Péplum |
Blutch |
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éditions
Cornélius
1997, Collection Solange. Premier chapitre; en deux séquences, les prémisses du récit sont posées : un noble Romain exilé dans des régions arctiques, participe à la découverte d'une momie congelée, que ses compagnons croient vivante sous sa nappe de glace. A Rome, le frère du noble romain, et d'autres sénateurs assassinent César, pour abus d'autorité. Les dialogues
parodient avec beaucoup de spontanéité (ce qui est déjà un exploit) les
tournures imagées et ampoulées de la langue de Pétrone. Mais dés le début
du deuxième chapitre, le tir semble être rectifié : C'est ici pour moi, qu'à la première lecture, j'avais cessé d'investir l'histoire, pour me laisser porter par les images. Mais c'était manquer la véritable entreprise de Blutch. Il y a un défi dans ce livre, que Blutch n'affiche pas du tout clairement, et qui nous propose de lire son travail à la lumière de Pétrone (et peut-être d'autres auteurs latins que je ne suis pas capable d'identifier). Il y a un "ailleurs" de l'histoire, des références textuelles, des emprunts de tournures de phrases ou de phrases entières qui montrent qu'un second degré probablement très riche travaille sous l'uvre. Mes souvenirs du Satyricon de Pétrone sont malheureusement très lointains, mais au bout de la troisième lecture, j'ai fini par me remémorer à quel point la structure narrative du Satyricon est étrange, disloquée, avec de longues séquences très détaillées, puis des zones très fragmentaires (et, effectivement, je crois me souvenir d'une scène de naufrage suivie d'ellipses incompréhensibles). Péplum serait donc moins habituellement feuilletonesque que prévu. Ça commence comme un feuilleton, mais l'articulation de la "phrase du récit" sa structure générale est volontairement attaquée et rongée, pour l'amener à ressembler à un récit partiellement mangé par le temps. En ce sens, Péplum est une véritable" contre-façon", une fausse antiquité, qui a en plus l'élégance de ne pas se claironner telle (rien de Kitsch, à aucune endroit, d'ailleurs). Il y
a plusieurs grands précédents à ce type de travail (je songe au "Sot-Weed
Factor, de John Barth, au "Mason and Dixon" de Pynchon, au "Maggot"
de John Fowles), mais le plus beau parallèle est sans doute à trouver
entre l'oeuvre de Alain Resnais et celle de Milton Caniff. On se souvient
peut-être(1) que Resnais avait lu Caniff par fragments,
avec une chronologie extrêmement erratique et perturbée, et il a
expliqué que ce mode de lecture avait considérablement influencé sa propre
esthétique narrative. T.Smolderen (1) Je rigole, ça se trouve dans mon livre sur Caniff, "Images de Chine" introuvable depuis très longtemps: Resnais y expliquait son rapport à Caniff. |
L'exil. La mort de César... Une scène de lutte que n'aurait sans doute pas désavoué le grand Will Eisner Publius Cimber va être jeté à la mer par des marchands qui en veulent à son trésor. Une attaque de pirates le sauve in extremis. |
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A propos de la prépublication de Peplum dans le mensuel (à Suivre), ce commentaire de Blutch dans son interview accordée à Jade : "Le problème, c'est que les planches rendues faisaient royalement chier les gens de (à suivre) et qu'ils ont tout fait pour que Peplum passe le plus vite possible, que ça ne dure pas des mois. Les parties du récit où il n'y a pas de texte sont passées à la trappe et des pages ont été ôtées de façon arbitraire". (à noter, le journal était alors sur sa fin ce qui a entraîné une politique éditoriale plutôt chaotique). |