Jade : Violent
femmes - Old mother Reagan
Darren Hayman : Tu ne vas sans doute pas me croire, mais javais
écrit la plupart des chansons de notre premier album quand
ma copine ma fait remarquer un jour que ma musique ressemblait
vraiment à celle des Violent Femmes. Je navais jamais
écouté ce groupe de ma vie. Elle ma fait découvrir
leurs disques et jai trouvé ça vraiment bien.
Je crois que leur deuxième album est celui que je préfère.
Nous avons tourné avec eux lan dernier, et ils avaient
vraiment lair den avoir marre.
Dans
ce cas, pourquoi crois-tu quils continuent ?
Je nen sais rien. Je ne pense pas que ce soit largent.
Leurs morceaux ont été utilisés dans tellement
de films que je doute quils aient du souci à se faire
de ce côté-là. Gordon Gano a mis six ans
pour écrire le dernier album, ce qui montre bien quil
est fatigué. Je nen sais rien. Mais je suis prêt
à parier que ce nest pas près de nous arriver.
Est-il
vrai quil a été question que Gordon Gano produise
votre premier album ?
Pas vraiment. Too pure, notre maison de disques, pensait que cétait
une bonne idée à lépoque, et comme nous
commencions tout juste à travailler avec eux, je ne voulais
pas paraître désagréable en refusant demblée
leur proposition. Je lui ai parlé plusieurs fois au téléphone,
mais il na jamais été vraiment question que ça
se fasse.
Lors du dernier soir de notre tournée commune, les Violent
Femmes ont repris notre Hymn for the coffee, et Jack et moi-même
sommes venus jouer sur Country death songs. Cétait
drôle, parce quils ne nous parlaient jamais directement
mais toujours par le biais de leur manager. Il est venu nous voir
dans notre loge pour nous dire que les Violent Femmes voulaient nous
inviter à les rejoindre sur scène. Pas tout le groupe
: juste Jack et moi. Cétait vraiment drôle, car
ils nous demandaient de faire le solo, et nous ne jouons jamais de
solos. Je me suis mis au clavier, et jai joué le morceau
dont on mavait montré les accords un peu avant. À
la fin, les Violent Femmes ne se sont pas arrêtés, et
je voyais bien quils attendaient quelque chose de nous. Jétais
très embarrassé, je ne savais pas combien de temps ça
allait durer.
David
Bowie - The London boys
Je suis originaire de lEssex, une région suffisamment
proche de Londres pour que je puisse y descendre à loccasion
dun concert. Si les Pixies jouaient, je pouvais aller y passer
la nuit. Je suis allé en école dart dans le Kent,
cest là où jai rencontré Antony
(1). Mais quand je suis retourné chez moi à
la fin de mes études, je me suis retrouvé coincé.
Je navais pas de voiture et je ne savais pas conduire. Revenir
chez ses parents après en être parti, cest un cauchemar.
Javais vécu seul pendant 3 ans, et il métait
impossible de reprendre la vie avec eux. Pareil pour Antony. Mais
nous avons passé pas loin de deux ans à nouveau chez
nos parents. Deux années mortelles. Je me souviens que nous
étions très déprimés. Partir pour Londres
était la seule issue. Si tu es créatif et que tu habites
dans lEssex ou dans le Kent, la seule chose à faire,
cest de te casser. Cest marrant, parce que je ne connais
aucun Londonien qui soit né à Londres. Tous ceux qui
y sont nés nont quune seule envie : partir. La
famille de mon père est originaire de lEast End. Cétait
pour eux un signe de prospérité que de quitter Londres
pour aller en banlieue. Mais quand tu veux écrire des chansons,
il faut que tu sois à Londres.
Mais
cest une ville où le coût de la vie est horriblement
élevé.
Oui, mais ça toblige à te bouger. Tu ne peux pas
vivre à Londres en étant paresseux. Cest ce qui
fait la différence entre Londres, Madrid et Glasgow. Et jaime
ce mode de vie, même sil est dur.
Le
groupe te permet-il de vivre ?
Oui. Je gagne un peu plus que les autres étant donné
que cest moi qui signe les chansons. Sinon nous partageons de
façon la plus égale possible entre nous. On sen
tire pas trop mal même si parfois on a du mal à joindre
les deux bouts. Pour être honnête avec toi, cest
la raison pour laquelle on doit sortir un disque tous les ans. Jaimerais
quon ait un tout petit peu plus de succès, juste un tout
petit peu, histoire de pouvoir se permettre de passer deux ans à
travailler sur un album. Mais je ne suis pas à plaindre non
plus : je suis en train dacheter lappartement dans lequel
jhabite, et nous sommes trois au sein du groupe dans cette situation.
