel pourri, fait la manche deux heures par
jours le cul sur une planche à clous dans la position du
lotus, bouffe un ruban de tissu de plusieurs mètres pour
se satisfaire les intestins et adore baisser les shorts des filles
qu’il croise dans la rue pour leur voir les fesses.
Et enfin Charles.
Charles Crumb, la plus importante influence de Robert, celui
qui a tout déclenché, qui forçait ses frères
et sœurs à dessiner, qui crobardait dans des cahiers des
histoires sans fins dont les textes prenaient, au fur et à
mesure des années, de plus en plus d’importance jusqu’à
ce qu’il en devienne graphomane ! L’incroyable Charles, vivant
enfermé depuis vingt ans chez sa mère, le visage bouffi
par les calmants et relisant sans cesse les mêmes livres.
On commence à saisir pourquoi les deux sœurs refusent de
se faire filmer... Au coup par coup, l’homme Robert Crumb apparaît,
nous entraînant dans un monde Lynchien à souhait, discutant
avec d’anciennes amantes (dont une sorte de connasse pornocrate
et dominatrice à la mâchoire coincée), exprimant
son attirance sexuelle pour Bugs Bunny lorsqu’il avait cinq ou six
ans, et avouant franchement que le seul moment où il aime
ses semblables, c’est quant il écoute de vieux disques de
blues en 78 tours. Lorsque le générique de fin apparaît,
on se sent dans un étrange état, entre rire et peur,
assez mal à l’aise et surtout diablement choqué. Comme
dans un voyage de deux heures au pays des aliénés
géniaux. On vous aura prévenu.
Pierre-Henri
de Castel Pouille
Crumb
| 1994 | couleur | 119 min. | Réal : Terry Zwigoff | Int
: Robert Crumb, Charles Crumb, Max Crumb, Aline Kominsky
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