Entretien
Dans
le cadre des ses travaux se rapportant aux études vandammiennes,
M. Vandermeulen a fait appel à M. Xavier P. Löwenthal, linguiste
et esthéticien à l’Institut national de la Radioélectricité.
Il l’a rencontré au Colloque Jean-Claude Van Damme de Portland,
en juillet 2002. Ce colloque se proposait d’évaluer la signification
de l’œuvre vandammienne au regard des questions qui touchent
à la logique vandammienne et à son langage, mais également,
et de façon plus absolue, à la perception awariste (Aware
Perception) et à l’esprit (Van Damme Spirit). Ce colloque
fut organisé par l’Université de Portland et l’O.P.D. (l’Oregon
Philosophy Departement) en collaboration avec l’Université
de Venise et l’Université de Sofia, qui avaient elles-mêmes
organisé deux symposii sur ce thème. Le Colloque de Portland
était destiné à consolider les liens qui se sont noués entre
chercheurs italiens, bulgares et américains sur le terrain
de la philosophie cosmotique (d’après le terme du professeur
Löwenthal) et de l’awarisme au sens large. Ses objectifs
ne consistaient pas à développer un commentaire interne
de l’œuvre vandammienne, pas plus qu’à défendre telle ou
telle interprétation, mais bien à promouvoir un type de
discussion soucieux des problématiques et structures auxquelles
la pensée vandammienne peut être associée, à la lumière
de ses ressources propres et des travaux qui ont renouvelé
l’approche de ces questions au cours des dix dernières années.
M.
Vandermeulen : M. Löwenthal,
vous avez connu Jean-Claude Van Damme en 1982. Des entretiens
que vous eûtes avec lui sur les sujets les plus divers,
vous avez conservé des observations qui vous ont
fourni la matière d'un livre paru après le
départ du philosophe pour Hollywood en 1983, Conversations
avec Jean-Claude Van Damme, Vrin 1988. Ce livre, comme vous
vous en expliquez, vous le publiâtes dans le souci
de mettre en relief, avec la plus grande clarté possible,
les aspects de la pensée vandammienne qui vous paraissaient
avoir été injustement ou inopportunément
ignorés. Les notes dont votre ouvrage est composé
dessinent un portrait dont on perçoit mieux aujourd'hui
la complexité et les contrastes, mais c'est sous
une lumière étonnamment vive, enrichie d'une
multitude de traits sur la condition physique, la morale,
l'éthique et la religion, qu'il nous est ici livré.
Dans vos entretiens, Van Damme ne parle pas de son œuvre
cinématographique (quasi inexistante à l'époque),
mais les pensées limpides qu'il y exprime n'en sont
pas moins, pour la plupart, d'un intérêt comparable
à celui de ses aphorismes des années 90.
M. Löwenthal :
Oui, en effet. Je pense avoir été l'un des
premiers à percevoir chez Van Damme sa formidable
potentialité.
M.
Vandermeulen : Abordons
à présent, si vous le voulez bien, quelques
aphorismes récents. Pour commencer je voudrais vous
lire celui-ci, qui est, nous semble-t-il, très symptomatique
de la pensée du karatéka. Je cite : "Je sais
que même si tu comprends pas ce que je dis, tu le
comprends".
N'y a-t-il pas là, M. Löwenthal, comme chez
Bacon, Leibniz, puis plus tard, chez Wittgenstein et toute
la pensée du Cercle Viennois, une volonté
explicite de dénoncer une dislocation langagière,
la mise en avant d'une certaine indétermination ontologique
qui s'interposerait ainsi entre la réalité,
Jean-Claude Van Damme et nous ?
M. Löwenthal : Tout à fait. Il y a, dans
cette aporie, une inversion du doute ontologique. Ce n'est
plus " rien ne peut être compris, jamais, en vertu
de cette béance fondamentale du monde à la
pensée, du réel à sa représentation
", ontologiquement, mais " tout peut être compris,
rien n'est hermétique, l'opacité n'existe
pas ". Tout peut et doit être pensé, et tout
l'est, parce que c'est possible, quand bien même nous
l'ignorerions, tels des monsieur Jourdain de la pensée.
