Chronique
sur le Zata
‘Temps mort’ débute sur les bancs d'une cité de Colombes
(92) où discutent deux potes. L'un raconte qu'il vient de perdre
son boulot après 12 ans de boîte et qu'il compte utiliser cette
rupture de temps imposée pour assouvir sa passion du dessin. Il
s'agit de Gilles Rochier, dans un exercice autobiographique.
Il nous raconte son parcours dans ce nouveau chapitre de vie.
On le voit construire sous nos yeux son projet autour de son quartier
et de ses habitants.
Le lecteur est placé en vue subjective, Gilles Rochier se dessinant
de dos, tout au plus de 3/4 arrière. Outre sa personne qu'il dévoile,
il livre des portraits de ses potes, des jeunes occupant le temps
au basket ou sur leur skate, des commerçants ou encore de sa famille.
Il est aussi bien l'observateur aguerri de son quartier que de
lui même. Il trouve le juste ton, la bonne distance ; loin des
clichés ; proche des gens ; avec une grande sincérité. Ses carnets
de travail, avec notamment une série de tags ‘Igor’, sont intégrés
à son récit, hors cases et teintés brun clair. L'ouvrage entier,
utilise d'ailleurs la bichromie, très réussie (bravo JP !), hors
mis un passage de deuil resté en noir et blanc.
Le lecteur refermera ‘Temps mort’ tout aussi secoué que l'auteur
dans sa dernière mésaventure. Ce temps n'a pas été vain, Gilles
Rochier mérite ses galons (sa veste le permet !) de dessinateur
humaniste.
[19 Juil. 08, Jean-Marc]
Chronique
sur June
Planetoïd
- Aaaah, la pléthore de trucs vécus/autobios/témoignages vibrants/autres
trucs relous qui n'en finissent plus de ne plus en finir... Eh
ben Gilles Rochier déboule là-dedans, et, mine de rien,
pose non pas une brûlure, ni même un flop, et encore moins un
top to bottom, non, rien de tout cela, rien qui ne dégouline,
rien qui ne tâche : juste un putain de bon bouquin.
A Colombes, Rochier se met en scène sans vraiment se mettre en
avant, laissant un point de vue à la manière d'une caméra filmant
en suggestif ; le lecteur partagera donc un moment de la vie de
cet auteur de 40 balais dont les exercices autobiographiques allaient
davantage flirter avec une déconnade sensible, mais souvent plus
"légère". Il y a parfois eu une certaine gravité dans ses
bouquins, parce que Rochier observe et décortique malgré-lui ses
semblables, et le constat peut être plus salé qu'il n'y paraît
à première vue...
Ses potes, le tiequar, les commercants du coin, le basket, sa
famille, le skate : Rochier dépose la Spaarvar ou la Krylon quelques
instants, et prend le temps de regarder le malaise, la vacuité
des choses, la sensation de vide autour de lui, le temps de s'approcher
de la dépression qu'il traverse. L'auteur esquinte gentiment les
acteurs de son quotidien, ne s'oublie pas lui-même, et font résonner
bien des choses pour qui a passé un peu de temps, ou une vie,
dans "un quartier". En fait, rarement on aura évoqué cet environnement
de vie de manière aussi concise et touchante, marrante aussi.
Rochier renifle le mec sinçère, j'avais déjà évoqué son boulot
notamment dans le cadre de ses "En vrac" ou de "Igor et moi",
et là, paf ! Grosse surprise. "Temps mort" est une très bonne
bande dessinée, tout en bichromie et en sinçérité. Big up, Gilles.