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Le
Seuil 1998
ISBN 2-02-032322-3
Piero, c'est
le frère de l'auteur, edmond.
Deux enfants solitaires mais heureux, rêveurs, passionnés de dessin depuis
leur plus jeune âge.
Les deux frères ont été scolarisés tardivement : le plus jeune, Piero,
avait eu la coqueluche et il était plus pratique que "monmon"
reste lui aussi à la maison.
"On ne savait pas que la télévision avait été inventée, que certains
l'avaient déjà et nous n'avions pas connu la maternelle".
La maison n'était pas grande, la seule chose à y faire, c'était dessiner.
Et c'est en fait ce que le livre nous raconte : l'apprentissage du
dessin et la démonstration de son pouvoir de "machine à se souvenir"
(cf la rencontre avec un martien).
Arrivés à l'école primaire, les deux frères découvrent qu'ils dessinent
mieux que tous les autres et cette découverte modèlera leurs destins respectifs.
Piero fera des études aux arts déco de Nice puis aux beaux arts de Paris.
Edmond se résigne sans amertume : il fera un métier "sérieux",
lui, un métier qui rassure les parents pour que son frère puisse faire
un métier "pas sérieux". Du travail d'équipe, en somme.
Et puis un jour, Piero rentre de Paris : "Ce monde là n'a
rien à faire de mes dessins et moi rien à faire de ce monde. Alors j'ai
tout remis dans mes cartons et je ne les rouvrirais plus".
Si Piero arrêtait, qui allait continuer le rêve ?
L'oeuvre
de Baudoin est "sensible".
Loin d'être un "styliste", il module son trait en fonction de
son propos.
Ses histoires ne sont pas illustrées par des dessins, mais véritablement
dessinées, réfléchies par le trait autant que par le texte, ce que très
peu d'auteurs ont poussé aussi loin (Reiser ?). Reprenons à notre compte
un mot-valise tout à fait intéressant que T.Smolderen utilisait en parlant
de l'album "Le Voyage" : dessinarisation.
Il est notoire que Baudoin ne fait pas de crayonnés avant d'encrer ses
pages : pas de répétition, pas de distance entre le fond et la forme.
C'est de la bande dessinée "sans filet", mais aussi une oeuvre
profondément autographe.
Pas d'étonnement, donc, si il utilise beaucoup d'éléments autobiographiques
dans son travail : ce qu'il n'a pas vécu, il l'a sans doute vu ou
se l'est fait raconter.
Le lecteur est bien entendu touché par cette proximité qu'entretient l'auteur
avec son propre travail et il parvient sans peine et sans effets à nous
émouvoir y compris dans des fictions pures comme Mat.
Baudoin est sans aucun doute un très grand artiste.
Au début
des années 90, Les éditions Futuropolis ont disparu, elles qui avaient
porté Baudoin à bout de bras pendant une décénie.
Si le nom de Baudoin était bien connu de la critique (les cahiers de la
bande dessinée ont parlé de lui très tôt, et puis il a obtenu le prix
du meilleur album 91 à Angoulême pour Coumà aco), son oeuvre
n'avait pas le moindre succès commercial.
Trois éditeurs lui ont enfin permis de "s'installer" enfin de
façon confortable dans le paysage bédéphilique : L'association (qui
a édité Eloge de la poussière, Terrains vagues, Le
voyage, puis réedité Le Portrait), le Seuil (avec l'excellent
Mat, notament), et enfin l'éditeur Kodansha qui a entrepris ces
dernières années de faire connaître des auteurs européens au Japon...pour
un bilan commercial insignifiant et n'ayant pas exactement contenté
tout les protagonistes, mais cette démarche a permis à des auteurs comme
Baudoin, Baru ou Trondheim de voir leurs oeuvres respectives éditées
de façon complètement inédite pour eux, que l'on parle des contraintes
de pagination et de format ou que l'on évoque l'énorme diffusion dont
ils ont pu profiter (il semble aussi qu'ils aient été payé de façon bien
plus généreuse qu'à l'ordinaire).
On murmure que Baudoin se voit enfin capable d'éspérer vivre de son travail...
trente ans après avoir quitté un emploi de comptable pour se consacrer
à sa passion, le dessin, qu'il enseigne parallèlement à sa carrière d'auteur.
Pas trop tôt.
JN..
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L'automne des adultes a moins de couleurs que celui des enfants.
Sukina e no urezu ni are ba kusa momiji
La
peinture que j'aime
Reste invendue.
Feuilles rouges des herbes sauvages.
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Haïku de Hiroaki TANAKA
Une chose qu'on oublie souvent en grandissant : il y a des monstres
dans les cuvettes de W.C.
Monmon et Piero cherchent à savoir s'ils pourront toujours rêver après
avoir grandi. Grandir est une expérience sans retour possible... suspense.
C'est bien dessiné, mais si je vous mets tout l'album je vais finir par
avoir des problèmes, moi :-)
C'est pourtant tentant...
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