A l'instar du groupe de Vienne, Van Damme a montré
à quelles extrémités ont pu conduire
l'exercice systématique de la raison critique et
du doute méthodique. L'esprit critique peut bien
s'exercer, mais pas a priori, pas avant qu'on aie compris,
même si c'est malgré soi. L'impossibilité
ontologique à penser ou à représenter
le monde est l'excuse du faible pour faire l'économie
de la pensée. C'est ce qu'il exprime si joliment.
M.
Vandermeulen : En cela
on peut dire qu'il dépasse Wittgenstein, ce n'est
pas rien ! C'est aussi ce qui vous a si naturellement amené
à comparer la pensée vandammienne au renflement
des graminées ?
M. Löwenthal : Vous m'avez compris, oui. Il
faut d'abord laisser l'idée ou la pensée gonfler,
comme du riz basmati, la laisser s'emplir du souffle de
la vie, du cosmos tout entier, la laisser devenir le cosmos
(et le cosmos devenir elle), la laisser nous emplir, et
devenir nous-même cette idée ou cette pensée.
La comprendre malgré soi (" à l'insu de son
plein gré ", comme l'a merveilleusement exprimé
un autre penseur et athlète). C'est alors, et alors
seulement, que la raison peut agir, sans risquer d'écraser.
Ce processus cognitif et intellectuel pourrait être
appelé, si l'on nous passait ce barbarisme, la cosmose,
de cosmos et osmose. L'awarisme est la pensée de
la cosmose.
M.
Vandermeulen : La cosmose,
oui, un très joli terme, nous y reviendrons. Dans
la toute droite continuité de ce que nous venons
d'évoquer, je vous cite le fragment 1589d...
M. Löwenthal : Le célèbre 1589d,
oui. Je peux vous le citer de mémoire, il dit ceci
: En vérité, la vérité, c'est
qu'il n'y a pas de vérité !
M.
Vandermeulen : On peut
dire que c'est l'un des aphorismes vandammiens les plus
troublant, n'est-ce pas ?
M. Löwenthal : Dérangeant, même
! Cette réflexion sur les limites ontologiques, phénoménologiques
et épistémologiques du discours se passe de
commentaire. Tout est vérité (qu'on comprend
même si l'on l'ignore) ou rien n'est vérité
: cela revient au même. La nuance d'ironie de ce discours
ne doit cependant pas tromper. Tous les Grecs sont des menteurs
et Van Damme est Belge. La vérité est qu'il
n'y a pas de vérité. Le mensonge est que tout
est mensonge. Le mensonge est qu'il y a des mensonges. C'est
à la tragédie de l'être-au-monde de
l'humain que l'on assiste ici, pathétiquement.
M.
Vandermeulen : Mon modèle,
c'est moi-même. Avec cette assertion, n'y a-t-il pas
une volonté claire et définitive de se démarquer
de tout un héritage antique ? d'être en ce
sens, résolument moderne, nietzschéen ?
M. Löwenthal : Van Damme nietzschéen
? oui, certainement. Mais Van Damme gombrowitzien, aussi.
Avec une composante néoplatonicienne et, paradoxalement,
néomarxiste, aussi. (Il faudrait relire le 1589d,
et peut-être bien le a, aussi, à la lumière
d'Adorno). " Mon modèle, c'est moi-même ".
La vérité sur moi-même est là,
tout entière, sur moi et en moi. L'essence et le
phénomène se conjuguent parfaitement. On est
loin, quoi qu'on pourrait erronément en penser, du
" je suis ce que je suis ". Van Damme ne revendique pas
une farouche autarcie vaniteuse (et vaine) qui serait en
contradiction avec le principe awarien de la cosmose.
On ne peut être que soi-même, c'est à
dire qu'on ne peut que " devenir soi-même " (on travaille
au modèle, on se modèle, donc on n'est pas
modelé). Si l'on ne peut pas représenter le
monde, on peut élaborer le soi. Élaborer le
soi, c'est devenir le monde, sans modèle, sans conformité
à rien d'autre qu'au soi, qu'à la conscience,
par cette geste de l'entendement cosmotique qui fait qu'on
comprend l'univers même lorsqu'on ne le comprend pas.
