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cahier spécial
de "L'Echo du Donjon"
n° 3.
Invité : Jean-Emmanuel Vermot-Desroches
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L'Echo du Donjon:
Comment as tu rencontré Joann Sfar & Lewis Trondheim ?
J-E Vermot-Desroches:
Joann était en visite à Angoulême pour une intervention auprès des étudiants de l‘école de l’image. Il a profité de ce qu’il était en ville pour faire un crochet par les locaux du site Coconino World, où je travaillais à l’époque, et me proposer de dessiner un Donjon dans l’univers de Potron-Minet. Oui, parce qu’il avait aimé l’un de mes récits diffusé justement sur le site Coconino, « Les chevaliers maigres », une histoire pas très claire mais avec une ambiance graphique qui l’a intéressé. Ensuite il s’est arrangé pour que Lewis dise « Faut voir. » et là j’ai été tout content. On a surtout correspondu par e-mails étant donné que nous habitons chacun une ville différente, j’ai fait la connaissance de Lewis en personne alors que j’avais déjà dessiné 4 pages (au salon d’Angoulême 2002).
L'Echo du Donjon: Se retrouver embarqué dans une série aussi imposante que Donjon pour ton premier grand album, c'est assez flatteur. Tu n'as pas trop de pression ?
J-E Vermot-Desroches: Pour le dessiner je n’ai pas eu trop de problème de ce coté là. Quand on sait bien s’occuper les soucis superflus s’en vont d’eux-mêmes, tous les bricoleurs te le diront. En plus, Lewis et Joann ont toujours eu une attitude très encourageante quand je leur envoyais des images des planches. Par rapport aux lecteurs, ce qui est bien avec la bd c’est que ce n’est pas un exercice de scène, donc pas de trac. Enfin, bon, il y aura les séances de dédicace, c’est vrai… J’espère que les fans de la série apprécieront aussi cet opus mais je n’en ai pas encore perdu le sommeil.
L'Echo du Donjon: On te sens graphiquement proche de Christophe Blain, il fait partie de tes influences ?
J-E Vermot-Desroches: En temps normal, pas tant que ça. Il y a quelques années j’ai commencé à dessiner Les chevaliers maigres à la plume lorsque j’étais étudiant pour échapper un peu à une influence Blutchienne qui me semblait trop importante lorsque j’utilisais le pinceau. Et j’ai découvert à la même époque un tas de dessinateurs qui m’ont passionné : Edward Gorey, Chas Adams, Gus Bofa, Elsie Segar. Voici une ascendance qui ne pouvait pas me situer trop loin de Christophe Blain et de cette nouvelle famille de dessin dont Blutch et Joann sont aussi deux figures importantes. Pour l’album j’étais motivé par l’idée de prolonger l’univers de Potron-minet en étant aussi cohérent que possible avec ce que Christophe Blain avait mis en place et d’une belle façon. Cependant la différence de tempérament s’affirme assez clairement. Pour faire un peu chinois, je dirais que les lecteurs devraient retrouver du familier dans ce nouvel album ; et au-delà du semblable, une altérité à laquelle j’espère qu’ils feront bon accueil.
L'Echo du Donjon: Quelle est la part de création qui t'es réservée. Inventes-tu des graphismes de personnages, ou bien as tu un "cahier des charges" très scrupuleux ?
J-E Vermot-Desroches: Je dois dire que le cahier des charges était terriblement contraignant et Lewis et Joann ont bien failli avoir ma peau. Avec des injonctions comme « Surtout, il faut que tu t’amuses ! » et « Voilà ce qu’on propose, mais tu peux changer si tu veux ! » il ne me restait guère d’autre choix que d’agir un peu à ma guise. Bon, comme je te le disais je me suis très tôt fixé comme objectif de faire quelque chose de cohérent avec les 2 tomes dessinés par Blain, donc le cahier des charges était assez clair. Pour les principaux nouveaux personnages qui apparaissent dans l’album, ils sont nés de suggestions dessinées par Joann et adaptées à ma sauce. Il y en a quelques uns que j’ai créés directement à partir des découpages sommaires (du point de vue du dessin) de Lewis et le résultat a été plus ou moins bon, car il n’est pas si facile de saisir le truc qui fait d’un personnage un personnage « Donjon ».
"Avec des injonctions comme « Surtout, il faut que tu t’amuses ! » et « Voilà ce qu’on propose, mais tu peux changer si tu veux ! » il ne me restait guère d’autre choix que d’agir un peu à ma guise."
L'Echo du Donjon: Y a t il un personnage de la série qui te correspond plus que les autres ?
J-E Vermot-Desroches: En fait, et surtout durant la réalisation de l’album, je me suis plutôt identifié à un tandem, ce qui correspond mieux au dialogue intérieur que j’entretiens. Je me retrouve assez dans le duo Alcibiade-Horous. Tous les deux sont tournés vers l’apprentissage, l’acquisition de connaissances. Mais avec humilité et candeur pour Alcibiade qui a besoin d’être protégé pour faire face au monde. Et avec orgueil, assurance, et le sens de l’initiative pour Horous qui n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis pour venir en aide à ses amis comme à lui-même.
L'Echo du Donjon: Quel est ton album préféré de la série ?
J-E Vermot-Desroches: La chemise de la nuit. Ce Jean-Michel, quel bonheur !
L'Echo du Donjon: Quelle sera l'après-Donjon de Jean-Emmanuel Vermot Desroches ? Quels sont tes projets en cours
J-E Vermot-Desroches: Pour le moment, je ne me projette sur rien de très précis. J’aimerais faire de l’illustration jeunesse pour pouvoir un peu dessiner sans les contraintes de la bande dessinée, et puis essayer divers trucs à un rythme assez rapide. J’ai tout juste la maturité pour pouvoir rester à peu près homogène sur 46 pages. Je préfèrerais, si l’occasion se présentait, dessiner une suite de récits courts plutôt que repartir directement sur un album. J’aimerais bien aussi reprendre Les chevaliers maigres, remanier l’histoire ou simplement conserver l’univers, et en faire un bouquin, mais ce n’est pas pour tout de suite.
Entretien réalisé par Morgan pour "L'Echo du Donjon" (c) novembre 2002 Donjonland
Archives : Lewis Trondheim Joann Sfar