KIM
HIÖRTOY
G R A P H I S M E
Il y a une subtile cohérence entre le minimalisme
visuel des pochettes et les musiques des disques... Ecoutez-vous
systématiquement les disques avant de proposer une pochette ?
Quelquefois je prête une oreille à la musique, mais plus autant
que ça.
Votre approche graphique pour Rune Grammofon
est très minimaliste et abstraite, pourtant on découvre dans votre
livre Tree weekend des travaux photos ou plastiques (à base
de pâte à modeler) totalement différents. Actuellement, vers quoi
vous sentez-vous plus attiré ?
J’ai étudié dans une faculté de beaux-arts ; mon but initial était
à l’époque de devenir artiste, au sens large, sans restriction ni
intention de me spécialiser particulièrement dans le graphisme,
ou le design. Aujourd’hui, je pense que ce n’est pas important de
faire ces distinctions... il est plus important d’être ouvert, attentif
et d’explorer la diversité des situations, des contextes, des possibilités
et des centres d’intérêts que l’on perçoit.
L'empreinte graphique de Rune Grammofon est très forte. Vos images
semblent inséparables de l'identité du label? (On pense à Peter
Saville et New Order ou Tina Frank et Mego) N'avez vous pas peur
de vous retrouver piégé dans ces thèmes (minimalisme et abstraction)
ou pensez-vous qu'on peut développer longtemps sur le même sujet
?
A certain moment, j’éprouve des difficultés... les pochettes me
paraissent trop comparables ; d’un autre côté, c’était une intention
claire et assumée au départ d’offrir au label une identité unique,
singulière, basée sur l’unité graphique des pochettes. Pourtant,
on arrive parfois à en avoir de très différentes. En fait, je ne
sais pas exactement ce qu’il va advenir dans le futur, sans doute
serons-nous amenés à faire évoluer le concept... Tu vois, je finis
par m’imaginer que la meilleure chose serait de produire des pochettes
totalement identiques, juste blanches avec le nom de l’artiste...
Où puisez-vous vos sources de réflexions
? Dans le passé, dans le présent? Le Duck-Rabbit semble être un
clin d'oeil aux "images d'Epinal" et certaines de vos
pochettes rappellent les tableaux du couple Delaunay…
Qui sont les Delaunay ? L’image des Duck-Rabbit (qui correspond
également au titre) est issue d’un traité pratique de psychologie
et non de quelque chose que j’ai inventé. Pour la pochette d’Alog
également, mon travail est parti d’un croquis réalisé par Wittgenstein.
Je n’ai pas de sources spécifiques d’inspirations pour mes dessins.
Je sais, c’est une réponse banale, mais c’est la vérité. L’inspiration
peut provenir de partout et nulle part.
Tu sais, quand j’ai du temps, à l’occasion, je feuillette les revues
de graphisme, les livres sur le design, les flys et j’ai l’impression
que tout ça n’est que de la merde ; pourtant, il m’arrive de regarder
ces mêmes choses à d’autres moments en les trouvant très amusantes
et réellement inspirantes.
Quelquefois lorsque je vois autour de moi l’intensité et l’originalité
de certains travaux, la ferveur des gens qui les créent, il m’arrive
de penser que mes travaux sont nuls, sans intérêt et je ressens
un profond sentiment de déprime, ce qui n’est pas vraiment stimulant
pour la création...
Pour les pochettes de Rune Grammophon, une de mes inspirations définitives
a été les travaux de Reid Miles pour BlueNote dans les années 50-60..
M
U S I Q U E
Votre démarche créatrice est-elle similaire
que ce soit pour la musique ou le graphisme ?
Dans une certaine mesure, oui et non. Quelle que soit la part de
toi que tu utilises pour exprimer ce que tu trouves bien ou mauvais,
ce qui te semble fonctionner ou non, la démarche est toujours la
même, elle est équivalente et peut s’appliquer à toute chose ou
à tout processus créatif.
D’un autre côté, les instruments de travail ne sont pas les mêmes,
ils sont différents, les médias sont différents et une façon de
penser différemment est requise. Dans cet ordre d’idée, l’approche
intellectuelle et créative est essentielle quelque soit ta forme
d’expression, au regard de ce que tu souhaites y apporter.
Est-ce le contact avec de nombreux musiciens
qui vous a donné l'envie de composer ?
Je ne connaissais pas énormément de musiciens lorsque j’ai commencé.
J’étais encore à l’école des beaux-arts, où l’on disposait d’un
studio d’enregistrement avec sampler, table de mixage, etc. Je pense
que ce qui m’a motiver à me lancer, au départ, était simplement
l’idée d’utiliser ce que j’avais à porter de main et de voir ce
qui pouvait en sortir !.
Vous
avez sorti des morceaux chez Vertical Form, Smalltown Supersound
et récemment sur la double compilation Wire (entre autres). Pourquoi
ne pas avoir saisi l'opportunité d'en faire un directement sur Rune
Grammofon ?
Je ne souhaite pas mélanger les casquettes, mixer d’un côté, dessiner
de l’autre. Je n’aspire qu’à être le graphiste-designer de Rune
Grammophon. Si je devais réaliser des musiques sur le label, ça
modifierait sans aucun doute ma relation avec Rune Gramophon, ce
que je ne souhaite pas. Et de plus, je n’en ai pas besoin. Smalltown
supersound est le meilleur label du monde à mes yeux et je ne réaliserai
mes albums que chez eux.
Votre musique à l'air plus ludique et extravertie
que vos graphismes. Est-ce une manière de montrer de nouvelles facettes
de votre personnalité ?
Je ne sais vraiment pas si le fait de faire toutes ces choses, composer
et faire un travail graphique est une manière de dévoiler ma personnalité...
cependant, il existe une différence essentielle, à cela que mon
travail de dessinateur, de graphiste est un job... qu’on me demande
d’exécuter, et pour lequel je suis payé, alors que la musique relève
plus d’une démarche personnelle, sans que j’ai besoin de rendre
des comptes à qui que ce soit.
Avez-vous des projets d'expositions ou
de concerts à venir ?
Je viens juste de finir un livre pour Rune Grammophon collectant
l’ensemble des travaux réalisés pour le label ses 5 dernières années.
3 sorties d’ep’s sont prévues sur Smalltown très prochainement.
Le week-end prochain je vais à Caen participer à un festival, les
Boréalis où auront lieu un concert et une exposition. Une exposition
de mes dessins est prévue à Londres en mai..
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