M.
Vandermeulen : Je ne résiste
pas à vous lire ce fragment, le 5896c, très
récent semble-t-il, et de fait très peu connu
encore, je cite : Il faut se recréer pour recréer...
a better you.
M. Löwenthal : Très beau, en effet !
je ne le connaissais pas. Devenir soi, a better you... Le
modelage du soi (cf. " mon modèle, c'est moi même
") est une constante dans la pensée vandammienne.
Modelage du soi à soi. Le " devenir soi-même
cosmotique " est exprimé dans une forme doublement
hybride. Van Damme passe subtilement du " soi " au " toi
" (" you ") et du français à l'américain.
" A better you " pourrait imparfaitement se traduire par
" un meilleur toi ". " Se recréer pour recréer...
a better you " . L'auteur insiste : le verbe créer
est dédoublé par le préfixe re, et
dédoublé encore par la répétition
du mot. Dans ces quelques mots, " on " est créé
pas moins de quatre fois (comme les quatre cavaliers!) "
Il faut se créer, créer pour créer,
créer...un meilleur toi ". En se créant deux
fois soi-même, on créerait un autre autre ("
a different you ") meilleur, puisque ce n'est plus " soi
" qui est recréé en fin de compte, mais "
toi ". De même qu'il y a une absolue porosité
de soi et du cosmos (la cosmose), il y a une porosité
de soi et de l'autre (" soi " et " you "). On devient l'autre
meilleur à se recréer (quatre fois !) soi-même,
tout en n'ayant que soi-même pour modèle. On
perçoit toute l'audace de cette proposition.
M.
Vandermeulen : Ce n'est
un secret pour personne, vous êtes, M. Löwenthal,
un éminent linguiste ; fort de cette instruction,
que vous inspire le mot " better " ?
M. Löwenthal : La forme anglo-saxonne " better
" évoque simultanément " beater " (qui bât)
et butter (le beurre). " A better you " est un moi (un toi)
battu, comme l'on bât le beurre (de baratte). On pressent
toute la force évocatrice de l'expression, tout ce
qu'elle recouvre de raison et de déraison. Le beurre
est une substance vitale lipidique obtenue par battage du
lait, le lait séminal du père (obtenu par
secousses), le lait nourricier du sein de la mère
(obtenu par succion) qui permet au nourrisson de devenir
enfant, puis adulte, de devenir soi, a better you. Le lait
est battu jusqu'à devenir cette substance molle et
dure à la fois, déformable, transformable
à merci : le beurre, dont on fait un onguent pour
les plaies, qui ramollit les cuirs les plus durs, qui réchauffe
et adoucit. Le lait battu, c'est l'origine et la fin, c'est
le cosmos en résumé. Le lait est créé
deux fois (dans la spermatogenèse et dans les glandes
mammaires) puis recréé dans le mélange,
recréé encore dans sa transformation en beurre,
par le combat. " A better you " exprime bien mieux et bien
plus justement l'idée du " devenir-soi cosmotique
", du " devenir aware " que l'expression plus triviale "
un meilleur soi ". A better you, le beurre, la transformation,
les arts martiaux, le kung-fu, le kick-boxing. Cette transformation,
cette mue permanente vers le soi, à l'imitation de
soi, est un combat, qui mène le soi au soi et au
monde et à l'autre (you). Le lait séminal
du père et le lait nourricier de la mère sont
battus, transformés par le combat permanent de l'entendement,
de la conscience aware. Ils mènent à l'autre
et à l'univers, a better you, a better world.
M.
Vandermeulen : Abordons
à présent un sujet plus universel encore,
avec cette très belle sentence : La vie appartient
à tous les vivants. Alors M. Löwenthal, existe-t-il
une limite à la pensée vandammienne ?
M. Löwenthal : C'est une très bonne question
! L'awarisme et la cosmose s'arrêteraient au trépas
? Point de métempsycose dans la pensée vandammienne
? Après avoir mis fin d'une manière qu'on
espère définitive à la question des
origines, Van Damme n'a pas su mettre un terme à
la question des fins et l'awarisme d'aujourd'hui est encore
divisé entre partisans de la fin ultime et swendenborgiens.
