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LE NUDIE


Des actrices à l'opulente poitrine déclamant du Shakespeare en tenue d'Ève. Des réalisateurs nudistes dirigeant d'hilarants nanars à base de fesses. Des producteurs malins distribuant des petits films roublards sur l'hygiène sexuelle et s'enfuyant avec la recette. Au milieu des années 50, le cinéma indépendant américain s'est trouvé un nouveau jouet : le nudie


Des balbutiements du cinéma en 1896 à Gorges profondes en 1972, en passant par Caroline chérie dans les années cinquante, sexe, érotisme et cinéma ont toujours fait bon ménage. Mais c'est en 1955 que le film dit sexy (ou nudie) fit son apparition. Cette année là, une série B naturiste intitulée Garden of eden révolutionne le code de censure américain en obtenant, suite à un procès, que la nudité au cinéma ne soit plus considérée comme obscène. En effet, depuis 1931, le code Hays, du nom de son créateur Will Hays, gère et régente tout ce qui touche à la nudité et à la violence dans l'industrie hollywoodienne : pas de meurtres filmés en détail, pas de drogues, perversions sexuelles interdites, et surtout pas de scènes d'attouchements explicites ! Autrement dit, pas grand chose pour s'amuser. Ainsi, à partir de 1956, le nudie part à l'attaque des U.S.A., la plupart des indépendants américains s'infiltrant dans la brèche ouverte par le pourtant ennuyeux Garden of Eden ; à commencer par Russ Meyer (futur réalisateur du mythique Faster pussycat, kill ! Kill !) qui met là en scène son premier film : The immoral Mr. Teas. Ce dernier raconte l'histoire de monsieur Teas qui, suite à une opération chez son dentiste, découvre qu'il peut voir tous les gens nus ! Sur cette simple trame, Russ Meyer réalise une comédie burlesque, sans aucun dialogue, qui scandalisera les censeurs et réjouira les spectateurs : ils lui feront un triomphe. Pour la première fois, un film mélange allègrement burlesque et érotisme mammaire ! Par la suite, le réalisateur choisira scrupuleusement ses actrices selon deux critères : le droit et le gauche !
Au début des années soixante, David F. Friedman et Harry H. Novak, deux producteurs de génie, vont à eux deux changer la face du nudie et des films de sexploitation. En 1960, Friedman. s'associe avec un jeune réalisateur du nom d'Herschell Gordon Lewis (futur pape du gore grâce à Blood feast) pour Living Venus (1960), l'histoire d'un magazine de charme. Le joyeux duo réalisera un grand nombre de productions de ce type, dont le totalement stupide Boin-n-g !! (1962), dans lequel une équipe de cinéma essaie de réaliser un film de fesses sans jamais y arriver ! Toutes ces oeuvres étant bien entendu tournées dans des camps nudistes, histoire que tout le monde soit vraiment à poil. Le cas d'Harry Novak est plus complexe. Homme de marketing et vendeur hors-pair, il distribue en 1964 le doudounesque Kiss me quick ! , premier nudie-monster où l'extraterrestre Sterilox (!) kidnappe des filles, avant de tomber sur le docteur Breedlove, un hypnotiseur qui se sert des femmes comme objets sexuels ! On pourra encore s'attarder sur House on a bare mountain (1962) de Robert Lee Frost, sorti chez nous sous le titra Le vampire érotique (tout un programme !), ainsi que sur le craquant Orgy of the dead (1965). Malheureusement, l'érotisme torride et la pornographie arrivent à grands pas, ce qui sonnera le glas du nudie et la fin d'une époque. L'époque où loups-garous libidineux et appétissantes paires de fesses rimaient avec hallucinantes doudounes et joies du naturisme... Dommage.

Pierre Henri de Castel-Pouille