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GUN
CRAZY
(DEADLY IS THE FEMALE)
Le
jeune Bart est fasciné depuis sa plus tendre enfance par
les armes à feu. Un jour lors d’un spectacle de fête
foraine, il est subjugué par une jeune femme, Annie Laurie
Starr, tireuse d’élite. Il relève le défi de
la jeune femme et se révèle être meilleur tireur
qu'elle. Le patron du spectacle l'engage aussitôt. Peu à
peu Bart et Annie tombent amoureux et décident de quitter
leur travail puis de se marier. Mais, rapidement à court
d'argent, la jeune femme le pousse à commettre un hold-up.
Entraînés dans une spirale infernale, les deux amoureux
vont vite être recherchés par toutes les polices…
Le réalisateur
de cette perle du film noir n'est pas Fritz Lang, Hitchcock ou Losey,
n'en déplaise à notre sympathique voix-qui-tue Patrick
Brion. Son nom est Joseph H. Lewis. Plus discret que les
réalisateurs cités plus haut, c’est avant tout un
réalisateur de séries B en tous genres : polars,
westerns, films fantastiques (The invisible
ghost, avec Bela Lugosi, en 1941), puis de séries
télé (Bonanza, Gunsmoke, Daniel
Boone, The big valley, etc.). Malgré son quasi-anonymat,
Joseph Lewis peut, à juste titre, faire figure de précurseur
dans l’histoire du cinéma autant dans les sujets traités
(il faudra attendre vingt ans pour qu'Arthur Penn se décide
à faire son Bonnie and Clyde…),
que dans sa mise en scène. Gun Crazy
est en effet rempli de prouesses techniques et d'effets de style
saisissants pour l'époque (1949 quand même !).
Parmi les morceaux
de bravoure, on retiendra ce long plan séquence lors du hold-up
d'une banque, entièrement filmé de l'intérieur
d'une voiture, dans les rues de Montrose, Californie. Les dialogues,
improvisés à l’extérieur de la limousine, furent
enregistrés grâce à de petits micros cachés
sous les lunettes de soleil des comédiens, et les sons extérieurs
pris par deux micros tenus par des techniciens sur le toit de la
voiture. Lewis évite ainsi de recourir à l’habituel
procédé de transparence (la route, filmée séparément,
et projetée en fond, derrière les acteurs qui font
semblant de conduire), rendu célèbre par Hitchcock
(encore lui), qui l’utilisait systématiquement.
Quant
au scénario, il est l’œuvre de Dalton Trumbo (futur
auteur de Johnny got his gun). Mais
ne cherchez pas son nom au générique. Il faut savoir
qu’en cette fin des années quarante, la chasse aux sorcières
fait rage, et que notre scénariste a été tout
bonnement évincé pour cause de "sympathies communistes"
et mis sur la fameuse liste noire d’Hollywood.
À la
fois film de genre et œuvre inclassable, Gun
Crazy est, avec vingt ans d'avance, un film qui annonce
un cinéma moderne, avec ce souci de réalisme étonnant,
et ses effets de montage précurseurs. Enfin, comme si cela
ne nous suffisait pas, Lewis nous gratifie d'un final éblouissant,
au cœur des marécages embrumés, dont l'esthétique
se rapproche du cinéma japonais. Deadly
is the female, film atypique, est décidément
bien plus qu'un polar de série B.
Pierre-Henri
de Castel Pouille
GUN
CRAZY (DEADLY IS THE FEMALE)
| (USA
| 1949 | 87 mn | N&B | Réal. : Joseph H. Lewis |
Scèn. : MacKinlay Kantor et M. Kaufman | Photo :
Russel Harlan | Mus. : Victor Young | Int. : Peggy Cummins,
John Dall, Berry Kroeger, Morris Carnovsky…
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