On a longtemps discuté de l'emploi du verbe " appartenir
" dans cette proposition. Est-on en droit d'affirmer qu'un
lien de propriété unit les vivants à
la vie : les vivants sont propriétaires de la vie
; ou faut-il prendre l'appartenance dans son acception topologique
: l'ensemble " vie " est inclus dans l'ensemble " tous les
vivants ". Dans cette ultime interprétation, la vie
s'arrêterait avec les vivants, et les vivants sont
les dépositaires de la vie. Les vivants sont le sanctuaire
de la vie. La vie est en nous, les vivants, pas hors de
nous. Il y a de la démiurgie dans cette idée,
qui n'a pas dû échapper au père de l'awarisme.
Et un nombrilisme qui éloigne résolument de
la pensée molle et des turpitudes du bouddhisme zen.
M.
Vandermeulen : J'espère
que c'est pas trop fort, mais c'est très profond
ce que je vais dire : il y a deux vies. Cette déclaration
semble d'elle-même répondre par la négative
à notre précédente question, vous ne
pensez pas ?
M. Löwenthal : Sur ce point, je ne serais pas
aussi affirmatif que vous. La seconde vie est profonde.
Le philosophe belge ne dit rien des éventuelles vies
ultérieures ou antérieures. Il n'est ici question
que d'une deuxième vie, profonde. Les exégèses
les plus récentes font de cette deuxième (seconde
?) vie non pas une diégèse diachronique, mais
une cynégétique synchronique. Ou pour le dire
simplement : la deuxième vie est simultanée
à la " première " (cardinal et pas ordinal
: aucune vie n'est " première ").
Le caractère cynégétique de la version
synchronique prête encore à discussion. On
la dit telle car elle nous échapperait et qu'on la
poursuivrait. Un parallèle peut être établi,
au risque de la confusion, avec l'inconscient psychanalytique
poursuivi par l'analysant et l'analyste.
Quelle est la nature de cette autre vie qui nous échappe
? Il ne peut s'agir de la vie onirique ou préconsciente
(ce serait trop facile et le maître n'a pas coutume
de piétiner de vieilles ornières). Swendenborg
est encore invoqué, mais nous émettons des
réserves quant à cette interprétation
forcée : les vies swendenborgiennes sont diachroniques.
A moins, ce qui serait une pensée audacieuse et révolutionnaire,
plus proche du génie vandammien, de considérer
les vies successives de la pensée de Swendenborg
comme synchroniques et syncrétiques ! Point de métempsycose,
donc, dans l'awarisme. Non ! En vertu du principe du devenir
soi-you cosmotique, le temps s'abolit, la compréhension
devient universelle (malgré soi) et les devenirs
autres (devenir mondes) sont simultanés !
M.
Vandermeulen : Nous en
arrivons à présent à commenter ce que
l'on appelle dans le jargon vandammien, les formulations
complexes. Peu de gens en vérité, on conscience
de cette part de la pensée vandammienne, qui rompt
avec la tradition de l'aphorisme et qui va jusqu'à
s'aventurer dans un champ lexical plus large mais aussi
formidablement plus riche et complexe.
M. Löwenthal : Oui, effectivement. Le Van Damme
des formulations complexes est moins connu du grand public.
Mais ne pas étudier cette facette de la pensée
vandammienne serait à mon humble avis dommageable.
Il y a dans les formulations complexes des fragments extrêmement
intéressants, et pas seulement pour le spécialiste
! Je pense au 9655a par exemple, qui dit en substance ceci
: Entre toi et moi il y a un produit qui s'appelle un produit,
et c'est un produit qui s'appelle l'oxygène, alors
si tu fais ça, [inspiration et expiration du sujet]
tu vis mais si je tue l'oxygène comme sur la lune,
tu meurs !! Une lecture simpliste de cette formule conduirait
à une interprétation erronée de type
: le véhicule de la cosmose est l'oxygène.
