L'origine |
Marc-antoine Mathieu |
||
éditions
Delcourt, 1990 Julius Corentin Acquefaques n'est pas un héros ordinaire, bien peu de ses semblables peuvent se vanter d'avoir approché les grands mystères du monde d'aussi près qu'il l'a fait. Le hasard et la science l'y ont aidé. Son auteur aussi. Enfin, son auteur surtout, et même, exclusivement, puisque c'est lui qui ordonne le hasard et les rencontres. J'entends murmurer : que l'auteur d'une fiction soit responsable du destin est un fait évident et banal ? Sans doute, mais il est moins rares que les protagonistes de ces mêmes fictions s'en rendent compte. Employé
au ministère de l'humour, Julius Corentin Acquefaques est un homme sérieux
et intègre, refusant par exemple de sourire aux calembours de son voisin
de peur d'être suspecté de favoritisme.Il assiste dignement aux réunions
de la chambre de l'humour et de la bonne humeur où l'on statue sur le
sort des blagues : drôles ou non, la commission tranche. Un
étrange libraire donnera au héros quelques pages de plus, mais c'est un
savant du ministère de la recherche, Igor Ouffe, qui fournira à Acquefaques
une réponse théorique à son angoissante aventure : tous les personnages
de l'album, ainsi que leur univers seraient un monde à deux dimensions,
lui-même crée au sein d'un monde à trois dimensions. Lorsque l'auteur d'une fiction se penche avec bienveillance sur les malheurs de ses héros, c'est bien souvent en feignant d'ignorer qu'il en est responsable, et le lecteur, complice, fait mine de n'en rien savoir. Ici, aucun doute n'est permis : fermez le livre et ses acteurs mourront ! Et pire, vous êtes manipulés car vous le fermerez, le livre, puisqu'on les ferme toujours.
|
|