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        chroniques #2 |  | 
   
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        Chroniques 
          #0From 
          hell - Petit manège - Attends
 L'usine électrique - Caricature - Le feuilleton du siècle
 Chroniques 
          #1
 Gorazde 
          - Persepolis - Frankenstein encore et toujours - Cosmique tralala - 
          Froncée - Jeux d'influences - Isaac le pirate - Villégiature
 |  | Le 
        val des ânes
 
  Au 
        pays des souvenirs denfance, Matthieu Blanchin entre les 
        fers aux pieds. Le val des ânes commence ainsi. Son premier 
        souvenir est celui, solitaire, dune victime ; une légère 
        infirmité, douloureusement soignée, le contraindra à 
        supporter un appareillage métallique aux pieds. On le retrouve 
        rapidement avec ses deux petits frères, prenant possession de la 
        campagne autour de la ferme familiale. Ainsi tout change. On assiste, 
        autant amusé quhorrifié, aux quatre cents coups de 
        la fratrie, des cassages de carreaux aux pétards dans les bouses 
        de vache, en passant par les leçons danatomie. Son point 
        de vue daîné, souvent manipulateur et dominant bat 
        la cadence de leur découverte du monde. La cruauté, omniprésente 
        sy décline en saveurs vraies et amères, culminant 
        au moment où les deux plus grands feront croire au cadet quil 
        est un enfant adopté. Souvenirs de colo, cabanes prises et reprises 
        dassauts, tantôt par des Indiens, tantôt par des chevaliers, 
        la rythmique du val des ânes ne laisse pas le temps de souffler, 
        ponctuée par les « attendez-moaaa ! ! » du cadet, Rémy, 
        toujours distancé dans le rapide trajet séparant la maison 
        du lieu où lon a fait une connerie. Le trait vif de Blanchin, entièrement dévolu au mouvement 
        a des airs de croquis, renforçant cette impression de scènes 
        prises sur le vif. On y est, on sy croirait, on sen souvient. 
        Un ouvrage singulier et précis qui combine parfaitement le tempo 
        effréné de lenfance et la nostalgie des moments dorénavant 
        gravés dans la mémoire font du Val des ânes 
        lun des meilleurs ouvrages de ce début dannée.
 JP.
  
        Le val des ânes  Matthieu Blanchin80 pages  89 FF - éditions Ego comme x
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    |  |  | La 
        poursuite 
 
  Avec 
        La poursuite, William Henne, jeune auteur belge qui sévit 
        chez le petit éditeur La cinquième couche, nous invite en 
        pays dabsurdie. Ce pays, à limposante et souveraine 
        administration se veut un modèle de rationalisation envers les 
        libertés individuelles. On peut sy suicider, certes, mais 
        après avoir rempli les bordereaux adéquats. Il en va de 
        même pour le meurtre, mais bon, pas plus dune fois, sinon, 
        cest lanarchie. Le personnage principal, Jan Hache, veut se 
        suicider mais les démarches sont complexes. Ballottés de 
        bureau en bureau, à la recherche du coup de tampon sur telle ou 
        telle autorisation qui débloquerait enfin la situation, on fait 
        de curieuses rencontres. En plus son duplicata de procès-verbal 
        nest pas conforme, la faute à linspecteur de police 
        qui le récupéra après sa première tentative 
        de suicide, ratée et illégale. Pauvre inspecteur, cétait 
        lerreur de trop ; on ne badine pas avec la loi, le voilà 
        licencié. William Henne, très pince-sans-rire, attaque le 
        tout législatif tel quil simpose lentement à 
        nous en emboîtant les combinaisons doù naîtra 
        le message final : rationnaliser la liberté ne rend pas plus libre. La très originale approche graphique de lauteur rend encore 
        plus étrange et mystérieuse ce petit conte à lodeur 
        kafkaïenne qui savale un peu vite mais apporte une saveur intéressante.
 JP.
  
        William Henne  La poursuite64 pages  77 FF
 éditions La cinquième couche
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    |  |  | Le 
        roi de la piste
 
  Monsieur 
        Coin, palmipède expert comptable, est enfin en week-end, il va 
        pouvoir partir skier et faire le kéké sur les pistes. Il 
        y croisera un ours parieur et un curieux ermite des glaces qui cache bien 
        son jeu. On reste bouche bée devant le talent désinvolte 
        de Nicolas de Crécy qui continue de plus belle dans le monde 
        du livre pour enfants. Il nest bien entendu pas question de laisser 
        lexclusivité de la lecture de ce Roi de la piste au 
        petit dernier qui nen fera que deux bouchées baveuses. Surtout 
        ne pas se priver des grandes aquarelles aux couleurs fabuleuses de l'auteur 
        ni de son trait incroyablement élégant. De Crécy 
        semble en plus prendre bien du plaisir à lécriture 
        canaille de cette petite histoire pleine de péripéties. 
        La fabrication irréprochable de louvrage (en format à 
        litalienne) finira de convaincre que, décidément, 
        un livre de De Crécy ne se rate pas. JP.
  