The
Kinks - Johnny Thunder
Si notre album ta fait penser à Ray Davies, alors
je suis très flatté. À lorigine, nous avons
écrit la chanson We love the city pour lalbum
précédent, The fidelity wars. Puis jai
eu lidée dun disque entièrement consacré
à Londres, et jai mis ce morceau de côté.
Au moment où jai eu cette idée, jai immédiatement
pensé à Ray Davies, car ça lui ressemble
tellement. Même si je crois quen définitive il
na jamais rien fait de semblable.
Par
contre , il a enregistré quelques albums-concepts.
En fait, je connais très mal leur uvre. Les Kinks font
partie des groupes que jai mis de côté pour le
moment, sachant que je vais adorer découvrir leurs disques.
Pour linstant, je men tiens à une compilation.
En écrivant We love the city, je voulais donner une
image plus fidèle de ce que nous sommes, car je pense être
victime dun vaste malentendu depuis notre premier disque. Beaucoup
de gens pensent que je narrive pas à trouver de copine,
alors que si tu écoutes bien Breaking Gods heart
(2), cest exactement le
contraire, puisque je narrive pas à faire un choix. Et
quand je dis dans les interviews que nous sommes originaires de Londres,
personne na lair de me croire. Jaime beaucoup We
love the city. Je crois que cest notre meilleur album, et
jai peur que ce soit le meilleur que nous fassions jamais. Parce
que je suis épuisé par leffort de création
quil a demandé.
Mountain goats - The black ice cream song
Chaque fois que John Darnielle (3)
vient jouer en Angleterre, je suis au premier rang. Jai fini
par le connaître un tout petit peu, en tant que fan. Jadore
les Moutain Goats. Il y a un an, on nous a proposé de jouer
dans un festival en Hollande où les Moutain Goats étaient
aussi à laffiche. Jai répondu que nous nacceptions
quà condition de jouer sur la même scène
queux. John Darnielle est consulté et accepte.
Jarrive pour la balance, John me reconnaît et me dit :
" Tu as fait tout ce chemin pour venir me voir "
? Il ne sétait jamais rendu-compte que je jouais aussi
dans Hefner. Cétait très drôle. Je lui dois
beaucoup. Par exemple, je me suis beaucoup inspiré de sa diction.
Il est excellent dans ce domaine, tu peux facilement comprendre le
moindre mot quil prononce. Jai également pris pour
modèle la façon dont il se comporte sur scène
comme la spontanéité avec laquelle il communique avec
le public. Jen ai un peu marre de ceux qui ne font aucun effort
comme Smog ou Will Oldham. Voir les Moutain Goats en concert
ma aidé à me libérer. À chaque album,
je me promets denregistrer une reprise des Moutain Goats. Mais,
à chaque fois, nous narrivons pas à nous décider
sur un morceau.
Les
Moutain Goats produisent beaucoup. Peut-être devraient-ils publier
moins de disques et être plus sélectifs.
Cest ce que certains disent également au sujet de Will
Oldham... ou de Hefner ! Ce nest plus le cas aujourdhui
vu que John Darnielle semble avoir perdu foi en la musique.
Il sest marié et nenregistre plus rien. Je lui
ai proposé de publier un disque sur mon propre label, mais
il ne ma jamais répondu.
Pascal Comelade - Egyptian reggae
Tu ne vas peut-être pas me croire, mais je me suis mis à
écouter Jonathan Richman après que tout le monde
mait dit que ce que je faisais lui ressemblait. Je connaissais
juste Roadrunner, cest tout. Et quand nous avons enregistré
Pull yourself together, nous avons délibérément
tenté de sonner comme ce morceau. Je voulais écrire
une mélodie sur deux accords. Et quand je lai trouvée
et que nous avons commencé à répéter le
titre, jai vraiment dit aux autres de prendre Roadrunner
comme modèle. Jai également donné la même
consigne à lingénieur du son lorsque nous sommes
allés en studio. Jaime beaucoup les albums récents
de Jonathan Richman. Tu connais Jonathan Richman goes country
? Un disque fantastique, qui na justement rien à voir
avec la country. Et une des pochettes qui me fait le plus rire. Tu
te souviens de la première chanson, Since she started to ride
? Un chef duvre.
