Les auteurs
Paco Roca
Serguei Dounovetz

> Format 16,7x24 cm
avec rabats
> couverture bichromie

>ISBN 978-2-35212-055-1
> EAN 9782352120551
> 64 pages | Bichromie
> Prix : 13,00 Euros
Parution : 2 septembre 2010


EXTRAIT DE 10 PAGES
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L’histoire
Victoria est une adolescente de 17 ans d’origine Espagnole qui vit à Béziers. Très proche de ses racines, elle passe le plus clair de son temps de loisirs à la Colonie Espagnole, une très ancienne association installée dans un immeuble de la vieille ville. Elle y pratique la peinture, la danse flamenco et toutes sortes d’activités avec des jeunes gens de son âge. Parmi ses amis, il y a Adrien, qui n’est pas indifférent à sa beauté un peu sauvage. Victoria est une rêveuse et souvent son esprit part ailleurs.
Elle songe à toutes ces générations d’espagnoles qui sont passées à la Colonie depuis sa création en 1889, les premiers ouvriers agricoles à l’époque de l’épidémie de phylloxéra et des guerres Carlistes, les nombreux réfugiés de la guerre civile, issus de la retirada, jusqu’aux dernières générations qui ont fui le franquisme et à la famine.
Elle imagine les soldats Allemand, pendant l’occupation, qui jettent les livres de la petite bibliothèque par la fenêtre pour les brûler ensuite dans la cour.
Elle voit le drapeau nazi à croix gammée flotter sur la façade de l’immeuble de la Colonie Espagnole.

Si cette bande dessinée est une fiction, son contenu repose cependant sur des faits historiques qui se sont déroulés voilà quelques dizaines d’années. Sur l’échelle de l’Histoire, c’était hier.
De tout temps, l’être humain a cherché une vie meilleure. L’Eldorado des Conquistadors, pays où les espagnols pensaient trouver de l’or en abondance, est devenu, pour l’émigré du XXe siècle, un enfer ou tout au moins un purgatoire.
La Colonie Espagnole de Béziers qui apparaît dans ces pages existe réellement et fait partie de ces lieux où les immigrés espagnols venaient se réfugier dès la fin du XIXe siècle pour y trouver un peu de solidarité et de convi-vialité entre compatriotes. C’était un peu leur paradis. Dès les années 1880, la misère en Espagne aggravée par la crise du phylloxéra déclenchent la première grande vague migratoire vers la France . À la recherche d’une main d’oeuvre bon marché, les viticulteurs français recrutent des journaliers jeunes, en bonne santé mais surtout très pauvres, pour replanter les vignes.
Plus tard, lors de la première guerre mondiale, les espagnols vont travailler dans l’agriculture et l’industrie pour remplacer les français embourbés dans les tranchées. Par la suite, la guerre civile espagnole puis la victoire de Franco provoquent un second mouvement migratoire d’une ampleur jamais vue auparavant que l’on va désigner sous le nom de “Retirada”. Il ne s’agit plus d’immigrés économiques, comme auparavant, mais de réfugiés politiques qui partent non pour gagner leur vie mais pour la sauver.
Enfin, dans les années 60, une troisième vague migratoire déferle dans toute l’Europe pour pallier au manque de main d’œuvre bon marché des pays riches européens, d’une part et pour occuper une jeunesse espagnole sans travail et sans avenir, d’autre part. La Colonie Espagnole est ce lieu de rencontre de tous les mouvements migratoires : située à Béziers dans le dépar-tement de l’Hérault, cette association a joué, dans les méandres de l’histoire et joue encore un rôle essentiel pour une intégration réussie.
Comme Victoria, le personnage principal de la bande dessinée, tous les immigrés ont été tiraillés par leur envie de retourner au pays et continuer à vivre dans le pays qui les avait accueillis. Ce déchirement entre deux nations est le lot quotidien de beaucoup d’immigrés. Grâce à des associations comme la Colonie Espagnole de Béziers, l’immigré retrouve son pays, une partie de son identité ainsi qu’un équilibre psychologique qui lui permet de vivre épanoui.
Anne-Marie Sabatier