JadeWeb
: Quel est votre premier souvenir musical ou sonore ?
Une émission
de Noël des Carpentier entièrement dédiée à Claude François. Je
devais avoir quatre ans. Mes parents m'avaient offert une petite
guitare blanche avec des cordes en plastique. Le pied sur une bûche,
la guitare sur un genou, je chantais à tue-tête Alexandrie Alexandra.
En fait, je devais surtout ressembler à Georges Brassens (sans la
moustache bien évidemment). Ma folie Claude François a rapidement
été court-circuitée par la discothèque parentale, dans laquelle
je pouvais piocher aussi bien du jazz, de la pop (essentiellement
consacrée à la lettre B, Beatles, Beach Boys, Bacharach), de la
musique brésilienne et de la variété classieuse (Aznavour, Brel).
Quels
artistes ou chansons ont marqué votre jeunesse ?
Après
une période funky (Earth, Wind & Fire, Kool & The Gang,
Jackson 5 et autres groupes aux coupes afro et pantalons à paillettes),
je suis tombé sur le Queen Is Dead des Smiths. Le choc absolu.
Je n'avais jamais entendu une batterie aussi lourde, une basse aussi
coulante, une guitare aussi divine, et une voix aussi chaude et
profonde. La crête a commencé à me pousser sur le crâne, les pattes
à longer finement le bord des mes oreilles. Je suivait les nouvelles
tables de la loi édictées par Morrissey (Meat Is Murder, cette blague
de ne plus manger de viande m'a tenue un bon mois. Mais, je me suis
dit qu'il n'y avait rien de mieux que d'écouter les Smiths en savourant
un bon steak). À partir de là, je me suis mis à acheter tous les
albums des groupes qui étaient cités par le Moz. La boulimie de
disques n'a depuis jamais cessée.
Pensiez-vous
travailler dans la musique ? Que souhaitiez-vous devenir plus
tard ?
En
secret, bien sûr. Le fait de prolonger les études au maximum me
lassais tout loisir pour faire de la musique avec le groupe Meek,
et dans lequel officiait également mon meilleur ami, Mr Quark. À
l'époque, soit au début des 90, on prenait cela à la cool, mais
franchir le pas de la "professionnalisation" nous
a un peu fait peur. La musique ne devait rester qu'un plaisir et
non un sacerdoce. Cependant, au hasard des rencontres, j'ai fini
par écrire sur le sujet. Du fanzinat je suis passé à Magic. Ce qui
est marrant pour moi, c'est que lors de mes années collège je rédigeais
déjà des chroniques. Celles-ci allaient de Prince, à Hall &
Oates, en passant par Huey Lewis, Chicago, New Order, les Pet Shop
Boys ou Etienne Daho. Au vue de certaines citations ci-dessus, je
risque de perdre un peu de crédibilité. Mais les erreurs de jeunesse
c'est comme l'acné, un jour on finit par tout oublier.
Y
a t’il des sons désagréables (ou agréables)
qui ont marqué votre jeunesse ?
Le
bruit de l'aspirateur que passait ma mère le samedi matin. Impossible
de se remettre tranquillement des folles soirées Madchester organisées
par Hilda à La Locomotive. Je quittais les oniriques vrombissements
des guitares de My Bloody Valentine pour me réveiller au son ronflant
et cauchemardesque de l'avale-tout.
Est-ce
que vos parents ont participé à votre éducation
musicale ?
Assurément.
Mais je n'en avais pas conscience. Mes parents étant des férus de
jazz m'amenaient chaque été au festival de jazz de Marciac dans
le sud-ouest. J'ai pu voir de nombreux artistes sans saisir la portée
de leur musique. Je ne comprenais pas que l'on puisse applaudir
durant un solo de batterie, de guitare ou de trompette. Ce qui fait
que je tapais dans les mains en permanence, de peur de ne pas être
dans le sujet. Aujourd'hui, j'aimerai bien qu'ils me payent une
place mais ils préfèrent y aller tous les deux en fins connaisseurs.
Peut-être gardent-ils en souvenir, un concert de Nana Mouskouri
(je sais c'est la honte, mais ils m'emmenait aussi voir Aznavour
ou Dionne Warwick) où je me suis endormi. Pour moi, un concert devait
être un moment fort et non une punition. Doit-on y voir un signe
de rébellion ?
Pouvez-vous
raconter un souvenir d’enfance marquant, relatif à la musique
(concert, spectacle…) ?
C'est
marrant de voir comme la musique peut-être un polaroïd de l'enfance.
Pour un souvenir d'enfance marquant lié à la musique, je citerais
volontiers cette anecdote. Michel Delpech (je sais, je les accumule)
habitait le même immeuble que mes parents. Un matin, je l'ai croisé
alors qu'il ramassait son courrier de sa boîte à lettres. Sur ce,
je me suis empressé de lui dire bonjour en lui lançant un sincère
« Bonjour Monsieur Jugnot ». Il faut dire qu'à l'époque,
il arborait une flambante moustache. Et puis Gérad Jugnot avait
plus de succès que lui dans la cour d'école.
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