        Le roi de la piste  
        Nicolas de Crécy48 pages - 95 FF - éditions P.M.J.
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    |  |  | La 
        boîte à chimères
 
  Suite 
        de rêves aux accents surréalistes prononcés, La 
        boîte à chimères révèle Didier 
        Progéas comme un auteur brillant et singulier. Refourguant 
        au vestiaire les vaines intrigues et les pucelles distractions, louvrage 
        décline un monde onirique aux écritures tant graphiques 
        que narratives riches et entraînantes. Le système graphique 
        parfaitement maîtrisé, lorgne vers la gravure, compose des 
        mouvements de lignes baladant le regard dune case à lautre 
        ; lécriture, parfois encore verte, sy savoure comme 
        un poème au ton un peu suranné, sagrippe au monde 
        des rêves. Cette boîte à chimères est 
        un petit ouvrage qui surprendra très agréablement les curieux 
        qui sauront le chercher (extrait). JP.
 Didier 
        Progéas  La boîte à chimères42 pages - 40 FF + 8 FF de port
 éd. La chose (9, Bld Voltaire 35000 Rennes  site 
        web )
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    |  |  | Black 
        hole
 
  Lhistoire 
        semble banale, le décor anodin. Une petite ville américaine 
        de province, le lycée, les bois alentours et les traditionnelles 
        confrontations à la vie de lycéens. Soirées acides, petites défonces et câlins timides, 
        incertitudes et volontés de transgression. Tous les ingrédients 
        sont là pour faire un bon soap des familles où abonderaient 
        les quiproquos et la honte journalière de jeunes mal dans leur 
        peau. Mais voilà, Charles Burns a lesprit tourné 
        du côté de David Cronenberg et de David Lynch, aime jouer 
        avec létrange, prolonge les peurs adolescentes et les concrétise 
        de façon cauchemardesque. Il cherche les symboles palpables pour 
        parler des problèmes de société et des grandes interrogations 
        tels la maladie, la différence, la tolérance et propose 
        des allégories horrifiques dans le plus pur style des E.C comics, 
        rejoignant ainsi un discours sur la bande dessinée comme mythe 
        populaire.
 Ainsi des quelques protagonistes de Black hole, victimes dune 
        épouvantable maladie (quils nomment eux-mêmes " 
        la crève"), louchant les thèmes chers à Cronenberg. 
        De soudaines difformités, allant de la mue intégrale de 
        la peau à lapparition dune deuxième bouche à 
        la base du cou, jusquà des acromégalies épouvantables, 
        les transforment. Rejetés par leurs familles et leurs amis, les 
        jeunes victimes se réfugient dans les bois sombres et blairwitchéen 
        des alentours de la ville, sortent la nuit pour se nourrir dans les poubelles. 
        Ceux dont linfirmité reste pour un temps discrète 
        tentent de garder une vie sociale, malgré la suspicion et font 
        le lien entre les deux communautés.
 Par son trait sombre, rigoureux et le calme déroulement de son 
        intrigue, Burns photographie de façon presque clinique la tranquille 
        vie provinciale pour mieux nous faire basculer, par la force des anachronismes, 
        dans le malaise. Réflexion sur la maladie (le sida) et ses séquelles 
        sociales (rejet et suspicion) ; approche transversale du corps (certaines 
        difformités prenant une dimension érotique) ; critique de 
        la bande dessinée mainstream américaine qui patauge dans 
        les mutations en cultivant le mythe du surhomme. Cest dans la plus 
        grande des sobriété narrative quil propose une Bande 
        dessinée riche et captivante, touchante et contemporaine. On se 
        réjouira même de laspect très cheap de lédition 
        française de cette uvre majeure, qui rajoute encore à 
        la pudeur de ce récit tout à fait hors-normes. Un indispensable.
 JP.
  
         Charles Burns - Black hole (3 tomes parus)64 pages  45 FF 
        - éd. Delcourt
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