Ce qui est exprimé ici, encore, est, métaphoriquement,
la porosité du sujet-pensant à l'autre-là,
du je au " you ". Si je tue l'oxygène qui me fait
vivre, tu meurs. Si je meurs, tous meurent. L'oxygène
qui nous sépare (" entre toi et moi ") nous unit.
L'hyperempathie ici décrite relie la pensée
vandammienne à la mystique chrétienne d'un
Dostoïevski. C'est la compassion universelle, la communion
cosmotique d'Aliocha embrassant la terre, dans Les Frères
Karamazov, en un geste sublime de réconciliation,
après le crime d'un homme. N'y voyez, bien entendu,
aucune inclination communiste (ce qu'à Dieu ne plaise)
: Fédor était de bonne famille. Ce geste d'Aliocha
transforme la chaosmie en cosmose, et il n'est pas étonnant,
à cet égard, qu'il ait choisi un champ de
pomme de terre pour ses effusions rédemptrices. Bien
entendu, c'est du contraire que nous parle le maître
: en tuant l'oxygène, il ferait passer l'univers
de la cosmose à la chaosmie, rétablissant
l'entropie. L'oxygène est la métaphore du
Spirit, élixir nutritif et vital de la Brain. Van
Damme décrit une vision pentecôtiste. Comme
les apôtres de Christ, frappés par l'Esprit
Saint, tous les hommes respirent le Spirit et parlent toutes
les langues (d'où la compréhension universelle
inconsciente décrite dans 1458c). Le Spirit, l'oxygène,
sans lequel les oiseaux tomberaient (1256d), est la soupe
primordiale, le souffle de vie, l'aleph et l'oméga.
M.
Vandermeulen : On n'a pas
la même perception du temps selon les Species, c'est
ce qui fait que je peux passer la main entre toi et moi
comme ça, parce que pour l'oxygène, une seconde,
c'est peut-être dix secondes, et pour le béton,
une seconde, c'est peut-être un millième de
seconde... Quelle magnifique leçon de philosophie,
n'est-ce pas ?
M. Löwenthal : Superbe, oui ! On ne peut qu'admirer
la force syncrétique de cette proposition. Elle laisse
tout simplement pantois. On y lit tout à la fois
une interprétation audacieuse de la relativité
générale, de la théorie des sauts,
de la gravité quantique, de la théorie des
cordes et des derniers prolongements de la paléontologie.
Mais ce qui est saisissant, c'est la description de la relativité
du temps subjectif, de la relativité des données
temporelles objectives aux systèmes de références
(transformations de Lorentz), de la relativité des
durées paléontologiques (temps longs, temps
courts, hétérochronies)... et la relation
qu'il établit à l'oxygène et au béton.
La pensée vandammienne rejoint celle des Indiens,
qui prêtent une conscience à l'arbre et à
l'animal, mais Van Damme va plus loin, en conférant
une conscience du / des temps à l'oxygène
et au béton. Dans la cosmose et l'hyperempathie,
les matériaux sont inclus. Pour mieux dire, il n'y
a plus de matériaux, il n'y a plus que des entités
de conscience, baignées dans le Spirit. Ces entités,
ou champ, de conscience sont les atomes de Démocrite,
les cordes vibrantes de la gravité quantique, le
principe de toute chose qui permet la Communion vibrante
en un même modus vibratoire. C'est un phénomène
de résonance apte à dilater ou contracter
le temps. C'est la plus grande nouveauté de ce modèle
d'univers : le temps y est une onde ! Et un phénomène
quantique ! Non plus une immanence, comme chez Kant, mais
une conscience.
M.
Vandermeulen : Je ne résiste
pas à vous relire le fragment 321f, un classique
du genre : Au début pour faire l'amour..., et je
ne parle pas que de sexe..., il faut être physical,
mais ensuite, il faut être plus mental, et après
quand tu as un enfant, il faut être spiritual pour
bien l'élever.
M. Löwenthal : Oui, c'est je crois, la première
formulation complexe que nous connaissons. Je pense qu'elle
dit tout et résume fort bien notre homme ! Et qu'elle
se passe de commentaires ! (rires)
M.
Vandermeulen : (rires)
Eh bien ! Gageons que les études vandammiennes ont
encore de beaux jours devant elles, tant les questions qu'elles
soulèvent sont nombreuses et passionnantes.