Cest
aussi sur cet album que figure The neighbours...
Oui, bien quil en existe une meilleure version à mon
avis sur Jonathan sings. Est-ce quon trouve ce dernier en CD
dailleurs ? Je ne lai jamais vu quen vinyle. Il
faudrait que je le trouve, ça doit être le seul quil
me manque. Il men faudrait même deux exemplaires étant
donné que jai rayé celui de mon ex.
Billy Childish - Politics of greed and gain
On lui a demandé de remixer Painting & kissing pour la
face B de notre prochain single. Nous navons pas encore eu de
retour de sa part. En fait, jen viens presque à espérer
quil naime pas le morceau. Je serais déçu
quil aime Hefner. Cest quelquun de si radical. Jaimerais
aussi proposer à Holly Golightly de Thee headcoatees
(4) de chanter sur notre prochain
album comme Gina Birch des Raincoats lavait fait sur
The fidelity wars ou encore Amelia Fletcher de Heavenly
sur le dernier.
Tout
à lheure tu disais être productif sans quoi tu
ne vivrais pas de ta musique. Est-ce quelque chose de naturel pour
toi ?
Je crois pas que nous soyons particulièrement besogneux. Cest
quelque chose de quotidien. Je me réveille le matin, je donne
quelques coups de fils, je consulte mes e-mails et je me mets à
travailler. Je retravaille beaucoup en fait. Il marrive très
rarement décrire une chanson dun bout à
lautre et quelle soit parfaite au premier jet. Je me force
un peu à travailler, mais ça ne me dérange pas.
Écrire des chansons est vraisemblablement ce qui mintéresse
le plus au monde. Je ne sais pas combien de temps cette envie va durer,
alors je tâche décrire le plus possible avant que
linspiration ne me quitte. Je sais que ça peut très
bien se produire un jour. À la fin de lenregistrement
de We love
par exemple, il ne me restait plus de chansons sous
le coude. Cétait la première fois que ça
nous arrivait.
Looper
- Mondo77
Je nai pas aimé ce projet, même sil est moins
pire que ce que Stuart David propose au sein de Belle &
Sebastian. Cest vraiment un groupe bizarre. Jai eu loccasion
de les rencontrer à plusieurs reprises. Ce sont des gens charmants,
mais je ne suis plus du tout ce quils font. Ils ont perdu ce
qui les rendait uniques. Jaimais beaucoup le premier album,
mais le dernier est vraiment décevant. La chanteuse par exemple
est particulièrement nulle. Isobel Campbell est une
fille adorable, mais elle pourrait vraiment sabstenir de chanter.
Ça me fait de la peine de le dire étant donné
que je sais quelle aime bien Hefner, mais cest la vérité.
Elle devrait vraiment se contenter de jouer du violoncelle.
Le
fait que Stuart Murdoch ait joué avec vous, vous a t-il aidé
à vos tout débuts ?
Pas particulièrement. The Hefner soul, sur lequel Stuart
joue des claviers, est vraiment sorti en catimini. Mais je crois que
nous sommes deux groupes différents, comme nos fans sont différents.
Je pense que les fans de Hefner tirent leur coup un peu plus souvent
que ceux de Belle & Sebastian (rires).
New
bad things - The dirge
Un groupe dont je qualifierais linfluence de majeure pour Hefner.
Sil ny avait pas eu les New Bad Things, je doute quHefner
ait un jour existé. Je les hébergeais quand ils venaient
jouer à Londres. Je les avais rencontrés à un
concert des Mountain Goats. Je connaissais leur premier album, javais
discuté un moment avec eux, et ils mavaient signalé
quils cherchaient un endroit pour dormir le soir. En échange,
jai logé chez eux chaque fois que jai eu loccasion
daller à Portland. Pour moi, cest le groupe qui
symbolise le mieux léthique indépendante. Des
musiciens qui pressent eux-mêmes leurs disques, qui contrôlent
tout de A à Z... Du jamais vu en Angleterre. Chez nous, une
telle attitude est inimaginable, car le moindre groupe a des ambitions
carriéristes. Et dans un pays supposé pourri par largent,
les New Bad Things sen foutent. Matthew, qui a écrit
The dirge et Goethes letter to Vic Chesnutt est
le meilleur compositeur du groupe. Il na pas besoin que ses
chansons soient publiées pour continuer à en écrire.
