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L’histoire
Victoria
est une adolescente de 17 ans d’origine Espagnole qui vit à Béziers.
Très proche de ses racines, elle passe le plus clair de son temps
de loisirs à la Colonie Espagnole, une très ancienne association
installée dans un immeuble de la vieille ville. Elle y pratique
la peinture, la danse flamenco et toutes sortes d’activités avec
des jeunes gens de son âge. Parmi ses amis, il y a Adrien, qui n’est
pas indifférent à sa beauté un peu sauvage. Victoria est une rêveuse
et souvent son esprit part ailleurs.
Elle songe à toutes ces générations d’espagnoles qui sont passées
à la Colonie depuis sa création en 1889, les premiers ouvriers agricoles
à l’époque de l’épidémie de phylloxéra et des guerres Carlistes,
les nombreux réfugiés de la guerre civile, issus de la retirada,
jusqu’aux dernières générations qui ont fui le franquisme et à la
famine.
Elle imagine les soldats Allemand, pendant l’occupation, qui jettent
les livres de la petite bibliothèque par la fenêtre pour les brûler
ensuite dans la cour.
Elle voit le drapeau nazi à croix gammée flotter sur la façade de
l’immeuble de la Colonie Espagnole.
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Si
cette bande dessinée est une fiction, son contenu repose
cependant sur des faits historiques qui se sont déroulés
voilà quelques dizaines d’années. Sur l’échelle de l’Histoire,
c’était hier.
De tout temps, l’être humain a cherché une vie meilleure.
L’Eldorado des Conquistadors, pays où les espagnols pensaient
trouver de l’or en abondance, est devenu, pour l’émigré
du XXe siècle, un enfer ou tout au moins un purgatoire.
La Colonie Espagnole de Béziers qui apparaît dans ces
pages existe réellement et fait partie de ces lieux où
les immigrés espagnols venaient se réfugier dès la fin
du XIXe siècle pour y trouver un peu de solidarité et
de convi-vialité entre compatriotes. C’était un peu leur
paradis. Dès les années 1880, la misère en Espagne aggravée
par la crise du phylloxéra déclenchent la première grande
vague migratoire vers la France . À la recherche d’une
main d’oeuvre bon marché, les viticulteurs français recrutent
des journaliers jeunes, en bonne santé mais surtout très
pauvres, pour replanter les vignes.
Plus tard, lors de la première guerre mondiale, les espagnols
vont travailler dans l’agriculture et l’industrie pour
remplacer les français embourbés dans les tranchées. Par
la suite, la guerre civile espagnole puis la victoire
de Franco provoquent un second mouvement migratoire d’une
ampleur jamais vue auparavant que l’on va désigner sous
le nom de “Retirada”. Il ne s’agit plus d’immigrés économiques,
comme auparavant, mais de réfugiés politiques qui partent
non pour gagner leur vie mais pour la sauver.
Enfin, dans les années 60, une troisième vague migratoire
déferle dans toute l’Europe pour pallier au manque de
main d’œuvre bon marché des pays riches européens, d’une
part et pour occuper une jeunesse espagnole sans travail
et sans avenir, d’autre part. La Colonie Espagnole est
ce lieu de rencontre de tous les mouvements migratoires
: située à Béziers dans le dépar-tement de l’Hérault,
cette association a joué, dans les méandres de l’histoire
et joue encore un rôle essentiel pour une intégration
réussie.
Comme Victoria, le personnage principal de la bande dessinée,
tous les immigrés ont été tiraillés par leur envie de
retourner au pays et continuer à vivre dans le pays qui
les avait accueillis. Ce déchirement entre deux nations
est le lot quotidien de beaucoup d’immigrés. Grâce à des
associations comme la Colonie Espagnole de Béziers, l’immigré
retrouve son pays, une partie de son identité ainsi qu’un
équilibre psychologique qui lui permet de vivre épanoui.
Anne-Marie Sabatier |
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