M. Löwenthal : On n'a pas fini d'en discuter,
en effet.
M.
Vandermeulen : Monsieur
Löwenthal, merci pour ces réponses éclairantes.
M. Löwenthal : Je vous en prie.
Xavier P. Löwenthal a récemment publié chez Vrun, Jean-Claude
Van Damme ou la cosmose intégrale. Dans cette étude
devenue déjà célèbre, le professeur Löwenthal a énoncé pour
la première fois le concept de cosmose et établi le lien
entre Spirit et oxygène, ainsi que la nature ondulatoire
du temps. Incontournable, même pour les spécialistes.
Niveau de difficulté : ** (vulgarisation)
D'entrée
de jeu, le livre de M. Löwenthal ne démentira
pas ses prétentions : il s'agit bel et bien d'un
essai d'introduction à la pensée Vandammienne.
Mais s'y ajoute aussi une rare enquête menée
au cœur même de la logique dialectique vandammienne
" depuis le vide de l'Être jusqu'aux formes les plus
spiritualisées ", tout en se tenant loin des interprétations
hâtives qui ont plongé le gymnaste " dans l'océan
ténébreux de la pensée abstraite
".
On ne peut pas dire que ce type d'ouvrage ait inondé
le paysage philosophique francophone. Il faut dire que la
rumeur qui entoure le colosse penseur hollywoodien a tôt
fait de le disqualifier en raison du caractère labyrinthique,
pour ne pas dire ésotérique, de ses déclarations.
Or, M. Löwenthal évite deux écueils qui
ont pour effet de maintenir la barre haut lorsqu'il s'agit
de pénétrer le Grand Oeuvre. Non seulement
cheminerons-nous loin du ton grand seigneur de la monographie
spécialisée mais nous esquiverons également
les lourds exposés de la somme, laquelle juxtapose
les idées sans faire comprendre le sens global de
la pensée à l'étude. Au préalable,
procédons à l'anatomie des trois chapitres
qui constituent les points de mire de l'auteur. Celui-ci
entreprend son odyssée du comprendre à travers
les oeuvres majeures de Van Damme - mentionnons les aphorismes,
les écrits (sur photos principalement), et la filmographie
et ce qui singularise son approche, c'est justement la médiation
à laquelle il soumet cette pensée afin qu'ils
dévoilent leur(s) essence(s). Il aborde le premier
chapitre en situant le contexte philosophico-culturel auquel
est confronté Van Damme et qui l'a conduit à
opter résolument pour l'awarisme, au lieu de céder
à l'appel du " Sturm und Drang ", refusant ainsi
de consentir à une forme d'irrationalisme ontologique
auquel certains auront voulu l'associer. Le second chapitre
nous offre des clés pour mieux saisir les thèses
du philosophe de la cosmose intégrale. Un quatuor
de concepts: Sujet / Spirit / Species / Body servira à
rendre cette pensée moins déconcertante, plus
concevable. Par la suite, il montrera en quoi la réflexion
du Body conduit au Spirit. L'Esprit vandammien ainsi défini
présuppose que la cosmose s'ouvre et se fait dans
le tissu du monde, d'où l'importance de la liberté
qui est indissociable des conditions de réalisation
du Spirit : " The final conclusion of the spirit is perfection
". Nous nous situerons d'emblée aux antipodes d'un
Van Damme considéré comme apologiste du pragmatisme.
Le dernier chapitre clôt le bec aux nombreux détracteurs
du philosophe qui ont voulu l'enfermer dans un système
sans portes ni fenêtres : " telle une ombre, ce devenir
ne saurait être capté ou emprisonné
", la totalité n'étant jamais donnée
ou reçue. En fin de volume, M. Löwenthal nous
réserve un texte à la fois exigeant et émouvant:
Jean-Claude / Van Damme / moi. Il s'agit là de l'apport
le plus personnel de l'auteur porté par un souffle
lyrique peu commun, sans jamais altérer la rigueur
qui sous-tend son propos.
Xavier
P. Löwenthal
Jean-Claude Van Damme ou la cosmose intégrale
Vrin, 1999