Cest vraiment lartiste par excellence. Mais le revers
de la médaille, cest quils sont trop indépendants,
incapables de sortir du circuit de la lo-fi. Même sils
écrivent de grandes chansons, ils nont rien à
foutre que personne ne les entende peut-être plus. Je dois avoir
quelque part chez moi une cassette de 4 morceaux enregistrés
ensemble par Hefner et les New Bad Things et qui nont jamais
été édités en raison de la très
faible qualité de lenregistrement.
Brian
Ritchie - Eva
Encore une brillante démonstration quau sein dun
groupe, il ny a souvent quun seul songwriter. Quand nous
étions en tournée avec les Violent Femmes, jétais
sidéré dentendre Brian interpréter
tous les soirs la même chanson, Dont talk about my
music, qui nest pas loin dêtre la pire chose
que jai jamais entendue. Jack (5)
était fasciné. Il ne manquait pour rien au monde ce
moment. Chaque fois quil entendait les premières notes,
il se ruait sur le bord de la scène pour ne pas perdre une
miette du spectacle. De toute évidence, Brian Ritchie
adore cette chanson. Cétait devenu le sujet de conversation
préféré de Jack. Il pouvait en parler
pendant deux heures daffilée. Il nen croyait pas
ses oreilles. Tout est tellement raté dans cette chanson, quil
sagisse du texte comme de linterprétation, que
ça frôle le génie. Mais ça le frôle
seulement.
Ween
- I dont want to leave you on the farm
Je navais jamais pensé quun joueur de pedal steel
guitar puisse nous accompagner sur scène jusquà
ce que jentende Jack jouer un soir dans un bar du sud
de Londres. Cétait dans une toute petite salle avec un
parterre disco, comme dans La fièvre du samedi soir, avec les
dalles qui sallument. Jai été bluffé
par le personnage et linstrument. Je suis allé lui parler,
et il est venu nous écouter jouer. À lorigine,
il nétait là que pour nous accompagner le temps
de quelques concerts. Puis, en apprenant à le connaître,
je me suis rendu-compte quil savait jouer de pratiquement tous
les instruments. Maintenant, il fait partie de Hefner. Il enregistre
actuellement un album solo pour lequel je lui donne un coup de main.
Je lui dois bien ça vu quil a été banni
de lenregistrement de We love the city. Tu imagines de
la pedal steel guitar sur un album dédié à la
ville de Londres (rires) ?
Dennis
Wilson - River song
Dennis Wilson était sur le point de finir son second
album quand il sest noyé, et il existe un bootleg de
cet enregistrement inachevé qui est fantastique. Il avait écrit
une chanson sur lui-même intitulée Hes a bump.
Un drôle de personnage. Difficile de deviner, à lécoute
de Pacific ocean blue, quil a fait partie des Beach Boys.
En fait, la plupart des autres membres du groupe jouent également
sur ce disque, mais comme ils navaient pas le droit dapparaître
pour des raisons contractuelles, leur nom ne figure pas sur lalbum.
Tu connais lalbum Holland des Beach Boys ? Cest sûrement
mon deuxième disque préféré de tous les
temps.
Le
premier étant ?
Depuis deux ans, cest Task de Fleetwood Mac. Du génie
pur. Parce que cest un ratage complet (rires). Un vrai catalogue
de tous les excès commis dans les années 70. Les membres
du groupe en étaient arrivés à se haïr lors
de lenregistrement... mais je méloigne du sujet.
Nous parlions des Beach Boys. Je les écoute beaucoup actuellement
parce que jai acheté les rééditions en
CD de leurs albums des années 70 : Carl & the passions,
Sunflower... Même après Holland, quand leurs enregistrements
nont plus beaucoup dintérêt, il y a au moins
une bonne chanson de Dennis par disque : Baby blue sur
lalbum en concert, Fourth of july sur le coffret Good
vibrations... Les chansons de Carl sont aussi fantastiques,
comme Long promise road. Jen ai assez quà
chaque fois quon évoque les Beach Boys, ce soit pour
parler de Brian. Et quon arrête de nous bassiner
avec Pet sounds comme si le groupe navait fait que cet album.
Pour moi, cest un peu comme Sergent Peppers : je ne peux
plus vraiment lapprécier tellement je lai entendu.
Cest comme si tu me demandais ce que je pense de Happy birthday.
(1)
Antony Harding, batteur de Hefner
(2) Leur premier album
(3) Seul membre permanent des Moutain Goats
(4) Groupe vocal féminin produit par Billy Childish
(5) Jack Hayter, guitariste de Hefner
We
love the city (Too pure/Labels)
Le site de Hefner
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